Une étrange coopération entre les Pays-Bas et lEst du Congo ! ( Honoré Musoko)
Mais pour de raisons qui restent à édifier, le royaume
des Pays-Bas a choisi de déroger à cette règle concernant sa coopération au
développement en République démocratique du Congo. Dans un communiqué du
ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas publié le 3 avril 2012 il était
annoncé la tenue dun séminaire sur le plan pluriannuel pour la coopération au
développement des Pays-Bas en Afrique. Organisé en collaboration avec la
fondation Netherlands-African Business Council (NABC), le séminaire avait pour
but de donner des informations utiles aux entreprises intéressées sur la
situation du Ghana, de lÉthiopie et de la région des Grands Lacs. Énumérant
les pays composant cette région, le communiqué indique le Burundi, le Rwanda,
lOuganda et lEst du Congo. Comme il fallait sy attendre, lindication de
lEst du Congo comme faisant partie de la région des Grands Lacs na laissé la
diaspora congolaise des Pays-Bas indifférente. Plusieurs correspondances ont
été adressées au ministre compétant par quelques personnalités et quelques
organisations, notamment le RCK, Lisanga, Talentueux et Justice Plus, pour
exprimer leur préoccupation et chercher à comprendre le pourquoi de cette
démarche. Réagissant aux questions lui adressées, le ministère indique que la
coopération au développement de la Hollande en Afrique passe par deux volets :
un partenariat bilatéral avec 10 pays, et la RDC ne figure pas sur la liste, et
une approche régionale, notamment avec la région des Grands Lacs. Pour ce
dernier cas, les Pays-Bas disposent dun plan pluriannuel en matière de
coopération au développement pour lOuganda, le Rwanda, le Burundi et lEst du
Congo. Ils soutiennent ne pas considérer lEst du Congo comme un pays à part.
Des informations crédibles et vérifiées sur le terrain par les membres du RCK,
il nous revient que le séminaire a été reporté à une date ultérieure et on
ignore pourquoi. Toutefois des interrogations subsistent :
1. Pourquoi citer lEst du Congo comme faisant partie de la région
des Grands Lacs alors que la RDC est officiellement membre de lorganisation
regroupant les pays de cette région ?
2. Étant donné quil nexiste pas de partenariat bilatéral entre
les Pays-Bas et la RDC dans le domaine de la coopération au développement alors
que tel partenariat existe à légard du Burundi, du Rwanda et de lOuganda, qui
sera linterlocuteur des Pays-Bas quant à lapplication de son plan de
coopération concernant lEst du Congo ?
3. Lorsque lon sait que lEst du Congo est une vaste région
comprenant plusieurs entités (régions, villes, territoires et collectivités)
sans représentation juridique commune, et que lexécution dun plan de
développement implique nécessairement laccomplissement dactes juridiques
valables, par quel mécanisme sera exécuté ce plan ?
A ces questions on pourra ajouter dautres. Mais le plus important cest
de relever le caractère étrange de cette démarche dans un contexte géopolitique
aussi complexe. Il nest un secret pour personne que linstabilité que connait
lEst du Congo est principalement liée aux ambitions hégémoniques de certains
États voisins et à lexploitation illicite des ressources naturelles au profit
des multinationales occidentales. Le Rwanda na jamais fait mystère de ses
prétentions territoriales sur lEst du Congo, partie quil contrôle par
lentremise des groupes armés en collaboration avec le pouvoir de Kinshasa.
Ayant crée et soutenu des groupes armés à lEst du Congo, lOuganda soctroie
le droit de faire des incursions périodiques en RDC sous prétexte de traquer sa
rébellion outre lexploitation des gisements pétroliers congolais sans
contrepartie. Dès lors, comment comprendre que les Pays-Bas qui nignorent pas
ce contexte conçoivent un plan de coopération au développement impliquant le
Rwanda, lOuganda et lEst du Congo sans la RDC ? Jetant un regard vers le
passé, il nous revient de signaler le Royaume des Pays-Bas a en projet (depuis
2006) louverture dun consulat à lEst du Congo. Un ancien fonctionnaire de
lambassade de la RDC en Hollande (déjà fermée) confirme lexistence de ce
projet. Tout dernièrement, en 2010, un séminaire organisé en collaboration avec
les autorités hollandaises était centré sur les frontières de la RDC en 2020.
Quelle projection !
Sur le chapitre des dernières élections en RDC, il est important de rappeler
laide accordée par la Hollande au processus électoral. Ce pays avait financé
deux projets à travers les programmes radio et tv en vue dassurer léducation
des masses en matière électorale. Un soutien financier consistant avait accordé
à la mission dobservation électorale du Centre Carter et à celle de lUnion
Européenne où des observateurs hollandais avaient dailleurs pris part. Avec
toute cette aide les autorités néerlandaises avaient déclaré vouloir contribuer
à un processus électoral libre et transparent garantissant le respect de la
volonté des électeurs. Paradoxalement, après que les électeurs congolais, les
missions dobservations et les organisations indépendantes aient décrié la
fraude électorale et le manque de crédibilité des résultats officiels, un
mutisme prolongé est observé du côté de la Hollande. En réponse à la
correspondance lui adressée par notre organisation sur le paradoxe entre, la
politique très stricte appliquée par la Hollande en matière dimmigration et le
laxisme observé face au régime dictatorial qui pousse justement les gens à
lexil, le ministre des Affaires étrangères exprime la déception de son pays
suite au chaos électoral en RDC. Il déclare cependant que la Hollande a décidé
de garder contact avec les autorités congolaises par solidarité avec la
position de lUnion Européenne. Faut-il encore chercher à comprendre pourquoi
lUnion Européenne préfère soutenir un pouvoir issu de la fraude électorale,
elle qui ne jure que sur le respect des principes démocratiques ?
La démarche du royaume des Pays-Bas nest pas unique en son genre, elle est
loin dêtre un cas isolé. Lopinion se rappelle encore la déclaration dHerman
Cohen sur lappartenance du Kivu au Rwanda. Le soutien du gouvernement belge,
américain et bien dautres encore ne font aucun mystère pour manifester leur
soutien rejeté par la volonté des électeurs. La frustration provoquée par la
fraude électorale, le laxisme du pouvoir de Kinshasa face aux groupes armés
actifs à lEst du Congo et le mutisme de la communauté internationale devraient
amener les congolais à la conclusion suivante : à celui qui doit seul protéger
son droit il sera toujours demandé de disposer dune force conséquente. Nul
nest besoin daller lire Montesquieu pour comprendre que pour maintenir
léquilibre dans une société et y prévenir le règne de larbitraire, le pouvoir
(la force positive) doit arrêter le pouvoir (la force nuisible). Et ça, les
congolais en sont capables.