1928 – 1960: LEssor du Congo, pionnier de lédition africaine
Le 8 mars 1928, Jean Sepulchre, un ancien administrateur colonial belge, fondait lhebdomadaire LEssor du Congo à Elisabethville (future Lubumbashi). Si LEssor du Congo
est parfois cité pour ses activités de presse, la société est cependant
bien moins connue en tant que maison dédition. Il est donc important
de rappeler que les Éditions de LEssor du Congo constitueront une des
toutes premières entreprises éditoriales dAfrique. LEssor éditera des
ouvrages bien avant la création de la Société Nationale dÉdition et de
Diffusion (S.N.E.D.) à Tunis (1962), ou que les Éditions CLE de Yaoundé
(1963).
LEssor du Congo
profite, dès 1929, de la mise en place des premières linotypes
dAfrique Centrale (à lImprimerie Belgo-Congolaise de Lubumbashi) pour
amorcer son activité déditeur. Cest alors le linotypiste Joseph Vroman
qui en assure limpression. Le premier ouvrage sort de presses, il
sagit de La politique des Missions Protestantes au Congo du père Jean-Félix de Hemptinne (alors vicaire apostolique du Katanga).
En mai 1931, à loccasion de lExposition Internationale
dElisabethville, les Éditions de LEssor du Congo publient un album,
dans lequel figure notamment lessai Perspectives sociales et politiques, de J.F. de Hemptinne.
Mais
cest véritablement la décennie 1940-1950 qui signifie lavènement
éditorial de LEssor du Congo. A partir de 1945, plusieurs facteurs
favorisent lévolution de la presse et des publications au Congo Belge.
Nous nous situons dans le contexte de la conférence de Brazzaville (6
février 1944), les ordonnances contraignantes de la presse sont abolies
en 1946, et les syndicats professionnels pour les travailleurs congolais
sont alors autorisés (émancipation du 10 mai 1946). Le taux de
scolarisation progresse rapidement à cette période, avec une croissance
annuelle de lordre de 6 % dès 1946.
Antoine Rubbens édite Dettes de guerre en 1946 aux Éditions de LEssor. Il sagit dune compilation darticles publiés entre 1944 et 1946 dans lhebdomadaire LEssor du Congo. On y trouve, par exemple, deux articles de P. Tempels : « La philosophie de la rébellion » et « Le travail des prolétaires ».
La
maison accroit ses activités à partir de 1946 : Pierre Romain Desfossés
publie cinq nouvelles africaines « tirées dun journal de route » sous
le titre Dans les jardins de Cham et des Congolais sont peu à peu intégrés au catalogue : en 1947, Antoine-Roger Bolamba publie Premiers essais, recueil de poésies préfacé par Olivier de Bouveignes, en 1949, cest un ouvrage sociologique que A.R. Bolamba édite : Les problèmes de lévolution de la femme noire, suivit par Antoine Munongo et ses Pages dhistoire Yéké.
Toujours en 1949, Évariste Kimba (futur premier ministre de la
République Démocratique du Congo sous la présidence de Joseph Kasa-Vubu)
édite plusieurs de ses écrits politiques.
Au début des années 1950, Jean Sépulchre fait appel à son cousin, Marc Mikolajczak, pour le seconder à LEssor du Congo. Léon Debertry publie en 1953 Kitawala,
un roman. En 1954, alors devenu directeur, Mikolajczak associe Évariste
Kimba aux activités de la maison, qui oriente son catalogue vers une
édition rigoureusement politisée et tournée vers lindépendance
congolaise. Seront édités successivement Propos sur le Congo politique de demain : autonomie et fédéralisme de Jean Sépulchre (1958) et Mes opinions sur les problèmes du Congo pré-indépendant dÉvariste Kimba (1960).
LIndépendance du Congo, le 30 juin 1960, signifie la vente de la
société à des Congolais qui changent son nom, après la séparation
katangaise (11 juillet 1960), en LEssor du Katanga, à partir du 1er janvier 1961.
Ceci sonne la disparition des Éditions de lEssor, qui laissent
derrière elles un catalogue ayant su évoluer dune édition coloniale
vers une édition locale et katangaise, de la religion vers la politique,
sans ignorer le roman, la nouvelle, lessai ou la poésie.
R.T. pour EditAfrica, le 15 septembre 2011