Une opinion sur la BCC (Michel N. NSOMUE Benedict)
Ces derniers temps, une tapageuse campagne
médiatique fait état de grandes performances dans la gestion de la
Banque Centrale du Congo dont la politique monétaire aurait contribué,
dit-on, à la stabilisation du cadre macroéconomique, en général, et,
plus particulièrement des prix et du taux de change. Si cette campagne
était fondée sur la vérité, mon livre, La Gangrène de lEconomie Congolaise,
publié en 2005 aux éditions Vaste, serait à réécrire. En un mot, ayant
démontré que la BCC, dans son fonctionnement, est un véritable
pandémonium dont la politique monétaire, sur fond dun mimétisme béat,
ne peut avoir le moindre impact sur lenvironnement économique du pays,
le livre plaidait pour une restructuration profonde de notre Institut
démission. Curieusement, à coups de statistiques et dabstractions
ésotériques, la banque se voit encensée et plébiscitée de tous les
titres honorifiques. Et, comme dans la fable « le corbeau et le
renard » de La Fontaine, la BCC, forte de cette manipulation médiatique,
a récemment pris deux mesures de politique monétaire qui ont suscité
une vive réaction dans la presse. Noel Tshiani, un haut Cadre à la
Banque mondiale et auteur, lui- même, de nombreuses analyses sur le
fonctionnement de notre Institut démission, dont le dernier ouvrage
intitulé « La bataille pour une monnaie nationale crédible », paru aux Editions de Boeck à Bruxelles en Décembre 2012, revient à la charge et dénonce à la fois l « Irrationalité des mesures du comité de politique monétaire de la BCC »
et lillégalité du Comité de la Politique Monétaire qui en est
lauteur. Il conclut par la nécessité de la restructuration de la Banque
comme voie dissue pour doter léconomie nationale dun véritable socle
pour sa reconstruction et sa relance. Réagissant à cet article, la
Banque Centrale du Congo, sous la plume de Jesse Lisasi, son Consultant,
sen prend assidument, dans plusieurs journaux de la place, au premier
cité, justifiant, dans une confusion sans pareil, la pertinence desdites
mesures et la légalité du CPM.
Par
devoir patriotique, par honnêteté intellectuelle et par respect pour la
vérité, je ne peux me taire sur la question tant il est vrai que mon
livre cité ci-dessus est le premier ouvrage scientifique à avoir
démontré et dénoncé publiquement lincurie de la banque centrale, la
nullité du franc congolais et le folklore de la politique monétaire.
Rien ny a changé à ce jour, malgré les bluffs de réforme qui se
succèdent et les tapages médiatiques destinés à distraire lopinion. La
BCC demeure une coquille sinon vide, mais alors nocive à lorganisation
de léconomie nationale, tandis que le franc congolais demeure dans le
champs de ce que Jacques Rueff appelait : « le néant habillé en
monnaie ». Le besoin dune économie monétaire assise sur une banque
centrale effective appelle limpératif de la restructuration de la
Banque Centrale du Congo pour quiconque comprend ce que cest que la
monnaie et son rôle dans et pour léconomie.
Pour
le redire, la présente analyse va porter sur deux questions
essentielles : lorganisation et le fonctionnement actuels de la BCC,
dune part, et, dautre part, la monnaie et la politique monétaire de la
même banque avant de livrer ma lecture personnelle sur les deux
dernières mesures qui rouvrent le débat : la baisse du taux directeur et
la hausse de la réserve obligatoire. Entre les lignes, je men vais
évoquer les prétentions de la stabilité aussi bien du cadre
macroéconomique que de la monnaie et des prix, avec, en gros plan, le
portrait quelle donne de notre économie. Je laisserai, en passant,
quelques éclairages sur la quintessence et lefficacité des principes et
des instruments de la politique monétaire de la BCC, y compris mon
point de vue sur le soi-disant « taux directeur », sur les facilités
permanentes et sur les fameux BTR (billets de trésorerie).
Puisque
du choc des idées jaillit la lumière, revenant dans un débat que
javais toujours appelé de tous mes vœux, je dois préciser que la
présente note nest quune contribution à la réflexion quil convient de
poursuivre dans lintérêt de notre pays. La participation au débat sur
des questions dintérêt national nest nullement une question de
« motivations personnelles », comme semble linsinuer la banque à
travers son consultant, mais plutôt une obligation patriotique daider à
trouver des solutions idoines aux vrais problèmes du pays et de ses
institutions. La BCC est un patrimoine national, une portion de la res
publica. Son organisation et son fonctionnement intéressent tout
citoyen, dautant quils font lobjet de lois votées par le parlement
national.
1. Lorganisation et le fonctionnement de la BCC
Depuis
linvention de cette appellation par Léon Aucher, toute banque centrale
ne se définit que par ses missions. Nonobstant la diversité des
réalités socio-économiques des pays, on peut aisément admettre que
lactivité de toute banque centrale recouvre trois domaines, à savoir :
- La
conduite de la politique monétaire du pays à travers la gestion
qualitative et quantitative de la monnaie et la réglementation du crédit
dans lobjectif du plein emploi compatible avec la stabilité des prix ; - La
supervision et la régulation de lactivité des institutions bancaires
et financières pour préserver la sécurité et la sérénité du système
bancaire et financier national et pour assurer la protection de
lépargne et du crédit ; - La production de
certains services financiers au Gouvernement, au public, aux
institutions financières et au secteur étranger, y compris la mise en
place et la gestion efficace du système national des paiements.
