Une revue le rapport de la mission d'observation électorale de l'Union européenne (RDC 2011). Par Laurent Mutambayi


Seule
la relecture de ce rapport fort édifiant ainsi que sa prise en compte
permettrait de juger de l'opportunité de la poursuite du processus
électoral congolais interrompu suite aux dernières élections chaotiques
de novembre 2011.

Quoique
l'Union européenne ait adopté une attitude équivoque vis-à-vis des
élections de novembre 2011, point n'est besoin de constater qu'en
laissant aller les choses elle a appuyé les graves atteintes à la
démocratie. 

Autrement,
comment dénoncer un crime ou un forfait si on ne prend pas des
mesures dissuasives vis-à-vis des personnes soupçonnées d'avoir facilité
ou contribué d'une manière ou d'une autre à la commission dudit crime.

Il
n'est pas sans intérêt de relever que ces élections ont divisé le
peuple congolais, ont ébranlé la cohésion nationale car les
circonstances dans lesquelles l'actuel président de la république ainsi
que sa majorité parlementaire ont été désignées sont sujettes à caution.

La
nécessité de la tenue d'un dialogue national comme réponse au déficit
de légitimité et de cohésion nationale créé par lesdites élections
s'inscrit donc dans cette perspective.

L'Union
européenne a quant à elle pris l'option d'une attitude de spectateur
qui constate les dérapages, les distorsions et en se limitant à formuler
des recommandations qui restent en général une lettre morte.


Sied-il
dans le contexte actuel d'oser parler des prochaines élections
présidentielles quand on considère que la CENI pourrait ne pas organiser
les élections locales, provinciales, sénatoriales et des gouverneurs?

Par ailleurs, est-on sûr qu'il y aura des élections en 2016?
Si oui, quelle garantie de transparence et de crédibilité avions-nous par rapport à ces scrutins?
Faudra-t-il encore sacrifier des vies humaines juste pour une élection comme ce fut le cas en décembre 2011?

Certains s'empressent déjà à annoncer leur candidature aux prochaines élections présidentielles?

N'est-ce pas là de la pure distraction de réels sujets d'attention et de préoccupation?

CONSCIENCE CITOYENNE POUR LE PROGRÈS (CCP) 


2. Le corps électoral


2.1 Références légales



L’enregistrement
des électeurs est régi par l’article 5 de la Constitution, la loi
n°04/028 du 24 décembre 2004 portant identification et enrôlement des
électeurs en République Démocratique du Congo, la loi électorale de 2006 et sa modification de juin 2011 ainsi que la loi n°04/24 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise. 

Est ainsi électeur toute personne de nationalité congolaise âgée de 18 ans révolus à la date de clôture des opérations d’enregistrement, jouissant de ses droits civils et politiques, et se trouvant sur le territoire de la RDC au moment de son inscription. Ne peuvent cependant prétendre à la qualité d’électeur: les personnes frappées d’une incapacité mentale totale médicalement prouvée ; les personnes privées par décision judiciaire définitive de leurs droits civils et politiques ainsi que les membres des Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de la Police Nationale Congolaise (PNC).

2.2 Constitution du fichier électoral biométrique

Malgré l’établissement d’un premier fichier électoral biométrique en 2005/2006 et sa révision en 2009, l’administration électorale a pris le parti de reprendre entièrement les opérations d’enrôlement en 2011. Les procédures d’enregistrement, d’émission de la carte d’électeur et de création des listes électorales sont définies par la loi sur l’enrôlement, complétées par les décisions de la CENI. Les Congolais étaient tenus de respecter la compétence territoriale des Centres d’Inscription (CI) selon leur lieu de résidence principale, ou temporaire, et d’apporter la preuve de leur éligibilité. En effet, la personne désirant s’inscrire devait fournir une pièce prouvant son identité (certificat de nationalité, carte d’étudiant, carte d’électeur de 2006 ou de 2009, etc.). À défaut, le témoignage de cinq témoins déjà inscrits sur la liste électorale du même CI et résidant depuis au moins cinq ans, dans la zone relevant du ressort du CI, pouvait être pris en compte. L’enregistrement biométrique était alors immédiatement concrétisé par la remise immédiate d’une carte d’électeur, ayant également valeur de pièce d’identité. 

La liste des électeurs devait être publiée par province et par circonscription électorale au plus tard trente jours avant la date de début de la campagne électoraleTout
électeur, candidat et parti politique devait pouvoir se procurer ces
listes dans les conditions fixées par la CENI. Par ailleurs, dans chaque
BVD, la liste des électeurs devait être affichée trente jours avant la
date des scrutins.

Le nouveau fichier électoral compte désormais 32.024.640 électeurs, (dont 49,68% de femmes).

Dans certaines régions, les opérations d’enregistrement n’ont donc pu être aussi inclusives que prévu par la CENI. Une faible sensibilisation des électeurs a caractérisé plusieurs régions, notamment à Kinshasa, zone à priori favorable à l’opposition

2.3 Évaluation du fichier électoral

Des opérations de révision du fichier mal-maîtrisées

L’opération de révision du fichier électoral s’est déroulée sur l’ensemble du territoire dans plus de 12.000 Centres d’Inscription (CI) durant le premier semestre 2011. Le recours à une technologie avancée, avec la collecte des données biométriques, devait permettre la délivrance immédiate des cartes d’électeur et minimiser les risques de fraudes. Toutefois, l’ampleur des contraintes logistiques et techniques, le manque d’accessibilité à de nombreuses populations ou encore les diverses pannes techniques ont gêné le bon déroulement des opérations. Les opérations de révision devaient initialement se terminer début juillet, mais une prolongation d’une dizaine de jours a été nécessaire dans six provinces (Bandundu, Equateur, Kasaï Oriental, Province Orientale, Nord-Kivu et Sud-Kivu). Il en est allé de même à Kinshasa en raison du faible taux d’inscrits à la première date de clôture. Enfin, si le traitement des données a plutôt bien fonctionné au Centre National de Traitement (CNT) basé dans la capitale congolaise, une certaine lenteur a caractérisé le ramassage des données dans les provinces, ralentissant de ce fait le processus de révision dans son ensemble. 

