L’ONU serait-elle toujours un machin ? Martin ZIAKWAU, chercheur en Relations Internationales

 

 Deux
observations.

 Dans la mémoire mondiale, l’on retiendra que, c’est en
plein périple pour tenter d’éteindre le feu décimant la partie sudiste du
nouvel Etat, que Dag Hammarskjöld, alors secrétaire général de l’ONU, avait
tiré sa révérence. La lumière tarde encore à être faite sur cette triste
affaire. Alors que des opérations de maintien de la paix déployées jadis ça et
là dans le monde n’avaient qu’un mandat d’observation, celui de l’ONUC s’était
converti, quelques mois à peine après sa création, à l’imposition de la paix.
Les casques bleus entraient ainsi dans une belligérance contre les
sécessionnistes. Cependant, c’est à la suite des pourparlers entre Kinshasa et
les indépendantistes, que l’ONUC devrait neutraliser, que l’intégrité du
territoire national fut recouverte. Qu’est-ce qui expliquerait l’une et l’autre
? Je pense que cela est à attribuer à la réticence ou la volonté de grandes
puissances à mettre fin aux problèmes sécuritaires auxquels le jeune Etat était
butté du fait principalement de son ancienne métropole. Faut-il rappeler que
les Etats sont des monstres froids qui n’ont pas d’amis mais seulement des
intérêts (à promouvoir, préserver et protéger) constituant le mobile de leur
agir ? Patrice Emery Lumumba, suspecté de vouloir entraîner son pays dans le
giron communiste,  ayant rejoint l’autre rive, il n’y avait manifestement
plus de raison de laisser la situation sécuritaire pourrir. D’autant plus que,
dans les milieux capitalistes d’antan, l’on considérait que le Congo
bénéficiait d’assez d’atouts pour jouer le rôle d’Etat tampon. Ce qui fut
finalement fait.

 Comme si l’histoire congolaise pouvait se réécrire. Le
récent passage de Ban Ki-Moon en RDC a, me semble-t-il, suscité des montagnes
d’espoirs dans les cœurs des Congolais quant à l’imminence du rétablissement de
la paix au Kivu. L’attente était si grande que la déception est très profonde.
A qui la faute ? Est-ce au M23 qui se montre impassible au déploiement des
contingents tanzaniens et autres à Goma? Ou au Gouvernement de la République qui croit en
la victoire de sa diplomatie ? Ou encore à une certaine naïveté dans l’opinion
publique congolaise? La vérité est parfois difficile à ingurgiter : ce n’est
pas le SG qui décide de la paix mais plutôt les membres permanents dont le plus
influent est aujourd’hui, plus que hier, le pays de Barack Obama. Ce n’est pas
le SG qui fournit les ressources humaines, financières, logistiques nécessaires
au déploiement et à l’efficacité d’une mission de maintien de la paix mais
plutôt les Etats-membres,  dont le premier contributeur au budget onusien
est le pays de Susan Rice.

 Peut-on en venir à penser, comme De Gaule, que les USA
manipuleraient à nouveau l’ONU qui, malgré les moyens colossaux de sa mission
en RDC, peine à y gérer efficacement la crise sécuritaire ? Une frange des
Congolais répondraient par l’affirmative. Si tel est le cas, il y a lieu de
repenser quelque peu la diplomatie de la
RDC
orientée principalement vers New York. En effet, ce n’est
pas d’abord le vote d’une résolution ou la présence des troupes onusiennes qui
augurerait la restauration de la paix mais plutôt la volonté des membres
permanents à jouer « pleinement » leur rôle.

Pendant que le M23, classé parmi les mouvements négatifs que la Brigade d’intervention est
tenue de « rechercher, combattre et neutraliser », excelle dans l’arrogance et
se pavane dans un coin du pays, Ban Ki-Moon exhorte Kinshasa à reprendre la
route de Kampala. Est-ce un aveu de l’inefficacité dissuasive de l’annonce de
l’arrivée  des éléments de la
Brigade
au Nord-Kivu? Ou la peur d’un éventuel échec de l’ONU
aux conséquences fâcheuses? Ou encore le simple souci d’une ultime chance de
résoudre pacifiquement ce conflit ? D’autres questions méritent parallèlement
d’être posées. Les grandes puissances ont-elles réellement résolu d’éteindre
complètement le feu dans cette partie du pays ? La RDC peut-elle, dans l’actuel
contexte régional, jouer le rôle d’Etat tampon comme autrefois ?

Au regard de l’évolution en dents de scie des relations entre la RDC et l’Occident en général
et les USA en particulier depuis 1960, je pense modestement que la RDC a plus à gagner en
s’attirant la sympathie de l’empire américain tout en faisant preuve de bonne
gouvernance, qu’en restant en dehors de la coalition américaine en Afrique.
Pour ce faire, il faudrait de la volonté politique et, surtout, de
l’intelligence stratégique. Car, les USA savent se passer de l’ONU lorsqu’ils
estiment qu’elle entrave leur hyperpuissance, ou s’en servir  quand ils
jugent qu’elle leur permet d’asseoir leur hégémonie.

 

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