Mobutu Sese Seko, Joseph Kabila et la date du 16 février (Mbelu Babanya Kabudi)

              Plusieurs d’entre nous savent que M. Mobutu
fut un agent des USA  au cours de la guerre  dite froide. Certains savent qu’il 
fut un membre de la CIA et de la sûreté belge[1]. En
d’autres termes, M. Mobutu fut un agent de l’impérialisme et du
néocolonialisme.  Tout au long  de son règne dictatorial, il a, avec l’appui de
ses alliés impérialistes et néocolonialistes, entretenu le système
d’exploitation et d’asservissement.

Après l’assassinat de Lumumba, il lutta
contre les forces révolutionnaires et progressistes représentées par Christophe
Gbenye, Pierre Mulele, Gaston Soumialot, Antoine Gizenga, etc. Vers les années
1964, tous firent partie du « mouvement, qui a reçu son impulsion des partis
lumumbistes, majoritaires sur le plan parlementaire et à qui toute opposition
vient d’être interdite, (qui) a de profondes racines dans le mécontentement du
peuple congolais, qui a le sentiment que l’indépendance dont il attendait,
quatre ans plus tôt, mille avantages, lui a été volée par une classe de profiteurs
noirs
, étroitement soumise à d’anciennes influences coloniales et à
l’influence de plus en plus prépondérante des Etats-Unis.[2] »

Ce mouvement porté par le peuple donna du fil
à retordre  à l’A.N.C. de Mobutu et à ses mercenaires dans sa lutte pour  sauver
la légitimité  des institutions issues  des élections de 1960  et recouvrer la
véritable indépendance du pays. Ceux d’entre nous qui  connaissent notre
véritable histoire savent qu’  « il faudra l’intervention directe des troupes
belges transportées par l’aviation américaine et leur parachutage sur
Stanleyville (Kisangani), la capitale de l’insurrection, ainsi que
l’organisation, par des officiers supérieurs belges, de l’expédition des forces
mercenaires lancées à la conquête de cette ville, pour briser l’élan des forces
populaires
.[3] » Comment fut justifiée cette
intervention ?   Le journal Le
Monde
 rapporta ceci (après le
colloque entre l’envoyé spécial du Président américain Johnson (Averell
Harriman) et le ministre belge des Affaires étrangères Paul Henri Spaak) : « Il
se confirme à Bruxelles que les Etats-Unis entendent, s’il le faut, intervenir
directement au Congo pour éviter à tout prix que ce pays ne verse dans le camp
communiste. » (Pour que ce pays ne soit plus sous notre contrôle !)

La peur du basculement dans le camp
communiste  du Congo  fut une façon impérialiste d’éviter que  ce pays ne soit
porté par « les forces populaires », garantes de son indépendance et de son
autodétermination.   L’intervention directe de la Belgique et des Etats-Unis  contribua à l’ascension
du futur dictateur et à la consolidation de son système. Elle empêcha le
triomphe des forces populaires. L’assassinat  de Pierre Mulele asséna un coup
très dur à ces forces populaires. (Notons en passant les créateurs de Mobutu
voulaient conserver notre pays dans les limites de ses frontières actuelles.
Quand nous disons de temps en temps que sous Mobutu, le petit Rwanda ne pouvait
pas se jouer de nous, nous oublions d’ajouter que cela ne  faisait pas partie
des préoccupations de ses créateurs. Maintenant qu’ils ont fabriqué d’autres
marionnettes, ils estiment que le Congo est trop grand pour être dirigé à partir
de Kinshasa. Ils sont disposés à nous aider comme ils l’ont fait au Soudan et en
ex-Yougoslavie : c’est-à-dire en travaillant à l’implosion du pays.)

Le rappel de cette page de  l’histoire de
notre pays permet de comprendre que les quelques heures ou jours de lucidité de
Mobutu n’avaient pas tué en lui  son appartenance au système  impérialiste et
néocolonialiste.   Créature de ce système (lui et son clan), il ne lui était pas
possible de s’en départir. C’est vrai que le 04 octobre 1973, à la tribune des 
Nations Unies, Mobutu fit montre de quelques heures de lucidité.  Il fit aussi
preuve de lucidité en initiant les consultations populaires après la chute du
mur de Berlin et en  acceptant le début des travaux de la Conférence Nationale Souveraine (CNS). Mais, agent de
l’impérialisme et du néocolonialisme  (avec toute la classe politique de
« profiteurs noirs » tournant autour de lui), il ne  pouvait pas persévérer sur
cette voie de l’ouverture « aux forces populaires » qu’il avait combattues avec
le soutien de ses alliés impérialistes et néocolonialistes à son accession
(putschiste) au pouvoir.

Aussi cette « ouverture » a-t-elle constitué
un avertissement pour  ses créateurs extérieurs et  ses « dinosaures »
intérieurs : elle risquait de constituer la fin d’un système ayant contribué à
leur enrichissement illicite,  de leur mainmise sur le Congo et de tous les
privilèges liés au mode de fonctionnement dudit système. 

