James Kabarebe, les Nations Unies et l’histoire immédiate de la sous-région des Grands Lacs (Mbelu Babanya Kabudi)

 


 Le 29 août 2012, Colette Braeckman a réussi à
interviewer l’un des escadrons de la mort de Kigali des années 90, James
Kabarebe. Cette interview est précédée d’une présentation sommaire de cet
officier du FPR par la journaliste Belge. Elle écrit : « 
Compagnon de Paul Kagame depuis la création du Front
Patriotique rwandais (FPR) à la fin des années 80, chef d’état major puis
ministre de la défense, le général Kabarebe joua aussi un rôle de premier plan
au Congo : en 1996, lorsqu’éclata la première guerre qui mena à la chute du
président Mobutu et au démantèlement des camps de réfugiés hutus, c’est lui qui
mena l’offensive jusque Kinshasa. Devenu président en mai 1997, Laurent Désiré
Kabila nomma Kabarebe au poste de chef d’état major. En 1998, brouillé avec son
ancien allié, l’officier rwandais mit sur orbite la rébellion du RCD Goma,
ouvertement soutenue à l’époque par les forces rwandaises et il lança un raid
audacieux sur la base aérienne de Kitona (Bas Congo). Connaissant parfaitement
le Congo, qu’il a traversé de bout en bout, familier de tous ses acteurs (y
compris le président Kabila lui-même) James Kabarebe fut aussi l’inspirateur des
accords conclus le 23 mars 2029 entre le pouvoir de Kinshasa et des soldats
rebelles conduits par le général Laurent Nkunda. » 

Cette présentation de l’actuel Ministre de la Défense du
Rwanda mérite un minimum d’attention. Elle ne dit pas expressément que cet
officier du FPR est impliqué dans les crimes de guerre, dans les crimes contre
l’humanité et dans d’autres actes pouvant s’apparenter au génocide comme
l’indiquent plusieurs rapports des experts de l’ONU publiés sur la situation
humanitaire de la sous-région des Grands Lacs. Cette présentation ne souligne
pas non plus qu’un mandat d’arrêt national et international a été livré contre
James Kabarebe et 39 de ses co-criminels  par le juge Espagnol Fernando Andreu
Merelles à l’issue d’une longue enquête menée sur l’assassinat des
ressortissants Espagnols au Rwanda après les évènements de 1994.

Et quand, dans cette interview, James Kabarebe soutient
que tout commence en 2009, il torpille l’histoire. Quand il dit : « Pour
retracer la genèse de l’histoire, il faut remonter aux accords conclus en 2009
et savoir que, jusqu’au lendemain des élections au Congo et jusqu’au mois
d’avril 2012, il n’y a pas eu de problème »il
dit une contre-vérité ; la guerre d’agression dans notre pays est permanente
depuis 1996. Elle a été entretenue par l’infiltration des officiers Rwandais et
d’autres mercenaires fidèles au Rwanda dont ceux du RCD Goma. Colette Braeckman
en témoigne dans cette présentation quand elle note ce qui suit : « En 1998,
brouillé avec son ancien allié, l’officier rwandais mit sur orbite la rébellion
du RCD Goma, ouvertement soutenue à l’époque par les forces rwandaises et il
lança un raid audacieux sur la base aérienne de Kitona (Bas Congo). » (Pour
rappel, l’actuel interlocuteur de James Kabarebe à Kinshasa, Lambert Mende
Omalanga, est un membre du RCD GOMA).

Les rébellions soutenues par le Rwanda et opérant dans
notre pays ont participé  et participent encore de l’affaiblissement interne des
institutions et structures étatiques Congolaises pour faciliter l’exploitation
éhontée des matières premières du sol et du sous-sol Congolais. (Cela avec la
complicité des élites compradores Congolaises, les ONG humanitaires et la
Monusco. Nous y reviendrons.) Après le RCD Goma, le Rwanda de James Kabarebe et
de Paul Kagame a monté le CNDP  et  facilité son intégration dans l’armée avec
comme objectif principal l’occupation de la partie orientale de notre pays. « En
2009, avoue James Kabarebe, nous avions aidé à résoudre le problème du CNDP en
appuyant l’intégration de ses soldats dans l’armée gouvernementale… ».  Pour
rappel, le CNDP est aussi devenu membre de la Majorité dite Présidentielle et
soutien de Joseph Kabila. Et il est une émanation du RCD.

