15 04 13 JA – Augustin Matata Ponyo : "Nous sortons tout juste la tête de l'eau"

Jeune Afrique : Un an après votre nomination à la primature, quel bilan
dressez-vous de votre action ?

Augustin Matata Ponyo : Nous avons stabilisé l’économie. La plupart de nos
indicateurs sont au vert : la croissance économique est soutenue, à 7,1%, le
taux de change du franc congolais par rapport au dollar est stable depuis trois
ans et nos recettes fiscales sont en hausse [à 2,9 milliards d'euros en 2012,
soit un bond de 32% entre 2011 et 2012 NDLR]… Quant à la balance des paiements,
elle s’est améliorée significativement ! Mais il reste encore énormément à
faire. Nous sommes comme un homme qui sort tout juste la tête de l’eau, mais il
nous faut nous relever complètement…

La situation budgétaire du pays s’est
améliorée, avec des recettes en hausse de 32% entre 2011 et 2012… Comment est-ce
possible ?

J’ai été deux ans ministre de l’ Économie, je connais les rouages de l’administration et
ses problèmes, en particulier la corruption élevée. Pour augmenter les recettes,
nous avons déclaré la guerre à la fraude, notamment dans les douanes. Par
ailleurs, nous avons mis en place la TVA, en dépit d’une opposition forte. Notre
chantier le plus important reste l’élargissement de notre base fiscale,
compte-tenu de l’importance du secteur informel.

Mais de nombreuses entreprises se plaignent
d’un harcèlement administratif en RDC… Avec ces mesures pour augmenter les
recettes de l’État, ne risquez-vous pas de l’aggraver ?

Le harcèlement des entreprises existe parfois,
je ne le nie pas, et il ne va pas disparaître tout de suite. Il nous faut éviter
d’entraver l’activité des entreprises, mais en même temps, il nous faut donner
des signaux forts en matière de lutte contre la fraude…

Vous cherchez à attirer des investisseurs
étrangers dans des projets d’infrastructures… Pour le moment, les résultats sont
maigres…

Avec un budget qui reste faible, par rapport
aux immenses besoins de la RD Congo, le recours aux partenariats-public-privés
(PPP) est une option incontournable. Mais nous en sommes conscients, seule
l’amélioration du climat des affaires, et la création de véritables opportunités
économiques permettront d’attirer des multinationales dans des projets
d’infrastructures. Il nous reste encore du chemin à parcourir.

Parmi les projets emblématiques, celui du
barrage hydroélectrique d’Inga 3. Des représentants de l’Afrique du Sud étaient
à Kinshasa début mars. Quelles sont les conclusions des discussions ?

Un protocole d’accord entre nos deux pays a été
préparé et il va être examiné prochainement en conseil des ministres. Il s’agit
pour l’Afrique du Sud de nous aider à faire avancer ce projet d’électrification.
Les Sud-africains nous achèteront une partie de l’électricité produite, et
participeront à la construction du barrage.

Avez-vous bouclé le budget de 9 milliards de
dollars nécessaires à la réalisation de ce grand projet ?

La Banque mondiale nous soutient, j’en ai
discuté le 26 mars avec son vice-président. Mais c’est vrai que, pour le moment,
nous n’avons pas encore de montant ferme. Mais nous n’en sommes encore qu’aux
études de faisabilité du projet. Nous n’avons pas de date de mise en œuvre à ce
jour.

Le FMI a envoyé un mauvais signal aux
investisseurs en arrêtant ses programmes dans le pays en février dernier.
L’institution reproche à la RD Congo la conclusion du contrat minier Comide à la
société ENRC, dans des conditions jugées opaques…

Le FMI dit deux choses. D’un côté il reconnaît
notre meilleure gestion macro-économique et nous donne un satisfecit. Mais de
l’autre, il nous reproche le manque d’information autour du contrat miner
Gécamines – Comide au Katanga. Une mission spéciale de l’institution était en RD
Congo début mars pour étudier spécifiquement cette affaire. Malheureusement,
après cette visite, les enquêteurs du FMI nous disent être restés sur leur soif
et ne pas avoir progressé dans leurs investigations. Ils nous ont demandé des
informations supplémentaires.

Quelles sont les données manquantes
?

Il s’agit des conditions d’obtention du
contrat. Ces informations ne sont pas entre les mains du gouvernement, mais de
la Gécamines. La société publique est en train de rassembler ces données. Nous
espérons qu’elle le fera au plus vite pour que le FMI reprenne ses programmes en
RD Congo.

Le secteur minier reste un secteur majeur de
l’économie congolaise. La RDC n’est-elle pas trop dépendante de ce secteur
?

Les mines représentent encore 33% du PIB
congolais. C’est un domaine important, mais qui devrait être le démarreur de
l’économie. À côté il faut aussi que nous construisions une véritable industrie
de transformation. Mais notre priorité fondamentale, c’est le secteur agricole.
C’est là que nous pouvons avoir l’impact le plus important sur la
population.

Pour nous cela passe par le soutien à
l’agriculture vivrière, mais aussi le développement de grands projets agricoles
en PPP. Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à importer près de 1,3
milliard de dollars de produits alimentaires alors que nous disposons de 80
millions d’hectares de terres arables…

Le Nord-Kivu recèle justement de belles
potentialités agricoles et minières. Quel développement économique peut-on
envisager pour cette province, touchée par les conflits entre différents groupes
armés, notamment pour le contrôle des réserves de minerais de coltan et de
cassitérite ?

Seul le tiers de cette province est frappé par
l’insécurité. Là encore, c’est d’abord sur l’agriculture qu’il faut compter. La
terre de cette province est extrêmement fertile. De grands élevages pourraient
aussi y être installés. Mais pour que le potentiel agricole puisse vraiment se
développer, au Nord-Kivu comme ailleurs, il faut des routes et voies ferrées.
D’abord au centre de la RDC, pour désenclaver le pays et mieux l’unifier, mais
aussi pour relier des régions frontalières, notamment à l’Est et au Sud.

En matière sécuritaire, n’êtes-vous pas
inquiété par la récente attaque du mouvement dit des Kata-Katanga du 24 mars sur
Lubumbashi, qui vient s’ajouter aux problèmes des deux Kivu ? Il y a tout de
même eu 35 morts dans cette opération.

Ce qui s’est passé à Lubumbashi relève plus du
folklore que d’autre chose… On ne vient pas bouleverser un pays ou une province
avec 21 fusils. Je ne suis absolument pas inquiet de la situation sécuritaire au
Katanga.

 

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.