De la résolution des conflits dans la tradition nande
I. Notion des conflits
1. La sociabilité préventive des conflits
Pour permettre à lindividu de bien sépanouir dans la société dont il doit se sentir solidairement membre, il faut arrêter certaines dispositions nécessaires pour prévenir lincompréhension ou tout risque de conflit. Il sagit, chez le peuple qui nous intéresse, dadopter les attitudes les plus appropriées et très souples face aux sollicitations négatives de la part dun environnement difficile, antagoniste ou éprouvant [1].
Les anthroponymes évoquent alors le respect de la hiérarchie, léventualité permanente de ladversité entre familiers, le pardon dune offense flagrante :
– Sibalingana (nom donné soit aux filles ou aux garçons) « ils ne sont jamais égaux » sous-entendu (abandu) « les hommes ». Ce constat reconnaît le bien fondé de la hiérarchie au sein du groupe et apparaît comme une évidence naturelle : impossible de se retrouver au même rang ou de se comporter tous de manière identique.
– Sibenda (F+G) littéralement. « Ils ne se cherchent pas, ne saiment pas » sous-entendu (abasabasa) « les mêmes ». Entre familiers, lon doit sattendre de temps en temps à des frictions dont il ne faut pas exagérer la portée.
– Kinahwa (G) »…doit être terminé « sous-entendu (ekinywa) »Une parole conflictuelle, une offense, un problème, quelle quen soit la dimension, doivent être tus pour laisser la place à des projets de construction.
Le message quapportent ces noms est purement éthique, cest-à-dire demande un effort sur soi de la part de chaque interpellé afin que le garde-fou puisse jouer pleinement son rôle. Et le mérite nen est que plus grand pour le peuple qui suit ces conseils.
Les qualités individuelles ainsi que les vertus sociales sont à cultiver pour diminuer lapparition de conflits au sein dune communauté.
Lanthroponymie contribue à cette facilitation des relations sociales et exalte en amont comme en aval la palabre constructive qui ne peut rien négliger. Dans cet effort pour mettre de leur côté toutes les chances de contribuer au bonheur des leurs, les Nande ne sarrêtent point là car la tâche serait incomplète. Ils sollicitent abondamment le concours de la nature, cette autre pierre angulaire de lexistence humaine.
2. La guerre
Tous nos informateurs affirment navoir jamais connu de guerre inter-village ou inter-clanique en pays Nande. Les plus vieux disent navoir entendu parler, dans leur jeunesse, que des expéditions antérieures à leur naissance organisées par le « Mwami » bihya des « Baswagha » pour tenir en respect les Bapiri qui faisaient des incursions sur le flanc ouest de sa collectivité-chefferie. Le colonisateur convaincra tout le monde de se tenir tranquille pour ne pas être obligé de sévir contre le récalcitrant. Depuis pratiquement 1930, ou peu avant, le pays Nande connaissait la paix, soutiennent nos informateurs.
Ceux-ci ont toutefois donné des anthroponymes évoquant la guerre, sans doute tirés du bagage que leur ont légué leurs parents mais dont nos contemporains se servent pour régler des conflits mineurs au sein de la famille :
– « Músáyi » (F+G) : « le fuyard » ;
– « Nzáyi » (F+G) « le provocateur » qui fait fuir son antagoniste ;
– « Ndibito » (F+G) « la course », la fuite.
Peuple pacifique, les Nande préfèrent la politique de la terre brûlée à une confrontation directe aux conséquences incalculables. Cette philosophie déviter la guerre à tout prix donne lieu à lattitude de fuite que transpirent les anthroponymes ci-dessus. Ce qui nest pas du goût de chaque membre de ce groupe ethnique comme en témoignent les deux noms qui suivent.
– « Mátûmo » (G+F) « des lances » rappelle en fait les armes traditionnelles ;
– « Ngàbo » (G) « le bouclier » rappelle la guerre mais surtout le moyen de se défendre.
La guerre apparaît à travers les noms Nande sous une forme brumeuse, maussade, négative invitant à la répulsion. Il faut la fuir et dénoncer son initiateur.
Beaucoup de noms Nande invitant à la tolérance et à lamour, dans un environnement certes conflictuel, sont mal interprétés. Certains locuteurs du Kiyira (la langue des Nande et des Konjo) croient y déceler le fatalisme ou lapathie de leurs auteurs qui ont souffert des injustices [2].
