Kampala : une régression ! Une plainte contre Kagame est prête (Mbelu Babanaya Kabudi)

Au
mois de juin 2012, une expertise plurielle de l’ONU a rendu un
rapport dont les annexes détaillées prouvaient que la rébellion du  M23,
une rébellion émanant du CNDP (membre de la majorité présidentielle
kabiliste), était soutenue par le Rwanda. Contrairement aux effets
induits par plusieurs autres rapports ayant précédé celui-ci, certains
pays occidentaux, soutiens sérieux  du Rwanda de Kagame, ont posé un
geste symbolique en suspendant leur aide bilatérale à l’endroit du « 
Singapour » de l’Afrique des Grands Lacs. L’ambassadeur itinérant des
USA, Monsieur Rapp,  a même entrevu la possibilité que Paul Kagame en
soit convoqué en justice, s’il ne renonçait pas à son soutien au M23.

A
ce point nommé, nous, Congolais(es), devrions être très vigilants. Et
nous poser des questions du genre : « Qu’est-ce qui a changé du point de
vue de la géopolitique et de la géostratégie internationale pour que ce
geste symbolique soit posé ? » L’importance de cette question est
liée  à la connaissance du modus operandi des « parrains du
Rwanda » : quand ils commencent à déshabiller saint Paul, ils sont plus
ou moins sûrs d’habiller saint Pierre. Il est rare qu’ils s’engagent
dans une action d’une telle envergure s’ils ne sont pas sûrs de rester
les seuls maîtres du jeu. Aussi, l’Afrique (et le Congo) est-elle de
plus en plus un espace important dans « la guerre tiède » que les USA
et la Chine sont en train de se mener. Même si la Chine fait
partie des pays ayant bataillé dur pour que les annexes du rapport des
experts de l’ONU soient publiées (contre la volonté de blocage des USA),
ces deux pays poursuivent leurs investissements au Rwanda. La dernière
tournée africaine d’Hillary Clinton de onze jours (à partir du 1er août
2012) a annoncé les couleurs de cette « guerre tiède » : les USA, au
nom de la démocratie et des droits de l’homme, voudraient dorénavant
protéger l’Afrique contre ceux qui n’y viendraient que pour piller les
matières premières. Cette rhétorique « inutile »  et le geste symbolique
à l’endroit du Rwanda posé par les USA risquent de  nous distraire et
de nous conduire à oublier que l’Afrique est (aussi) victime de la
traite négrière, du colonialisme et de l’impérialisme, du
néocolonialisme et du néolibéralisme entretenus par l’Occident, avec les
USA en tête et la complicité des nègres de service.

Pourquoi devons-nous être vigilants ? Nous risquons de perdre de vue « la guerre tiède » entre les USA et la Chine et
de croire que geste symbolique posé par  « l’oncle Sam » est un soutien
à notre lutte collective de l’émancipation de la politique
néocoloniale, impérialiste et néolibérale. Rappelons que la guerre
contre « le terrorisme » a coûté (et coûte encore) très cher aux USA. La
cupidité de leurs oligarchies d’argent les a précipités dans une crise
économique qui ne dit pas son nom. Un malheur ne venant jamais seul, la
sécheresse frappe 63% du territoire américain. L’Oncle Sam devra doubler
de cynisme pour affronter toute cette situation catastrophique ; la
démocratie et les droits de l’homme seront ses subterfuges dans sa
guerre contre la crise économique. Nous devons donc rester vigilants et
travailler à la reconquête et à la sauvegarde de notre souveraineté
nationale  en comptant beaucoup plus sur nous-mêmes que sur les soutiens
extérieurs.

Il
n’est pas exclu que dans ce contexte, Paul Kagame soit sacrifié comme
Mobutu l’a été après la fin officielle de la guerre froide.  Et
sacrifier Paul Kagame sans ses parrains pourrait être une façon de
poursuivre la même géopolitique et la même géostratégie, sans lui. Nous
devons faire très attention.

Pour
revenir à Kampala, disons que cette rencontre (du 07 au  08/août)
aurait été une réussite si la responsabilité du Rwanda (et  de
l’Ouganda) dans le soutien offert au M23 n’avait pas été mise entre
parenthèse. Et si la possibilité de  les traduire en justice avait été
entrevue. La lecture de la déclaration des chefs d’état et de
gouvernement des Etats de Conférence Internationale sur la région des
Grands-Lacs (CIRGL) révèle qu’il y a une rupture entre les annexes du
rapport des experts de l’ONU et les résultats de cette rencontre. Aucune
allusion n’y est  faite au rapport des experts de l’ONU du mois de
juin. Il est même curieux que Joseph Kabila qui, lors d’une conférence
de presse accordée aux journalistes triés sur le volet à Kinshasa sur la
situation de la partie orientale de notre pays, avait affirmé que le
soutien du Rwanda au  M23 est une secret de polichinelle, soit  apparu
sur une photo (de Kampala)  en train de s’amuser avec sa cravate  et
tout souriant en compagnie de Paul Kagame et Yoweri Museveni. Oui. C’est
curieux mais pas surprenant : Joseph Kabila se maintient à la tête de
notre pays après un coup d’état administratif et il est le cheval de
Troie de Kagame.

Dieu merci ! Un groupe de Rwandais et de Congolais, fort des rapports des experts de l’ONU de 2010 et de juin 2012, a,
lui, décidé de traduire Paul Kagame en justice. Pour ce groupe, il y a
eu tellement accumulation de preuves de l’implication de Kagame dans les
crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes
économiques qu’il n’y a plus (entre autres) qu’une instance judiciaire
internationale qui peut aider la région des Grands-Lacs à vivre en paix.
Même si qui dit Paul Kagame dit aussi ses parrains. Mais là, un
argument mérite d’être évoqué : en matière de justice, la responsabilité
est d’abord  individuelle ; même si les complices  peuvent être
poursuivis.

En déposant leur plainte contre Paul Kagame à la CPI le
17 août 2012, ce groupe de Rwandais et de Congolais va poser un geste
symbolique fort ; il va exprimer son souci de voir la région des
Grands-Lacs s’engager sur la voie de l’éthique de la responsabilité
tournée vers le passé et celle de l’éthique de la réconciliation tournée
vers l’avenir. Il est possible qu’en voulant mettre hors d’état d’agir
Paul Kagame et ses escadrons de la mort, ce groupe  soit en train de
travailler à la guérison spirituelle de la région des Grands-Lacs. Même
si la vigilance doit rester de mise.

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