Cest
par rapport à ces tâches, mieux à la mission qui lui est assignée, que
la banque centrale sorganise de façon à assurer leur adéquation avec
ses structures et son fonctionnement tout en tenant compte des réalités
socio-économiques et politico-financières des pays qui sen dotent. Pour
lexécution de ses tâches, lorganisation de la banque centrale repose,
avant toute chose, sur un choix politique entre deux modèles : les
banques centrales sous tutelle (à lexemple de la banque de France avant
1993) et les banques centrales indépendantes (à lexemple de la
bundesbank allemande).
Sagissant
de la BCC, ce choix a déjà été fait et consacré par la loi. La présente
note ne va plus y revenir bien que dans La Gangrène de lEconomie
Congolaise, javais dénoncé et démontré que la BCC ne remplissait pas
les conditions nécessaires pour jouir de cette indépendance. Néanmoins,
il est pertinent de rappeler, ici, que lindépendance dune banque
centrale comporte trois dimensions, à savoir :
- Lindépendance
opérationnelle, daprès laquelle la banque centrale dispose de toute sa
liberté pour élaborer et pour mettre en œuvre la politique monétaire.
Comme le dit Mishkin, une banque centrale indépendante nest tenue de
soutenir la politique économique du gouvernement que dans la mesure où
cette dernière ne nuit pas à laccomplissement de sa mission première.
Le chancelier Konrad Adenauer va plus loin en disant : « Dans le cadre
de ses relations avec le gouvernement, la banque centrale est
souveraine. Elle nest responsable que vis-à-vis delle-même. Nous avons
là une institution qui na de comptes à rendre à personne, ni à un
parlement, ni à un gouvernement». - Lindépendance
organique, daprès laquelle les dirigeants de la banque centrale sont,
de par leur mode de désignation, garantis dune totale indépendance
desprit dans la conception et la conduite de leurs charges. Bien plus,
la banque indépendante se choisit librement la structure et les hommes
les mieux disposés à lui assurer un fonctionnement efficace. - Lindépendance
financière, daprès laquelle non seulement la banque rompt le lien
entre la création monétaire et le gouvernement, mais aussi se dote de la
liberté totale dans la gestion de son propre compte dexploitation.
En
examinant ces critères, on peut se rendre compte quun sérieux problème
se pose déjà quant à leffectivité de lindépendance de la BCC qui est
un préalable, comme modèle, pour la conception et la mise en application
de sa politique monétaire. Sans nous y attarder, considérons quelques
faits.
- Lémission
des billets de banque aux valeurs nominales comprises entre 5.000 et
20.000 CDF ont attendu plus de cinq ans dans les coffres de la BCC, sur
instruction du gouvernement, sans regard pour les coûts que cela devait
engendrer dans le fonctionnement de la banque. Plus tard, pour que ces
billets soient mis en circulation, il a fallu la décision du
gouvernement et cest le Ministre délégué aux Finances qui devait
annoncer au public cette mesure de politique monétaire. Où est passée
lindépendance opérationnelle de la BCC ? - Pis
encore, chaque lundi se tient la troïka, cest-à-dire lattelage des
trois Ministères stratégiques du Gouvernement (Budget, Economie et
Finances) autour du premier ministre. Que va y faire le gouverneur de la
BCC qui nest ni secrétaire du gouvernement ni membre du cabinet du
premier ministre? Recevoir des instructions du gouvernement ou rendre
compte à celui-ci ? Alors où est passée lindépendance organique de la
banque ? - Et même lindépendance
financière, quen est-il, lorsque les sources bien renseignées
rapportent que la programmation des dépenses propres à la banque
centrale ne peut plus se faire avant cette réunion de la troïka ?
Si
lindépendance savère si brouillée, selon quel modèle la BCC
fonctionne-t-elle lorsquelle prend ses décisions ? Y a-t-il, oui ou
non, violation de la Constitution et de la loi organique ? En répondant à
cette dernière question, Jesse Lisasi semble soutenir, dentrée de jeu,
que la BCC fonctionne dans le respect des dispositions
constitutionnelles et légales. Cest, me semble-t-il, à la fois curieux
et partisan, non seulement du point de vue de lindépendance dont je
viens de parler, mais aussi au regard du comportement des organes tels
le CPM et le Conseil de la banque que Noel Tshiani a dénoncé.
En
effet, le CPM nest quun organe technique créé, en janvier 2010, par
la BCC, sur simple ordre de service de son gouverneur, et parmi tant
dautres commissions qui affluent au sein de lInstitut démission. Nous
comprenons tous que, sous la pression de lopinion et de la
conjoncture, la BCC a vainement multiplié, depuis 2006, des initiatives
pour se doter dune structure rationnelle. Le CPM est mis en place après
la restructuration de 2009 qui a vu naitre, notamment une Direction
générale de la politique monétaire et des opérations bancaires. Ses
tâches sont définies et limitées à donner des avis au Gouverneur de la
banque qui a la charge de la gestion courante. Il ne sagit donc pas
dun organe de décision, et encore moins dune doublure du Conseil de
la banque, même si, comme la également et correctement dénoncé Tshiani,
ce dernier fonctionne actuellement dans lillégalité (par rapport à la
durée légale du mandat de ses membres). Cette illégalité frappe
également le mandat des commissaires aux comptes de la BCC. Pour qui a
du respect pour la loi et qui comprend ce que cest quune banque
centrale et les critères de bonne gouvernance, ce genre de situations
sont inacceptables et donc doivent être dénoncées, comme nous le
recommande la Constitution. La BCC nest pas nimporte quelle entreprise
publique : cest lInstitut démission de la monnaie nationale. Cest
lautorité monétaire de notre pays. Elle doit, en tous actes et
circonstances, inspirer confiance. Car monnaie et confiance sont
étymologiquement synonymes. Venons-en aux tâches ou à la mission de la
BCC.
