02.09.13 Le Potentiel – La passivité de la BCC
Croissance économique au ralenti
Une
fois de plus la Banque centrale du Congo (BCC) a gardé inchangé son
dispositif de politique monétaire, maintenant à 3% son taux dintérêt
directeur et à 7% le coefficient des réserves obligatoires. La BCC
justifie cette décision par le fait que tous les objectifs de la
politique monétaire ont été atteints. Pourtant sur le terrain, les
chiffres disent le contraire. La vérité est que lInstitut démission
est inactif et inexistant là où on lattend le plus. Les premiers signes
dessoufflement sont déjà visibles, notamment au niveau du taux de
croissance économique, qui natteindra pas 8,3% à fin 2013, comme prévu.
Une passivité déroutante.
La Banque centrale du Congo (BCC) est
absente dans la mise en œuvre de la politique économique du pays. Elle
est tellement absente que les choses se gâtent sans quelle ne puisse
activer les instruments de politique monétaire à sa disposition,
lesquels peuvent bien laider à empêcher la surchauffe. Et pourtant, au
niveau du gouvernement, des efforts sont consentis en soutien à la
politique budgétaire de manière à contenir les chocs.
Des chiffres apportent un témoignage qui
crucifie linstitut démission. Les réalisations de croissance en avril
2013 ont projeté un taux de croissance économique fin 2013 de 7,9%.
Deux mois après, soit en juin 2013, les mêmes réalisations ont ramené
cette croissance à 7,8% contre les prévisions fin 2013 de 8,3%. Une
tendance baissière qui pourrait se consolider jusquà décembre 2013 et
confirmer ainsi le ralentissement de lactivité économique.
Dans les faits, la BCC ressemble à tout,
sauf à une Banque centrale. Sa politique monétaire actuelle n'existe
que de nom. Bien plus, elle est aveugle et ne s'inscrit pas dans une
vision d'ensemble. Elle se distingue par labsence de réalisme. Lorsque
la dollarisation représente 95 pour cent de l'économie, cela signifie
que la monnaie nationale ne représente plus que 5 pour cent de la masse
monétaire globale.
La politique monétaire de la BCC porte
sur la masse monétaire sous son contrôle, cest-à-dire, la masse
monétaire en franc congolais. Autrement dit, cest sur une quantité
négligeable de masse monétaire dans le pays. De ce point de vue, elle ne
peut pas produire deffet tangible sur léconomie.
Alors que la stabilité du cadre
macroéconomique est réputée relative, la BCC sest pratiquement repliée
sur elle-même, se contentant de subir les événements au lieu de les
précéder. Des spécialistes du secteur sont formels : la stabilité
actuelle est leffet de la politique budgétaire. La politique monétaire,
quant à elle, est quasi-inexistante. Motif : la BCC brille par son
absence ou son inaction là où elle devait se montrer plus entreprenante.
Illustration. En décembre 2011, la
circulation fiduciaire sest élevée à 615,345 milliards de FC. Elle est
passée en décembre 2012 à 595,164 milliards de FC, pour se fixer en août
2013 à 588,980 milliards de FC.
A la lecture de ces statistiques, lon
constate que les moyens de paiement en monnaie nationale détenus par les
agents économiques, principalement les ménages et les entreprises, sont
pratiquement en chute libre depuis décembre 2012. Pendant la même
période, les dépôts en devises ont connu une nette explosion. Ainsi, en
décembre 2011, les dépôts en devises ont été évalués à 1 610,812
milliards de FC. Ils sont passés à 2 020,524 milliards de FC en décembre
2012, avant de se fixer à 2 140,250 milliards de FC en août 2013.
Le constat est bien simple. De même que
la circulation fiduciaire hors banque diminuait, de même les dépôts en
devises saccroissaient. Comme si leffritement des liquidités en
circulation était compensé par lexpansion des devises dans léconomie.
Un phénomène qui sexplique par la forte dollarisation de léconomie. En
fait, les moyens de paiement en devises compensent ceux en franc
congolais.
Quest-ce qui se serait passé si
léconomie congolaise nétait pas dollarisée ? La conséquence la plus
probable est la contraction de lactivité économique. Or, des chiffres
concordants renseignent déjà une révision à la baisse des prévisions de
croissance de léconomie congolaise. Prévue à 8,3% à fin 2013, ce taux
de croissance a été revu à la baisse – 7,8%- pour la même période.
Lécart paraît certes minime mais, il traduit le désarroi dans lequel se
retrouve léconomie congolaise, si rien ne fait entre-temps pour
ramener les équilibres à des niveaux de stabilité rassurante.
