29 07 13 "S'attaquer aux cause profondes de la guerre" ( Réseau Paix pour le Congo / Soc.civ. Nord-Kivu)
Société civile du Nord Kivu, sexprime, par son Président Mr. Thomas dAquin
Muiti, accompagné par son Rapporteur général, Mr. Negura Bary
Bonaventure.
Mot de remerciement
Dabord je
vous remercie pour ce que fait le réseau que vous représentez et nous sommes
reconnaissants au réseau de vous avoir déployée ici à lEst pour comprendre et
goûter ce qui se passe. Puisque quand vous êtes en Italie il peut y avoir des
informations qui vous font croire que dans cette partie de la RD Congo il ny a
plus personne qui vive. Le fait de prendre le courage et de venir passer la nuit
à Goma aujourdhui, pendant quon est en train de parler dune éventuelle
attaque dans les quelques heures, signifie que vous avez à cœur la population
qui continue à croupir dans la misère. Pour cela nous, Société civile, nous qui
sommes la bouche de cette population meurtrie, nous sommes dans lobligation de
dire grand merci. Transmettez notre reconnaissance aux Italiens : nous savons ce
que fait lItalie pour notre pays.
1.
QUATORZE MOIS AVEC LE M23
Qui compose le M23 ?
Le M23
comporte les mêmes acteurs qui ont commencé la guerre depuis 1993 ; donc,
jusquà mars 2013, nous avons totalisé vingt ans de guerre ici à lEst. Cette
guerre du M23 est menée par les mêmes acteurs qui ne changent que de casquette
et de blouse : avant cétait le CNDP, avant-hier cétaient les Mutebusi au
Sud-Kivu, par ailleurs cétait le RCD… Le M23, cest le Rwanda dans ses
intérêts économiques..
Qui na pas respecté les accords
?
Je vais parler
de ce que nous venons de traverser pendant plus ou moins quatorze mois, avec la
présence du M23. Le M23 a commencé cette défection en disant quil veut
revendiquer un accord qui na pas été exécuté par la partie gouvernementale,
laccord du 23 mars 2009. Malheureusement, lors des pourparlers de Kampala, en
évaluant cet accord on a compris que cest plutôt le CNDP qui na pas respecté
la close qui stipulait quil ne pourrait plus jamais recourir aux armes pour une
quelconque revendication, quelle soit politique ou militaire : toute
revendication devait se faire de manière politique, pacifique. Chose qui na pas
été faite. Alors que la partie gouvernementale avait respecté à plus de
75% les obligations qui étaient les siennes.
Une catastrophe pour la
population
Pour nous, en
tant que population, depuis le déclanchement de la guerre par le M23 cest le
chaos, la catastrophe. Dans lentité sous contrôle du M23, des milliers de
femmes sont violées; il y a eu des enlèvements, des tueries, le recrutement
forcé de jeunes et denfants, les chefs coutumiers sont menacés – par exemple le
chef de la chefferie de Bwisha à Rutshuru est déplacé – ; la population a été
contrainte de traverser les frontières : aujourdhui les camps des déplacés, les
camps des réfugiés en Ouganda sont pleins de population venue de Rutshuru ; les
camps de Kanyarucinya et de Mugunga, ici au niveau de la ville de Goma cest la
population venue des zones sous contrôle du M23. Chaque jour il y a des tueries
dans la ville de Goma et sur les axes routiers
Goma-Rutshuru-Kanyabayonga.
Tout pasteur,
tout chef de localité qui narrive pas à obéir aux ordres du M23 est tué ;
à un chef de localité on a lié la langue avec une corde et on la tiré pour lui
dire : continue à parler !, jusquà ce quil a émis le dernier souffle. Et
aujourdhui, avec le M23, on est dans une situation telle que jamais vécue au
monde.
Dans les
quatorze mois du M23 la population de Rutshuru vient de vivre une situation qui
dépasse les vingt ans de guerre, puisque elle vit dans un esclavage total. Les
écoles ne fonctionnent plus : que deviennent ces enfants qui ne sont pas
scolarisés pendant quatorze mois ? Ils sont dans des camps de réfugiés, de
déplacés : ils deviennent une bombe à retardement dans les jours qui viennent.
Tout cela nous pensons que cest une catastrophe que le M23 est en train
dinfliger à la population.
2.
TOUTE UNE PROVINCE DESTABILISEE
A
Rutshuru, Nyiragongo, Goma, une situation indescriptible
Cest ainsi
que nous vivons aujourdhui une situation indescriptible, très grave. Au niveau
de Rutshuru, Nyiragongo et Goma, il y a des familles de dix personnes qui vivent
avec un dollar par jour, et pour trouver ce dollar, le papa et la maman partent
faire le transport des bagages dans les marchés ; le soir chacun amène ce quil
a récolté pour chercher ce que nous appelons le « murongo », un gobelet
en plastique utilisé pour lachat de la farine, avec quelques petits poissons et
un peu de braise pour faire la cuisine.
Quand vous
arrivez dans les marchés, vous voyez comment ces membres de familles se
disputent les bagages. Cest comme une faveur transporter un bagage ; et quand
une personne nest pas enregistrée dans ce marché, les autres membres
transporteurs la tabassent pour quelle ne leur arrache pas le travail. Cest la
catastrophe.
Dans la partie Walikale
aussi
Dans le reste
de la province cest aussi la catastrophe. Le M23 a crée des alliances. Par
exemple, dans le territoire de Walikale, il utilise un groupe armé quon appelle
les « Nduma defense of Congo », NDC, dirigé par un civil autoproclamé général,
qui sappelle Cheka. Les gens pensent à un sobriquet, mais Cheka, en
réalité Shekarima, cest un nom nyanga. Avant dêtre très actif, Cheka a
commencé par des voyages au Rwanda, où il a bénéficié dargent et darmes et de
munitions, pour « traquer les FDLR », larmée des Hutu rwandais réfugiés à lEst
de la RD Congo. La traque des FDLR, considérés ennemis et génocidaires, est en
effet largument le plus avancé par le Rwanda pour justifier ce quil fait à
lEst de la RD Congo.