Dans ce contexte, la CNS, en marge des pantalonnades 
auxquelles elle a donné lieu, faisait signe : elle disait la capacité du peuple
congolais – pas confondre peuple et population- de renaître de ses cendres, de
se remettre debout pour repartir sur des bases saines.  En fermant les assises 
de la CNS, Mobutu, otage des forces de
la mort internes et externes, tenait à casser les ressorts de la dynamique d’un
peuple se voulant debout et démiurge de son destin.

Ce peuple risquait de faire l’ombre  aux
« vainqueurs » de la guerre froide ; à ceux qui, après la chute du mur de
Berlin, ont crié à « la fin de l’histoire », au triomphe de « la démocratie du
marché » et  du pouvoir hégémonique des USA.

La CNS avait réussi à  remobiliser les énergies de notre peuple
–c’est-à-dire des citoyen(ne)s conscient(e)s de leurs droits et libertés
fondamentales et capables de lutter pour les défendre- pour une lutte permanente
d’autodétermination.

Une guerre permanente viendra casser cette
dynamique ; « les faiseurs des rois », sûrs de leur pouvoir hégémonique,
fabriqueront d’autres marionnettes – en sachant que Mobutu était affaibli et
malade- pour perpétuer leur système d’exploitation et d’asservissement. 

La guerre de basse intensité des années 90-96
est une prolongation de la guerre dite froide. Pourquoi ? Parce que, toutes ces
guerres, quelle que soit leur dénomination, sont, entre autres, un moyen d’accès
aux matières premières stratégiques et aux énergies (comme le gaz et le
pétrole)[4].  Et de la possession de ces matières
premières en grande quantité ou  du contrôle de l’accès à celle-ci dépend la
classification des pays en grandes puissances économiques ou militaires. (Un
petit documentaire sur le conflit au Congo est très clair sur cette question.
Les professeurs d’Université Américaine avouent que le Congo a fait la pouvoir
économiques de USA et sa puissance militaire.[5])

Ces guerres sont aussi un moyen de casser
psychologiquement toute culture de  résistance populaire et  d’obtenir
l’adhésion à la culture hégémonique impérialiste et néocolonialiste.

Les marionnettes fabriquées par les élites
dominantes anglo-saxonnes  menant cette guerre de basse intensité chez nous ont
peur de la  consolidation de la culture de la résistance et de l’insurrection
des consciences. Joseph Kabila en fait partie.

Un numéro de Jeune Afrique  consacré (pour
une bonne partie à Joseph Kabila), intitulé : « Kabila : Mobutu  light [6]», explique sur quatorze pages, comment en
RDC, « dix  ans après son arrivée au pouvoir, le président marche, hélas, sur
les pas de ses prédécesseurs ». Comme ses prédécesseurs, donc, Joseph Kabila est
venu illégitimement au « pouvoir » en tant qu’agent de l’impérialisme et du
néocolonialisme  sur fond du  capitalisme sauvage. Il ne peut, en aucune façon,
servir les intérêts majoritaires de nos populations ; encore moins, les laisser
s’organiser pour se remettre debout autour des dates symboliques comme le 16
février. (A Kinshasa, Kimbuta a refusé d’accorder la permission aux compatriotes
qui veulent marcher pacifiquement demain le 16 février 2013). La répression des
manifestations pacifiques, les arrestations arbitraires et extrajudiciaires, les
meurtres et les assassinats rentrent dans son mode de fonctionnement. Comme
Mobutu, il a  « son clan ». Et le Congo est aujourd’hui (comme hier) soumis aux
ordres des impérialistes et des néocolonialistes  par le biais  d’une classe de
« profiteurs noirs » composée de « nouveaux prédateurs kabilistes » et de
« vieux dinosaures  mobutistes ». Les  forces populaires, comme au début de
l’ascension de Mobutu, sont écrasées.  Les  rares qui réussissent à tirer leur
épingle du jeu sont obligés de faire allégeance à cette classe de « profiteurs
noirs ». Notre histoire, dans son orientation fondamentale, n’a presque pas
changé. Néanmoins, les minorités des combattants de la liberté n’ont pas encore
dit leur dernier mot.

 

 


 



[1] Lire J. CHOME, L’ascension de Mobutu. Du sergent  Joseph
Désiré
, Bruxelles, Ed. Complexes, 1974. (Nous soulignons) Ce livre permet de
comprendre bien des questions actuelles.

[2] Ibidem, p. 122.

[3] Ibidem, p. 130. Nous soulignons.

[4] Lire
M.COLLON, Bush, le  cyclone,
Bruxelles, Oser dire, 2005.

[5] Voir http://www.ingeta.com/le-conflit-au-congo-la-verite-devoilee/

[6] C’est le numéro 2612 du 30 janvier au 5 février
2011.

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