Jesse
Lisasi, parlant « des récentes décisions prises par la BCC », glisse
intelligemment une phrase qui en dit long : « Malheureusement les
résultats escomptés du point de vue de la politique économique et
monétaire sont loin dêtre satisfaits ». Alors la question : que faut-il
faire dune institution dont les mesures sont loin datteindre les
résultats escomptés ? Peut-être quun peu de détail pourrait aider à
renforcer son point de vue sur ce constat. Parlons-en dans le point qui
suit.
2. La conduite de la politique monétaire par la BCC et ses résultats.
La politique monétaire se comprend, plus précisément, comme la façon dont la banque centrale gère la monnaie nationale dans
léconomie du pays tant du point de vue quantitatif que
qualitativement. Parce quil nest déconomie que monétaire, dit-on, il
est aussi important de noter, selon Lénine, quil ny a point de moyen
plus sûr et plus subtil de renverser les bases dune société que de
corrompre sa monnaie. Gérer la monnaie signifie, du point de vue
qualitatif, conserver au quotidien ses propriétés (liquidité,
convertibilité et stabilité) et lui assurer ses fonctions dans
léconomie et dans la société (unité des comptes, réserve des valeurs et
intermédiaire des échanges). Du point de vue quantitatif, la gestion de
la monnaie signifie la conservation, en permanence, de léquilibre
entre la demande (les besoins exprimés en moyens de paiements) et
loffre (endogène ou exogène, selon la nature de léconomie considérée)
de la monnaie au sein de léconomie, eu égard à la vocation naturelle de
tout corps social, cest-à-dire la croissance et lhoméostasie. Cette
dernière question de léquilibre entre loffre et la demande de la
monnaie (la gestion quantitative) a convaincu la quasi-totalité des
banques centrales à renoncer aux instruments directs en faveur des
instruments indirects qui supposent lexistence dun marché monétaire
organisé comme champ de conception et de mise en œuvre de la politique
monétaire. Comment se conçoit et se met en œuvre la politique monétaire
de la BCC qui tarde, à ce jour, à organiser un marché monétaire, au sens
propre du terme ?
Cela
dit, rappelons que la BCC articule sa politique monétaire sur quatre
axes, à savoir : lémission de la monnaie, la réglementation du crédit,
la politique des changes et la supervision des intermédiaires
financiers. Voyons, par axe, comment se conçoit et se met en œuvre la
politique monétaire de la BCC :
- Lémission monétaire repose
sur deux principes : le contrôle quantitatif (exclusivement orienté
vers la répression de la demande) et ladaptation des valeurs faciales à
lévolution de linflation et du taux de change. Point barre. Ainsi,
lorsquon pose la question à la BCC sur la pertinence de sa mesure de
mise en circulation des billets à valeur faciale élevée, sa première
réponse repose sur la commodité de transport et de la manipulation des
billets de banque. Aucune allusion aux économies déchelle qui ont été
la raison fondamentale du monopole démission accordé aux banques
centrales. Aucune allusion à une quelconque version de la théorie de la
demande de la monnaie pour jeter les bases crédibles dun marché
monétaire au cœur des enjeux économiques. Aucune allusion aux exigences
de fonctionnement dune économie dendettement dont la RDC est un cas
typique. Seul point de vue considéré : le fantôme de linflation.
Conséquence : labsence de la monnaie nationale sur la quasi-totalité de
lespace national et des circuits économiques tous dominés par le
dollar des Etats Unis dAmérique.