Cheka a donc
commencé comme quelquun qui fait la guerre contre les FDLR et il est lallié du
M23, qui déclare avoir le même objectif de poursuivre les FDLR puisque les FARDC
ne sont pas capables de le faire. Cheka opprime la population à Walikale, vient
de faire détruire la cité de Mpinga, a été lauteur dun viol systématique de
plus de 300 femmes à Luvungi. Non loin dhier, il a attaqué toutes les positions
des FARDC à partir de Mbofi jusquà Kipua. On parle de plus de vingt militaires
FARDC tués ; cela signifie que la population civile doit être dans une situation
catastrophique. Les armes et les munitions de guerre que Cheka utilise
proviennent du M23, qui les reçoit du Rwanda.
Dans la partie Béni
Dans la partie
Béni, à lautre extrême de la Province, le M23 collabore avec certains officiers
qui ont fait défections : par exemple le fameux général autoproclamé quon
appelle Hilaire Kombi, qui était officier de larmée congolaise, mais qui
a fait défection et qui entretient une situation catastrophique en territoire de
Béni. Jusquen avril dernier nous avons dénombré plus de 580 personnes enlevées
à destination inconnue. Les trois prêtres assomptionnistes de la paroisse de
Beni-Mbaho, qui ont été enlevés sont aussi victimes de ces alliés du M23.
Aujourdhui, au niveau de Béni, nous constatons avec peur la présence des
Al-Shabab et des Al-Kaida aux côtés de M23 et de Mr. Hilaire Kombi.
Donc la partie
Béni, la partie Walikale et le centre de la province, qui est Rutshuru et
Nyiragongo, sont en situation catastrophique. Le Rwanda et lOuganda, moyennant
le M23 et ses alliés, semble déstabiliser toute la province, puisque pour
atteindre Walikale il faut passer pas Masisi ; pour atteindre Béni il faut
traverser Butembo, Lubero, Béni ville et arriver à Béni territoire. Lorsque le
M23 prend le centre, lextrême Walikale et lautre extrême Béni, cela signifie
quil a la tendance de prendre toute la province en étau et la déstabiliser
dune manière systématique.
3.
LES DIFFERENTS GROUPS ARMES PRESENTS AU NORD-KIVU
Deux catégories
Au Nord-Kivu,
il y a une trentaine de groupes armés: les Maï-maï Kiricho, les Maï-maï
Kifuafua, les Raïa Mutomboki, les Nyatura, les Vutura… Tous ces groupes
armés, il faut les repartir en deux catégories : la première catégorie, ce
sont les groupes armés créés et appuyés par le Rwanda à travers Bosco Ntaganda à
lépoque. Bosco Ntaganda a créé les Raïa Mutomboki, le Cheka, le M23 actuel, le
Hilaire Kombi à Béni. Tous ces groupes armés travaillent pour le compte du
Rwanda.
Ces groupes
armés, héritiers de lAFDL, du RCD et du CNDP, se sont fortement enrichis. Cest
eux qui sont aujourdhui les grands concessionnaires dans le Masisi, le
Walikale, le Rutshuru. Les achats se font par la force : on renvoie toute la
population dans les camps de déplacés et les officiers viennent leur dire : «
Vous êtes dans les camps, vous allez mourir de faim. Est-ce que nous pouvons
réfléchir sur votre plantation, sur votre concession qui est telle part ? ». La
personne, à bout de forces, voyant comment les enfants commencent à mourir de
faim, répond : « Donnez-moi le peu dargent ». Dautres, après avoir fait fuir
lautorité coutumière légitime, ont choisi parmi les membres de sa famille un
garçon voyou, en lui donnant le pouvoir dêtre chef, et lui ont dit : « Vous
savez que votre grand frère / votre père / votre oncle paternel a cette
concession ; maintenant cest vous qui gérez : est-ce que vous pouvez nous la
céder ? Voici des milliers de dollars ». Cest ainsi que ces gens-là deviennent
aujourdhui les plus grands concessionnaires. Face à lenrichissement rapide des
groupes armés, certains prennent aussi les armes dans le but de
senrichir.
Les groupes
armés de la deuxième catégorie sont nés en effet sous forme dautodéfense, à
cause de la faiblesse de lautorité de lEtat. Des jeunes se disent : « Ces
autres qui viennent avec le Rwanda, viennent prendre nos champs, nous tuer, nous
arracher notre pouvoir, est-ce que nous pouvons nous constituer en groupe armés
? ».
Des groupes persistant même dans
larmée nationale
Il faut
reconnaître en effet quà un certain moment larmée congolaise na plus existé :
il a existé ces groupes appuyés par le Rwanda ou lOuganda: le RCD-Goma, le
RDC-KML qui était à Béni, en Ituri, au service de lOuganda, le RCD National qui
était dans la Province Orientale au service de lOuganda, le MLC de Jean-Pierre
Bemba, qui a travaillé avec lOuganda aussi.
Une fois
intégrés dans larmée nationale, ces groupes armés nont pas cessé de travailler
comme appartenant à leurs chefs, à leurs autorités morales : les anciens
militaires du MLC continuaient à se sentir dépendant de Jean-Pierre Bemba, ceux
du RCD-Goma qui se sont reconstruits en CNDP et aujourdhui en M23, ont continué
à obéir à leur hiérarchie et aux ordres venus du Rwanda. Cela na pas disparu.
