06.02.12 RFI – Luzolo Bambi : «de nouvelles pièces peuvent rouvrir le procès» des assassins de Kabila
A la question : qui a ordonné l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila, en janvier 2001 à Kinshasa ? Mwenzé Kongolo, l'ex-ministre de la Justice du président défunt affirme : « les coupables courent toujours ». L'actuel ministre congolais de la Justice, Luzolo Bambi, répond à son tour sur RFI. Le garde des Sceaux était en duplex de Kinshasa et répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Le dernier garde des Sceaux de Laurent-Désiré Kabila demande la réouverture du procès de ses assassins. Quen pensez-vous ?
Luzolo Bambi : Jai entendu sa déclaration. En tant que garde des Sceaux, jaimerais rappeler que la décision ayant été rendue par la Cour dordre militaire de lépoque, ayant été revêtue du caractère irrévocable, les voies de recours qui sont lappel et lopposition, la cassation même, ont été exclus. Il nest resté que la révision. On peut rouvrir un procès, si après condamnation, des nouveaux faits ou des nouvelles pièces établissent linnocence des personnes condamnées. Or, il ne me semble pas, à ce jour, que les conditions soient réunies pour que cette réouverture ait lieu. Cest pourquoi je pense que, judiciairement, il nest pas possible de revenir sur ce procès.
RFI : Alors vous dites quil faut quil y ait des faits nouveaux ou de nouvelles pièces. Mais justement, Mwenzé Kongolo affirme que depuis le verdict de 2003, on en sait beaucoup plus sur les principaux suspects, quils seraient à létranger. On parle notamment de lancien garde du corps Georges Mirindi, qui vit en Suède, et du diamantaire libanais, Bilal Héritier qui vit en Afrique du Sud ?
L.B. : Si cela est avéré, cest au parti de saisir, possiblement, la Cour suprême de justice. Mais on nen est pas là. Mais sil y a des demandes, ces gens-là peuvent essayer de les présenter auprès des juges compétents, pour quéventuellement, ce que le droit prévoit, (elles ) puissent être examinées. Mais à dire, affirmer, que simplement le fait quon ait identifié un autre présumé coupable, ne suffit pas pour estimer quune réouverture de ce procès est possible.
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RFI : « Parmi les trente condamnés à mort de 2003, il y a beaucoup dinnocents » dit Mwenzé Kongolo. Quen pensez-vous ?
L.B. : Je pense quil faut sen tenir aux voies de droit, pour essayer de faire en sorte que si le mal jugé a existé, quil puisse être corrigé.
RFI : Mais est-ce que lidée quil y ait des innocents en prison ne vous empêche pas de dormir quelquefois ?
L.B. : Pas du tout. Pas du tout, jai l'idée qu'il y ait des innocents. Mais dès lors qu'une décision est rendue, il faut bien savoir que la décision constate une vérité judiciaire. Sinon à côté, ça devient du sentiment et on cesse dêtre ministre de la Justice. Et donc, jinvite mon ancien collègue, prédécesseur, et même les personnes qui sont en prison, pour lesquelles je compatis à leur situation – ce nest jamais facile de rester longtemps en prison – au nom de la loi, le garde des Sceaux leur demande de se conformer aux procédures, parce que cest la meilleure garantie qui soit dans une démocratie. Le reste cest du sentiment.
RFI : Alors vous dites que vous compatissez. Parmi les condamnés, justement, cinq sont très malades : Nono Lutula, le général Yav, le colonel Mutindu, le capitaine Itongwa et Pascal Marigani. Quest-ce que vous pouvez faire pour eux ?
L.B. : Le régime de détention prévoit que les personnes qui ont des soucis de santé puissent être prises en compte, mais tout en demeurant dans létat de détention. Sauf si, au nom, justement, de ce traitement, quil faille les amener dans un cadre géographique autre que létablissement denfermement, dans le seul souci de pouvoir préserver leur santé. Il ne me semble pas quà ce jour en tant que ministre de la Justice, que jai été saisi par un cas de ce genre. Si ça arrivait, jaurai la réponse. Mais on nen est pas encore là.
RFI : Est-ce quune grâce ou une amnistie est possible ?
L.B. : Parlons de lamnistie dabord, parce que lamnistie est une mesure législative, alors que la grâce relève du pouvoir discrétionnaire du chef de lEtat. Sagissant de lamnistie. Nos amis avaient été exclus du bénéfice de la loi damnistie de 2003-2005. Sagissant de la grâce présidentielle, je ne peux pas, à ce stade, répondre à la place du président de la République. Ce que je peux indiquer, cest que, depuis quil dirige le pays, le président de la République Joseph Kabila a pris plusieurs ordonnances de grâce. Mais je note que cette mesure a toujours exclu des auteurs de crimes de sang.
RFI : Dans cette affaire, certains disent que le pouvoir a quelque chose à cacher et quil fera pression sur la Cour suprême de justice, pour que celle-ci ne révise pas le procès de 2003.
L.B. : En tant que ministre de la Justice, je ne peux pas accepter que les gens puissent faire cette allégation. Je crois en la conscience du magistrat, parce que cest avec la justice que notre nation peut être élevée.
RFI : Oui, mais franchement, est-ce que certains des complices de lassassinat de 2001 nexercent pas encore une certaine influence à Kinshasa et nont pas intérêt au statu quo ?
L.B. : Je dis, en tant que ministre de la Justice, que je ne connais pas cela, premièrement. Deuxièmement, je dis que ce nest pas possible.
RFI : Autre affaire très mal éclaircie : lassassinat du militant des droits de lhomme, Floribert Chebeya, à Kinshasa en juin 2010. Un premier procès a eu lieu lan dernier. Mais les familles de la victime disent que seuls les exécutants ont été condamnés et quil faut aller plus loin. Quest-ce que vous en pensez ?
L.B. : Cest leur droit le plus légitime. La justice congolaise na pas quelque chose de particulier à cacher dans cette procédure. Et donc, en premier ressort, une décision a été rendue. Maintenant, il faut attendre que la juridiction qui a été saisie en recours, puisse examiner ce recours. Et là, on est sur la voie de la solution, parce quune première décision judiciaire a été rendue, et dans le temps, une seconde sera assurément rendue. Je crois que dans laffaire Chebeya, ce nest pas mal, ce qui a été fait. Il faut comme vous le dites, faire plus pour satisfaire le besoin des victimes et de tout le monde dailleurs. Mais nous pensons que nous allons y arriver. Cest une question de temps.
RFI : Alors depuis que les parties civiles ont fait appel, la Haute cour militaire ne bouge pas. Est-ce parce que lancien inspecteur général de la police, le général Numbi, pourrait être jugé devant cette Haute cour ?
L.B. : Je ne sais pas vous répondre par rapport à ce point précis. Moi, je men tiens au principe. Je considère que le cas personnalisé de celui que vous évoquez, ne peut pas justifier la lenteur judiciaire, qui est une lenteur dusage, au Congo, en France, comme ailleurs, en Belgique.
RFI : Est-ce que le pouvoir attend la fin du sommet francophone prévu en octobre prochain à Kinshasa, avant de laisser sorganiser ce procès en appel ?
L.B. : Je ne sais pas vous le dire, je ne suis pas magistrat. Et il appartient à la Cour suprême de justice et à la Haute cour militaire, dévaluer les problèmes du moment sur le plan judiciaire et de faire en sorte que le chronogramme apaise la vie démocratique et nous permette daller de lavant.