Ce
phénomène de dollarisation de léconomie nationale nest pas un fait
banal. Non seulement cest une violation flagrante de la Constitution
qui ne reconnait que la seule monnaie nationale, le franc congolais,
mais bien plus, au-delà dune simple substitution du dollar US à
celui-ci dans des proportions qui dépassent les 100% de la masse
monétaire officiellement publiée, ce sont les intérêts nationaux qui
sont aliénés ainsi que tous les plans stratégiques de développement de
la nation qui sen trouvent trahis. Consultez les tableaux statistiques
de la BCC, notamment celui relatif à la situation monétaire intégrée. Si
vous y lisez que les dépôts en devises étrangères avoisinent les 80% de
la masse monétaire, quen est-il de la circulation fiduciaire du dollar
US dans ce pays où le taux de bancarisation se plante à 5% ? Ce nest
pas tout : les indicateurs macroéconomiques devraient être repensés dans
une économie à ce point dollarisée. En effet, en passant outre la
nature des enquêtes économiques actuellement menées par des agents
démotivés de la BCC, dune part et, dautre part, la question technique
concernant lélaboration du panier des biens considérés, la stabilité
des prix dont on dit que la BCC a gagné le pari me pose deux problèmes
sérieux : dabord quelle crédibilité faut-il accorder à un indice des
prix calculé sur la base dune monnaie qui ne fait pas fonction détalon
de valeurs ? Ensuite, si stabilité il y a (et on peut en discuter sans
détour), à qui faut-il attribuer les éloges dune quelconque bonne
gestion de la monnaie : à la BCC (dont la monnaie ne représente que 0,00
% de la masse monétaire effective) ou à la Fed (dont la monnaie dépasse
les 100 %, répétons-le, de la masse monétaire connue de la BCC
lorsquon y inclut les billets de banque libellés eu USD) ? Enfin, de
quels prix parle-t-on, qui se sont stabilisés et quest-ce que la BCC
considère comme indicateur de la stabilité ? Apparemment la mémoire
trahit tous ceux qui se réjouissent du taux de change actuel. Il faut se
rappeler que, entre la date de son lancement, le 30 juin 1998, et ce
jour, le taux de change est passé de 1 dollar pour 1,3 franc congolais à
1 dollar pour 935 francs congolais, soit une dépréciation de
71.823,07%. En clair, comme le dit Noel Tshiani dans son livre précité,
le montant du franc congolais qui équivalait à 100 mille dollars US
(100.000,00 USD) en 1998 ne vaut plus, en novembre 2013, que 53
centièmes dun seul dollar (0,53 USD). Ceci nous rapproche affreusement
de lépisode de lhyperinflation allemande qui a connu pareille
évolution : la valeur de la masse monétaire totale de lAllemagne qui se
chiffrait à 6 milliards de marks en 1913 ne représentait plus, en 1923,
que le prix dun seul pain de deux livres à Berlin. Cétait encore
mieux que nous, me semble-t-il. Le pire est quil y en a qui sen
défendent ou qui le justifient ! Pour le CDF, que stabilise la BCC : sa
valeur nominale ou son pouvoir dachat ?
En
somme, le franc congolais demeure, du point de vue de principes de son
émission, une monnaie substance au lieu de se convertir en monnaie
confiance. Son émission na rien à voir avec les besoins dune économie
monétaire. Le CDF nest ainsi émis, daprès les principes de la BCC, que
pour être dépensé. Or, dit Patinkin, « lorsquun agent demande de la
monnaie avec lintention de la dépenser, ce quil demande effectivement,
nest pas de la monnaie mais des biens réels ». Autrement dit :
lorsquune banque centrale német de la monnaie quen considération de
la dépense qui va sen suivre, ce quelle offre effectivement nest pas
de la monnaie mais des biens réels. Alors le CDF nest quun voile, au
mieux, un drap dont se couvre, de temps en temps le dollar US. La
dollarisation excessive de notre économie doit être considérée comme une
pandémie à éradiquer, bien quelle soit venue à la rescousse dune
banque centrale incapable doffrir aux agents économiques la liquidité
dont ils ont toujours besoin. La dollarisation détourne les bénéfices du
seigneuriage au profit de la Réserve fédérale américaine et au
détriment de la RDC. Je vous dispense des chiffres. Malheureusement elle
est légale : lordonnance-loi 004 du 31 janvier 2001, initiée par la
BCC, nest toujours pas encore abrogée. Quattend la BCC pour la
dénoncer ? La bonne question est plutôt celle-ci : lorsquun Institut
démission, légalement investi du pouvoir dassurer la liquidité à
léconomie nationale, ne sait pas émettre de sa monnaie tout en laissant
aux monnaies étrangères de dominer à la fois le jeu économique et
lespace national, est-elle respectueuse de la constitution et des lois
de la république ? Nest-ce pas cela une forme subtile de la trahison
des intérêts nationaux, une façon de « renverser les bases de la
société » ? Un autre fait curieux : un regard sur léventail des signes
monétaires émis par la BCC renseigne que le CDF est probablement
lunique monnaie dans le monde qui na pas de sous multiples et dont les
multiples qui se comptent sans unité concrète (la coupure ou pièce de 1
CDF) rappellent la vieille époque des monnaies marchandises ou le
désavantage comparatif des « titres » par rapport à la monnaie en
considérant le problème de leur divisibilité (En effet, rappelle
Christian Ottavj, lavantage de la monnaie sur les autres actifs repose,
outre la confiance en lémetteur des actifs, sur limparfaite
divisibilité de ces derniers qui justifie quils « ne chassent pas la
monnaie » selon la règle de Gresham. Pourtant, au regard de sa
configuration de son éventail fiduciaire, le franc congolais est émis
avec les tares de limparfaite divisibilité. Léventail fiduciaire du
CDF ne fait pas partie du système décimal indispensable à la fonction
monétaire dunité de compte par laquelle non seulement la monnaie
simplifie le système des prix (contrairement au troc), mais bien plus
assure la cohésion sociale (selon Aristote). On sait, du reste, que la
fonction dunité de compte est la condition nécessaire pour les deux
autres fonctions de la monnaie.
De
bonne foi, une telle banque centrale qui émet une monnaie
quantitativement facultative et marginale, qualitativement virale,
indivisible et dépourvue de la fonction primordiale de numéraire ne
mérite-elle pas la restructuration ? Venons-en au crédit. Ici, quand
même, regardons un peu de chiffres dans le monde. Mais avant cela,
rappelons encore les principes de la BCC en la matière.