Dans certaines régions, les opérations d’enregistrement n’ont donc pu être aussi inclusives que prévu par la CENI. Une faible sensibilisation des électeurs a caractérisé plusieurs régions, notamment à Kinshasa, zone à priori favorable à l’opposition. Par ailleurs, la distribution des CI et la répartition du nombre de kits d’enregistrement par province a parfois révélé des disparités de traitement entre provinces ou au sein d’un même territoire. L’enregistrement des électeurs a alors fait l’objet de contestations par plusieurs associations de la société civile et partis d’opposition. Des règles divergentes d’application dans les modalités d’inscription selon les CI, des taux importants d’erreurs de saisies et/ou de traitement, des inscriptions multiples ainsi que l’enregistrement de mineurs et d’étrangers ont été évoqués de manière récurrente par les différents acteurs du processus. Pour
finir, un manque de transparence et d’explications méthodologiques
claires a entouré la finalisation du nombre total d’électeurs
du fichier, particulièrement les opérations de nettoyage du fichier
électoral (doublons, etc.). Ainsi, alors qu’un premier bilan sur le fichier électoral faisait apparaître 2,1 millions de doublons devant faire l’analyse plus fine, quelques jours plus tard, la CENI avançait le chiffre de 119.000 doublons en se basant sur un rapport rendu en août 2011 par la société congolaise, les opérations de nettoyage ont été effectuées après la distribution des cartes d’électeur ; ce qui implique que les cartes d’électeur résultant des doubles inscriptions étaient encore en circulation lors du scrutin.

Dans ce contexte, des interrogations fortes autour de l’intégrité et de l’inclusivité du fichier électoral ont subsisté tout au long du processus et abouti à la remise en cause de la qualité du fichier par l’un des principaux partis d’opposition, l’UDPS. Ce dernier a transmis un mémo, le 18 octobre 2011, à la Commission électorale faisant état de plusieurs dysfonctionnements concernant l’enrôlement et l’établissement dudit fichier Ces dysfonctionnements étaient principalement : la distribution de cartes à des mineurs, les sous-estimations de l’électorat des certaines provinces, l’absence de certains territoires dans le fichier, le manque de cartes d’électeurs ou bien encore l’éloignement de certains centres d’inscription des électeurs cibles dans certaines provinces.
L’UDPS a de même introduit auprès de la CENI une demande d’accès au serveur central et d’audit du fichier électoral. Bien qu’ayant reçu l’autorisation d’y accéder le 27 octobre 2011, l’UDPS n’a jamais eu la possibilité à se livrer à ses investigations, l’administration électorale prétextant à plusieurs reprises des problèmes de procédure afin d’annuler les 
rendez-vous. Ce débat non réglé autour du fichier électoral a affecté la transparence du processus électoral tout autant que la crédibilité de la CENI.


Une publication des listes retardée

La finalisation des opérations portant sur le fichier électoral en septembre 2011 a impacté la publication des listes définitives par la CENI. En effet, selon la loi électorale modifiée, la liste des électeurs devait être publiée par province et par circonscription électorale au plus tard trente jours avant la date de début de la campagne électorale, soit le 29 septembre. Or ce délai n’a pas été respecté par la CENI qui n’a publié sur son site Internet dans les délais légaux que les listes de trois provinces. Les listes des autres provinces ont été mises en lignedans le courant du mois d’octobre ; cette manière de procéder, outre qu’elle n’est pas conforme à la loi, pose avec acuité le problème de la transparence, de la vérification et de l’accès aux listes parles électeurs, les candidats et les partis politiques.

La question des électeurs « omis » 

Les difficultés qui ont entouré la phase de révision du fichier électoral, notamment relatives à la récupération des résultats de l’enregistrement, ont conduit à la perte des données personnelles (CD-ROM perdus ou illisibles, données effacées, etc.) de plusieurs centaines de milliers d’électeur pourtant régulièrement inscrits. Parallèlement, en raison d’une finalisation tardive de la liste des BVD, l’administration électorale n’a achevé l’impression définitive de cette dernière et sa distribution que très tardivement (durant les deuxième et troisième semaines de novembre), réduisant la période d’affichage des listes à quelques jours seulement avant la tenue des scrutins et uniquement dans les chefs-lieux de territoire. Les possibilités de contrôle par les électeurs de leur présence ou non sur les listes ont donc été quasi-impossibles dans la majorité des circonscriptions. Un nombre assez considérable mais indéterminé de personnes en possession régulière d’une carte d’électeur, se retrouvait ainsi « omis » des listes électorales sans le savoir.

L’absence d’affichage dans les BVD des listes de ces électeurs légitimement inscrits a constitué une grave défaillance dont les conséquences ont eu un impact très important sur le déroulement des scrutins du 28 novembre. En effet, la CENI, prise de court, a finalement autorisé le 25 novembre 2011 « tout électeur qui dispose d’une carte d’électeur et dont le nom n’est pas repris sur la liste des électeurs et n’émarge pas sur la liste des radiés sera admis à voter dans le site de vote mentionné sur sa carte d’électeur ou le site de vote le plus proche dans la même circonscription ». . Cette disposition, en donnant un accès au vote en dehors des listes électorales établies, a ouvert une brèche dans les garde-fous essentiels à l’intégrité des scrutins qui permettaient de s’assurer de l’éligibilité des votants. Le jour du vote, la MOE UE a pu constater une l’utilisation intempestive des registres de dérogation, faisant généralement office de registre des omis.  Ce sont finalement 3.262.725 électeurs qui ont voté sur ces listes de dérogés/omis, soit 17,98% du total des votants. 

