07.09.12 Le Phare – A propos de l’interview du Ministre de la Défense du Rwanda au journal belge Le Soir: Deux mots à James Kabarebe

1. Justification de la réaction.
Dans son interview exclusive, du 29 août 2012, intitulée : « Les Quatre vérités de James KABAREBE, Ministre de la Défense du Rwanda », accordée à Madame Colette BRAECKMAN KABAREBE fait une série de déclarations qui appellent une mise au point citoyenne du peuple de la région des Grands lacs africains.
La présente analyse ne discute pas ses opinions et jugement de valeur portés sur les officiels congolais. Elle considère exclusivement la dimension qui devrait bénéficier d’un éclaircissement en faveur du peuple congolais et par extension de ceux de toute la région. Elle répond au devoir de rappeler à l’opinion publiques, afin que les « quatre vérités » de KABAREBE correspondent effectivement à une réalité vérifiable.

Pour ce faire, la réflexion tient compte de : (i) l’obligation de respecter la dignité des victimes d’abus des droits humains que tend à vouloir bafouer l’intention de dérouter l’opinion publique de la vérité; (ii) le droit à la parole des citoyens de la région des Grands Lacs; l’exigence faite aux dirigeant de respecter les valeurs morales, implique la surveillance de leurs discours publics ; (iii) Le besoin de vérité en soi. L’interview du ministre rwandais ne corrobore pas des faits qui sont d’ailleurs du domaine public.
Cependant, deux de ses observations sont récurrentes : (i) sa conclusion qui dit que « c’est aux Congolais qu’il appartient de trouver les solutions à leurs problèmes ». Et (ii) l’accumulation massive d’erreurs dans la stratégie militaire qui rend nulle toute action de protection de la population civile congolaise. Cette question relevée dans son jugement sur la mauvaise gestion des FARDC, est réellement au coeur du problème interne en République démocratique du Congo (RDC). Son questionnement est partagé : « Comment pouvez-vous envoyer des troupes en opération en leur donnant seulement une poignée de haricots secs ! […] On ne peut pas dire que l’armée congolaise a échoué à battre le M23, […] ; dans les conditions où ils se trouvent, ils ne tueraient même pas un rat …».

2. Analyse de la première allégation
La première allégation prétend que depuis 2009, « le Rwanda tente d’aider la RDC à résoudre le problème du CNDP, ce qui avait débouché sur l’arrestation du général Laurent NKUNDABATWARE et la mise à l’écart de beaucoup d’autres groupes armés». D’entrée de jeu KABAREBE prétend vouloir aider la RDC, quand tous ses actes observés depuis près de quinze années tendent à déstabiliser ce pays. Au vu de l’analyse ci-dessous, n peut déduire que cette interview s’inscrit dans la stratégie de diversion de l’opinion générale qui désapprouve unanimement l’entreprise du Rwanda en RDC qui ne correspond aucunement à une démarche vise à résoudre ses problèmes.
Certains faits rappellent que le Rwanda allègue toujours le contraire de la réalité. Tenez. Quand le Ministre KABAREBE dirigeait en personne des troupes de l’AFDL dites « rébellion zaïroise, en 1996, et celles du RCD en 1998 ; le Rwanda disait toujours que c’était l’affaire des Congolais. Quand, en juillet 2002, il signait un accord de retrait de ses troupes de la RDC, le président KAGAME niait constamment leur présence au Congo. Le 31 août 2012, il vient d’annoncer le retrait des troupes dont l’entrée remonte à janvier 2009.
Des troupes au départ rwandaises restent dans les institutions de la RDC sous couvert des fausses identités et des noms d’emprunt sonnant congolais. Tel est le cas de MAKENGA et NKUNDA dont les vrais noms sont respectivement RUZANDIZA et NKUNDABATWARE. Le Rwanda les utilise quand bon lui semble comme éléments « undercover » (agents secrets agissant sous couvert) qui répondent de l’External Security Organisation (ESO) et le Directorate of Military Intelligence (DMI) les deux services extérieurs d’intelligence militaire.
Le mouvement terroriste du M23 répond à la logique de l’action de déstabilisation qui soutenait l’opération menait à Bukavu en mai et juin 2004, sous la direction du Général Laurent NKUNDABATWARE et du Colonel Jules MUTEBUSI.