- La
politique de crédit de la BCC repose sur deux principes : la
flexibilité et la positivité du taux dintérêt. Mais la première
question : comment est-il déterminé, ce taux dintérêt dans une économie
congolaise dont le marché monétaire nest encore quune hallucination ?
Dans le souci de se moderniser, en copiant la BCE, la BCC a récemment
changé ses instruments en supprimant le réescompte pour adopter les
facilités permanentes comme cadre de détermination du taux directeur.
Autre question : quel est le volume annuel de ces facilités de prêt pour
impulser un taux directeur viable ? Néant. Moralité : le taux directeur
est lui-même tiré par les taux de linterbancaire quil est censé
entrainer, et, pis encore, un interbancaire au sein duquel la BCC nest
quun spectateur indolent. La preuve : pendant que le taux soi-disant
directeur est à 3 %, les banques se prêtent des fonds au taux de 1,7 %.
Lequel des deux taux joue le rôle de directeur et lequel suit lautre?
Alors, prétendre que la baisse du taux directeur de la BCC, de 3 à 2 %
(toujours supérieur au taux de linterbancaire) visait à « accompagner
la croissance économique » et à « amener les banques à soutenir la
reprise économique » relève dune moquerie pure et simple. Dans les
faits, le décalage, en sens inverse, entre le taux directeur de la BCC
et celui de linterbancaire, signifie que les banques nont rien à
foutre avec les facilités permanentes de la BCC. Celle-ci ne peut donc
en rien affecter les décisions des banques quant à leur volonté de
financer ou pas léconomie congolaise. La preuve : tandis que, entre
elles, les banques se prêtent largent au taux de 1,7 % et se
refinancent à la BCC (quand elles le veulent) à 2 %, à léconomie
nationale elles exigent des taux usuriers allant jusquà 30 % au vu et
au su de la BCC. Libéralisme économique ou impuissance de la banque des
banques ?
Il
y a plutôt un problème quon ne peut pas ne pas dénoncer : labsence du
filet de sécurité pour les banques qui veulent sengager dans
laccompagnement effectif de léconomie nationale. Ce filet de sécurité
cest la banque centrale lorsquelle assume sa fonction de « prêteur en
dernier ressort ». En clair, on sait que, sous dautres cieux, lorsque
les banques veulent accompagner léconomie nationale, le volume global
des crédits alloués dépassent généralement celui du PIB réalisé au cours
de la même année. Des statistiques existent pour le prouver dans un bon
nombre de pays. Dans le cas du Congo, par contre, suite à linertie de
la BCC, les banques spéculent avec leurs liquidités dans les opérations
des BTR que la même BCC émet au grand mépris de ses prérogatives et
compétences statutaires, le reste allant dans les opérations de change à
la grande faveur du laxisme que la BCC a instauré de ce côté-là aussi.
Conséquence, le volume du crédit atteint à peine 5 % du PIB, en moyenne
annuelle de ces dernières années contre plus de 100 % ailleurs.
Revenons
au BTR. Non seulement les banques centrales némettent pas, pour leur
compte des papiers commerciaux pour résoudre leurs problèmes de
trésorerie, mais bien plus le BTR pose deux problèmes : du point de vue
de la politique de crédit, le BTR est émis et remboursé par la BCC selon
la logique de la monnaie non empruntée cest-à-dire des ressources
offertes aux banques sans quelles en ressentent forcément le besoin.
Cest juste une opportunité qui leur est offerte pour rentabiliser leurs
encaisses plus vite et plus surement quelles ne le feraient en
octroyant des crédits à léconomie. A cet égard, le BTR ne réduit-il pas
lefficacité du taux directeur supposé influencer lintermédiation
financière des banques dans le sens des objectifs poursuivis par la
politique monétaire ? En second lieu, un point de vue moral, puisque la
BCC (qui recherche, auprès des banques, des liquidités pour sa
trésorerie à travers cet instrument) le sait fort bien, pourquoi
fait-elle semblant de se plaindre de la surliquidité des banques
auxquelles elle offre, en même temps, une opportunité de gains
plantureux ? Et quid du délit dinitié ? Soit. Le BTR nest-il pas,
finalement, un instrument de réduction du volume de crédit que les
banques devraient octroyer à léconomie pour la soutenir et donc, un
appât que la BCC tend aux banques pour les éloigner des intérêts de
léconomie nationale? Cest exactement cela que soutient, malgré la
théorie de Mundell, larticle de Jesse Lisasi qui accuse les banques au
lieu de dénoncer lauteur des BTR. Noel Tshiani na-t-il pas raison de
considérer, en évoquant les dernières mesures qui opposent le taux
directeur au coefficient de la réserve obligatoire, que « la BCC prend
irrationnellement des mesures qui se neutralisent pour finalement ne
produire aucun effet » ? Je dirai même plus : la BCC semble sacrifier
les besoins de léconomie nationale au profit de ses gains égoïstes.
Nest-il
toujours pas fondé de restructurer une telle institution ? (Il reste à
savoir dans quoi la BCC investit le produit du BTR pour le rembourser
avec intérêt aux souscripteurs, sans mettre en péril lépargne quelle
est chargée de protéger.) En attendant, voyons ce qui se passe du côté
de sa politique de change.