Il y a des militaires de lex-CNDP qui ont refusé de quitter le Nord-Kivu pour
être déployés ailleurs, car parmi eux il y a des Rwandais, qui veulent rester
pour continuer à rendre le service attendu par le Rwanda.
Jusquaujourdhui
les minerais traversent ici grâce à des officiers militaires. Sous prétexte de
faire des patrouilles en ville de Goma, ces officiers circulent avec leur
véhicule jusquà 1h du matin, pour transporter vers le Rwanda les colis de
cassitérite. Ils chargent la cassitérite dans les sites comme celui de Biréré,
de là ils arrivent à la frontière, déposent leurs colis dans une autre voiture
provenant du Rwanda, puis ils continuent leurs tours. Nous voyons cela et le
dénonçons chaque jour.
Cest ainsi
que même sur les lignes du front contre le M23, certains militaires congolais
tiraient sur leurs collègues. Une fois que lennemi est affaibli, les militaires
patriotes constatent que ceux qui sont derrière, des FARDC, tirent sur leurs
collègues. Nous avons donc traversé une période de non-armée, ce qui a fait que
les groupes armés soient plus nombreux.
Des politiciens
derrière
Derrière
certains groupes, il y a des hommes politiques congolais à la recherche de
largent et de pouvoir. Les anciens groupes rebelles que jai cités sont
chapeautés par des personnages bien connus de la politique du pays. Aujourdhui
Roger Lumbala, ancien chef du RCD National, a été démis de ses fonctions de
député car il est avec le M23 et veut reprendre son groupe armé. Mr. Kombi
Hilaire ancien officier du RCD-KML, est au service de Mbusa Nyamwisi. Certains
créent des groupes armés parce quils pensent quil est possible daccéder ainsi
à des postes dans la politique ou dans larmée. Le CNDP, à travers M23 veut plus
de postes que ceux quils ont eus. Cest comme cela que tous les 30 groupes
armés existent aujourdhui sur le sol de la République.
4.
INFORMATION OU DISTRACTION ?
Nous sommes constamment
informés
Nous avons les
informations tous les jours, car nous sommes présents à lintérieur des zones
sous contrôle du M23 ; nous avons nos organisations, nous sommes en contact même
avec des hommes des troupes qui travaillent aux côtés du M23 et qui nous
informent sils ont bénéficié darmes et munitions, en quelle quantité, de
quelle catégorie. Dernièrement, pendant lattaque à Mutaho, lorsque trois chars
de combat du Rwanda sont arrivés, ce sont les hommes de troupe du M23 qui nous
lont dit. Et le lendemain les chars sont rentrés au Rwanda.
Ce matin à
6h01 jai eu un message qui dit : affrontement à Kibati depuis 5h00 du matin.
Quand nous recevons ces messages, nous essayons dappeler pour avoir des
détails. Lorsque les Al-Shabab sont arrivés à Rutshuru et à Béni ; nous sommes
informés du fait que des éléments de Mr. Kombi Hilaire sont envoyés dans les
pays de lAfrique du Nord pour suivre la formation de terroristes: cest tel
jeune qui est parti, tel jour, il vient de passer trois mois, il vient de
rentrer.
Vérités et
distractions
Cest ainsi
que nous sommes à mesure de reconnaître les fausses informations. Par exemple,
la division dont on a parlé entre Bosco Ntaganda et Sultani Makenga du M23,
cest une manière de distraire ceux qui sont facile à se laisser distraire. Mais
nous à la Société civile ne sommes pas faciles à nous laisser distraire. Après
le conflit entre les deux, les troupes fidèles à Bosco Ntaganda ont traversé la
frontière vers le Rwanda, mais après que Bosco Ntanganda ait été transféré à La
Haye, les mêmes troupes ont réintégré le M23. Est-ce que les Conventions
internationales permettent de remettre un réfugié à un groupe rebelle ? Le
Rwanda bafoue même les conventions internationales. Nous avons été étonnés de
voir un Secrétaire général de lONU qui va passer la nuit pour parler chez
quelquun qui bafoue les conventions internationales.
Il ny a
jamais eu une division dans le groupe du M23. On déshabille St Pierre pour
habiller St Paul Cest la tactique du Rwanda : lorsque parmi les commandants qui
sont créés chaque jour quelquun nobéit pas à la ligne de conduite, ou bien il
est devenu trop sale aux yeux de la Communauté internationale, on le met un peu
à lécart. Cest le cas de Sultani Makenga aujourdhui : on a voulu ramener
Laurent Nkunda, parce que Sultani Makenga est déjà sous mandant darrêt
international.
Hier
linformation est arrivée que le Rwanda a rappelé vite vite Laurent Nkunda, car
il sest rendu compte que sa présence à la tête du M23 peut nuire au
Rwanda, qui avait dit que Nkunda était aux arrets et en train de comparaitre et
quon ne peut pas lextrader en RD Congo, car cette dernière continue à
appliquer la peine de mort. Hier on la remplacé par son petit frère. Tout cela
cest la manœuvre du Rwanda.
Hier même
quelquun est venu nous dire que le M23 vient de commencer à retirer ses
troupes, à reculer de ligne de front ici à Kibati et nous avons dit : ce sont
des informations de nature à nous distraire, à nous faire sortir de notre ligne.
Et ce matin le M23 a recommencé la bataille.
5.