Bien au contraire, estimant que la colère est mauvaise conseillère et source de dérèglements de tous ordres, la sagesse Nande recommande la tolérance et lamour comme solution à divers conflits au sein du ménage et de la famille étendue :
– « Syághalirwâ » (G+F) « il nentre pas en colère » sous-entendu/omundumundu/ « une personne digne » doit éviter la colère, conseille-t-on aux couples, aux chefs de famille et aux responsables en général.
– « Mutágalirwâ » (G) « qui nentre pas en colère » est tolérant et plein damour, doit reconnaître lépouse, le mari ou tout autre membre de la famille.
– « Sekeràbiti » (G+F) « ris aux assassins » autrement dit « contre mauvaise fortune, fais bon cœur » ou « rends le bien pour le mal » quoiquil arrive, conseille le sage.
– « Kalêgesania » (G+F) « qui cajole », un esprit diplomate cultive lamitié et est prêt à patienter, à souffrir certaines contrariétés de parcours.
– « Lwanzólukulia » (G+F) « lamour fait grandir » et récompense son homme, conseillent les familiers. Cest une ouverture vers des horizons nouveaux et tous azimuts, un investissement gratuit.
La tolérance et lamour renforcent la paix au sein du couple et dans la famille étendue. Ils constituent lune des principales clés de la réussite.
3. Lesprit dentente
Une bonne famille doit se caractériser par lesprit dentente. Ne dit-on pas souvent que les linges sales se lavent en famille ? La famille demeure justement le creuset de toute solution à chaque problème posé. A la moindre alerte, quil sagisse dun conflit ou dun besoin matériel, il faut la consulter. Pareille sollicitude plaît beaucoup aux familiers. Ceux-ci rivalisent alors déloquence pour trouver des noms conséquents aux enfants du « frère sage » ; ils exaltent lunité et la solidarité retrouvée :
– « Byákitunga » (G) « appartenant à la famille » sous-entendu/ebinywa/ « le problème » ou /ebindu/ « le patrimoine » en guise de conseil pour tempérer des velléités dinsubordination à la famille étendue.
– « Byákuno » (F+G) « …problèmes internes », solutions internes.
– « Kikúndo » (G) « gros nœud » symbolisant lunité parfaite qui garantirait la force et la résistance face à une éventuelle prédiction de lextérieur.
– « Kunahimbire » (G) « Il est en fait bien bâti » sous-entendu/kulya/ « ce village-là » qui rayonne et dont la réputation émane de son organisation ou de lentente parmi ses habitants.
II. Modes de résolution des conflits
Le conflit nous est tellement quotidien, habituel que nous ne létudions pas. Il nous paraît évident, normal, inévitable. On peut dire, et cela est vrai, que le conflit fait partie intégrante de notre vie. En interrogeant même lhistoire la plus vieille de lhumanité, les conflits ont toujours existé et cela dans tous les domaines : philosophique, économique, juridique, politique, social,…
Depuis toujours, lhumanité vit avec le conflit. Il suffit que deux hommes soient en présence pour quil apparaisse. Dès les origines, la société a naturellement cherché à lutter contre le conflit, sans jamais parvenir à le chasser définitivement. Sans nul doute, lon comprend tout de suite que le conflit est aussi vieux que lhumanité.
A ce niveau, une question peut être posée. Quest-ce finalement que le conflit ? Il nest pas facile de contenir le concept conflit dans une définition qui satisfasse tout le monde. Cela est une entreprise difficile et fallacieuse. On peut se demander si le conflit nest pas une bagarre, une mésentente, une violence, une menace. Quimporte ! Ce nest pas cette guerre de mots qui nous intéresse. Sils peuvent être des synonymes, cela nous arrange. Mais si lun est différent de lautre, nous ne cherchons pas à connaître le sens de chaque mot. Lessentiel, cest de tenter de définir le conflit.
En effet, le conflit est une différence de compréhension entre deux ou plusieurs personnes. Partant, il y a un conflit lorsque deux ou plusieurs personnes ne sentendent pas entre elles, lorsquelles sont opposées lune à lautre. Et cela dépend surtout des intérêts divergents. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue quon peut être en conflit avec soi-même. Cest là une situation psychologique.
Tout le monde le sait, à la différence des bêtes, lhomme est toujours en quête du mieux-être ou du mieux vivre. Il nest, si pas impossible, du moins difficile de vivre heureux sans la paix. Or, avec les conflits, la paix est absente.
