19 04 13 RO – Augustin Matata Ponyo : «Les fonctionnaires de lEtat, les militaires, les policiers sont satisfaits»
Radio Okapi : Monsieur le Premier ministre, ce jeudi 18 avril
vous avez totalisé un an dans vos fonctions. Combien vous coteriez-vous
sur 10 et comment pourrez-vous justifier cette cote ?
Augustin Matata Ponyo : Il serait élogieux de sattribuer une cote
excellente parce quon ne peut pas se coter soi-même. Il serait indiqué
que ça soit ceux qui nous voient travailler de donner la cote. Mais si
vous me forcez à faire cet exercice, en toute honnêteté professionnelle
je ne me donnerai pas moins de 7 sur 10. Lorsque je vois les résultats
qui ont été obtenus, je pense que par rapport aux objectifs que le
gouvernement sest assignés nous avons atteint des performances qui nous
permettent de dire quon a acquis une cote au-delà de 7 sur 10.
Lune des grandes critiques formulées contre vous est que vous
vous vantez beaucoup de la stabilité du cadre macroéconomique mais cela
ne se sent pas dans le vécu quotidien du Congolais. Etes-vous mal
compris ou cest votre explication de notion de la macroéconomie qui est
mal donnée ?
Je crois que quand on est professionnel, on ne peut pas tomber sous
la vague de rumeurs, des médisances, des colportages. Quand on est
professionnel, on regarde les choses froidement. On ne doit pas oublier
que dans ce même pays on a vécu lhyperinflation. Et tout le monde sait,
pour ceux qui sont honnêtes, que la décadence économique dans laquelle
nous nous trouvons est due notamment à lexistence de lhyperinflation.
Quand il y a la valse des prix, la valse des étiquettes on ne sait pas
faire le commerce. On ne sait pas programmer, on ne sait pas anticiper.
Cest très beau pour ceux qui parlent de cette manière là parce que eux
perçoivent en dollar, ils ont des rentes. Mais le Congolais moyen, le
fonctionnaire de lEtat, celui qui touche aujourdhui son salaire à
partir du 15 de chaque mois, celui qui touche son salaire en franc
congolais tout en ayant la stabilité des prix, le militaire, le
policier, les enseignants qui hier leurs salaires subissaient des
prélèvements intempestifs touchent [maintenant] à la banque et sont
satisfaits.
Puisquil y a le décalage entre la stabilité du cadre
macroéconomique et le social des Congolais, le décalage qui semble
remettre en cause votre action. Que faire pour relever le défi ?
Peut-être quon ne se comprend pas. Il ny a pas de décalage entre la
stabilité et le social. Lorsque le président Kabila accédait au pouvoir
en 2001, un fonctionnaire de lEtat touchait 10 dollar, un professeur
de luniversité navait même pas 100 dollars. Cétait entre 30 et 50
dollars par mois. Et ce salaire là était touché de manière irrégulière, à
limproviste. Aujourdhui combien touche un fonctionnaire ? Bien sûr
cest encore bas mais ce nest pas 10 dollars. Mais cest régulier.
Combien touche un professeur duniversité ? Cest vrai, ce nest pas
encore à la hauteur dun professeur dun pays développé.
Lorsque vous dites que le social nest pas compatible, laissez-moi
vous dire : lorsquon achète des bus pour que des Congolais qui
circulent dans des bus corbillards soient transportés de manière digne,
ce nest pas du social ? Nous avons donné au ministre de lEnseignement
primaire 40 milliards de francs congolais. Moi-même, je suis allé
jusquà Kimbanseke [Ndlr : lune des communes les plus
défavorisées de Kinshasa] pour lancer le programme national de
construction de 400 écoles. Et avant la fin de lannée, nous allons
donner 100 milliards de francs congolais pour construire plus de 1 200
écoles en une année. Ce nest pas du social ? Lorsque nous lançons un
programme ambitieux de construction, de réhabilitation des centres de
santé, des zones de santé, des hôpitaux généraux. Lorsque nous mettons
en œuvre un programme de réunification routière. Ce nest pas du
social ? Il ne faut pas tomber dans le piège de ceux qui veulent
toujours que notre pays rentre en arrière. Il ny a pas de déconnexion
entre le social et la stabilité. Cest faux.