NOTRE MESSAGE A BAN-KI-MOON
Une visite éclair qui nous a
déçus
Nous avons
attendu la visite du Secrétaire général des Nations Unies, Mr. Ban-Ki-Moon, avec
lespoir de pouvoir lui décrire ce que nous vivons et ses causes. Nous avons
toutefois été très déçus par sa visite éclair au Nord-Kivu : arrivé à Goma à
10h30, il en est reparti à 13h14, sans même recevoir les acteurs qui pouvaient
lui parler des causes profondes de la crise. Il a rencontré les humanitaires,
qui sont certes en train de faire un travail de qualité ici, mais non la Société
civile. Ban-Ki-Moon est allé passer la nuit au Rwanda, chez le bourreau, qui a
eu tout le temps de parler.
Or, cest
nous, Société civile, qui donnons linformation au Gouverneur de Province, aux
autorités de Kinshasa ; cest chez nous que certains humanitaires cherchent
linformation. A Addis Abeba, le jour où la RD Congo a déposé la requête contre
le Rwanda en laccusant dagression, le Rwanda a déclaré dêtre plutôt la
victime. Neut été la présence de la Société Civile, même les délégués de
Kinshasa nauraient pas eu assez darguments auprès des autres Etats de la
Région des Grands Lacs représentés dans la salle.
Se passer
de notre présence nous a paru une manière de ne pas reconnaître la
souffrance de la population, de ne pas prendre en compte les causes profondes de
la crise, puisque « tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites
contre moi ». Cest ainsi que le 23 mai 2013, nous avons adressé au Secrétaire
général une lettre ouverte concernant la nécessité dattaquer les causes
profondes de la crise[1].
Le
Rapport Mapping oublié
Dans la lettre
ouverte à Ban-Ki-moon, nous avons aussi évoqué le Rapport Mapping, publié par
les Nations Unies le 1er octobre 2010, concernant les événements de
guerre en RD Congo dans la décennie 1993-2003[2], un
rapport resté sans suite. Nous nous posons jusquà maintenant la question de
savoir quel est le pouvoir du Rwanda sur les autres nations ? Nous avons
vu Joseph Kabila et Paul Kagamé devant le Secrétaire général des Nations Unies.
Avant la fin de la séance, Kagamé a quitté la salle en se disant appelé à
dautres obligations. Quel mépris à légard du Secrétaire général, mais le
Secrétaire général tolère cela ! Et pour le Rapport Mapping, le Rwanda dit tout
haut que le rapporteur cest un menteur, alors que ce rapport a été rédigé sur
le terrain. Et comme il a dit ainsi, on a gelé le Rapport. Pourquoi peut-il
rester lettre morte, alors quil reflétait la réalité de ce que fait le Rwanda
sur le terrain ?
La
bonne foi de la RD Congo
Lorsque le
Rwanda disait que la RD Congo entretient les FDLR contre le Rwanda, la RD Congo
a dit : le RCD a été créé sous prétexte que nous navons pas attaqué les FDLR ;
or, le RCD a gouverné trois ans à Goma, accompagné par larmée rwandaise, mais
ils nont pas pu mettre fin à lactivisme des FDLR. Le chef du RCD, Mr. Azarias
Ruberhwa Manyowa est allé jusquà la tête du pays comme vice-président de la
République, en charge de la sécurité et de la défense. Il a dit quil ne voulait
pas que les militaires RCD soient déployés à Kinshasa parce quils devaient
continuer la mission de traquer les FDLR, mais la Transition sest terminée sans
que les FDLR naient été exterminées. Par après, les militaires du CNDP ont
refusé dêtre déployés ailleurs que dans le Nord-Kivu, en disant de douter que
Kinshasa traque les FDLR. Le CNDP est resté à Goma plus de quatre ans, sans
mettre fin aux FDLR.
Alors Kinshasa
a demandé que larmée rwandaise vienne se joindre à larmée congolaise pour
traquer les FDLR : cétait le programme « Umoja wetu ». Or, Umoja wetu a fait
une « mission de santé » : ils sont passés par Nyiragongo, Rutshuru, ils sont
descendus sur Mpinga, Walikale, Itebero, Bukavu sans rien faire contre les FDLR
et ils sont rentrés; cétait du tourisme de larmée rwandaise sur le sol
congolais. Plutôt, au lieu de traquer les FDLR, on a constaté que parmi les
militaires rwandais il y avait ceux qui laissaient aux FDLR des caissons de
munitions.
FDLR, un fond de commerce pour le
Rwanda
Dans notre
lettre nous avons demandé que lon mette une pression sur le Rwanda, pour que le
Rwanda, lOuganda et le Burundi règlent leurs problèmes de démocratie, de
justice et de réconciliation. Le Rwanda pour déstabiliser cette partie de lEst
avance comme argument la présence des génocidaires ici. Il va même plus loin, en
disant que la RD Congo utilise les mêmes FDLR contre le Rwanda. Comme jai dit,
la RD Congo a montré sa bonne foi, en disant : Rwanda, envoyez votre armée. Ce
programme est bien souligné par le STAREC, cest ce que nous avons appelé «
Programme Umoja wetu ». Mais par surprise, larmée rwandaise est rentré au
Rwanda en disant : « Nous pensons que les FDLR nexistent plus au Congo ». Et
après quelques mois, ils disent : les FDLR sont dans larmée congolaise. Par
surprise encore, ce qui nous donne peur car nous voyons que les FDLR sont
devenues un fond de commerce pour le Rwanda, cest que larmée du M23 qui est
larmée rwandaise utilise le colonel Mandevu, ici à Nyiragongo. Il est là, il
reçoit tout, qui est à la ligne de front du M23 avec lappui du Rwanda. Comment
justifier que les FDLR deviennent quelque chose aux côtés de la RD Congo ? Nous
disons que les FDLR cest tout simplement un fond de commerce. Pour mettre
fin à tout cela, est-ce que le Rwanda peut prouver, peut attester par des actes
en disant : nous voulons la démocratie. Les Hutu et nous les Tutsi nous nous
mettons autour dune table. Est-ce que nous pouvons statuer sur les problèmes
qui nous divisent ? Cest un élément important.