- Théoriquement
la politique de change suppose, avant tout, lorganisation du marché
des changes en tant que poumon du marché financier, dans la perspective
dassurer la convertibilité de la monnaie nationale pour tirer partie
des avantages compétitifs, la mobilité internationale des capitaux dans
le sens favorable au plein emploi, la stabilité de la valeur externe de
la monnaie nationale sur le marché, léquilibre de la balance des
paiements ainsi que la compétitivité internationale de léconomie
nationale. Rappelons que pour la BCC, la déréglementation des changes
obtenue par le biais de lordonnance-loi 004 sus évoquée est un pari
gagné pour la stabilité du taux de change et lamélioration des réserves
extérieures. On dit même que depuis plus de 3 ans, le taux de change
sest stabilisé à la valeur de 930 CDF pour un dollar US et que les
réserves de change aujourdhui représentent près de 7 semaines
dimportation. Cependant, le culte des chiffres occulte souvent la
vérité recherchée à travers des objectifs cohérents. Première
considération : dans une économie dont le dollar américain représente
plus de 100 % de la valeur globale de la monnaie nationale, dire que 1
USD = 930 CDF équivaut à dire 1 USD = 1 USD, parce que ce CDF nest
quun étalon abstrait, une monnaie fictive ou, comme je venais de le
démontrer, un simple voile. Cest le même dollar américain qui prend la
forme quil veut, soit celle dune monnaie « habillée en néant » soit
celle de nimporte quel autre bien, étant lui-même et lui seul la
monnaie effective dans cette économie. Parler de la stabilité de la
monnaie sur le marché des changes suppose deux choses : la première est
quil sagit bien de la stabilité du pouvoir dachat de la monnaie,
cest-à-dire de la quantité de monnaies étrangères que peut acheter une
unité de la monnaie nationale. Or, on sait que 1,00 CDF = 0,00 USD depuis
plus de 10 ans, soit une sorte de « néant habillé en monnaie ».
Stabiliser une telle valeur procède de la mauvaise foi. Je rappelle que
lancé le 30 juin 1998, 1,00 CDF valait 0.77 USD. A la même époque on
lançait leuro (le 1er janvier 1999) au taux de 1,00 € = 1,17 USD. Aujourdhui, 1,00 € = 1,35 USD.
En langage clair, on voit bien que, côtés au certain, le CDF sest
déprécié de 100 % tandis que leuro sest apprécié de 15,3 % par rapport
au même dollar et sur la même période de temps (plus ou moins 13 ans).
Alors de quelle stabilité le CDF est-il crédité ? Peut-on prétendre
avoir stabilisé une monnaie dont la valeur est nulle sans risquer dêtre
orienté, pour des soins appropriés, au Centre Neuro-Psycho
Pathologique ? Curieusement, alors que leuro fait lobjet de critiques
acerbes dénonçant des tares congénitales à la base de la persistance de
la crise en Europe, le franc congolais est plébiscité de tous les
superlatifs par certains « citoyens » congolais, y compris des
« scientifiques ». Une sagesse populaire dit : « le bruit ne fait pas du bien, le bien ne fait pas de bruit. »
La
deuxième remarque est que la stabilité du taux de change ne peut avoir
de sens que dans une économie qui dispose dun marché des changes
organisé (en termes dopérations, dagents et dinstruments y
afférents). Il faut rappeler en clair que le marché des changes est un
marché des dépôts bancaires, cest-à-dire des titres libellés en
monnaies étrangères. Ce nest pas une affaire des chômeurs exclus du
marché de travail et jetés le long des rues avec des colis des francs
congolais rivalisant avec toute la camelote des produits nuisibles à la
santé. Autrement dit, malgré laccélération de la croissance,
semble-t-il élevée, de léconomie nationale, le franc congolais na
gagné aucun point en termes de pouvoir dachat depuis plus de 10 ans !
Est-ce à dire que notre monnaie nationale est hors compétition ou
simplement une démonstration de la neutralité du franc congolais voire
sa déconnexion du fonctionnement de léconomie? Dans les deux cas, la
monnaie nationale est curieusement absente des mécanismes économiques.
Deuxième considération : Quel est le volume dimportations requises pour
lorganisation et le fonctionnement dune économie en charge de 75,5
millions dhabitants et 2.345.410 km² de territoire, en considération,
par exemple, des objectifs du millénaire ou de lindice de développement
humain ? Le montant de réserves de change détenues, peut-être, par la
BCC peut-il suffire à couvrir les seuls besoins hebdomadaires de la
population congolaise en équivalent viande de bœufs selon les normes de
la FAO ? Et si tout cela était vrai, pourquoi ce matelas de devises
issu de laccumulation des réserves de change à la Banque Centrale du
Congo na pas permis la moindre appréciation de la valeur externe du
franc congolais sur le marché ? Problème de gestion desdites devises ou
problème plus grave dabsence dun marché des changes adéquat en R.D.
Congo? On nen parle pas pourtant. Quel est ce pays et quelle est cette
banque centrale dont la monnaie est étalée à même le sol, à côté de la
braise et des épices vendues aux ménagères, à la place dun marché des
changes ?
