25/02/12 La Libre – "Il y a le pouvoir et puis, il y a le peuple congolais"

Le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a annoncé qu’il comptait se rendre au Congo fin mars. Est-ce une bonne idée ?

 

 

Il y a le pouvoir et puis, il y a le peuple congolais. Et je pense que
pour le pouvoir en place, ce serait une mauvaise décision que de s’y
rendre, parce que c’est prendre acte du vol de l’élection, tant lors du
scrutin présidentiel qu’aux législatives. Par contre, pour le peuple
congolais, qui n’a pas les dirigeants qu’il mérite, il ne faut pas le
laisser tomber. Dans ce cadre, des rencontres entre des responsables
politiques belges et la population sont évidemment importantes pour bien
leur montrer que la Belgique est toujours à leur côté et qu’on ne les
laisse pas tomber. Il faudrait d’ailleurs que le ministre des Affaires
étrangères ait le courage de la fermeté. Tous les éléments sont
concordants pour montrer que Kabila a volé les résultats de l’élection
présidentielle. La disparition des bulletins de vote, le nombre de votes
incertains, les doubles ou triples inscriptions démontrent que ce n’est
pas la bonne personne qui est à la présidence du Congo.
Kabila n’est pas fréquentable et Reynders ne devrait pas le fréquenter.
D’ailleurs, le ministre des Affaires étrangères avait dit qu’il n’irait
au Congo après les législatives
que si le processus électoral était plus transparent. Je suis surpris de
voir, alors que tous les observateurs ont constaté que les mêmes
fraudes massives se sont répétées, que Reynders décide quand même d’y
aller. Mais s’il y va, ce devrait être avec un message clair et ferme
tant vis-à-vis du pouvoir en place que vis-à-vis de la population.

On sait le rôle que joue la Belgique dans la communauté
internationale à propos du Congo; vous pensez donc qu’il s’agit d’un
mauvais signal ?

C’est dans le même ordre d’idées que la lettre malheureuse que le
Premier ministre a envoyée il y a quelques semaines à Kabila où on a
l’impression effectivement que la Belgique s’incline par rapport aux
résultats de l’élection. Il est évident que la Belgique est un pays qui
compte dans ce domaine, et qu’une reconnaissance de sa part sera
évidemment exploitée par le pouvoir congolais.

L’Europe et la Belgique en particulier doivent-elles quand même continuer à financer les processus électoraux au Congo ?

Plus que jamais, l’Europe et la Belgique doivent continuer à soutenir le
Congo, en tout cas le peuple congolais, pour financer des élections
transparentes. Il y a quand même eu un gros problème qui s’est posé avec
les observateurs belges qui ont assisté aux élections et qui sont
rentrés de manière totalement prématurée en osant dire que tout s’était
bien passé et qu’ils n’avaient pas vu de fraude. A partir du moment où
on part quasiment avant la fin du scrutin, on n’est plus en droit de
cautionner ou non un processus électoral. Soit on va comme observateur
et on fait son travail jusqu’au bout, soit on reste ici.

Selon vous, la situation des droits de l’Homme s’est-elle améliorée ces dernières années ?

Il y a un pouvoir qui dérive vers une dictature, et une telle évolution
se fait toujours au détriment des droits de l’Homme. Quand on entend les
Congolais, la situation des droits de l’Homme est très inquiétante avec
les actions du pouvoir, tant pour assurer sa réélection que pour
assurer son impunité.

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