La résolution des conflits occupe une place de choix dans la vie de lhomme. Inutile peut-être de le rappeler, les conflits ne sont pas dune même ampleur. Il y en a qui pèsent plus que dautres. Les uns sont bénins, les autres sanglants. Il est donc logique que les mécanismes de résolutions puissent différer selon quon a affaire à un conflit léger ou un conflit lourd.
A cet effet, il ne nous semble pas superflu de mettre en exergue le mode de résolution des conflits dans le passé Nande.
1. Avant la colonisation
Nous lavons déjà dit, les conflits pèsent différemment dans la balance et sont logiquement résolus selon le cas en présence.
En effet, il serait surprenant quon inflige la même sanction à quelquun dont les bêtes, en divagation, ont été attrapées quà celui qui aurait tué une personne. Cest dans ce sens quil existe dans la tradition nande des conflits légers et des conflits lourds (sanglants).
Dans ce travail, nous nous intéresserons plus aux conflits lourds quaux conflits légers. Toutefois, il nest pas exclu que lon dise un mot sur le mode de résolution de conflits légers. A titre illustratif, il y a lieu dévoquer le cas dune bagarre entre époux ou entre les enfants de familles différentes. Dans lhypothèse où cette bagarre dégénérait presque en conflit éternel, la famille ou les familles pouvaient siéger pour repérer le coupable. Une fois connu le coupable, le « Kasyakulu » (le conseil de sages) fixe le « Mbanulo » (dédommagement) à lendroit dudit coupable. Cétait généralement une poule et une petite calebasse de jus de banane (Kasikisi). En outre, dans le cas où il était établi une culpabilité dans le chef de chaque antagoniste, le « Mbanulo » était payé par tous, bien entendu selon le degré de culpabilité. Le « Mbanulo » pouvait être pris comme repas fraternel en guise de réconciliation. Après ce bref excursus sur les conflits légers, parlons à présent des conflits lourds.
Au Bunande, étaient considérées (le sont encore aujourdhui) comme fautes lourdes, celles qui portaient atteinte à la moralité, à la vie de lhomme (meurtre) et aux biens dautrui.
– En cas dassassinat (Ovwiti)
Lauteur de cette infraction était condamné à payer une « femme » dans le sens d « omukali » sans nécessairement tenir compte de son âge, pourvu quelle ne fût pas encore mariée, plus 5 chèvres. On acceptait même un tout jeune enfant, du moment quil était de sexe féminin.
Il y a lieu de supposer quon préférait la fille au garçon parce que cette première mettra un jour au monde le remplaçant de celui qui fut tué par les membres de la famille amendée.
– En cas dempoisonnement (Obuti)
Le Munande distingue les esprits plus ou moins bienveillants à son égard et dautres nayant quune envie, celle de lui faire du tort (nintervenant guère dans sa vie personnelle). « Toute manifestation naturelle physique, météorologique, ou même chimique pour laquelle le primitif ne trouve pas aussitôt dexplication, est attribuée à laction dun esprit. Sont exclus, les événements néfastes plus ou moins personnels comme les maladies, la mort, parfois la stérilité,… . Ceux-ci sont invariablement attribués à lintervention maléfique dun « muloyi», sorcier, le mauvais œil [3]. La peine était analogue au cas dassassinat. Si le sorcier (empoisonneur) persistait dans le mal en faisant mourir dautres personnes après, il était alors chassé du village avec sa famille (e rimusambulisya ou e rimuhisya), on détruisait sa case.
– En cas de vengeance (erikisha)
Il était défendu aux membres de la famille de la personne tuée (soit par assassinat, soit par empoisonnement) de brûler la hutte de lennemi ou de percer dun coup de lance le mur de cette hutte. Mais on pouvait semparer de ses biens si on ne parvenait pas à le tuer lui aussi.
