01 03 13 Jeune Afrique: Ph. Biyoya sur 'Accord d'Addis-Abeba
Philippe Biyoya :
Je nai pas de sentiment particulier à ce propos. Mais il faut se
retrouver dans un contexte où les pays travaillent ensemble pour un objectif
aussi noble et aussi important que la paix régionale. Cest une bonne chose à
mon sens.
Pourquoi certains
affirment-ils quon exige beaucoup plus de la République démocratique du Congo
(RDC) que de ses voisins souvent
mis en cause, comme le Rwanda et lOuganda ?
Il se pose, en
fait, un problème de conflictualité. Nous sommes dans un contexte régional où
les crises chez les voisins semblent avoir perdu de loccurrence par rapport à
la crise en RDC. On a limpression que ce pays est devenu le maillon faible. Il
faut donc reconstruire la base de larchitecture à partir de la RDC, qui est le
pays le plus important sur les plans géopolitique et géostratégique. Sil
sombre, il risque dengloutir tout le monde. La RDC doit remonter la pente,
revenir à un niveau où elle peut assumer ses responsabilités, étant entendu que
léquilibre de la région dépend plus de Kinshasa que des autres. Lorsquon
aborde la question de lingérence des voisins, on aborde le vrai problème. Il y
a tellement dingérences de leur part quon ne sait plus qui dirige la RDC. Si
cela ne sarrête pas, rien ne peut être construit.
Demander aux pays voisins de la RDC ne pas
singérer dans ses affaires, exiger quils nabritent pas de groupes armés ou
des criminels de guerre, nest-ce pas, comme dhabitude, émettre des vœux pieux ?
Aucun accord na
jamais créé la paix nulle part. Ce qui compte, cest la compréhension quon a de
laccord. Il sagit ici dun ensemble de mesures que lon veut mettre en œuvre
pour éradiquer le mal avec la collaboration de tout le monde. Cest un
accord-cadre, général, qui trace un schéma directeur. Pour sa concrétisation, il
appelle à une sorte dintelligence stratégique pour des arrangements. Il y a
encore du travail à faire. Les pays doivent sasseoir et étudier, palier par
palier, lensemble de la question. Si on simagine quen létat actuel, laccord
résout tous les problèmes, on se trompe danalyse. Il demande aux États habitués
à faire de lingérence de travailler sur dautres perspectives, dans lintérêt
de la paix. Cest à cela quon jugera le sérieux des engagements pris par les
uns et par les autres.
La partie congolaise
souhaite, depuis quelques années, la transformation du du statut de la Monusco
en force dintervention. Or, cela nest pas clairement indiqué dans laccord
dAddis-Abeba. Est-ce une lacune ?
Je crois quil y a une
avancée quelque part. La Monusco était chargée de stabiliser la RDC à
lintérieur de ses frontières. Mais, aujourdhui, la rébellion a atteint un
niveau tel que certains parlent de sécession ou de séparation. En
1962-1963, les Nations unies, qui tenaient à lintégrité du Congo, ont recouru à
ce quon appelle aujourdhui limposition de la paix, en utilisant la force
contre la sécession katangaise. Ce quil faut saluer aujourdhui, cest la
perspective de constituer une brigade dintervention qui aura pour mission
de combattre toutes les forces négatives, y compris le M23. On peut regretter, dans cet accord, le
fait quon nait pas formellement condamné les rébellions comme principe de
pouvoir dans la région, quelles soient internes ou instrumentalisées par les
pays voisins.
Les Congolais doivent assumer
ensemble la responsabilité de la gestion du pays.
Justement, que doit
faire la RDC maintenant que laccord a été signé ?
Les Congolais
doivent assumer ensemble la responsabilité de la gestion du pays. Si la
communauté internationale demande au gouvernement dentreprendre des réformes
jusquà la réconciliation, cest parce quon attribue la faiblesse et son rôle
mineur dans la région au fait que les Congolais ne constituent pas un bloc uni.
On pense que les divisions internes alimentent les rébellions. Il ne faut pas
tenter les voisins, ni les pousser à vouloir contrôler une partie des ressources
congolaises. Les gens ont besoin davoir en face deux un Congo interlocuteur.
Ce qui nest plus le cas. Par conséquent, le pays doit se reconstituer. Il doit
montrer quil a la volonté et les moyens de protéger ses ressources, sans se
soustraire de lobligation de solidarité avec le monde. L'accord d'Addis-Abeba
devrait renforcer la tendance au dialogue qui est en train de
samorcer.
LÉtat congolais
a-t-il les moyens de restaurer la paix, la stabilité, la sécurité et son
autorité dans sa partie orientale ?
La question ne
se pose pas en termes de moyens, mais de volonté. La partie du Congo située aux
frontières de lOuganda, de la Tanzanie et du Rwanda a été « somalisée ». LÉtat
ny existe plus. Le gouvernement doit sengager à tout reconstruire, à en
reprendre le contrôle. Au lieu de demander un mandat militaire pour la Monusco,
pourquoi ne pas solliciter, en plus, son implication dans la consolidation des
institutions qui existent ? Dans le Kivu et, de plus en plus, au Katanga, il y a
des zones sans aucune administration, militaire ou civile. Pourquoi lÉtat ne
demanderait-il pas à ses partenaires de déployer une armée internationale dans
cet espace sous influence politique et économique de lOuganda et du Rwanda ?
Cet accord est-il, par
rapport aux précédents, le bon ?
Ce qui peut être nouveau,
cest le niveau de responsabilité. Quel était le niveau de responsabilité de
ceux qui en étaient les initiateurs ? Cette fois, cest le secrétaire général de
lONU qui engage la responsabilité de sa structure. La Monuc, devenue Monusco,
na jamais été engagée par lONU comme telle. Elle avait été créée à la suite de
lAccord de Lusaka de 1999, piloté par la Communauté de développement d'Afrique
australe (SADC). Dans le cas présent, Ban Ki-moon a pris linitiative pour
que le Conseil de sécurité lentérine par des résolutions en vue de la création
dune force nouvelle ou de la révision du mandat de la Monusco. Il fera en sorte
que cela
réussisse.