Deux poids, deux
mesures
Nous
regrettons en sentant quà la Communauté internationale il y a des questions
quon gère avec le principe de « deux poids, deux mesures ». Doù vient la
puissance de Paul Kagamé pour être considéré comme un super-homme et les autres
des sous-hommes ? On nous dit quil est super-homme puisquil sait gérer. Mais
il sait gérer comment ? Cest comme qui dirait : on lui donne une province de la
RD Congo, avec une autonomie financière, mais qui ne peut pas le faire ? On ne
doit pas comparer le Rwanda à la RD Congo ! Le Rwanda se trouve dans la RD Congo
combien de fois ? Et quand quelquun construit des routes sur une petite
portion, est-ce quon croit quil a construit des routes sur létendue de la RD
Congo ? Ce nest pas la même chose ! Toutes les routes que Kabila vient de
construire à Kinshasa peuvent correspondre à toutes les routes que Kagamé a
construites ! Et donc les gens doivent comprendre que la RD Congo est tout un
continent. Est-ce pour cela quil faut encourager Kagamé à couper ce pays et
dominer sur une partie de la population de la RD Congo ? Nous pensons que non !
Nous ne devons pas marcher comme cela !
Comme quand on verse du feu sur les
fourmis
Les quelques
paysans qui sont encore à Rutshuru cultivent, mais à la récolte, ce sont les
militaires du M23 qui font la récolte et qui amènent les vivres au Rwanda. Même
chose pour Nyiragongo : les paysans cultivent, mais les récoltes vont au Rwanda.
Cest pourquoi il ny a pas trois jours, vendredi 5 ou samedi 6 juillet, les
jeunes paysans se sont permis de prendre les machettes et sont entrés dans les
rangs du M23 jusquà tuer six éléments du M23, pour dire : nous sommes en train
de mourir à petit feu, cette fois-ci tuez-nous directement, parce que le fait de
récolter nos vivres et de les amener au Rwanda nous nallons pas laccepter.
Quel sacrifice ! Cela signifie la dernière colère. Cest comme quand on verse du
feu sur les fourmis, il y a certaines fourmis qui viennent toucher les braises.
Cest le désespoir total. Quel courage exceptionnel ! Cest ce qui va arriver un
jour, si rien nest fait. Cest pourquoi nous avons demandé à Ban-Ki-moon de
sattaquer aux causes profondes de la crise.
Toucher aux causes
profondes
Cest bon de
déployer ici une brigade dintervention, mais est-ce que cette brigade va
toucher les causes profondes ? Pour nous les causes, la racine pivotante de
cette crise de lEst cest : que veut le Rwanda ? que veut lOuganda ? Nous
sommes daccord sur le commerce transfrontalier, mais est-ce que le
commerce est dans le bruit des bottes ? Largent ne veut pas le bruit des bottes
! Si le Rwanda veut profiter des richesses de la RD Congo, nous devons nous
donner la peine, nous tous !
Les causes
profondes de cette guerre, cest le pillage systématique des ressources,
cest laffaiblissement du tissu économique de la population de lEst, pour que
le Rwanda continue à montrer dêtre lunique pays en Afrique capable de prouver
son économie.
Le Rwanda
doit arrêter dentretenir cette cacophonie à lEst de la RD Congo, pour
permettre à cette population aussi démerger, de jouir de ses droits, surtout du
droit à la vie.
Et voilà ce
que nous avons voulu dire au Secrétaire Ban-Ki-moon : pourquoi des demi-mesures
contre le Rwanda ? Nous pensons quil doit jouer son rôle de manière honnête et
crédible. Sil veut trouver une solution à la crise en RDCongo, cest tout
simplement dire au Rwanda de cesser son activisme.
6.
OBJECTIFS DE LA GUERRE
Déstabiliser
La guerre du
M23 vient du fait que le Rwanda et lOuganda veulent faire la guerre contre la
RD Congo. Pourquoi le Rwanda entretient-il des guerres depuis 1990-1993 à lEst
de la RD Congo ? Cest parce que le Rwanda tire des dividendes dans les minerais
: la cassitérite, le coltan, le pétrole, le gaz sur le lac Kivu : puisque en
faisant la guerre contre la population congolaise, la RDCongo ne sorganisera
pas pour exploiter ces minerais, aucun investisseur ne viendra investir sur
cette partie du territoire de la RD Congo, et alors le Rwanda se développera
pendant que lEst de la RD Congo restera sous-développé. La poussière
accablante des routes de Goma, cest linitiative du Rwanda, pour nous pousser à
dire : pendant quil y a la guerre ici, on ne peut pas construire des routes !
Ainsi, la population se révoltera-t-elle en disant que Kinshasa est éloignée de
Goma et pourra accepter le projet de certains membres de la Communauté
internationale qui veulent à tout prix que cette partie du territoire soit
balkanisée du reste du pays.
Voler
Nous perturber
signifie aussi organiser un vol économique : quand laspirateur du Rwanda aspire
le gaz méthane du lac Kivu, même le gaz de Goma sen va de lautre côté.
Aujourdhui le Rwanda est réputé grand producteur de minerais en Afrique. Mais
il faut que ces gens qui ont caché le Rapport Mapping descendent au Rwanda pour
demander où sont les sites des gisements, où est-ce quils exploitent lor, la
cassitérite le coltan. Quils nous montrent. Mais comme il y a un fanatisme à
outrance, ils disent : le Rwanda produit. Non ! Tout le coltan que ces gens
achètent au Rwanda provient de Masisi, ici, lor provient de Lubero, le diamant
de la Province Orientale. Quel gisement dor, de coltan a le Rwanda aujourdhui
? Sil y a encore des gens de ce monde qui aiment la population de lEst de la
RD Congo il y a moyen darrêter et darrêter tout de suite.
