Kampala, «la guerre sémantique» et l’opinion publique congolaise Par Mbelu Babanya Kabudi

Pourquoi les
onze points de cet «accord» ou «déclaration» sont-ils quasi inconnus du grand
public congolais ? Pourquoi faut-il à tout prix signer un 

«accord» ou une «déclaration» avec une milice ougando-rwandaise avant de mener
une offensive contre les autres groupes armés massés dans la partie orientale
de la RDC ? 

Notre hypothèse est que la guerre de basse intensité et d’usure menée par « la
communauté internationale » contre la
RDC
se poursuit cyniquement avec les mêmes acteurs majeurs et
leurs proxys. Le M23 a « la chance » d’avoir ses « ancêtres « et alliés à
Kinshasa : certains membres de l’AFDL, d RCD, du CNDP et du PPRD. Prendre la
mesure de la continuation de cette guerre éviterait aux patriotes et autres
résistants congolais de dormir sur leurs lauriers. Le chemin paraît encore
assez long…vers les horizons qui chantent. Heureusement, des médias alternatifs
parlent de plus en plus de la désaméricanisation du monde et/ou d’un monde sans
les USA ! Les patriotes et résistants congolais doivraient questionner leurs
choix géostratégiques pour un autre Congo possible.

Au début de la semaine du 05 novembre 2013, quand le M23 renonce 

«officiellement» à sa participation à la guerre de basse intensité (imposée à la RDC ), un document étudié et
négocié dans ses détails par sa délégation et celle du gouvernement fantoche de
Kinshasa est prêt. Il ne reste plus à Kinshasa qu’à préparer l’opinion publique
à la signature dudit document. Les envoyés spéciaux de « la communauté
internationale » répètent cette version des faits depuis plus d’une semaine
sans qu’ils ne puissent être contredits par Kinshasa. La guerre des mots que se
mènent les deux délégations pour le moment ne remet pas en question la
substance du document. Kinshasa serait prête à signer ce document à tout moment
si le mot « accord » est remplacé par « déclaration ». Si les envoyés spéciaux
de « la communauté internationale » commentent ce document, Kinshasa n’en fait
presque pas autant. Pourquoi ? Elle a peur de son opinion publique ; à
commencer par celle de l’Est du pays. Aussi «les alliés» du M23 à Kinshasa
sont-ils prêts à faire ce qu’ils ont avec le RCD et le CNDP : incorporer les
éléments du M23 dans l’armée et les institutions congolaises en procédant « au
cas par cas ». Or, les compatriotes qui ont lu le commentaire du général Olenga
sur « les victoires des FARDC » sur le M23 savent que ce mouvement est le
résultat des différents mixages et brassages ayant précédé la guerre qu’il a
enclenchée. Donc, procéder aux mixages et aux brassages, même « au cas par cas
», c’est préparer la résurgence d’une éventuelle M24 ou 26 ou27, etc. Et puis,
reposons certaines questions de bon sens : « Pourquoi « la communauté
internationale » ayant qualifié le M23 de force négative tient-elle à le voir
signer un accord avec Kinshasa avant que la Monusco et sa brigade africaine ne procèdent à la
neutralisation des autres milices semant la mort et la désolation à l’Est de la RDC ? A quoi tient toute cette
importance que « cette communauté internationale » accorde au M23 aux dépens de
l’opinion publique congolaise qui lui est majoritairement hostile ? »

Les commentaires congolais et internationaux faits sur «les victoires des
FARDC» soulignent encore l’importance des pressions faites sur les dirigeants
de la sous-région des Grands-Lacs par Londres et Washington. Rares sont ceux
qui font allusion à l’approche que l’opposition rwandaise a de la façon dont
guerre du M23 a été menée vers la fin du mois d’octobre. Ceux-ci reviennent sur
un secret de polichinelle : parler du M23 revient à prendre conscience du lien
l’unissant à l’armée rwandaise sur le sol congolais. A travers le M23, c’est la RDF qui a violé, pour la
énième fois le droit international pour semer la mort et la désolation dans la
partie orientale de la RDC.
Une
chronique rwandaise de cette guerre peut être lue sur le
blog France-Rwanda dans un article intitulé 

«Rwanda : le FPR, un parti satanique (La lettre du Nord)»[2]. Et quand on sait
qu’une partie de cette milice reçue en Ouganda s’est démultipliée, on peut en
conclure que la signature d’une « déclaration » ou d’un « accord » entre
Kinshasa et cette milice ougando-rwandaise est une continuation du modus
operendi dans ces deux pays –proxys des Etats profonds anglo-saxons- dans la
sous-région des Grands-Lacs. C’est-à-dire la poursuite de la guerre de basse
intensité et d’usure dans cette partie de l’Afrique centrale.

En insistant sur la signature du document de Kampala, « la communauté
internationale » avoue son appui permanent au génocide congolais perpétré par
l’Ouganda et le Rwanda et soutient sa poursuite.

