20 06 12 Le Potentiel – Cinq questions à Paul Augustin Madimba (*)

1.La RDC organise en octobre prochain,
le 14ème sommet de Francophonie. La promotion de la langue française
profite-t-elle à l’éducation nationale?

Je crois que pas toute suite dans la mesure où lorsqu’on parle de la
Francophonie, on voit plus l’aspect politique. Des débats fusent déjà
sur la participation de telle ou telle personnalité politique. On se
demande si Hollande viendra ou ne viendra pas. Cela prend la connotation
politique. Or la Francophonie, c’est d’abord la promotion culturelle.
Si l’attention reste détournée dans la seule tournure politique, on ne
pourra plus mettre l’accent sur le culturel. Et ce culturel inclut ce
qui fait le Congo, et à mon avis, ce n’est pas la politique. Dans la
promotion culturelle, il est possible de ressusciter les valeurs
littéraires congolaises. Le Congo a connu des écrivains, à l’instar de
Paul Lomami Tshibambe, Zamenga Batukezanga, Mbuyu Mukalay, etc. Ce
serait la preuve de l’apport congolaise à la promotion du français.

2. De ces assises, des opportunités concrètes s’offrent-elles à notre système éducatif ?

Nous pourrions, je pense, être à mesure de présenter ce que le Congo
fait dans le cadre de son système éducatif. Ce que l’on peut attendre
de l’élève qui est à la fin d’un cycle par rapport à la langue
française. De même pour un étudiant. Ce qui étonne c’est qu’à nos jours,
les élèves et les étudiants ne sont pas directement impliqués dans
cette célébration. La journée de la Francophonie a été célébrée. On n’a
pas senti l’implication des élèves, des étudiants pour un pays
organisateur du prochain sommet. Et je crois que le problème est
politique à cette remarque négative. Il faut relever une autre réalité.
Aujourd’hui au Congo, les étudiants tout comme les élèves, et même
certains enseignants parlent un français approximatif. Je suis aumônier
de l’Université pédagogique nationale (UPN), je sais, ce dont je parle.
Le réflexe des étudiants, c’est d’abord de s’exprimer en leur langue
vernaculaire ou le dialecte alors qu’il est à l’université. Que
dirons-nous aujourd’hui comme deuxième pays francophone ? J’estime que
le français n’est plus intégré dans le mental des élèves comme il y a
quelques années. Et cela se révèle comme une punition pour certains
élèves soumis à cette discipline.

3. L’ouverture de l’enseignement aux autres langues, au nom de la diversité linguistique, serait-elle un recul, à votre avis ?

Ce serait un recul. Je me rappelle, à l’époque, la caractéristique de
l’étudiant, c’était de s’exprimer en français dans des milieux publics
et ailleurs. C’est le contraire aujourd’hui. Diversifier les langues
locales dans la transmission des connaissances, ce n’est pas évident.
Nous n’avons pas de savants, moins encore des inventions. Nous apprenons
les inventions des autres, et ce qui fait de nous des spécialistes, des
docteurs, c’est le fait de maîtriser des domaines précis, et cependant,
dans la langue d’évolution moderne. Au-delà du fait que nous devons
promouvoir les langues locales, il nous faut relever le niveau du
français dans l’apprentissage, dans nos écoles.
Dans le sens pratique, pensez-vous qu’il sera facile par exemple, à un
élève qui a appris en Lingala, d’aborder l’Université en cette période
de mondialisation ? Ou encore un étudiant qui arrive à l’Université où
tout peut lui être expliqué dans sa langue locale. Qu’est-ce qu’il
deviendra après, il sera nul en dehors de son cadre local.

4. Comment évaluez-vous les approches et stratégies mises en
œuvre depuis 2006 par le gouvernement pour relever le niveau de
l’éducation nationale ?

Au-delà de tout ce qu’on peut faire remarquer comme efforts et
projets, l’élévation du niveau de l’éducation ne passe que par la pleine
considération de la personne enseignante. Dès que l’enseignant sera mis
au centre, le niveau de l’enseignement sera relevé. Ce niveau voulu
n’est autre que la disponibilité et la volonté de la personne qui doit
transmettre les connaissances. Un professeur qui a droit à un salaire
décent, aura-t-il le temps de parcourir tout le pays pour cumuler ses
prestations afin de survivre ? Je ne crois pas. Des professeurs se font
cumulards pour subvenir à leurs besoins, et conséquence ils ne disposent
même pas de temps pour préparer les matières. Le programme de
l’enseignement en soi ne pose aucun problème. Le problème c’est plutôt
l’agent dispenseur de ce programme. Rien n’a changé. Le théorème de
Pythagore reste le même. 1+1 n’a pas changé de réponse, encore moins la
conjugaison des auxiliaires en français. Certes, il y aura des
intégrations, tel est le cas des Nouvelles technologies de l’information
et de la communication. L’enseignant doit être au centre des
préoccupations gouvernementales pour rendre l’homme congolais
compétitif.

5. L’homme congolais est-il à même de s’assumer pour un Congo émergent ?

Parler de l’émergence du Congo à l’heure actuelle me semble un peu
démagogique, ou carrément une propagande politicienne. On ne devient pas
émergent en le criant. On le devient en travaillant pour que le minimum
vital, ne serait-ce que pour la moitié de la population nationale soit
assuré. Si le Brésil est aujourd’hui pays émergent, c’est parce qu’il
est parti de quelque part. Le président Lula avait longuement travaillé
pour résorber le taux de pauvreté. Le Brésil a su produire et fabriquer.
Et comparer au Brésil, qu’est-ce que la RDC produit ou fabrique, si
déjà nos minerais sont exportés à l’état brut et une bonne partie de
manière clandestine. L’électricité et l’eau potable posent encore
problème pour plus de 80% de population… Je crois que nous devons
travailler, plutôt que crier l’émergence dans le discours, comme si on y
arriverait par une baguette magique. C’est comme à l’époque Mobutu, où
il disait, nous étions ni à gauche ni à droite ni au centre, et
finalement on n’était nulle part…

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