En outre, la
guerre a handicapé lagriculture. Alors que le Congo est plus fertile que le
Rwanda, actuellement si vous allez ce matin au marché du quartier Kahembe à
Birere, à Goma, vous verrez les tomates, les patates douces, les feuilles de
manioc venant du Rwanda. Cest désolant, humiliant ! Voila ce que Kagamé veut de
nous. Le Rwanda voudrait affaiblir la population de lEst, la mettre dans un
affaiblissement économique et psychologique, puisque les violences sexuelles
faites à la femme actuellement cest tout simplement une manière de créer la
peur dans la population pour quelle dise : nous devons nous soumettre au
Rwanda, pour éviter quils viennent nous faire ce qui a été fait contre tel et
tel.
7.
LE DERNIER RAPPORT DU GROUPE DEXPERT DES NATIONS UNIES
Minimiser ce qui est grave
Le Rapport
intermédiaire du groupe dexperts des Nations Unies daté du 20 juin 2013[3] innocente
lOuganda, en disant quelle nest pas impliquée et que le Rwanda est impliqué
mais non plus de manière consistante comme auparavant. Dire que le Rwanda est
moins impliqué signifie : ce nest plus grave, le Rwanda nest plus très actif
sur le territoire congolais.
Nous disons :
ce nest pas vrai ! Peut-être ces experts ont-ils rédigé ce rapport dans des
salons climatisés. Or, nous disons que le Rwanda est jusquà présent très actif.
Dailleurs, le M23 nexiste pas sans le Rwanda : le M23 a commencé en territoire
de Masisi, les FARDC les ont pourchassés jusquau Rwanda, sur la colline
Runyoni. Or, le ministre rwandais de la défense. Mr. Kabarebe, sest permis un
jour de dire que Runyoni est à la distance de deux jours de marche de la
frontière du Rwanda, ce qui est faux : entre Runyoni et le Rwanda il ny a
même pas deux kilomètres ! Cest déplorable, regrettable et même ridicule quune
telle autorité dise ces mensonges.
A Runyoni, le
M23 était suffisamment affaibli. Comment a-t-il pu se maintenir et récupérer
Rutshuru et Nyiragongo, alors que toute la partie Rutshuru était quadrillée par
les FARDC, si ce nest grâce aux renforts venus du Rwanda, puisque. Doù sont
venus les renforts qui ont attaqué les FARDC jusquà récupérer la grande partie
de la Chefferie du Bwisha, jusquà récupérer le Nyiragongo et la ville de Goma?
Nous avons vu de nos yeux les militaires rwandais traverser par la grande
barrière ici, à Goma.
Quest-ce qui
dit que lappui du Rwanda au M23 nest pas grave ? Le fait denvoyer un seul
officier pour former les troupes du M23 signifie un appui. La Belgique na
envoyé ici que trois instructeurs, qui viennent de produire tous ces commandos
qui sont sur la ligne de front : la RD Congo va-t-elle dire quelle na pas
bénéficié de lappui de la Belgique ? Cest le plus grand appui dont on peut
avoir besoin ! Donc nous pensons que le Rwanda est aux côtés du M23 et
dailleurs nous disons que le M23 nexiste pas sans le Rwanda, jusquà présent.
Ce rapport signifie tout simplement que pour les Nations Unies il y a des
demi-mesures.
Des affirmations
fausses
Ce nest donc
pas vrai, comme dit le Rapport intermédiaire, que le Rwanda aurait fait
sérieusement le ménage dans ses rapports avec le M23. Aujourdhui il continue à
appuyer le M23 en hommes, en armes, en munitions et en tout. Concernant
larrestation des officiers rwandais Jomba Gakumba, Gafishi Semikore et Theo
Bitwayiki, dont parle le document, nous nen sommes pas informés. Nous savons
que Gafishi Semikore avait remplacé lofficier qui conduisait le front de
Gatumba qui était tombé sur la ligne du front.
Quant à
laffirmation comme quoi il y aurait "collaboration entre certaines unités
des FARDC et les FDLR dans des zones proches des territoires contrôlés par le
M23", cest plutôt le contraire ! Nous pensons que cest le M23 et le Rwanda
qui utilisent les FDLR et collaborent avec elles. La preuve que nous avons cest
que pour le Rwanda il est impossible que la RD Congo ait des officiers qui ne
sont pas corruptibles : un officier qui refuse la corruption du Rwanda sur la
ligne de front pour laisser continuer les troupes du M23, pour le Rwanda il ne
peut être quun FDLR. Cest comme cela quils accusent les commandos qui sont
sur la ligne de front dêtre des FDLR. Mais quest-ce qui le prouve ?
Cest vrai quau Congo il y a des Hutu congolais qui parlent le kinyarwanda :
est-ce pour autant quils sont des FDLR ? Il y a aussi des militaires Tutsi dans
les rangs des FARDC que certains considèrent aussi comme des rwandais, du fait
de leur appartenance ethnique. Nous disons : non, il faut savoir distinguer
quil y a des Tutsi congolais et des Tutsi rwandais. Nous voulons dire la même
chose au Rwanda : quil y a des Hutu rwandais et des Hutu congolais. Donc les
vaillants combattants qui sont dans la ligne des FARDC et qui sont des Hutu,
ceux-là ne doivent pas être considérés comme des FDLR.
Génocide, germe transmissible
?