3. Couverture légale
En vertu de la constitution rwandaise du 04 juin 2003, les personnes d’origine rwandaise vivant en RDC sont considérées comme des Rwandais. L’article 7 stipule que « […] La nationalité rwandaise d’origine ne peut être retirée ; […] Les Rwandais ou leurs descendants qui, entre le premier novembre 1959 et le 31 décembre 1994, ont perdu la nationalité rwandaise suite à l’acquisition d’une nationalité étrangère sont d’office réintégrés dans la nationalité rwandaise, s’ils reviennent s’installer au Rwanda ».
Cette ouverture légale avait permis au Colonel Jules MUTEBUSI de rentrer séjourner allégrement au Rwanda après les activités militaires décriées à Bukavu, en juin 2004. Le Rwanda le considérant comme son citoyen l’avait arrêté à Kigali, en décembre 2007. C’est sur cette même base légale qu’en 2009, le gouvernement rwandais avait arrêté et continue à détenir le Général NKUNDABATWARE à Kabuga, dans la banlieuse Est de Kigali.
Les faits sociologiques précédant le droit, l’attachement à la patrie rwandaise avait permis à NKUNDABATWARE de servir comme officier de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) de 1992 à 1998.

4. Analyse de la deuxième allégation
Le ministre rwandais prétend que « de 2009 au mois d’avril 2012, il n’y avait pas eu de problème de sécurité dans l’Est de la RDC. Le Rwanda avait aidé à résoudre le problème du CNPP en appuyant l‘intégration de ses soldats dans l’armée gouvernementale, de même que les militaires d’une dizaine d’autres groupes armés. Mais par la suite, la gestion de cette situation aurait du être l’affaire des Congolais eux-mêmes… »
Les troupes du CNDP intégrées dans les FARDC sont restées loyales à leurs structures et commandements rebelles, commettant davantage d’abus des droits humains confie la population civile. Elles viennent de se détacher instamment et dans leur totalité pour reprendre des activités criminelles sous le M23.
L’entrée des troupes rwandaises en RDC, pour entre autres faciliter cette intégration et procéder aux opérations Umoja Wetu, Kimia I et Kimia II, n’avait fait qu’empirer la situation politique et sécuritaire dans le pays. Elle avait débuté par la violation des procédures légales internes à la RDC qui avait créé une crise au plus haut niveau des institutions nationales.
A lire les rapports des ONG basées au Kivu à la période évoquée par cette allégation du Ministre rwandais, on constate que la question sécuritaire était de grande préoccupation, comme le confirme Pole Institute qui faisait le bilan en octobre 2009 «l’objectif affiché des opérations Umoja Wetu, à savoir, celui de traquer et de mettre les FDLR hors d’état de nuire fut un échec au regard de la récupération du terrain par les FDLR au Nord-Kivu et des représailles violentes exercées par les rebelles rwandais sur les populations locales dans les deux Kivu. Pour reprendre la métaphore d’un paysan de Kibumba, les forces conjointes rwando-congolaises ont éventré une ruche d’abeilles. Ces dernières irritées et furieuses s’attaquent violemment aux populations locales sans défense qui ne savent plus à quel saint se vouer Les cris d’alarme des populations subissant les représailles des FDLR contrastent fort avec le sentiment de satisfaction et le triomphalisme des gouvernements congolais et rwandais ». […]
Les opérations militaires contre les FDLR dans le Sud-Kivu connues sous. le nom dé « Kimia II», menées cette fois par les «FARDC/ intégrées » avec l’appui logistique de la MONUC rencontrent une opposition farouche des FDLR renforcées par certains éléments des FNL burundais. Le chapelet des personnes tuées ou violées, des maisons brûlées, des autorités locales prises en otage, et des camps des déplacés internes, ne cesse de s’allonger. Contrairement aux opérations conjointes rwando-congolaises au Nord-Kivu où finalement il y aurait eu très peu d’affrontements militaires réels, les FDLR dans è Sud-Kivu se sont engagées dans des combats atroces contre les FARDC et le rapport de force bascule souvent d’un côté comme de l’autre ».[… ]
Le « Centre pour la gouvernance », dans son rapport de juillet 2012, démontre que le mixage vanté par le Rwanda a été à la base d’une «chaîne de commandement parallèle » dirigeait par des officiers ex-CNDP au sein des FARDC. Cette structure contrôlait des forces militaires dans le district de l’Ituri, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Ce sont ces officiers qui sont restés de connivence avec des Think Tank déstabilisateurs de la RDC qui suivent des mots d’ordre de « mutinerie » ou de « défection ».
Une politique saine appelle un courage à prendre des décisions positives pour des solutions réelles et effectives. L’appui du Rwanda au mixage consistait en une transplantation intégrale des troupes du CNDP qui lui font allégeance au sein des FARDC. Une préparation technique et politique est requise pour toute aide destinée à résoudre un problème d’intégration des forces qui sont encore hostiles entre elles. Elle exige le vetting (une sélection de bons soldats) et la permission à ceux qui veulent rejoindre la vie civile à quitter les rangs. La concertation des institutions publiques compétentes et la planification législative renforce le pouvoir de l’Etat et le contrôle citoyen.

