03 07 13 MO – La nouvelle CENI, bonne étape vers les élections au Congo?

Pourquoi
la réforme de la commission électorale ?

 

 
 

Les élections présidentielles et
législatives
du 28 novembre 2011 en République Démocratique du Congo ont été
fortement critiquées. Des observateurs et analystes congolais et internationaux
ont conclu que les élections étaient non crédibles. Malgré la victoire
officielle, le président Joseph Kabila et son parti politique (PPRD) sont sortis
très affaiblis du processus électoral.

 

 

 

Après les élections, des observateurs,
des partis politiques, la société civile et des partenaires internationaux,
entre autres la Belgique, ont insisté sur la réforme de la commission
électorale, car on considérait cette institution comme un des responsables
principaux du cauchemar électoral de 2011
. Des représentants des partis
politiques de la majorité et de l’opposition, avec à la tête un proche de
Kabila, dirigeaient une CENI fortement politisée. La société civile n’y était
pas représentée.

 

 

 

Comment
la commission électorale fut-elle reformée ?

 

 

 

Après 2011, le régime de Joseph Kabila
devait montrer sa bonne volonté pour la poursuite du processus électoral. Par
conséquent, une proposition de loi fut déposée
pour révision de la loi de 2010 portant sur l’organisation et le
fonctionnement de la CENI. Après débat, le parlement a approuvé le texte en
décembre 2012. En avril de cette année, le président à promulgué la loi.

 

 

 

Dans la première phase après la
promulgation, il y a eu des concertations au niveau des organisations de
la société civile, des partis politiques de la majorité et de l’opposition
politique. Ensuite, chaque groupe a présenté ses candidats au bureau de
l’assemblée nationale
, qui a désigné les membres de la nouvelle
CENI.

 

 

 

Quelle
est la nouvelle composition de la commission?

 

 

 

La commission électorale est composée
de deux organes : l’assemblée plénière et le bureau. L’assemblée plénière
a 13 membres dont 3 de la société civile (organisations de femmes, organisations
d’éducation électorale et civique, confessions religieuses). Il y a aussi 6
représentants de la majorité politique et 4 de l’opposition. L’assemblée
plénière est chargée de la conceptualisation, des décisions, des orientations,
de l’évaluation et du contrôle de la CENI.    

 

 

 

Le deuxième organe, le bureau,
est composé de 6 membres : 1 représentant de la société civile qui préside la
CENI, 3 de la majorité et 2 de l’opposition. Le bureau est chargé de la gestion
et de la coordination de la commission électorale.

 

 

 

Quels
sont les défis de la commission électorale ?

 

 

 

Lors de la prestation de serment, les
13 nouveaux membres de la CENI se sont engagés de respecter la Constitution et
les lois congolaises et de préserver l’indépendance, la neutralité, la
transparence et l’impartialité de la commission. Le premier défi de la
commission est d’améliorer sa réputation et gagner la confiance
des électeurs congolais et des partenaires internationaux.

 

 

 

Le second défi est de restaurer la
crédibilité du processus électoral
en préparant des élections transparentes
et apaisées au niveau provincial (députés, gouverneurs, sénateurs) et local.
Pour cela il faut actualiser le calendrier du processus et le ficher électoral,
chercher des fonds etc. Pour l’instant, l’organisation (éventuelle) d’élections
provinciales cause une nervosité croissante. Le mandat constitutionnel des
députés provinciaux, élus en 2006, est expiré. Dès lors, les députés sont
confrontés à un problème de légitimité auprès des électeurs. En outre, ils
savent que le mécontentement de la population est un obstacle à leur
réélection.   

 

 

 

La nouvelle CENI doit également faire
face au défi d’organiser des élections présidentielles et législatives
crédibles
à la fin de la législature actuelle en 2016. Arrivé au pouvoir en
2001 et après deux mandats suites aux élections, la Constitution congolaise ne
permet plus au président Kabila de poser sa candidature. Cependant, il y a des
signaux persistants faisant état de l’intention de l’entourage présidentielle de
modifier la Constitution, de façon que son réélection devienne
possible.

 

 

 

La société civile, dont l’Eglise
Catholique, ainsi que des partis de l’opposition appellent déjà au respect de la
Constitution. La révision constitutionnelle de janvier 2011 reste encore tout
fraîche dans la mémoire. « Accepter une nouvelle révision brutale c’est
mettre le pays à feu»,
 dit-on. Dans ce contexte politique
difficile, la nouvelle CENI devra jouer son rôle
démocratique.

 

 

 

Comment
les Congolais accueillent la nouvelle commission ?

 

 

 

L’entrée de la société civile et la
représentation de 30% de femmes
dans la nouvelle CENI sont perçus comme des
points positifs. La province du Sud-Kivu et les organisations de femmes sont
représentées par Elodie Ntamuzinda. Avant sa désignation, elle assumait la
fonction de présidente du bureau de coordination de la société civile du
Sud-Kivu. Malgré le soutien qu’elle reçoit, selon certaines sources critiques
elle a été désignée grâce à sa proximité avec
le pouvoir à Kinshasa.    

 

 

 

Mais la nouvelle CENI a aussi des
points négatifs. Une plate-forme congolaise qui travaille sur les élections a,
entre autres, a remarqué que les compétences importantes prévues dans la
loi sur la CENI ne sont pas assignées au président (issue de la société civile),
mais au vice-président du bureau (issue de la majorité politique). En outre, la
description de la procédure à suivre pour désigner les membres de la
commission électorale est vague. La désignation des membres par l’assemblée
nationale s’est passée d’une façon non-transparente. Cela soulève la suspicion
de la présence de motivations politiques dans la désignation des membres de la
CENI, alors qu’officiellement l’assemblée nationale a
tenu compte des compétences des candidats présentés et de l’équilibre entre les
provinces.

 

 

 

Il y a une forte crainte que la marge de manœuvre de la société civile dans la
commission soit trop étroite pour suivre une
ligne impartiale dans cette CENI toujours très politisée. La désignation de
l’abbé Apollinaire Malu Malu
, originaire du Nord-Kivu, comme président de la
nouvelle commission électorale polarise déjà le débat sur le processus
électoral. La majorité défend la désignation de Malu Malu en se référant à son expertise, son expérience et la
reconnaissance internationale pour l’organisation des élections ‘historiques’ de
2006-2007.

 

 

 

Des sources critiques, y compris des
représentants de la société civile et des partis de l’opposition, déplorent la désignation de Malu Malu. Ils lui
reprochent d’avoir perdu son statut « impartial » vis-à-vis de la
majorité présidentielle. « Cette fois-ci Malu Malu n’occupe pas sa
fonction au nom de la société civile. Sa désignation est un compromis politique
entre la majorité présidentielle et la communauté internationale »,

dit-on. Le comeback de Malu Malu est quand même remarquable, vu l’appel de la
Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) aux prêtres et religieux de ne
pas faire partie de la nouvelle commission
électorale.

 

 

 

Au cours des mois
suivants on verra bien si la nouvelle Commission Electorale Nationale
Indépendante
aura oui ou non tiré des leçons des élections de 2006 et
surtout de 2011, si les nouveaux membres prépareront des élections crédibles en
tant que citoyens responsables et si l’équipe sera capable de résister à la
pression politique.

 

 

 

 

 

Nadia Nsayi est chargée de plaidoyer
politique chez les organisations belges néerlandophones Pax Christi et
Broederlijk Delen à Bruxelles. Plus d’infos : nadia.nsayi@paxchristi.be

 

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