Les pistes à explorer
Le remède pour y arriver passe par une
gestion rationnelle des liquidités. Une mission qui revient de droit à
la BCC. En pareille circonstance, celle-ci peut se servir des
instruments en sa possession, notamment le taux directeur et le Billet
de trésorerie (BTR). Elle peut, à ce propos, baisser davantage son taux
directeur pour ramener les banques et éventuellement les agents
économiques à solliciter davantage de crédits. Ce qui, par effet domino,
peut susciter une création de la monnaie, augmentant la circulation
fiduciaire en monnaie nationale.
De même, la Banque centrale peut
diminuer les fourchettes dappel des BTR. Ce qui aura pour effet de
faire porter davantage les agents économiques vers la monnaie, avec
effet prévisible la création dune masse supplémentaire de monnaie
nationale. Bien sûr aussi que la BCC peut faire appel à la politique de
change par la vente et lachat des devises.
Malheureusement, la portée de cette
mesure est fort réduite du fait que, en raison de la dollarisation, les
devises se posent comme substitut de la monnaie nationale pour les
agents économiques. Dans ce contexte, la baisse du coefficient des
réserves obligatoires paraît moins probable.
Dans les faits, la BCC navigue à vue.
Elle est sans repère. Elle est en déphasage avec la politique
budgétaire. Cette question est-elle évoquée lors des rencontres de la
Troïka stratégique? That is the question.
Il est vrai que léconomie congolaise
court un grand danger. Si la BCC maintient ce cap improductif – comme
cest malheureusement le cas – des équilibres durement acquis risquent
de fondre comme neige au soleil. Cest le cas des réserves
internationales du pays qui prennent déjà une courbe descendante.
Evolution des réserves internationales (en millions Usd)
Période Déc. 2012 mars 2012 avril 2013 mai 2013 Juin 2013 Juil. 2013
Réserves internationales
1.271,7 1.752,7 1.745,8 1.685,3 1.677,1 1.670,8
La
tendance est inquiétante. Car après avoir reconstitué ses réserves en
devises jusquà atteindre le pic de 1 752,7 millions Usd en mars 2012,
la RDC est pour le moment en train dentamer la consommation de ses
réserves. Si cette tendance se poursuit, la RDC risque de se retrouver
en défaut des paiements en devises. Un recadrage simpose. Ce qui, dans
lavenir, posera des problèmes en termes dimportations.
Combinée à la contraction déjà visible
de lactivité économique – les prévisions de croissance à fin 2013 ayant
été revues à 7,8% contre 8,3%- il y a de bonnes raisons pour la BCC de
sortir de sa léthargie et dintervenir.
Ne faudrait-il pas régler la gestion des
liquidités pour soutenir la croissance ? Pour autant que les émissions
en monnaie nationale sont faites en fonction des besoins de léconomie,
autrement dit, pour soutenir le rythme de croissance économique.
La BCC sest mise à lécart alors que
cest sur ce terrain quelle était attendue pour agir, jouer son rôle.
Les tableaux ci-après prouvent à suffisance une passivité à conjurer
absolument.
Situation des écarts par rapport à la cible du cadre macroéconomique (en milliards de Fc)
Agrégats Cible Déc. 2012 Réalisation
Déc.
2012 Ecart Cible mars 2013 Réalisation mars 2013 Ecart
Cible juillet 2013 Réalisation juillet 2013 Ecart
Base monétaire 1.107,6 850,9 -256,7 904,8 867,1 -37,7 944,8 823,5 -121,3
Ces
écarts traduisent linaptitude de la BCC à suivre la cadence de la
politique budgétaire. Chaque fois que le Trésor ponctionne des
liquidités par la réalisation des excédents budgétaires, la BCC na pas
pu injecter des moyens de paiements nécessaires dans léconomie.
Le tableau suivant, qui donne le rythme
(en millions de Fc) des émissions en monnaie nationale jusquau 21 août
2013, est plus éloquent sur le sujet.
Rubrique Janv. Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Cumul/An
Emissions prévues 24.000 28.700,0 16.500,0 22.500,0 11.000,0 15.000,0 9.861,2 3.096,7 130.658,0
Emissions réalisées 14.610
13.687,5 11.620,0 15760,0 6.835,0 8184,0 7989,6 2967,2 81.653,3
Tout
compte, la BCC na pas suivi le rythme de croissance de léconomie
congolaise. Elle est restée passive, enfermée dans une politique
monétaire décole – sans effet réel sur le terrain. Il est temps quelle
sorte de son carcan classique, en jouant véritablement son rôle de
contrepoids de la politique budgétaire. En poursuivant son rythme
actuel, elle entrainera avec elle léconomie congolaise dans le gouffre.