17 11 13 Atlantico – Pourquoi aider militairement la République démocratique du Congo ne lui rend pas service

Mauvaise idée

 Crédit Reuters

Atlantico : La récente « victoire » que
constitue la fin de la rébellion du M23 est supposée aider l’Etat
congolais à restaurer son autorité. Le pays est-il vraiment plus stable
pour autant ? Quels défis restent-ils à relever pour apaiser réellement
la situation du pays ?

Samuel Solvit : La République démocratique du Congo (RDC) est dans l’instabilité quasiment depuis sa naissance en tant qu’état, c’est-à-dire depuis plus d’un siècle. Croire
que la fin annoncée de la rébellion du M23 et qu’un éventuel accord
pourraient seuls permettre de restaurer durablement la stabilité est une
illusion.

La RDC reste un état faible
où de nombreux groupes rebelles autres que le M23 continuent de générer
de l’instabilité et de la violence. Par ailleurs, le positionnement du
Rwanda et de l’Ouganda vis à vis de la RDC reste ambivalent. Et la situation sociale, politique et économique reste précaire. De nombreux autres éléments sont donc nécessaires pour construire une vraie stabilité durable en RDC.

Dans
quelle mesure est-ce qu’une intervention externe peut créer de
stabilité sur le long terme ? Cela fait-il autre chose que de repousser à
plus tard la reformation des groupuscules qui s’opposent au pouvoir en
place ? La complexité du tissu ethnico-politique du pays empêche-t-elle
une intervention extérieure qui ne soit pas partisane ?

Le problème avec les
interventions extérieures (de type onusiennes, européennes ou
africaines) est qu’elles sont au final des pansements sur des lésions
profondes.

Parler d’intervention de manière générique est trop
vague. Il s’agit de qualifier quel type d’intervention, son mandat, ses
moyens, sa durée, ses domaines d’actions. Mais aussi, il s’agit de
savoir si cette intervention est envisageable et acceptable par les
parties en présence, et si elle est pragmatiquement réalisable au-delà
des rêves démocratiques des pays occidentaux. Il est illusoire
de penser qu’une mission de l’ONU de quelques milliers d’hommes pourrait
sécuriser un pays presque aussi grand que l’Europe.

Le
problème avec la RDC est que les enjeux ne sont finalement que « locaux
» et faiblement internationaux – cela n’enlevant en rien l’horreur de
la situation, au moins autant qu’en Syrie (et cela depuis bien plus
longtemps). Le conflit de la zone ne déstabilise que la zone des grands
lacs, mais pas l’ordre international. Les grandes puissances et
la communauté internationale ne voient donc, pour l’instant, pas
d’intérêt à aller s’enliser dans une situation complexe où il n’y a pas
de « bons » et de « mauvais », mais des nombreux intérêts et une
situation fluide et complexe de violences politiques, sociales et
économiques.

S’il y
avait une intervention, il faudrait avant tout qu’elle soit réellement
motivée et non pas seulement une posture. Compte tenu de l’ampleur des
efforts, elle devrait être considérée comme un réel investissement de
long terme. Les chantiers seraient nombreux (économiques,
administratifs, politiques, sécuritaires). Sans ce spectre global et
ambitieux, une intervention serait probablement une illusion de
stabilité.

Faut-il laisser le conflit se
régler par lui-même pour espérer une stabilité à long terme ? Par quel
procédé international – voire national – la situation pourrait-elle
avancer et s’améliorer ?

Le
pays est en guerre depuis près de 20 ans, sans parler des tensions et
des violences pré-existantes. Jusqu’à présent, cette violence n’a pas
générée plus de stabilité. 

Je ne sais pas
si le conflit peut se régler par lui-même. Le problème est que l’on a à
faire à des types de violences qui ne sont pas seulement politiques et
organisées. Elles sont aussi endémiques et incrustées dans la vie
sociale.

Si l’on souhaite améliorer la situation
de la RDC et à terme conduire le pays vers la stabilité, au-delà d’une
intervention « militaire », il me semble qu’il serait productif de
lancer des initiatives locales et nationales. Une intervention peut être
un des rouages pour minimiser l’insécurité, en revanche il faut en
parallèle reconstruire et dynamiser le tissu social, politique et
économique.

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