Kagame est « un paralytique ». Relativisons-le ! (JP Mbelu)

Depuis le début de la tragédie  des
Grands-Lacs (vers les années 1990), au fur  et à mesure que les années passent,
le danger de falsifier l’histoire de cette sous-région semble devenir imminent.
Les annexes du dernier rapport des experts de l’ONU ont tellement mis le Rwanda
de Paul Kagame sur le devant de la scène que le risque  d’oublier  que Kagame
est « un paralytique » devient grand.

Ce  risque est tellement grand que plusieurs
compatriotes se limitent à commenter l’actualité de  notre sous-région
quotidiennement sans  la fonder sur certaines sources mieux informées au sujet
de notre commune tragédie. D’où  l’importance de rappeler certaines
« confidences » pouvant éclairer notre compréhension de cette
tragédie.

En août 2008, faisant allusion au silence de
Paris sur les accusations portées à son  encontre par Kagame, Denis Sassou
Nguesso, le président du Congo-Brazzaville, confiait à Pierre Péan cette
parabole : « Quand le paralytique assis au pied d’un manguier joue avec des
feuilles vertes, c’est qu’il y a quelqu’un dans l’arbre qui les lui a jetées.
Sinon, il ne joue qu’avec des feuilles mortes ! » Et d’ajouter : « Il suffirait
à Paris de dire à ses  « amis » les protecteurs de Kagame-  les
Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël- de calmer un peu
leur protégé pour que les attaques cessent ! » Contrairement aux apparences,
Kagame jouit toujours de cette protection, même si ses murs de fissurent de plus
en plus. Et il est difficile de parler de Kagame sans faire allusion à Joseph
Kabila. Sassou en parle aussi dans sa « confidence » à Pierre Péan. Il dit :
« …ce jeune Kabila, président du Congo voisin : « venu de nulle part, en quinze
jours il a eu les honneurs de Paris, Bruxelles, Londres et Washington…Joseph est
un cheval de Troie du président rwandais. Officiellement, pendant la journée, il
s’oppose à Kagame, mais la  nuit tombée, il marche avec lui… » (P.
PEAN, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en
Afrique,
 Paris, Fayard,  2010, p. 531) Le dernier  huis-clos organisé en
marge de la conférence d’Addis Abeba  en dit long sur cette
complicité.

Perdre de vue cette double réalité peut
constituer un handicap sérieux à la sortie de la guerre d’agression et/ou des
« crimes organisés  en Afrique centrale. »

Pour rappel, au Tribunal Pénal International
pour le Rwanda, ce sont les USA et ka Grande-Bretagne qui ont tout fait pour que
les  crimes commis par les membres du FPR, proches de Paul Kagame, ne puissent
pas être jugés. Ces deux pays  se sont battus becs et ongles pour que la
Procureure de ce TPIR, Carla Del Ponte, puisse en être défenestrée. (Lire
à  ce propos F. HARTMANN, Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la
politique et de la justice internationales
, Paris, Flammarion, 2007
et  C. DEL PONTE, La traque, les criminels de guerre et moi.
Madame la Procureure accuse
,  Feltrinelli Editore, Milan,
2008).  Dernièrement, ce sont les USA qui ont failli bloquer la publication des
annexes du rapport des experts de l’ONU  sur le soutien du Rwanda aux rebelles
du M23 (publié le 04 juin 2012).

Ce rappel nous semble important dans la
mesure où il peut guider les différentes actions des compatriotes et de leurs
« amis » soucieux de mettre un terme au gangstérisme économique rongeant notre
pays depuis les années 90. Il est important que nous sachions qu’en menant des
actions diplomatiques et/ou militaires contre le Rwanda de Paul Kagame, ce n’est
pas seulement à cet individu que nous nous en prenons mais aussi à ses parrains
et à « leurs chevaux de Troie ». De cette perception des choses
pourrait  (aussi) dépendre l’efficacité de  ces actions. Nous devons toujours
faire très attention ! Une bonne connaissance du mode opératoire des parrains de
Paul Kagame nous semble indispensable à la quête des issues à la guerre
d’agression imposée à notre pays.