Les Rwandais
au pouvoir continuent à appeler les Hutu, les réfugiés en particulier, «
génocidaires ». A moins que les germes du génocide se contaminent à la
naissance, tout ce que nous savons aujourdhui cest que les militaires de
larmée rwandaise, quon appelait la Garde présidentielle, nexistent plus sur
le sol congolais. Il existe ces jeunes qui sont venus du Rwanda à lâge de
dix-quinze ans qui constituent actuellement larmée des FDLR. Le Rapport dit
quil ne reste que 1500 FDLR au Congo. Qui les a comptés ? Celui-là qui les a
comptés, cest quil les entretient. Ce sont les Rwandais qui envoient les
armes, ils savent combien ils en ont envoyées : ce sont de faux FDLR. Quand le
Rwanda donne des chiffres comme ceux-là, comment les a-t-il eus ? Ils ont des
listes. Cest pourquoi nous disons que cest un fond de commerce, et la
preuve cest quil y a quelquun qui les a comptés, qui les a identifiés, qui
connaît où ils sont.
8.
A PROPOS DES INITIATIVES DE PAIX
Kampala : un dialogue qui na plus de
sens
Nous navons
aucun espoir par rapport aux pourparlers de Kampala. LOuganda – cela fait à
peu-près sept mois – narrive pas à mettre ensemble les idées des deux parties –
le gouvernement et le M23 – pour départager, puisquelle nest pas bien placé
pour trancher. Le M23 a violé à plusieurs reprises le règlement dordre
intérieur et lOuganda, comme parrain du M23, na jamais été capable de le
sanctionner.
Nous nous
sommes retirés de ces pourparlers, alors quauparavant nous faisions partie des
délégués, puisque le M23, cest-à-dire le Rwanda, na pas lenvie que Kampala
accouche dun bébé. Toutes les revendications que le M23 est en train de
présenter à Kampala, à part lévaluation de lAccord, ce sont des revendications
illégales, illégitimes et anticonstitutionnelles. Et pour nous, quelquun qui
veut piétiner la Constitution de la République, cest simplement un traître,
comme le stipule la Constitution. Or, nous navons pas besoin de traitres.
A Kampala,
chaque fois quil y avait une question sensible, tout le monde nous disait : «
Pouvez-vous nous permettre de sortir ? ». Et cétait des coups de téléphone pour
demander au Rwanda la réponse à donner. Toutes ces marionnettes qui sont
utilisées par le Rwanda à Kampala nont rien à décider et doivent arrêter. Il
faut plutôt sattaquer aux causes profondes.
La
brigade dintervention
Concernant la
Brigade dintervention, cest une réponse à une demande adressée par la Société
civile du Nord-Kivu et du Sud-Kivu aux pays de la Région des Grands Lacs à Addis
Abeba, en juillet 2012. Par la suite, le Rwanda et lOuganda ont tergiversé, des
concepts ont été créés : il faut une brigade internationale neutre, il faut que
le Rwanda et lOuganda soient impliqués dans la constitution de cette brigade…
et nous avons été toujours là, pour dire : on ne peut pas être juge et
partie.
Nous nous
sommes dit que la Brigade est la bienvenue, même si, seule, elle ne saura pas
trouver la solution de la crise. Toutefois, nous pensons quelle va faire de
grandes choses, avec le renforcement des FARDC et lappui de toute la population
qui aujourdhui est en train de donner les informations aux FARDC: attention, le
M23 est en train de sinfiltrer sur tel axe, prenez vos dispositions ;
attention, nous sommes ici à Rutshuru, le M23 vient de recevoir un appui venant
de lOuganda, trois jeeps viennent dentrer ; attention, nous constatons des
Somaliens, des Al-Shabab qui viennent dentrer…
Que le Rwanda arrête
lappui
Nous ne
voulons toutefois pas non plus minimiser les quelques conséquences de cela.
Cest pourquoi la Société civile continue à sensibiliser le Chef de lEtat qui à
lépoque avait dit que pour attaquer le M23 il faut travailler à trois niveaux :
politique, diplomatique et militaire. Nous demandons au Chef de lEtat de
continuer de cette allure : Même si nous ne sommes plus daccord avec ce qui se
fait à Kampala, il y a moyen de faire autre chose ailleurs, en touchant le
niveau Rwanda – Ouganda, puisque continuer à dialoguer avec le M23 cest
continuer à demander à dautres bandits de créer dautres groupes armés. Plutôt
que dialoguer, autant aller demander au Rwanda darrêter lappui. Dès que le
Rwanda arrête, dès que le Rwanda récupère ses éléments, le M23 cesse dexister.
Nous pensons quavec cela, nous sommes sûrs que la paix peut revenir.
Non à la balkanisation de la RD
Congo
Nous qui
sommes chaque jour en contact avec la population, nous disons : on peut tout
faire en ce pays, sauf la balkanisation. Et si ce projet était donné à Kagamé,
la Communauté internationale regrettera un jour, lorsque nous, toute la
Société civile, nous mobiliserons toute la population pour descendre sur Kigali
à pied : ainsi Kagamé va tuer, va tuer, jusquà ce quil dira : cest assez, je
viens de tuer le grand nombre, mais les gens continuent à venir. Nous allons le
faire un jour ! Si la Communauté internationale croit que Kagamé est un
super-homme, quelquun qui a lautorisation de tuer et de violer les Congolais,
nous allons dire : ce nest pas possible ! Nous allons le chercher nous-mêmes
pour lui dire : voici toutes les belles femmes congolaises, commencez à violer
jusquà ce que tu ailles te sentir satisfait. Sinon, trop cest trop :
vingt-trois ans de guerre, cest trop ! Donc tous ceux qui appuient Kagamé dans
ses projets macabres nous leur disons darrêter.