5. Analyse de la troisième allégation
Le troisième commentaire porte sur le refus du Rwanda d’arrêter le Général Bosco NTANGANDA. Le Ministre répondait à madame BRAECKMAN que : « la communauté internationale, qui exige l’arrestation de ce dernier, dispose au Congo d’une force de paix onusienne de 20.000 hommes dotés de tanks, d’hélicoptères, de forces spéciales se trouvant en partie à Goma, en face de chez Bosco. Le Rwanda répond que cette arrestation n’est pas son affaire, et que Bosco était un officier congolais très proche du président Kabila. Ils avaient fait de curieux business ensemble notamment l’histoire de cet avion chargé d’or intercepté à Goma » […]
S’il est vrai que Bosco NTANGANDA c’est un officier des FARDC, il devrait en être autant pour le Général NKUNDABATWARE. Tous deux sont des anciens officiers de [Armée Patriotique Rwandaise (APR).Tous deux étaient nommés par le même décret présidentiel signé le 11 décembre 2004 par le Président Kabila. Dans les deux cas, la force onusienne de 20.000 hommes est toujours présente. Il y a lieu de se demander le mobile du Rwanda à choisir d’arrêter NKUNDABATWARE, premier Président du CNDP et refuser d’arrêter l’autre Général congolais, NTANGANDA héritier du CNDR.

6. Les défis d’un leadership régional
En dénonçant la face du monde l’incapacité du gouvernement de Kinshasa de protéger sa population contre ses propres activités illégales et autres actes cyniques constitutifs des crimes internationaux ; le Ministre rwandais de la défense expose les limites politiques du Président Paul KAGAME. Il démontre l’incapacité pour le Rwanda de jouer un quelconque leadership positif dans la région des Grands Lacs africains, face à cette faillite de l’Etat congolais. Le Rwanda, qui avait pris le pouvoir à Kinshasa par l’entremise de l’AFDL, depuis 1996, et qui prétend avoir des moyens d’aider la RDC ou d’influencer le régime du Président Joseph KABILA, n’est pas à mesure de développer et conduire une vision régionale qui lui serait favorable sans massacrer la population civile congolaise et abuser de l’appui militaire dont il bénéficie des Etats-Unis d’Amérique et d’autres pays occidentaux.
Après près de quinze années de contrôle sur la RDC, le Rwanda est incapable d’abandonner la politique militariste de projeter son développement sur la base « des butins des guerres» à amasser fortuitement en RDC.
La cruauté pratiquée sur la population civile congolaise qui l’incite inutilement à la haine contre le peuple rwandais explique l’absence de vision claire ni politique régionale de développement dans le chef du Président Paul KAGAME. Les citoyens de la région des Grands Lacs africains, les églises et universités devraient travailler à influencer l’avènement des régimes civils et démocratiques qui travailleraient pour le bien-être des peuples de la région, promouvoir les valeurs de paix et de justice, et protéger les populations civiles contre les violations des droits humains qui se perpétuent actuellement dans la région.
Bien d’organisations internationales désapprouvent la politique actuelle du Rwanda en RDC. Elle va à l’encontre de la promotion de bonnes pratiques en faveur de l’humanité ; des valeurs des droits humains, de la justice et de la paix. Elle dessert l’intégration régionale, la coopération entre Etats pour le développement économique de l’Afrique.
Le Rwanda gagnerait à changer radicalement ses pratiques cyniques vis-à-vis du peuple congolais tel qu’il lui est demandé par la société civile congolaise, la SADC, l’Union Africaine et le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

7. Rappel historique
En 1996, encore Lieutenant Colonel, KABAREBE avait dirigé des troupes rwandaises qui avaient envahis la RDC.
A l’issue de cette guerre, il s’était porté à la tête de l’armée congolaise comme Chef d’état-Major Général des FAC, de mai 1997 à août 1998.
Le 02 août 1998, quand la RDC avait demandé le rapatriement des troupes au Rwanda, il avait dirigé une, opération terroriste qui l’avait conduit à occuper le barrage d’Inga et la station de pompages interrompant la fourniture de l’eau et de l’électricité à plus de huit millions de personnes dans la ville de Kinshasa. En tant que Chef d’Etat Major adjoint et plus tard Chef d’Etat Major Général de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR), il avait dirigé des opérations des troupes rwandaises (en août 1999, mai et juin 2000) contre l’armée ougandaise à Kisangani, dans la bataille du contrôle des mines de diamants.
(Par TSHISWAKA MASOKA MUBERT

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