Prenons un exemple. Pourquoi, dès que Kagame
est pris la main dans le sac, après la publication du dernier rapport des
experts de l’ONU, une proposition d’une force neutre d’interposition est
aussitôt proposée à nos frontières sans que nous sachions qui va réellement la
prendre en charge ? Les parrains de Kagame savent pertinemment bien que la
déstructuration du Congo (RD) ne vient pas que de l’extérieur : le ver est dans
le fruit. Donner l’impression que le Rwanda de Kagame s’est calmé n’empêchera
pas  « aux chevaux de Troie » de poursuivre leur œuvre  de « destruction
créatrice » à l’intérieur de notre pays. Il ne serait pas exclu que la présence
de cette force dite neutre à nos frontières puisse contribuer à la
neutralisation de toute résistance intérieure orchestrée contre les  « chevaux
de Troie » de cette œuvre diabolique.

La lutte est âpre. Elle doit être conduite
avec intelligence et sagesse. A un certain moment, elle devra dépasser la
réduction du Rwanda à  « ces tueurs tutsis au cœur de la tragédie congolaise ».
Il appartiendra aux meneurs intelligents et sages de cette lutte d’en décider.
Pourquoi ? Pour une raison simple : le gangstérisme économique est une lutte
menée par le capitalisme sauvage contre toute forme de solidarité et
coopération entre les peuples (du Sud et même du Nord). Et ce capitalisme a
plusieurs visages. Les USA sont un ensemble de plusieurs  Etats fédéraux. L’UE
est un ensemble de  27 pays. La Chine, c’est un milliard et demi
d’habitants. Continuer à croire que le Congo, avec ses  60 ou 70 millions
d’habitants, doit pouvoir faire éternellement face à ces « partenaires
extérieurs » plus peuplés et coordonnant  souvent ensemble leurs actions, nous
semble être une étroitesse de vue. Voilà pourquoi la lutte contre le
gangstérisme économique entretenu par le capitalisme sauvage doit être mené sur
fond d’un panafricanisme des peuples (promouvant la solidarité, la coopération
et la justice sociale.) Cela peut se faire concomitamment.  La tendance la plus
facile serait de croire qu’il y a lieu de mener une lutte après une autre. Il
serait plus facile de débarrasser le Congo de ses « chevaux de Troie » et de ses
ennemis extérieurs avant de penser  aux alliances sous-régionales et à
l’intégration économique et politique. La voie la plus facile ne semble pas être
la plus efficace. Cela d’autant plus que le capitalisme sauvage règne là où,
souvent, par ses « petites mains », il divise.

Et puis, pourquoi ne pourrions-nous pas nous
inspirer de l’exemple de ces pays capitalistes ?
Comment ?

Au jour d’aujourd’hui, malgré l’importance de
leurs budgets militaires, ils ne savent plus « agresser »  « leurs ennemis
réelles et/ou imaginaires » en solitaire. Plusieurs pays se mettent ensemble au
sein de l’OTAN pour agir. Ou ils instrumentalisent l’ONU et ses casques bleus.
Tous ces pays savent qu’une union intelligente et sage fait la force. Sur ce
point, nous pourrions les imiter.

Si nous ne voulons pas nous inspirer de
l’exemple de ces pays, il y a celui de l’Amérique Latine. Les progrès du
socialisme du XXIème siècle coïncident avec  ceux des organisations
d’intégration régionale. Au jour d’aujourd’hui, l’Amérique Latine et les
Caraïbes ont, au nombre des organisations d’intégration régionale, l’UNSASUR
(Organisation supranationale rassemblant l’ensemble des Etats sud-américains
fondée en 2008), la CELAC (Communauté des Etats latino-américains
et caribéenne, fondée en 2011) et l’ALBA (Organisation régionale, fondée en 2005
et impulsée par le Cuba et le Venezuela et élargie notamment àla
Bolovie, l’Equateur et le Nicaragua). Ces organisations régionales aident
les pays de l’Amérique Latine et des  Caraïbes à résister contre le contrôle
capitaliste des espaces géopolitiques et géostratégiques et à assurer, tant soit
peu, le bonheur collectif partagé. Elles s’efforcent d’être fondées sur la
solidarité, la coopération et la justice sociale (et non sur la compétitivité et
la concurrence comme les pays capitalistes).

Les efforts d’intégration économique et
politique peuvent être les lieux de l’apprentissage du vivre-ensemble. Celui-ci
n’est pas une génération spontanée. Il adviendra au fur et à mesure que les
constitutions démocratiques des pays de la sous-région pourront promouvoir la
pratique de la liberté, de la justice et de l’égalité dans le respect de la
dignité humaine. Les routes et les autoroutes de la communication et de la
télécommunication peuvent sérieusement y aider.

 

Mbelu Babanya Kabudi

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