Une armée réellement
républicaine
Nous demandons
aussi à tous les Etas amis de la RD Congo, à tous ces hommes et femmes qui ont
le souci de voir cette pauvre population de lEst jouir de leur droit à la vie
et à la parole, de continuer à plaider pour que la RD Congo se dote dune armée
réellement républicaine, dissuasive et capable de gérer lintégrité du
territoire. Ce nest pas impossible, parce que cela a déjà commencé. Nous
remercions la Belgique, pour la formation de commandos à Kindu, la Monusco pour
la formation quelle fait à Kamina et ailleurs ; les autres peuvent faire de
même, pour que cette armée jadis constituée de groupes armés soit aujourdhui
une armée réellement républicaine et qui constitue un corps.
Nécessité dun dialogue interne au
Rwanda
Au Burundi,
qui a la même composition ethnique du Rwanda, il y a une grande évolution, car
ils sont déjà autour dune table. Ils ont adopté un mécanisme de résolution de
leurs problèmes : comme les Tutsi sont minoritaires, ils ont fixé pour eux un
quota de 40%, Dans tous les domaines, les Tutsi doivent être représentés au 40%
et les Hutu à 60%. Ce sont des choix de nature à ramener la paix. Des personnes
qui pendant les rébellions avaient pris de maisons et des champs appartenant à
des Hutu, sont aujourdhui en train de les restituer, chose qui nest pas encore
faite au Rwanda. Dans notre correspondance au Secrétaire général de lONU
nous avons donc dit : est-ce que le Rwanda peut nous aider à mettre fin à cet
alibi comme quoi la RD Congo hébergerait les génocidaires ? Est-ce quils
peuvent se mettre autour dune table pour traiter de leurs questions ? Comme la
Communauté internationale nous a toujours imposé le dialogue, est-ce quau
Rwanda on peut aussi imposer un dialogue ?
Et les
élections au Rwanda, comment se passent-elles ? On place les effigies des
candidats devant les électeurs et on leur dit : « Allez vous aligner
devant leffigie de la personne choisie ». Quand on voit un Hutu se mettre
devant leffigie dun autre Hutu, on le menace directement: « Vous recommencez
ce que vous avez fait ? ». Il est alors obligé de saligner devant leffigie de
celui quon veut faire passer. Si quelquun refuse, le soir il est en prison. Et
cela cest de la base au sommet ! Tout le monde est informé du sort de Mme
Victoire Ingabire, aujourdhui en prison : qua-t-elle fait ? Le pasteur
Bizimungu, qua-t-il fait ? Comment peut-on appeler cela démocratie ? Ce sont
des questions quil faut examiner au niveau international.
Nous serons à côté des
investisseurs
Pour ceux qui
veulent prendre le coltan de la RD Congo, nous les Congolais nous sommes là :
venez. Comme les investisseurs disent que parmi les Congolais il y a ceux qui
demandent ce quils appellent « ma part », si cet investisseur nous dit que tel
ministre a dit : « Donnez-moi dabord ma part avant daller investir là-bas »,
nous la Société civile nous allons le poursuivre jusquà ce quil soit demis de
ses fonctions, jusquà ce que le Chef de lEtat lui dise de partir. Mais il faut
des preuves.
Nous avons
besoin de ces investisseurs qui ont besoin du coltan, du pétrole, de la
cassitérite, de lor et du diamant de lEst de la RD Congo. Nous sommes là, nous
allons leur faciliter la tâche sils nous disent ce quils veulent faire, pourvu
quils cessent de donner leur argent à Kagamé pour quil vienne tuer. Cela rend
ces minerais « minerais de sang ».
Laide véritable
Ce que nous
demandons, ce nest pas les aides humanitaires. Nous avons une population
dynamique. Vous pouvez le remarquer : à Goma, après vingt ans de guerre, les
gens continuent à vivre. Et certains sont en train de construire. Dans la zone
de Rutshuru, où se trouve la route Goma-Butembo-Beni, les minibus sont pillés
chaque jour ; on a pillé aujourdhui et le lendemain dautres disent : nous y
allons quand-même. Il y a des femmes qui sont violées à bord des bus, mais
dautres disent : nous devons partir. Cest une population en quelque sorte
meurtrie, mais aussi dynamique.
Nous navons
pas besoin des aides humanitaires, nous avons besoin de la paix. Si les gens
peuvent nous aider à avoir la paix, à mettre fin à toutes ces guerres ici, le
reste va suivre. Si les gens peuvent nous aider à dire au Rwanda darrêter, le
lendemain tous les Congolais qui deviendront riches ici. Les entreprises seront
créées et les Congolais vont se débrouiller et vont atteindre le niveau
supérieur du développement durable.
Sinon, ceux
qui continuent à croire quil ne faut que des aides humanitaires, sont aussi en
train de créer de lattentisme au sein de cette population-là. Je ne dis pas que
cest mauvais aujourdhui, vu le contexte actuel ; mais surtout nous avons
besoin de ceux qui nous amènent la paix durable. Une fois la paix rétablie, nous
aurons besoin de projets de développement durable, pas seulement pour nous, mais
pour nos générations futures.
Continuer à plaider
Que les hommes
et femmes épris de paix continuent à plaider pour cette population victime dune
guerre dagression de la part du Rwanda. Nous demandons à lopinion
internationale de mieux aider cette Afrique : aujourdhui cest nous qui
subissons, demain ce sera un autre pays, après demain un autre encore.
Ces idées sont
partagées par toute la Société civile du Nord-Kivu et par la population, parce
que nous sommes dans la population : cest nous qui subissons toutes les
douleurs causés par le M23 et si prochainement le Secrétaire général des Nations
Unies rentrait au Congo, nous le supplierions de se référer à la Société civile
qui est la population qui subit toutes les douleurs possibles.
(Témoignage
recueilli par Teresina Caffi, Réseau Paix
pour le Congo)