Toutes ces deux rébellions ont obéi au même modus
operandi
 : entretenir le gangstérisme économique et humanitaire pour
intégrer les institutions et les structures étatiques congolaises afin de les
affaiblir de l’intérieur et rendre le pays corvéable à souhait. Et quand James
Kabarebe soutient  dans ladite interview « 
qu’au Congo il n’y a ni gouvernement ni armée, seulement
un grand vide », il dévoile un secret de polichinelle sans révéler la part des
rébellions  créées et soutenues par son pays et ses parrains dans cet
évidement.  Il joue à la politique d’autruche. Il  cache le côté cynique du sale
boulot auquel  il participe. Et quand, malgré toutes les preuves  de son
implication et de celle de son pays aux côtés du M23 (émanation du
CNDP)  évoquées par Colette Braeckman et il parle des mensonges et des
manipulations orchestrés par « ses protégés de Kinshasa », il croit que tous les
Congolais sont des amnésiques.

Il dit peut-être sa part de vérité  en répondant à cette
question de Colette Braeckman : «  Tous
ces constats étant faits, la pression étant mise sur le Rwanda, quelles sont les
pistes de solution ? ».  James Kabarebe
répond : « Rwanda n’est pas sous pression. Croyez vous vraiment que les Nations
unies pourraient mettre le Rwanda sous pression ? C’est un non sens. Même les
sanctions ne nous effraient pas, elles ne signifient rien… »

Pourquoi les Nations Unies ne pourraient-elles pas
mettre le Rwanda sous pression ? D’abord, parce qu’elles font partie, avec le
Rwanda, du jeu.  James Kabarebe revient sur certains lieux communs en indiquant
l’implication des agents de la Monusco dans le  trafic des matières premières. «
La Monusco , dit-il, a été au Congo durant plus de dix ans, et elle n’a rien
résolu. Elle fait du business avec les FDLR, fait commerce avec l’or, le coltan,
nous savons tout cela. »
 Ensuite, il décrie leurs accointances avec Bosco
Ntaganda, un criminel recherché par la CPI. « Pour ce qui concerne Bosco
Ntaganda, explique-t-il, nous avons rappelé que la communauté internationale,
qui exigeait l’arrestation de ce dernier, disposait au Congo d’une force de paix
onusienne de 20.000 dotés de tanks, d’hélicoptères, de forces spéciales, une
force se trouvant en partie à Goma, en face de chez Bosco. Avec lui, les
officiers jouaient au tennis, ils fréquentaient les mêmes boîtes de nuit, les
mêmes bars et restaurants. Pourquoi ne se sont ils pas chargés de l’arrêter,
pourquoi nous ont-ils demandé de le faire ? »  (Cette citation, bien
que  trahissant un lieu commun, montre aussi le côté rusé de James Kabarebe.  Il
fait de la Monusco la complice des FDLR pour justifier les accusations de
manipulation  et de fabrication des preuves des experts de l’ONU, protecteurs,
selon lui, eux aussi des FDLR, ces « forces négatives » que Kigali combat. James
Kabarebe  fait comme si Kigali ne travaillait pas à « la reconversion de
certaines  FDLR » en ses escadrons de la mort !)

Enfin,  les Nations Unies ne pourraient pas mettre la
pression sur le Rwanda pour une raison majeure : la guerre de basse intensité
contre le Congo et dans laquelle le Rwanda intervient est aussi une guerre
secrète de la politique et de la justice internationale comme dirait Florence
Hartmann. En effet, dans Paix et châtiment. (Les guerres secrètes de la
politique et de la justice internationales)
, avec des preuves à l’appui,
Florence Hartmann montre (entre autres) comment le FPR auquel appartient James
Kabarebe jouit du soutien indéfectible des USA et de la Grande-Bretagne, membres
permanents du Conseil de Sécurité. Pour avoir osé réclamer  certains membres  du
FPR impliqués dans des crimes contre l’humanité qu’eux-mêmes avaient reconnus en
répondent devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, le chef de
Florence Hartmann, Carla Del Ponte, a été éjecté de son poste de procureure de
ce Tribunal.

Aussi, le Rwanda n’a-t-il pas été signataire du statut
instituant la CPI sous l’instigation de  G. W. Bush. (Ainsi peut-il se permettre
d’être le protecteur des  officiers du FPR ayant infiltré l’armée congolaise et
ayant commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité sur le sol
congolais. Nkunda et Ntaganda sont des exemples éloquents.) Il
serait  important d’écouter les dissidents du FPR comme les membres du CNR
(Conseil National Rwandais) et d’autres opposants du pays de Mille Collines.
Cela nous permettrait de relativiser certains propos de l’actuel Ministre de la
Défense Rwandais.

Il serait aussi important de reprendre, à des moments
comme ceux-ci, le petit documentaire qui est sur le site Internet Ingeta. Il est
intitulé : « Le conflit au Congo. La vérité dévoilée ». Il facilite la
compréhension de la désinvolture de James Kabarebe et nous évite, à nous
Congolais, de tomber dans l’amnésie et d’être vite contents. (à
suivre)

 


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