Qui a écrit ce document ? A travers la plume de Magloire Paluku, le Ministre des
affaires étrangères de la RDC
avoue qu’il n’en connaît pas l’auteur. En d’autres termes, comme par le passé,
ce texte serait rédigé par « un expert de la communauté internationale ». Tel
fut le cas de certains accords précédents, dont celui signé à Pretoria en juin
1999, comme l’atteste Pierre Péan[3]. Donc, comme au temps de la traite
négrière, « les experts » en négritude poursuivent leur sale boulot de
rédaction des textes garantissant « les intérêts de la communauté
internationale » aux dépens de ceux des Congolais. Et puis, il est quand même
curieux que tous les débats autour de ce « document » ne fassent presque pas
allusion à notre histoire immédiate. Que les questions sur les « génocidaires
hutu», les réfugiés rwandophones et la survie de l’ethnie tutsi à l’Est du
Congo puissent être posées comme si les rapports (Gersony, Kassem, Mapping,
etc.) des experts de l’ONU n’avaient jamais existés ! Et que nos débatteurs à
Kampala n’y fassent presque pas allusion quand ils se confient aux médias.
C’est comme si la guerre d’usure avait réussi à les entraîner dans une amnésie
irresponsable ! En plus de ces rapports, la lettre de Théogène Rudasingwa (‘’la
vérité enfin’’), son témoignage chez le juge espagnol Merelles, les sorties
médiatiques des ex-proches de Kagame (Kayumba et Karegeya) ne semblent pas
avoir conduit « la communauté internationale » à reconsidérer en profondeur sa
version de cette guerre d’usure. Aussi plusieurs d’entre nous ont-ils cru,
qu’avec le temps, les principaux enjeux et les causes profondes du « conflit au
Congo[4] » ont changé. Et que l’empire US sur le déclin serait devenu clément à
l’endroit de la RDC
pendant que son Prix Nobel de président se livre aux assassinats
extrajudiciaires ciblés par drones interposés. (Le comble est que pendant que
les médias alternatifs parlent de plus en plus de la désaméricanisation du
monde ou du monde sans les USA, en RDC, les médiamensonges croient, dur comme
fer, aux bienfaits de Barack Obama pour notre devenir collectif ! C’est grave
!)

Nous le dirons jamais assez : la question de la guerre de basse intensité et
d’usure en RDC est aussi une question de culture ; d’une culture citoyenne
historique, engagée et engageante. A l’Est de la RDC et dans la diaspora, plusieurs compatriotes
l’ont compris. L’opinion publique congolaise est généralement au courant des
tenants et des aboutissants de la théâtralisation de la guerre, de la mort et
de la banalisation de la vie au Congo. A Kinshasa, certains médias ne
réussissent pas toujours à démonter les mensonges des élites compradores. Il
arrive qu’ils fassent leur jeu et entraînent une bonne partie de la population
dans un soutien aveugle de ses bourreaux. A l’Est, les jeunes ont défié l’armée
rwandaise et la Monusco
, mains nues. Ils ont appris, sur le tas, à connaître les véritables ennemis du
peuple congolais et leur modus operandi. 

Apprendre sur et de la guerre en RDC serait un pas énorme à effectuer par ceux
et celles qui veulent y mettre fin : bien identifier les acteurs majeurs, les
armes auxquelles ils recourent tout en restant dans l’ombre, leurs modes
opératoires, la façon dont ils orchestrent leur propagande mensongère, par
exemple, travailler à la contre-infiltration (comme le général Olenga) et
mener, à court, moyen et long terme, un travail de contre-pouvoir, en synergie
; étudier aussi la guerre comme « un évènement profond » pouvant sacrifier «
les fils de la maison » pour justifier « la montée du capitalisme du désastre
».

Il y a de ces actions à mener à partir du contexte, de la capacité d’imagination,
d’inventivité et de créativité des acteurs sur terrain. Aussi, vu les moyens
dont disposent les forces de la mort contre la RDC , les patriotes-résistants congolais
devraient-ils se garder de communiquer, sur les réseaux sociaux, la
diversification de leur modus operandi. « Le bouche –à-oreille » devrait
remplacer les grands déballages sur Internet.

En attendant que ces actions passent à leur vitesse supérieure, nous ne serons
pas étonnés d’apprendre que « l’accord » ou « la déclaration » a été signé(e).
L’AFDL(le PPRD), le RCD, le CNDP, le M23 ainsi qu’une bonne partie de la
kabilie sont une même force de la mort au service des intérêts étrangers et des
élites compradores. D’ailleurs, les menaces de déballage proférées par le M23
pèsent sur les têtes des « alliés kinois » comme une épée de Damoclès…

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[1] Lire http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=8436

[2]
http://www.france-rwanda.info/article-rwanda-le-fpr-un-parti-satanique-la-lettre-du-nord-121087826.html

[3] P. Péan, Carnage. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique,
Paris, Karthala, 2010, p. 398-399.

[4] Revoir le documentaire intitulé ‘’Le conflit au Congo. La vérité dévoilée’’
pourrait rafraîchir certaines mémoires. Voici le lien :
https://www.youtube.com/watch?v=NMtgHzXZnIg

 

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