3.2 Procédures d’enregistrement des candidatures

Pour mener à bien la phase d’enregistrement des candidatures, la CENI s’est appuyée sur les 166 Bureaux de Réception et de Traitement des Candidatures (BRTC) répartis sur l’ensemble du territoire congolais. L’administration électorale a ouvert la période d’inscription des candidats aux deux élections début août 2011 pour une publication des listes définitives 
initialement prévue le 17 septembre suivant. 


Publication des listes provisoires 

La publication des listes provisoires de candidats par la CENI a été contestée. En effet, 90 recours ont été déposés devant la Cour Suprême de Justice (CSJ), six relatifs à l’élection présidentielle et 84 aux élections législatives. La plupart de ces recours ont été déclarés irrecevables par la CSJ pour des raisons de forme, illustrant le faible niveau de formation juridico-électorale des candidats. Certains de ces recours faisaient référence à la présence dans les listes provisoires de certaines circonscriptions, d’un nombre de candidats supérieur au nombre de sièges, ce que la loi électorale considère comme une cause de radiation des candidats du parti politique concerné. La CENI a alors argué que ces problèmes de listes avaient été causés par des erreurs techniques relevant des programmes informatiques utilisés pendant la compilation mais aussi du fait qu’un nombre important de candidats s’étaient inscrits dans les tous derniers jours de la période officielle d’enregistrement. Notons que ces problèmes informatiques ont perduré lors de l’impression des listes définitives.


Publication des listes définitives

La publication de la liste définitive des candidats n’a pu se faire le 17 septembre que pour l’élection présidentielle et ses onze prétendants. Compte-tenu du nombre important des candidats, la publication de la liste définitive des candidats à la députation n’a finalement eu lieu que le 20 octobre, soit avec trois semaines de retard sur le calendrier prévu. En effet, après les arrêts rendus par la CSJ concernant les listes provisoires de candidats, la CENI a fait publier des « listes définitives » qui comportaient de nombreuses anomalies (attribution du même numéro à plusieurs candidats, mauvaise orthographe des noms, omissions de listes ou de candidats, etc. 
…), obligeant l’administration électorale à ouvrir une nouvelle phase de corrections des listes avant l’impression des bulletins de vote.

4. Préparation des scrutins présidentiel et législatifs

Il est toujours apparu essentiel pour la CENI de s’assurer que les scrutins aient lieu avant la date symbolique du 6 décembre, fin officielle du mandat présidentiel. En effet, en dépit de la mise en place tardive de la nouvelle CENI (mars 2011) et de la promulgation très tardive de la loi électorale révisée (août 2011), le gouvernement congolais a exercé une forte pression sur l’administration électorale afin qu’un calendrier fixant la date des scrutins en novembre soit tenu, au mépris des réalités techniques. La CENI a été, de ce fait, contrainte d’annoncer, le 30 avril 2011, un calendrier fixant la date des scrutins au 28 novembre 2011. Cet agenda serré a alors suscité de nombreuses spéculations sur la faisabilité de la tenue des élections, autant sur un plan logistique que politique. Dans un climat de méfiance et de suspicion, les insuffisances  voire les maladresses de la CENI en matière de communication ont, tout au long du processus, alimenté les polémiques générées par l’existence de problèmes logistiques et techniques tels que l’élaboration du fichier électoral, la cartographie des bureaux de vote, la publication des listes électorales, le transport du matériel sensible et non-sensible.

Néanmoins,
le recours de l’UDPS à l’encontre du PPRD à ce sujet a été rejeté par
la Cour Suprême de Justice pour des raisons de forme, le recours ayant
été déposé hors délai. Cet arrêt de la Cour Suprême a été critiqué
par l’UDPS. En effet, ces derniers ont fait remarquer que la publication
des listes provisoires des candidats avait duré trois jours après la
date officielle de publication ; or les listes que l’UDPS contestait ont
été publiées à la fin de cette période. Alors qu’ils considèrent avoir
effectué leur recours dans les délais prescrits (c’est-à-dire dans les
quatre jours à compter de la date effective de publication de ces
listes), la Cour Suprême quant à elle, s’est référée à la date
officielle pour statuer


4.2 Préparatifs électoraux

La distribution du matériel électoral a été l’un des principaux enjeux de l’organisation des scrutins présidentiel et législatifs. Tout d’abord, les contraintes logistiques inhérentes à la superficie et à la géographie du pays, le choix des fournisseurs (en Europe, en Afrique et en Asie) et le calendrier électoral très serré ont eu pour effet de générer de multiples goulots 
d’étranglement au moment de la distribution vers les plates-formes régionales (système reposant
sur 15 hubs principaux et 210 plateformes secondaires), du matériel
sensible et non sensible, et ce malgré une mobilisation quasi-continue
des moyens aériens de la CENI et de 
ses partenaires internationaux. Ensuite, le couplage des deux élections a posé d’importants problèmes techniques à la Commission : taille des bulletins, et leur impression, production, et multiplication des urnes, imprimés électoraux différenciés, etc. Enfin, dans la plupart des territoires observés, l’acheminement du matériel a été marqué par de sérieuses difficultés logistiques,
notamment en raison du manque de moyens humains, de transport et de
carburant à la disposition des antennes locales.