M. le Premier ministre, on vous reproche beaucoup dappliquer la politique de laustérité dans votre gestion. Quen dites-vous ?
Dites moi : avez-vous vu une invention qui se fait dans le brouhaha ?
Moi je nen connais pas. Avez-vous vu une salle de classe enseigner
dans le bruit ? Je ne connais pas. Avez-vous vu une grande université
qui fait des théâtres pendant les cours ? Non. Tout se fait dans la
discipline, dans lordre, dans lorganisation. Tout se fait dans la
rigueur. Cette rigueur là quon nous reproche, ce nest pas la
population qui nous reproche. La population veut la rigueur. Allez
demander aux enseignants, ils vous diront quils sont contents de cette
rigueur parce que leur salaire est payé régulièrement.
Quelquun qui a un petit marché pour lequel il fournit en concurrence
de 1 millions de dollars, on lui donne 10 millions de dollars. Qui
perd ? Cest le Congolais qui perd. Qui profite ? Cest le fameux
opérateur économique avec des surfacturations. Cest fini cette
histoire.
Les députés qui vous en voulaient dans leur motion de censure
vous reprochent la violation de la loi budgétaire notamment le
réaménagement et la rectification du budget sans laval de lAssemblée
nationale.
Je ne voudrais pas faire de la polémique sur cette question. Nous
avons beaucoup de respect pour lAssemblée nationale et le Sénat et
lensemble des institutions de la république. Tout ce que je peux vous
dire sur cette question est que nous travaillons pour le bien de la
communauté. Nous travaillons pour que ce pays avance. Le budget est une
prévision. Entre les prévisions et les réalisations, il y a un pas.
Votre gouvernement ferme les yeux devant la corruption, dit-on.
La justice est impuissante devant une catégorie de personnes devenues
intouchables. Elle est même devenue très corruptible. Et tout cela
retombe sur vous.
Le gouvernement est une institution. La justice est une autre
institution. Nous sommes conscients des remarques faites par les uns et
les autres mais nous devons travailler tout en respectant les exigences
démocratiques qui veulent que la justice soit indépendant.
Leau et lélectricité demeurent un grand défi. La paix dans le
Nord-Kivu est toujours hypothétique. Les Maï Maï empêchent les gens de
dormir tranquillement. Cela vous gêne-t-il ?
Ça ne me gêne pas me ça me préoccupe parce que la sécurité fait
partie des objectifs dun gouvernement. Lélectricité, leau font partie
des indicateurs clés de la vie sociale. Nous sommes en train dy
travailler. Quand on plante les graines de maïs, on ne peut pas récolter
le même jour même si on est un savant, même si on est un pays développé
comme les Etats-Unis. Les problèmes de sécurité ne peuvent pas se
terminer en un seul jour. Le plus important est que le gouvernement est
conscient de ce problème et y travaille.
Concernant leau et lélectricité, jai déjà tenu des réunions pour
discuter de cette problématique. Cest un défi énorme. Mais le plus
important est que nous y travaillons. Lorsque quelquun est à -15 et
quil monte à -10 na-t-il pas progressé ? Certains dirons quil na pas
progressé parce quil est toujours en dessous de zéro. Mais un bon
mathématicien vous dira quil est plus proche quil nétait auparavant.
Nous sommes dans un processus aujourdhui. Les spécialistes disent que
la RDC progresse mais vu le retard dans lequel on était, on a
limpression de ne pas progresser pour ceux qui ne veulent pas voir le
progrès de ce pays. Nous navons réalisé que douze mois de travail. Nous
navons pas lambition de dire que tout a été fait. Non, bien au
contraire. Ce nest pas un travail qui va se réaliser en 5 ans. Cest un
travail qui doit sétaler sur 30, 40, 50 ans.
Vous amorcez un nouveau virage dans votre mandat. Vous lui donnez quelle configuration ?
Cest un mandat que nous consacrons au social. Nous avons passé une
année harassante. Jai été ministre des Finances, je moccupais dun
secteur. Cétait très difficile mais cétait moins compliqué. Etre chef
du gouvernement, cest à la fois difficile et complexe. Mais nous avons
vaincu linstabilité du cadre macroéconomique. Lannée 2 du gouvernement
Matata sera consacrée au progrès social, la fondation ayant déjà été
posée.
Interview réalisée par Innocent Olenga.