– En cas de vol (O bwibi)
Tout vol ou toute tentative de vol étaient sévèrement châtiés. Aussi le voleur était-il torturé de toutes les manières. On lui arrachait tantôt les ongles des doigts, tantôt on flagellait ses doigts et on lui coupait souvent la main droite. Quand le voleur se montrait incorrigible, on lamenait chez son oncle maternel pour le corriger. Dans le cas où celui-ci narrivait pas à len détourner, il était obligé de le remettre chez son père ensuite, ils décidaient ensemble de le tuer. Une fois la décision prise, les hommes se saisissaient du voleur, lui attachaient des feuilles sèches de fougère, (e vihita ou e vivalevale) ou de bananier (e syondere). Après lavoir ainsi emballé, son père et son oncle maternel mettaient le feu à leur enfant qui mourait aussitôt brûlé vif. Il arrivait quaprès le constat dun vol, lauteur restait inconnu : il ne voulait pas se dénoncer malgré les multiples appels de la population. Quelques sages des environs tenaient alors un conseil pour décider de son sort. Après quils eussent lancé un avertissement solennel à tout le public, le sacrificateur allait immoler (tuer) une poule (e ritwengoko) dans un vuhima (lieu où se fait le sacrifice) pour implorer le dieu Kihara qui châtie les voleurs. Et le coupable ne tardait pas à mourir. Cest là le sort qui était réservé aux voleurs !
– Ladultère
Ladultère comme les autres fautes citées ci-haut était un fait grave. Celui qui était accusé du chef de ladultère était condamné à payer sept chèvres et lépoux ne pouvait reprendre sa femme quaprès ce paiement. En cas dexagération lon était considéré comme « Mukumbira » (paria) et lon devait être chassé du village ou encore subir le « Musangowemalio ». En fait, cette pratique consistait à lier les pieds et bras de lauteur de linfraction dadultère et on le mettait sur un étalage en dessous duquel on déposait les feuilles mortes de bananier que lon brûlait aux fins dasphyxier la victime.
2. Pendant la colonisation
Avec larrivée du colonisateur, on a assisté à un bouleversement des modes de résolution des conflits. Il faut le dire, ce changement est certainement lié à certains faits : à cette période, il y a deux cultures différentes qui entrent en choc. Naturellement, ce choc a entraîné létouffement de la culture dite indigène. Cette rencontre, avec toutes les conséquences quelle comporte, fait désormais partie intégrante de notre histoire. Autrement dit, le Nande actuel est ce que lOccident a fait de lui. Ceux qui étaient investis du pouvoir de vider les conflits se sont vus vite muselés et écrasés par lautorité occupante qui les sous-estimait. La modernité a imposé la primauté de sa voix au chapitre et a relégué les traditions africaines dans le silence de la marginalité. Bimwenyi Kwechi sinscrit dans cette veine lorsquil écrit : « Désormais sans auditoires, les vieux sages séteignent lun après les autres, comme des étoiles tremblotantes dans le ciel escaladent »[4].
Quil sagisse de la philosophie, de la croyance, du mode de vie, des façons de trancher les litiges, il fallait aller dans la ligne du plus fort, cest-à-dire du colonisateur. Bref, tout a été ébranlé.
De ce qui précède, on peut affirmer sans ambages que deux castes nettement différentes étaient mises en présence et subséquemment la justice était rendue selon le gré des étrangers. A titre illustratif, ce cas nous semble dune éloquence particulière : traditionnellement, en cas déchange de coups ou de paroles méchantes entre individus, on pouvait trouver une solution pacifique par des mots simples comme « volovolo , koko, avandu sivaliyira vatya, ninaki kwe, mutulere ». Ce qui veut dire littéralement « doucement, assez, on ne fait pas ça, quest-ce qui se passe, calmez-vous ». En guise de réconciliation, les parties pouvaient soit se serrer la main, soit se partager le « kahanda » (verre de vin de banane), soit payer le « mbanulo » (dédommagement selon le degré de gravité du préjudice). Lexemple ci-dessus nous fait clairement voir quà chaque individu était reproché son erreur.
A contrario, sous le régime colonial, avec toutes ses implications, si jamais un indigène entrait en collision avec un autre ou avec un étranger (blanc) seul le nègre était soumis aux sévices.
A nen pas douter, lhéritage traditionnel combien réconciliateur tombe ici à moule et lindigène a été amené à soublier (oublier son identité). En effet, dans cette situation dramatique, daucuns peuvent se demander, non sans raison sur quelle mamelle nous sommes accrochés.
Cette interrogation peut en susciter beaucoup dautres telles que : quelle est notre identité, quelle est notre originalité ?