Tout ceci a entraîné de nombreux retards et obligé la Commission à distribuer du matériel électoral jusqu’au jour même des scrutins avec des succès relatifs, malgré l’important soutien de la MONUSCO et le prêt de moyens aériens par plusieurs partenaires régionaux (Angola, Afrique du Sud, Congo-Brazzaville, Ouganda). Une distribution inégale du matériel dans le pays, avant et pendant les scrutins, a alors été constatée par nos équipes d’observateurs dans la plupart des provinces du pays.

De plus, le plan de déploiement du matériel électoral a été affecté par la finalisation très tardive, le 28 octobre 2011, de la cartographie des bureaux de vote et de la liste des électeurs par BVD. La CENI n’a au final achevé l’impression et la publication de ces listes que quelques jours avant le 28 novembre, alors que la loi électorale prévoyait leur publication 30 jours avant la date du scrutin. 


5. Observation des scrutins présidentiels et législatifs du 28 novembre 2011

À l’occasion des scrutins présidentiels et législatifs, la MOEUE avait un dispositif d’observation de 147 observateurs répartis dans toutes les provinces du territoire congolais afin d’évaluer le processus sur un échantillon représentatif et géographiquement équilibré de près de 678 bureaux de vote. À l’issue des scrutins, plus d’une quarantaine d’observateurs de long terme ont assuré un suivi attentif de la phase cruciale d’établissement des résultats au sein des CLCR du pays. 

5.1 Observations des scrutins

Ouverture
Les scrutins du 28 novembre 2011, prolongés les 29 et 30 pour des raisons logistiques ont enregistré une participation généralement importante sur l’ensemble du pays. En participant largement aux scrutins, que ce soit en tant qu’électrices ou bien comme membres de bureaux de vote, les femmes ont confirmé leur forte implication dans le processus malgré un faible nombre de candidates aux scrutins.

Les
difficultés rencontrées lors des préparatifs logistiques ont conduit à
de nombreux retards quant à la mise en place des bureaux de vote. Ainsi,
seuls 15% des bureaux de vote observés ont ouvert à l’heure.
L’ouverture a, la plupart du temps, été retardée en raison de l’absence
du matériel électoral sensible (liste des électeurs, bulletins de vote,
imprimés électoraux, etc.), notamment dans les provinces du Kasaï Oriental, Kasaï Occidental, du Katanga, du Bandundu,
et dans plusieurs centres de vote de la capitale congolaise. Plus de
20% des BVD observés ont compté plus d’une heure de retard à
l’ouverture. Par ailleurs, dans les BVD qui ont ouvert selon les délais
légaux, les agents électoraux ont généralement accordé peu de temps aux
formalités administratives de contrôle et ont procédé rapidement à
l’ouverture des scrutins. Enfin, un nombre important d’électeurs ont
rencontré des difficultés à trouver leur bureau de vote en raison du
déficit d’information de l’administration électorale quant à
l’affectation des électeurs par BVD. La présence des chefs de centres de
vote a toutefois contribué à améliorer l’orientation des électeurs vers
leurs bureaux d’affectation.

Procédures de vote

De
manière générale, la MOEUE a relevé une bonne maîtrise des procédures
de vote par les membres des bureaux de vote, même si le contrôle de
l’encre indélébile à l’entrée des électeurs n’a pas été systématique. Le
secret du vote a généralement été garanti. Les observateurs de la MOEUE
ont cependant constaté une sensibilisation insuffisante des 
électeurs
aux procédures de vote, notamment dans l’utilisation des bulletins de
vote à la députation, ce qui s’est souvent traduit par un ralentissement
des opérations. Pour finir, les témoins des candidats/partis politiques
ont assuré une représentation pluraliste dans la grande majorité des
bureaux de vote observés. Des cas de refus d’accès des BV aux témoins
par des présidents de bureaux de vote ont toutefois été rapportés par
les équipes de la MOEUE dans près de 10% des bureaux de vote observés.

Par
ailleurs, les observateurs de la MOEUE ont observé directement un
nombre important de défaillances le jour des scrutins. Dans 79% des
bureaux de vote observés, des irrégularités de procédures ont été
constatées. Si, le plus souvent, elles peuvent être considérées comme
mineures, le dispositif de garde-fous contre la fraude, qui caractérise
tout système électoral fiable et conforme aux standards internationaux, a
parfois été mis à mal. Il s’agissait notamment de l’absence
systématique de vérification de l’encre (dans 48% des cas observés),
d’une mauvaise utilisation des scellés pour les urnes (dans 17% des BVD
visités), et de l’utilisation intempestive, des registres de dérogation,
faisant généralement office de registre des omis. Au final, ce sont 3
262 725 électeurs qui ont voté sur ces listes de dérogés/omis, ce qui
représente 17,98% du total des votants. Les provinces les plus marquées par ce phénomène
sont, selon la CENI, Kinshasa (27,77%), le Nord-Kivu (24,5%),
l’Équateur (20,29%), le Sud-Kivu (19,02%) et le Bandundu (18,54%).
Enfin, la circulation de très nombreux bulletins de vote en dehors des
CVD/BVD, pré-marqués ou non, a même été constatée par la MOE UE ainsi
que par les différentes missions d’observations nationales et
internationales le jour du scrutin dans la plupart des provinces du
pays.


