Le surréel Congo

Deux expositions montrent à Dortmund, jusqu’au 12 août, la photographie à
Kinshasa, en collaboration avec Africalia ( Austellungshaus, Ostwall, 7) et
l’art populaire kinois peu ou prou actuel (Thier-Galerie, Westenhellweg,
102-106). Ces expos satellites encadrent la présentation de la jeune création
congolaise qu’avait, en partie, révélé, en Belgique, le festival Yambi, en
2007.

Commissaire et acteur de cette nouvelle initiative, Aimé Mpane, a eu bien du
mérite à rassembler des participants pas toujours amènes à son égard. Passons,
tout en pensant qu’en art, la modestie d’aînés de qualité engrange plus de
retombées positives que l’appât du gain de cadets devenus trop gourmands sans
bonnes raisons ! Mpane peut être content d’une réalisation qui honore l’art et
qu’il a superbement mise en scène. La rencontre avec les œuvres est attrayante,
que dynamisent des jeux de répondants ciblés. Les thématiques sont justes, qui
éclairent les réalités et complexités d’une région qui, sans cesse aux prises
avec ses démons, va néanmoins de l’avant. Les artistes sont de bonne graine,
même si l’on regrette de voir certains d’entre eux s’en venir vers nous avec
des œuvres trop peu renouvelées.

Pour une première allemande, l’aventure bénéficie toutefois de l’inédit et,
lors du vernissage, le public était ravi de ses découvertes. Pour Joseph
Ibongo, directeur des musées nationaux du Congo, "ces jeunes auteurs
montrent une expression artistique du futur, qui associe notre mémoire à ce
qu’ils ont reçu d’ailleurs
", la plupart bénéficiant de nombreuses
résidences à l’étranger. Et Aimé Mpane a tenu à "montrer des artistes
qui vont au-delà de la narration, qui donnent un sens à leur travail. Qui
répondent, par leurs témoignages, aux absurdités, à la culpabilité et à la
mémoire, au silence "

L’exploration démarre sur une note d’humour signée Toma Muteba Luntumbue. Il
propose aux visiteurs de remplir avec des noms de pays une carte de l’Afrique
tenue vierge. Un bel exercice de réflexion, de questionnement, d’implication. A
l’entour, des photos expressives et singulières d’Alain Polo Nzuzi, de Kiripi
Katembo Siku, d’Yves Sambu, des dessins très allumés de Mega Mingiedi et une
installation sculpturale, emblématique, de Mpane, "L’illusion de
puissance", qui renvoie sans sourciller aux consciences coloniales. Plus
loin, les peintures abstraites et piquantes d’Henri Kalama jouxtent la série
photographique "Mémoire" de Samy Baloji, les torses féminins en
douilles de guerre de Freddy Tsimba, une suite impressionnante de portraits
d’identité d’Aimé Mpane, la vidéo "The Type of Power" de Michèle
Magema, l’installation politique et vindicative de Vitshois Mwilambwe,
"The Transparent Tomb". Pas question pour eux tous de ne pas se
redresser et vivre debout : les jeunes Congolais en veulent et, à ce niveau-là,
c’est heureux. "J’ai oublié de rêver" , suggère un Mpane,
qu’afflige la fillette qui se vend pour vivre, quand Magema pose des
"Fleurs de lys" émouvantes de sens et que Vitshois interpelle avec
"Global Conflict" sur un monde à feu et à sang. Ce "Surréel
Congo" fait mouche et nous confond.

Museum für Kunst, Hansastrasse, 3, Dortmund, Pays-Bas. Jusqu’au 3
septembre. Catalogue. Infos : 0231.50-2.55.25 et www.museen.dortmund.de

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