A bien y regarder, lindigène nest pas tombé dans un défaitisme du genre : « il ny a plus rien à faire. » Comme dirait un Nande « tuyireke », « sihakiri ekierikola valume », laissons faire, il ny a plus rien à faire, chers sujets. Ce fut alors pour lindigène le courage de sévertuer dans la recherche, la prise de conscience, la revendication de ses droits, de son égalité, de sa liberté culturelle, de sa libération de lhégémonie coloniale, etc. Le Nande a donc compris quau lieu dexercer un effet de paralysie pour laction, ces confrontations sont appelées à être dépassées. Toute existence, quelle quelle soit, sarticule sur deux pôles : la crise et la création. Autrement dit, la crise ninhibe pas le potentiel de créativité. Comme moment de crise pour le Nande, la colonisation occidentale na pas anéanti son pouvoir dêtre, sa capacité de penser et sa capacité dagir. Les moments de crise sont des moments de créativité et dauto-détermination. Ainsi souvre la phase de la décolonisation.
3. Après la colonisation (décolonisation)
LIndépendance en République Démocratique du Congo na pas été comprise de la même manière par tous les Congolais. La plupart dentre eux, attachés à leurs traditions, ne se sont pas beaucoup tournés vers les modes de résolution des différends, adoptés par le nouvel ordre politique. Néanmoins, lexpérience de la colonisation leur avait donné le goût de recourir à la manière judiciaire de résoudre les conflits. Chez les Banande, la réalité demeure la même.
Cependant, il existait des contentieux qui nétaient pas prévus dans la législation daprès la colonisation, puisque nétant pas en droit écrit.
Cest le cas de la sorcellerie. Ici, les Banande recherchaient la solution auprès de leurs chefs ou se rendaient justice sans le prévenir, en chassant le muloyi (le sorcier) et en démolissant sa maison.
Le Nande, étant un homme qui recherche lunité et la concorde dans sa communauté, na pas supprimé le système de la palabre. On préférait résoudre les problèmes par le dialogue entre les parties en conflit. Le système dédommagement (eri hanula) navait pas changé. En plus le système de "eri hanula" a complètement désorienté certains Nandes du fait que le plus fort lemportait sur le faible. Les terres seront spoliées et des villages vidés de leurs habitants au profit de certains individus protégés par la nouvelle loi. Alors que chez les Nandes la « terre est une propriété collective », selon la nouvelle justice la terre est une propriété privée.
4. Perspectives pour demain
Du panorama qui vient dêtre fait dans les pages précédentes, il nest plus, en fait, ignoré que la justice dans la tradition nande était sévère, parfois brutale, mais rapide. Contrairement à la façon européenne de rendre la justice qui, du reste, domine aujourdhui le bunande avec tout ce quelle a dû entraîner comme conséquences, lorganisation traditionnelle nande de rendre justice était beaucoup plus souple. Elle vise à lharmonie sociale, à cimenter les relations sociales étant donné que sa visée première est la réconciliation. En fait, laccent particulier était mis davantage sur la réconciliation que sur les frais de dédommagement. Ce dernier nétait que symbolique. Aujourdhui, cette souplesse a donné place à la lenteur qui a pour conséquences la vengeance privée, lencombrement des tribunaux par des litiges, etc.
Ironie du sort, ceux qui pouvaient encore actuellement être les gardiens des valeurs traditionnelles ont tendance à entrer dans la danse occidentale. Ceci est un danger qui guette les Nande. Il est vrai que le Nande na plus ses deux pieds plantés dans la tradition au point quon veuille quil y fasse sans cesse recours. Cependant, il savère que le droit écrit (hérité du colonisateur) na pas enveloppé en totalité la tradition nande. Certains faits (contentieux), pourtant vrais, ny sont pas interprétés. Il aurait été souhaitable que les deux fassent corps, quon recherche dans la tradition mais aussi dans le droit écrit ce qui est adapté à notre milieu.
[1] Kamalatsiko, La palabre familiale à travers des noms des personnes : Etude socio-culturelle des quelques anthroponymes Nande, Mémoire Inédit, Bukavu, 1995-1996, p. 40.
[2] Kamalatsiko, op.cit, P.59.
[3] Bergmans, Les Wunande, Tome II, Croyances et pratiques traditionnelles, Ed. A.A.B., Butembo, 1971, pp. 10-15.
[4] Bimwenyi Kwechi O., Discours théologique négro-africain. Problème de fondement, Présence africaine, Paris, 1981, p. 379.