Malgré l’attachement des électeurs congolais au processus électoral, et bien que la majorité d’entre eux se soient exprimés dans le calme, des incidents graves ont marqué ces scrutins, causant la mort de plusieurs personnes, notamment au Kasaï Oriental, en Équateur et à Kinshasa (incidents à la suite d’allégations de fraudes et de bourrages d’urnes, actes de violence à la suite du mauvais fonctionnement de bureaux de vote, actes d’intimidation ou encore destruction de bureaux de vote). En fait, la sécurisation du processus électoral, généralement effectuée par les agents de la Police Nationale Congolaise (PNC), a été caractérisée par de nombreuses défaillances(versement tardif de fonds, etc.) et logistiques, et a eu pour conséquence le recours militaires et à des gardes privés comme ce fut le cas à Kinshasa, et ce en totale contradiction avec la loi électorale. 

Dépouillement 

Ouvertes dans la foulée de la journée électorale, les phases de dépouillement des résultats au sein de chaque BVD et de transmission des plis sécurisés ensuite aux CLCR se sont généralement déroulées dans le calme. Dans la plupart des bureaux de vote observés, les 
agents ont procédé au dépouillement sans discontinuer, immédiatement après la clôture du vote, en dépit de la fatigue accumulée. Toutefois, la simultanéité des deux scrutins et la complexité des bulletins de vote pour la députation ont souvent rendu le dépouillement assez long. 

5.2 Rôle des observateurs nationaux 
La mobilisation importante d’une observation nationale non-partisane représentait une garantie supplémentaire de la régularité des scrutins. Aussi, et afin de fédérer les différentes missions d’observation nationale, une dynamique de rapprochement de ces dernières sous une même ombrelle s’est mise en place, notamment sous l’impulsion de l’École de Formation Électorale en Afrique Centrale (EFEAC) et à l’initiative de l’ancien Président de la Commission Électorale Indépendante, l’Abbé Malu Malu. Une dizaine d’organisations ont pu ainsi se regrouper pour mieux se coordonner le jour du scrutin et arriver à un déploiement d’observateurs dans l’ensemble des circonscriptions. Une onzième structure, la Commission Africaine pour la Surveillance des Élections (CASE), a également observé les scrutins. Toutefois, la mobilisation des observateurs nationaux est restée relativement modeste en comparaison de celle de 2006. 

Selon les données communiquées par la CENI, 187.238 accréditations pour les observateurs nationaux ont été distribuées pour les scrutins du 28 novembre 2011. Les réseaux issus de la société civile et des confessions religieuses ont souvent mené un travail de formation important. La Commission Épiscopale Justice et Paix (CEJP) a même bénéficié du soutien du Centre Carter pour la formation et la sensibilisation de plus de 6 000 de ses membres aux techniques d’observation. Toutefois, les organisations de la société civile ont généralement manqué de moyens et de soutiens techniques, limitant d’autant leur possibilité d’observation. 
Aucune organisation n’a ainsi pu réussir à couvrir l’ensemble des BVD. La Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), s’appuyant sur la CEJP, a fourni les effectifs les plus nombreux, avec près de 32.000 observateurs nationaux à travers tout le pays.

Dans ce contexte, la présence des observateurs nationaux a été remarquée lors des opérations de vote. Le déploiement d’observateurs nationaux a été plus restreint durant les opérations de compilation des résultats dans les Centres locaux de compilation des résultats (CLCR) en raison d’un manque important de moyens logistiques et financiers. L’accès des observateurs à 
l’ensemble
des étapes de la compilation des résultats a par ailleurs été rendu
difficile par la résistance de certains membres de CLCR, notamment à
Kinshasa, dans les Kasaï, dans les Kivu, au Bandundu et en Equateur. 

5.3 Rôle des témoins des candidats/partis politiques
La présence des témoins des candidats/partis politiques n’a pas été systématique dans les bureaux de vote durant les jours du scrutin. Seules quatre formations partisanes, le PPRD, l’UDPS, le MSR et l’UNC ont réussi à se déployer dans la quasi-totalité des territoires. Garde-fou essentiel pour assurer la transparence des scrutins et donc l’acceptation des résultats, la présence et les performances des témoins ont été limitées à plusieurs niveaux :

• le système de rotation des témoins au sein des BVD n’a pas permis une observation continue par au moins un témoin de la majorité présidentielle et un témoin de l’opposition dans 21% des cas observés. Cela a été particulièrement le cas au Katanga et dans une moindre mesure à Kinshasa et dans le Nord-Kivu ;

• l’affichage des résultats du BVD, aussitôt après le dépouillement, pour examen public, n’a pas été réalisé pour le quart des bureaux suivis; 

• dans 43% des BV observés à la clôture, la copie des résultats n’a pas été remise aux témoins des candidats/partis politiques malgré l’assurance de la CENI de fournir un minimum de 10 copies des fiches de résultats par BVDOr ces PV constituaient une base essentielle de calcul parallèle des résultats pour les organisations partisanes et devaient servir de « preuves » éventuelles dans la formulation de recours ;

• la performance des témoins a souvent été médiocre. Ils sont généralement restés passifs face au manque de mise en oeuvre de la plupart des garde-fous nécessaires pour préserver l’intégrité des scrutins. Par ailleurs, dans seulement 18% des BVD visités, des réclamations, observations ou contestations ont été inscrites sur les procès-verbaux.

Les retards dans la formation des membres des bureaux de vote par la CENI ont enfin affecté la communication claire de la CENI concernant l’accès la rotation des témoins des candidats/partis politique aux bureaux de vote.


