25 07 13 Thierry Vircoulon sur RFI: «Le rôle perturbateur du Rwanda dans la région des Grands Lacs a été mis en évidence lannée dernière»
Thierry Vircoulon : Il y a en effet un changement de conditionnement. Cela
avait déjà été le cas lannée dernière lorsque la crise du M23 a commencé. Ca
sinscrit dans la continuité maintenant de la position américaine. Le rôle
perturbateur du Rwanda dans la région des Grands Lacs a été mis en évidence
lannée dernière. Et il y a une politique de pression de la part des
Etats-Unis, mais aussi dautres acteurs.
RFI : Washington dit sappuyer sur des éléments concrets, des
preuves ; il y a eu récemment des accusations dans un rapport signé de
lorganisation de défense des droits de lhomme Human Rights Watch qui dénonce
notamment des exactions.
La violence et les tensions ont repris sur le terrain depuis quelques
semaines au nord de Goma où larmée congolaise affronte le M23. Ca donne lieu à
des échanges daccusations qui vont dans tous les sens. Kigali accuse larmée
congolaise de collaborer avec les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda).
Elle accuse même la Monusco
et les Nations unies de travailler aussi avec les FDLR. Et de lautre côté, il
y a des accusations selon lesquelles en effet le M23 a fait des exécutions
sommaires.
Egalement des accusations de viols, des accusations denfants recrutés de
force ?
Oui, qui sont la continuité de ce qui sest passé lannée dernière. De ce
point de vue-là, on peut dire quil ny a pas de changement. Et cest assez
dommageable puisque linitiative onusienne de paix qui a été lancée en février
était censée calmer un peu les choses. Et on constate quà lheure actuelle, il
y a plutôt un regain de violences sur le terrain. Et on se demande dans quelle
mesure ce qui se passe à New York est connecté avec ce qui se passe au nord de
Goma.
Cest-à-dire quaujourdhui ce qui pourrait se dire dans les prochaines
heures au Conseil de sécurité des Nations unies na finalement que peu dimpact
sur le cours des événements dans cette province du Kivu ?
Pour le moment, Kinshasa favorise une option militaire. Après
lhumiliation très sérieuse de lannée dernière face au M23, Kinshasa voudrait
bien renverser le rapport de force et humilier à son tour le M23 pour entrer
dans un nouveau cycle de négociations puisque les négociations, qui se tiennent
à Kampala, sont dans une impasse complète et nont pas avancé depuis maintenant
très longtemps.
Alors précisément, on parle de Kinshasa, on parle de Kigali. Quel est
aujourdhui le rôle tenu par la présidence ougandaise dans la région ?
La présidence ougandaise dans la région fait profil bas actuellement. Ce
sont les armes qui parlent et il ny a plus vraiment de négociations. A
Kampala, je ne sais pas dailleurs qui est-ce qui est encore présent autour de
la table, mais jai limpression que du côté congolais, en tout cas, il ny a
plus grand-chose et que le facilitateur ougandais est plutôt maintenant dans
son bureau quà Entebbe.
Comment Kigali peut continuer à nier toute présence alors que précisément
des preuves attestent du contraire ?
Kigali ne reconnaîtra jamais sa présence, parce que si elle le faisait, ça
serait une bombe atomique contre elle. Mais comme vous le dites, un certain
nombre dacteurs ont des preuves et par conséquent ce qui est essentiel, cest
de réussir à trouver les bonnes pressions sur Kigali. Lannée dernière, les
sanctions financières, les suspensions daide des bailleurs européens notamment
ont eu un effet assez convainquant sur Kigali, le retrait du M23 de Goma était
assez lié à cela. Donc cest encore cette arme de la suspension de laide qui pourrait
être utilisée si Kigali venait au secours du M23.
La question qui se pose aujourdhui, cest aussi le positionnement de la
communauté internationale vis-à-vis de Kinshasa. Est-ce que dune certaine
manière, indirectement, Kigali ne permet pas à cette présidence de la RDC de retrouver des appuis un
peu perdus au cours des dernières années ?
Sur le plan diplomatique, la
RDC avait « gagné » puisque le Rwanda apparaît dans
cette crise du M23 comme lagresseur. Il ne faut pas oublier que laccord de
paix, qui a été sponsorisé par le secrétaire général des Nations unies au mois
de février, prévoit non seulement que les pays voisins ninterfèrent pas dans
les affaires congolaises, mais que la
RDC, le gouvernement congolais, fasse un certain nombre de
réformes et souvre et se démocratise. Cest cela qui est en jeu en ce moment
aussi à Kinshasa. Il y a des concertations nationales qui sont lancées. On va
voir si ces palabres vont avoir un effet quelconque ou pas du tout. Mais en
tout cas, il y a également une pression sur Kinshasa pour changer de
comportement. Beaucoup dacteurs maintenant reconnaissent que, même si le
problème du M23 était réglé, la région du Kivu resterait une zone dinsécurité
assez forte parce quil y a des racines locales dans tous les conflits qui
concernent le Kivu. Nous venons de publier un rapport de lInternational Crisis
Group sur des conflits dans le Sud-Kivu qui met en évidence que, en dehors des
interférences étrangères, il y a des causes très locales à ces confits.