Dernière
considération : pourquoi la BCC considère-t-elle les dépôts en devises
étrangères comme faisant partie de la monnaie (agrégat M1) alors que
partout dans le monde les devises étrangères font partie des titres ? En
dautres mots, les devises étrangères dont la BCC accumule les réserves
sont elles encore considérées, par elle, comme une contrepartie
nécessaire à la création monétaire ? Maintenant que les devises
étrangères sont devenues de la monnaie dans ce pays exceptionnel, à
quelle autre condition la BCC crée-t-elle encore de la monnaie, dautant
que les autres contreparties (le crédit à lEtat souvent négatif et le
crédit à léconomie horriblement rationné) sont devenues peu observables
?
Finalement
ne vaut-il toujours pas la peine de restructurer une Institution dont
la première mission (lémission de la monnaie) confond celle-ci avec ses
contreparties à la faveur dune outrageante dollarisation de léconomie
nationale ?
- Sagissant
de la supervision des intermédiaires financiers, je marrêterai à
relever quelques faits interpellateurs en laissant au lecteur qui le
voudrait la liberté de découvrir davantage dans mon livre précité, la
Gangrène de lEconomie Congolaise (ayant pour sous-titre : Monnaie,
Marché et Mondialisation). Félix Houphouët Boigny disait : « la main qui
donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit ». Entre la BCC et les
banques commerciales inscrites en RDC qui est plus liquide pour donner à
qui ? En tout cas la BCC se plaint de la surliquidité des banques et
empruntent régulièrement auprès delles tant en devises étrangères quen
monnaie nationale. A ce sujet, le BTR nest pas sincèrement conçu pour
la régulation de la liquidité monétaire, mais bien pour résoudre les
problèmes de trésorerie de la BCC. Celle-ci ne peut pas nier cette
évidence de la précarité de sa trésorerie quand on sait quelle refuse à
léconomie nationale le droit de disposer dune monnaie divisible
simplement parce quelle ne peut pas en supporter le coût démission
(alors quelle prétend avoir conforté la stabilité monétaire). Quelle
marge une banque centrale responsable peut-elle tolérer entre le taux
quelle charge au refinancement des banques et celui débiteur que
celles-ci imposent à leurs clients ? La vérité est que la BCC ne pouvant
pas jouer le rôle de « prêteur en dernier ressort » na pas dautre
solution que de laisser les banques torpiller les agents économiques
comme dans une partie du sauve-qui-peut. Tiraillé entre les besoins de
sa propre survie et la nécessité de jeter les bases dune économie
nationale, la BCC semble avoir capitulé sur la mission de mettre en
place un système national de paiements tant que les conditions de
gestion dune monnaie nationale dont les banques sont créatrices en
second degré dépassent ses capacités à contrer les germes dune crise
systémique. Bref, la supervision des intermédiaires financiers est avant
tout une question de rapports de force dont la mesure réside dans la
gestion interne des parties en présence. Ce nest pas une simple
question de communication hebdomadaire des statistiques bancaires. Pour
une banque centrale crédible, cette mission suppose dabord sa capacité à
offrir au système bancaire un environnement sécurisé de son
épanouissement plutôt quun tissu de pièges pour sa liquidation.
Labsence au Congo dune seule banque à capitaux nationaux signifie que
lautorité de supervision bancaire nest pas très attachée aux besoins
dune activité plus engagée dintermédiation financière. Il faut la
restructurer.
3. Un regard sur les dernières mesures de politique monétaire
Le
Comité de Politique Monétaire a rendu publiques deux mesures
successives portant respectivement hausse de la réserve obligatoire et
baisse du taux directeur. Les deux articles de presse publiés par deux
analystes de la situation monétaire de notre pays font état de profondes
contradictions dans lappréciation de lefficacité de ces deux mesures
tout comme dans la légitimité du CPM, leur architecte. Pour Noel
Tshiani, ces mesures, prises ensemble, se neutralisent et sont donc
impertinentes. Elles sont dautant inopportunes quelles relèvent de la
décision dun organe illégal, le CPM. Pour la BCC, via Jesse Lisasi, ces
mesures tombent à point nommé et sont donc salutaires pour léconomie
nationale. Le CPM est bel et bien un organe compétent pour ce faire.
Voici mon opinion sur la question.
Dabord
il est important de rappeler que dans la conduite de la politique
monétaire, la banque centrale dispose des instruments de gestion de
loffre de la monnaie et de ceux relatifs à la gestion de la demande.
Précisons également que lorsque nous parlons de loffre et de la demande
de la monnaie, il sagit bien de la monnaie centrale prise ici soit au
sens technique de liquidités bancaires soit au sens économique incluant
les billets de banque. Doffice, les dépôts à terme ne font pas partie de la monnaie ici considérée.
Il me semble, donc, aberrant que la BCC parle, dans le dispositif de
son calcul, de la discrimination des dépôts (à vue et à terme) en y
incluant les dépôts à terme. Prétendre, en plus, comme le soutient Jesse
Lisasi, que cest ce que font bien dautres banques centrales, nest
pas tout à fait vrai quand on sait que lutilisation du coefficient de
la réserve obligatoire en tant quinstrument de politique monétaire
stricto sensu a été abandonné par la quasi totalité des banques
centrales depuis les années 80. Les trop rares banques qui continuent à
lui accorder encore de limportance aujourdhui, notamment la BCE, le
font, comme le démontre Frederick Mishkin, pour des raisons autres que
la détermination des conditions de la demande.