6. Établissement des résultats

6.1 Centralisations locale et nationale des résultats provisoires 

Compilation des résultats 

Commencée
la nuit suivant le premier jour du scrutin dans la majorité des 169
CLCR, la procédure de compilation des résultats a été caractérisée par
des situations très contrastées. Si les équipes de la MOE UE ont observé
une organisation plutôt efficace au Bas-Congo, dans le Nord-Kivu ou
encore dans certaines parties de la Province Orientale, les CLCR de
Kinshasa, du Sud-Kivu, de l’Equateur et du Sud Katanga ont connu des
situations organisationnelles plus difficiles, voire chaotiques.
L’arrivée massive des Chefs de centres de vote au niveau des CLCR a créé
un goulot d’étranglement avec, pour conséquence, le stockage du
matériel électoral sans protection à l’extérieur des bâtiments, et
notamment en milieu urbain. La transmission des plis sécurisés à
destination de la CENI, du Secrétariat Exécutif Provincial (SEP) et de
la Cour Suprême de Justice (CSJ) n’a pas été systématique et immédiate.
Enfin, le 
système de transmission des résultats par satellite, dit « V-sat », n’était présent que dans les 2/3 des CLCR observés.

Par
ailleurs, la procédure de compilation des résultats au niveau des CLCR
devait également être garantie par plusieurs garde-fous, dont la
présence des témoins des candidats/partis politiques à toutes les étapes
de la compilation, leurs signatures de la fiche de compilation et du
procès-verbal ainsi que l’affichage public des résultats agrégés au
niveau du territoire (article n°70 de la loi électorale). Cependant,
cette dernière a connu plusieurs entorses posant avec acuité la question
de la crédibilité des résultats de plusieurs CLCR. Les procédures
ont été jugées peu transparentes par les observateurs de la MOEUE au
Katanga, dans le SudKivu, à Kinshasa et dans la Province Orientale où
plusieurs témoins de candidats/partis politiques et observateurs ont été
empêchés d’observer l’ensemble des étapes de la compilation.

La plupart du temps, leur positionnement dans les CLCR ne leur permettait pas un
accès à l’information à toutes les étapes. Enfin, en contradiction avec
la loi électorale, le bureau de la CENI a demandé à plusieurs CLCR de
ne pas afficher immédiatement les résultats de la compilation pour
examen public mais de les envoyer avant au siège central en vue d’« un
contrôle de cohérence ». Les observateurs ont été les témoins de cette
entorse 
grave à Goma, Mbandaka, Mbanza-Ngungu, Kinshasa, Kisangani et Lubumbashi. 

Mise en place d’une commission ad hoc de consolidation des résultats et processus de compilation national

Conformément
à l'article 57 portant sur les mesures d'application de la loi
électorale, la CENI a constitué une «Commission ad hoc » afin de «
consolider les résultats transmis » par les CLCR. Cette commission,
composée des membres du Bureau de la CENI, de plusieurs de ses cadres et
d’experts de la division électorale la MONUSCO et du programme
PNUD/PACE, a statué sur l’ensemble des PV de CLCR avant la publication
des résultats nationaux provisoires. L’absence de témoins de
candidats/partis politiques mais aussi d’observateurs lors de cette
phase clef du processus de compilation a clairement porté atteinte à la
transparence de l’administration électorale. En outre, la CENI a refusé
aux témoins des candidats/partis politiques, aux observateurs, et ce
malgré leurs demandes répétées, l’accès au Centre National de Traitement
(CNT), organe de réception des résultats avant transmission à la
«Commission ad hoc ».

6.2 Proclamation des résultats provisoires

Proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle le 9 décembre 2011.

L’annonce
des résultats provisoires, initialement prévue le 6 décembre 2011, a
connu deux reports pour finalement se tenir trois jours plus tard, soit
le 9 décembre. Les raisons avancées pour ces reports successifs étaient
officiellement d’ordre technique et logistique. La CENI a notamment
expliqué qu’elle n’avait pas reçu la totalité des procès-verbaux de
consolidation en provenance des 169 CLCR. Les résultats provisoires
nationaux annoncés le 9 décembre restaient toutefois incomplets. Tout d’abord, les résultats de cinq CLCR n’avaient pas encore été compilés à cette date ; il s’agissait des CLCR de Kiri et Oshwe dans le Bandundu, de Bongandanga dans l’Équateur, de Poko dans la Province Orientale et de Lomela dans le Kasaï Oriental. Ensuite, un nombre important de résultats de BVD, répartis sur l’ensemble du territoire, n’ont pas été comptabilisés. Selon la CENI, ces BVD étaient au nombre de 4.875 soit
7,63% du total national. En prenant le nombre moyen d’électeurs par BVD
donné par la CENI (soit 331), les BVD non comptabilisés
représenteraient ainsi 1.613.625 électeurs. 

Par
ailleurs, la publication des résultats provisoires est restée
caractérisée par un profond manque de transparence. Si la CENI a
finalement publié des résultats détaillés par bureaux de vote, ils ne
comprenaient pas le scan des procès-verbaux de chaque BVD établis à la
fin du dépouillement. Ces résultats ne reprenaient que la saisie
informatisée des PV, réalisée au sein des CLCR parfois sans témoins. En
outre, cette publication s’est limitée à la distribution d’une vingtaine
de CD-ROM, le jour de l’annonce des résultats, essentiellement au
corps diplomatique, et une mise en ligne partielle, sur le site de la
CENI. 

Plusieurs
résultats de BV rendus publics le soir du dépouillement et observés par
nos équipes sur le terrain ne correspondaient pas avec ceux publiés par
la CENI. Ainsi, la comparaison entre les résultats de 126 BV de
Lubumbashi, notés par nos observateurs avec ceux de la Commission
électorale laisse apparaître un différentiel de plus 13.783 voix pour J.
Kabila (38.206 voix selon la CENI contre 24.423 selon les PV des BVD
compilés), de moins 99 voix pour V. Kamerhe (1.513 voix selon la CENI
contre 1.612 selon les PV des BVD compilés) et de plus 5.631 pour E.
Tshisekedi (14.434 voix selon la CENI contre 20.065 selon les PV des BVD
compilés). 


