20.02.12 Les Dépêches de Brazzaville – RDC – Martin Fayulu : « Les membres du bureau de la Céni doivent être poursuivis »
Les Dépêches de Brazzaville: Le recomptage des voix que propose lopposition nest-il pas utopique lorsquon sait que de nombreux procès- verbaux ont disparu ?
Martin Fayulu : Le pasteur Ngoy Mulunda et son équipe ont reçu mandat dorganiser les élections mais aussi de veiller à la conservation des documents y relatifs. À un moment donné, nous devons apprendre à respecter les valeurs universelles. La falsification dun document est punie pénalement. Sur un peu plus de 10 000 bureaux de vote recensés à Kinshasa, 2 000 procès-verbaux ont disparu, soit 20% non pris en compte dans lévaluation générale. Pour notre part, nous professons la vérité des urnes, cest-à-dire ce que lélecteur a exprimé comme suffrage réel, lequel doit impérativement résulter du verdict final. Le plan de sortie de crise que proposent les forces du changement est clair et sarticule autour de la nécessité de rétablir la vérité des urnes.
LDB : Comment alors contourner la difficulté ?
M.F. : Dabord, il faudra réconcilier les procès-verbaux et, une fois daccord, procéder au recomptage. Si cette opération savère difficile, on reprend les élections. Mais avant cela, il faut que les gens se parlent, que chacun apporte son cahier de charges, quil y ait des termes de référence etc.
LDB : Dans ce cas, inutile daller à la Cour suprême de justice…
M.F. : Cest juste pour se compliquer inutilement la tâche. Voyez le nombre des recours introduits. Près de deux tiers des députés élus sont contestés. Comment peut-on aller dans une assemblée avec des gens dont la légitimité est mise en doute ? Cela pose un sérieux problème de conscience, déthique, de respect des valeurs et de considération.
LDB : Des députés nommés voulez-vous dire ? Avez-vous des preuves ?
M.F. : Outre le nombre impressionnant des requêtes en contestation des résultats introduites à la Cour suprême de justice, le peuple na exprimé aucun ressentiment à la proclamation des résultats provisoires par la Céni. Il y a eu des bulletins de vote pré cochés et dautres qui sont entrés sur le territoire national le jour du vote et même au-delà du 28 novembre. En outre, 3 200 000 personnes ont voté par dérogation, soit 17% du corps électoral. Les procès-verbaux détenus par les témoins étaient en totale déconnexion avec les résultats affichés par la Céni. À cela sajoutent les pressions exercées sur le bureau de la Céni par les chefs des clans de la majorité présidentielle pour que les leurs passent au détriment des vrais élus. Nest-ce pas là des preuves suffisantes qui relativisent la légitimité des actuels représentants du peuple ?
LDB : Quelle est la part du bureau de la Céni dans tout cela ?
M.F. : Pour avoir occasionné et planifié la fraude électorale, nous exigeons à ce que les membres du bureau de la Céni soient traînés en justice. Ils doivent sexpliquer sur une série des préoccupations, notamment sur le déroulement des opérations denrôlement en précisant combien des cartes délecteurs et des bulletins de vote ont été commandés, utilisés ou non utilisés. Comment expliquer que sur les 51 députés élus de la ville-province de Kinshasa réputée berceau des forces du changement, ces dernières sen tirent avec dix-neuf seulement contre 32 issus du camp présidentiel ? Peut-on également justifier les 90% des voix obtenues par Joseph Kabila au Katanga au détriment dÉtienne Tshisekedi réduit à la portion congrue avec seulement 7% ? La Cour suprême de justice devrait aller jusque dans les détails pour corriger ces iniquités manifestes. Le nouveau bureau de la Céni qui succédera à celui de Ngoy Mulunda procédera au nettoyage du fichier électoral et à la reprogrammation des élections sur la base dun nouveau calendrier électoral. Il sera composé de sept personnes dont un président indépendant desprit, deux délégués de lUDPS, deux de la Majorité présidentielle et deux de la société civile.
LDB : Nêtes-vous pas embarrassé par la position dÉtienne Tshisekedi invitant les députés de lUDPS à ne pas siéger au Parlement ?
M.F. : Pas du tout. Le président Étienne Tshisekedi est resté logique avec lui-même. Au sein de la Dynamique Tshisekedi président, nous le soutenons totalement. Ne pas reconnaître cet appel, cest se voiler la face. Il faudra, dès lors, chercher à trouver la solution avec lui et non en dehors de sa personne. Lhistoire des hommes est faite des temps difficiles mais aussi de dialogue. Si à lintérieur, nous sommes incapables de trouver la solution, il faudrait alors recourir à une médiation internationale indépendante.
LDB : Comment entrevoyez-vous lavenir de lEcidé ?
M.F. : LEcidé est un parti politique à caractère national qui a fait dénormes progrès. On nous a dérangés un peu partout. Nous avons introduit des requêtes à la Cour suprême de justice pour six ou sept circonscriptions électorales où nous étions partie prenante. Nous étions très bien classés à Rutshuru, à Lubero, à Mweka, à Mbuji-Mayi, à Kabinda, à Tshela et ailleurs. Si les élections sétaient déroulées librement, lEcidé pourrait se prévaloir aujourdhui de pas moins de quinze sièges à son actif. Mais hélas !
Propos recueillis par Alain Diasso