VIII- DROITS HUMAINS

La République Démocratique du Congo est classée en dernière position sur les 187 pays et territoires couverts par l’indice de développement humain IDH 2011, qui fait l’objet d’un classement publié par le PNUD. Des 53 pays évalués par la Fondation «MO Ibrahim» sur le niveau de bonne gouvernance des pays africains, la RDC se situe à la 50ème position. 73,2% de la population congolaise vit dans un état de pauvreté, 46,5% dans un état d’extrême pauvreté. L’espérance de vie est de 48,4 ans. L’enseignement secondaire n’est accessible qu’à 36,7 % de la population masculine et seulement 10,7 % de la population féminine durant la période 2001-2010. D’après l’indice d’inégalité de genre, la RDC est classée 142ème dans le monde.


1. Cadre juridique et institutionnel.

La RDC a ratifié les principaux instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux droits humains (Annexe X). La Constitution reconnaît des droits civiques et politiques, ainsi que des libertés spécialement liés au processus électoral dans son Titre II intitulé « Des droits humains, des libertés fondamentales et des devoirs du citoyen et de l’Etat ». Le respect de facto des droits et libertés reste loin de l’esprit de ces lois ; ce fut le cas notamment durant la période électorale où de nombreuses violations envers les militants des partis politiques de l’opposition et des civils, ainsi que des abus du pouvoir ont pu être observés (voir infra
« situation des droits humains liées aux élections »). Des avancées par rapport aux recommandations de la MOE UE en RDC en 2006 ont été observées avec la promulgation de la Loi portant statut de l’opposition politique (2007) et de la loi portant organisation et
fonctionnement de la Police Nationale Congolaise (2011), cette dernière réglementant l’usage de la force par la police.

La résolution 1991(2011), qui définit le nouveau mandat de la MONUSCO, inclut spécifiquement la mission de « constater et dénoncer les violations des droits de l’Homme dans le contexte des élections ». Le Bureau Conjoint des Nations Unies au Droits de l’Homme
(BCNUDH) a publié le 9 novembre son rapport sur les violations des droits de l'Homme et les libertés fondamentales en période pré-électorale (du 1er novembre 2010 au 30 septembre 2011). Ces violations sont concentrées autour des membres ou partisans de partis
d'opposition, des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme. Le rapport confirme que les auteurs de ces violations sont identifiés comme agents de la PNC ou de l'Agence Nationale des Renseignements. Le BCNUDH a publié un deuxième rapport sur les violations des droits de l'homme commises par des membres des forces de défense et de sécurité congolaises dans la ville de Kinshasa entre le 26 novembre et le 25 décembre 2011 dans le contexte électoral. Le BCNUDH a été en mesure de confirmer qu'au moins 33 personnes ont été tuées tandis qu'au moins 83 autres ont été blessées par des membres des forces de défense et de sécurité durant cette période. Le BCNUDH a en outre confirmé l'arrestation d'au moins 265 civils, “dont la majorité aurait été maintenue en détention de manière illégale et/ou arbitraire, pour la plupart en raison de leur appartenance, réelle ou présumée, à un parti de l'opposition ou pour leur appartenance à la province d'origine du candidat Etienne Tshisekedi, ou à des provinces dans lesquelles il bénéficie d'un soutien important”. 

Un an après la publication du «Projet Mapping » des Nations Unis, les réformes nécessaires au niveau juridique et institutionnel restent encore nombreuses.
À l’initiative du Ministère de Justice et Droits Humains, l’Entité de liaison des droits de l’Homme a été créée par le décret n° 09/35 du 12 août 2009, bien que son opérationnalité a été mise en cause dès le début. La réunion extraordinaire de l’Entité des droits de l’Homme du 18 novembre 2011, bien qu’intervenue en retard par rapport à la montée des tensions pendant la campagne électorale, a pu être un pas en avant pour renforcer le cadre de concertation entre les institutions publiques, la société civile et les partenaires internationaux.


Le positionnement politique de nombreuses ONG s’est certainement aligné sur les contestations portées par les partis de l’opposition. Contrairement au processus de 2006, la société civile a été mise à l’écart par la CENI, sans espace de dialogue possible, et sans participation dans les programmes de l’éducation civique et de sensibilisation. Le manque de transparence
de la CENI a ainsi été dénoncé systématiquement. À la veille de la
proclamation des résultats, plusieurs communiqués 
de ces organisation de la société civile ont dénoncé des irrégularités durant le processus électoral, et notamment le jour du scrutin.

3. Situation du respect de droits humains liés au processus électoral
Pendant la campagne électorale et le jour du scrutin, des rapports d’incidents sur le processus électoral ont été dressés à l’occasion par les équipes d’observation.
3.1 Avant la campagne électorale


La situation sécuritaire s’était améliorée par rapport à 2006, bien qu’une résurgence des tensions et une augmentation des violations des droits humains liées à la tenue du scrutin et à l’annonce des résultats fussent clairement prévisibles Dès août 2011, les partisans de l’UDPS manifestaient chaque jeudi devant le bureau de la CENI à Kinshasa, afin de demander l’audit du fichier électoral. Lors de la manifestation du 6 octobre et 20 octobre, des graves incidents ont été enregistrés. Plusieurs cas de détention provisoire par la police puis par les autorités judiciaires ont été suivis. Ces cas ont été à un certain degré une atteinte à la liberté individuelle et à la présomption d’innocence, avec une interprétation lato sensu des délais légaux de détention par les juridictions congolaises.

3.2 Pendant la campagne électorale

Des rapports d’incidents ont été enregistrés par les équipes d’observation de la MOE UE.
Certaines violations de droits humains liées au processus électoral étaient clairement identifiées. Ces cas se rapportaient notamment au comportement des autorités congolaises (abus de pouvoir) et des forces de l’ordre (usage abusif de la force). En résumé, la liberté de manifestation, d’expression et d’opinion a été le plus souvent mise en cause, suivie des violations contre la liberté et le droit à la sécurité, et en troisième lieu des atteintes à l’intégrité physique et au droit à la vie. Par territoire, Kinshasa, les Kasaï, le Katanga et les Kivu auront été les plus affectés par ces violations.

La détention des militants et partisans de différents partis est allée crescendo dès le début de la campagne électorale. Des actes d’intimidation envers des candidats aux législatives ont été enregistrés et suivis par nos équipes d’observation à Mbandaka, Kinshasa et Mweka. Les éléments de la FARDC ont commis des exactions contre les sympathisants de l’UNC et leurs candidats notamment à Goma et Bukavu. Le nombre d’actes violents et d’affrontements entre militants a augmenté tout au long de la campagne électorale. De multiples exemples ont été rapportés à Kinshasa et à Lubumbashi. La fin de la campagne à Kinshasa a été marquée par une interdiction de toute manifestation publique et de rassemblement à caractère électoral par les autorités administratives. Cette limitation à la liberté de réunion et de manifestation a été justifiée par la nécessité de maintenir l’ordre public et la sécurité. En fait, une gestion équitable des espaces publics et une utilisation adaptée des forces de sécurité auraient sans doute permis que ces manifestations se déroulent sans violence.

Le phénomène « kuluna » s’est répandu à occasion de la période électorale. Ce fait social particulièrement présent à Kinshasa

Le 28 novembre et les jours suivants ont été marqués par des nombreux incidents violents.
Comme exemples, à Lubumbashi, un groupe d'environ 25 individus armés ont brulé plusieurs bureaux de vote et menacé du personnel de la CENI et la population locale. Dans les Kasaï, des incidents à Tshikapa (Kananga) et à Mbuji Mayi, ont fait suite à des allégations de fraudes et de bourrages d'urnes, remettant en cause l'efficacité de la sécurisation du processus électoral. Les actes d'agression physique envers des individus, des membres du personnel de la CENI ou des témoins par les forces de l’ordre et par des groupes armés non identifiés ont de même été rapportés. A Mbandaka, l’attaque armée d’un site de vote à Bamanya a commencé lors du dépouillement. À Kinshasa, l’ensemble des forces de la PNC avait été déployé à partir du 3 décembre 2011 en sus d’une forte présence de membres de la garde présidentielle. Ce dispositif qui semble avoir eu un impact dissuasif sur la population a entravé également les activités commerciales et professionnelles des kinois. Le service de messagerie téléphonique par SMS a été suspendu sur l’ensemble de la RDC à la même date, depuis le milieu des années 2000 a consisté en une récupération politicienne de certains groupes de jeunes sportifs à l’approche des échéances électorales. Bien que l’appartenance politique de ces groupes de kuluna soit difficile à prouver, les noms de jeunes leaders proches du parti au pouvoir ont été souvent cités.

3.3 Le jour du scrutin et la période post-scrutin


Le 28 novembre et les jours suivants ont été marqués par des nombreux incidents violents.
Comme exemples, à Lubumbashi, un groupe d'environ 25 individus armés ont brulé plusieurs bureaux de vote et menacé du personnel de la CENI et la population locale. Dans les Kasaï, des incidents à Tshikapa (Kananga) et à Mbuji Mayi, ont fait suite à des allégations de fraudes et de bourrages d'urnes, remettant en cause l'efficacité de la sécurisation du processus électoral. Les actes d'agression physique envers des individus, des membres du personnel de la CENI ou des témoins par les forces de l’ordre et par des groupes armés non identifiés ont de même été rapportés. A Mbandaka, l’attaque armée d’un site de vote à Bamanya a commencé lors du dépouillement. À Kinshasa, l’ensemble des forces de la PNC avait été déployé à partir du 3 décembre 2011 en sus d’une forte présence de membres de la garde présidentielle. Ce dispositif qui semble avoir eu un impact dissuasif sur la population a entravé également les activités commerciales et professionnelles des kinois. Le service de messagerie
téléphonique par SMS a été suspendu sur l’ensemble de la RDC à la même
date, afin d’assurer la sécurité des personnes. Cette restriction
constitue une entrave grave à la
liberté de communication et à la liberté d’expression durant une période cruciale du processus électoral. Le gouvernement aurait dû ouvrir une enquête pour déterminer les responsabilités concernant la provenance des messages d’intimidations et menaces qui ont circulé les jours après le scrutin. Le service n’a été rétabli que le 28 décembre.

La capitale Kinshasa est devenue une ville morte durant la période du 6 au 11 décembre, puis du 19 au 20 décembre. Dès la publication de résultats, les manifestations en faveur du candidat Tshisekedi ont été réprimées systématiquement par les forces de l’ordre. De
nombreux enlèvements par la PNC et l’ANR ainsi que des fouilles systématiques de maisons des militants de l’UDPS par la garde présidentielle auraient été perpétrées aux alentours de la proclamation des résultats et de la prestation du serment, c’est-à-dire vers le 20 décembre. Au Kasaï Oriental, à Mbuyi Maji, le couvre-feu décrété par le Conseil Provincial de sécurité s’est poursuivi jusqu’au 24 décembre, et ce, en dehors de tout délai raisonnable. Des actes xénophobes à Kamina (Katanga) à l’encontre de kasaïens ont été dénoncés avant la proclamation des résultats.



 

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