En
effet, le coefficient de la réserve obligatoire a, certes, été utilisé,
dabord comme simple coefficient « prudentiel » avant de devenir, dans
les années 60 et 70, un instrument de gestion de la demande de la
monnaie telle que définie ci-dessus. Trois pays en ont fait les
premières expériences : les USA, le Canada et la RFA, avant tous les
autres. Il a été finalement abandonné à cause justement de son puissant
impact sur la création monétaire. La Fed, notamment, na plus modifié
son taux de réserve obligatoire depuis 1980. Quà cela ne tienne, je ne
vois pas comment, dans les conditions susmentionnées de création monétaire en RDC,
une manipulation du coefficient de la réserve obligatoire va
influencer, via les banques dites surliquides, la constitution des
dépôts à terme pour conduire aux crédits à moyen et long termes. Nous
avons tous appris que cette mesure a déjà entrainé une importante
ponction de la liquidité bancaire (donc un effet contraire). Nous allons
donc attendre son impact positif sur le financement escompté de
léconomie dans lespérance que cette décision de la BCC sest assise sur une étude préalable projetant des résultats positifs évidents.
En attendant, jadhère au point de vue développé par Jesse Lisasi qui,
confrontant cette mesure au comportement effectif des banques,
conclut : « Malheureusement les résultats escomptés du point de vue de
la politique économique et monétaire sont loin dêtre satisfaits ».
Sagissant
de la gestion des conditions de loffre de la monnaie, il importe de
noter que la banque centrale a le choix entre deux modèles : le modèle
du multiplicateur et celui des contreparties. Le taux directeur est un
instrument de gestion de loffre de la monnaie mais sa détermination et
lappréciation de son efficacité dépendent du modèle auquel la BCC
appartient entre les deux ci-dessus évoqués. Dans le modèle du
multiplicateur, le taux directeur est déterminé principalement par des
opérations de lopen market en supposant quil existe une relation
stable entre le multiplicateur et la monnaie banque centrale (liquidités
bancaires + billets de banque). Même dans le modèle des contreparties,
suivi par la BCE, le principal taux directeur, autrement appelé le
«Refi » procède des opérations de refinancement qui sont une variante
européenne de lopen market américain.
Or
il savère que le taux directeur de la BCC procède, dit Lisasi, des
facilités permanentes limitées, du reste, aux seules facilités de prêt.
Pourtant, dans leur version originale, les facilités permanentes sont
des opérations de réglage fin destinées à corriger les dérapages
éventuels du taux de largent au jour le jour par rapport au taux
directeur principal qui procède, lui, du refinancement (Je concède quon
parle du deuxième et du troisième taux directeurs procédant de ces
réglages marginaux). Tout comme on pourrait concéder que la politique
doffre de la monnaie, par la BCC, a donc un penchant pour le modèle des
contreparties bien que, dans sa politique de création monétaire, la BCC
passe outre lexistence des contreparties, comme je viens de le dire au
sujet de la politique des changes.
Oubliant
cet aspect, je prends en compte larticle bien renseigné de Lisasi qui
justifie la baisse du taux directeur de la BCC par 3 raisons : le
principe de positivité du taux dintérêt déjà sus évoqué, les résultats
du calcul basé sur le modèle de Taylor et le comportement de
linterbancaire. Des trois raisons, je nen vois aucune qui atteste que
le taux directeur de la BCC peut influencer le comportement des banques
dans leur politique doctroi des crédits aux entreprises. Quel est le
degré de corrélation entre le taux directeur de la BCC et loffre des
crédits par le système bancaire ? Dans mon livre, La gangrène de lEconomie Congolaise,
la réponse est nette : aucune corrélation, à cause des tares inhérentes
à la nature et au mode de détermination de ce taux soi-disant
directeur. Il me semble, au contraire, dans largumentaire ci-dessus et
dans la philosophie de la BCC que le taux directeur nest pas un
instrument de régulation du comportement des banques à légard de leurs
clients ; mais plutôt un simple indicateur de lévolution de
linflation. Ce nest donc pas, en RDC, un instrument de la politique
monétaire pour faire prévaloir la règle de Mundell.
Bien
plus, il nest pas, à mon avis, admissible quon oppose, au nom de
Mundell, des instruments appelés à concourir dans le même sens aux
objectifs précis. En loccurrence, le taux directeur, la réserve
obligatoire et les facilités permanentes sont des instruments plutôt
complémentaires que concurrents. En effet, il convient de noter que ces
trois instruments de régulation monétaire forment un tout cohérent où
chacun remplit une fonction bien spécifique : les opérations dopen
market qui déterminent le taux directeur servent à piloter le taux de
largent au jour le jour pour réunir les « CONDITIONS NORMALES » du
marché monétaire (à lopposé des situations de tension et de détente du
marché); les facilités permanentes (de prêt et de dépôt) le maintiennent
dans un corridor (pourvu que les deux coexistent ; car le maintien de
la seule facilité de prêt, comme à linstar de la Fed, signifie que
lobjectif nest plus celui dun réglage fin, mais celui de prêteur en
dernier ressort que la BCC nest pas) tandis que les réserves
obligatoires limitent la volatilité du taux au jour le jour procédant
des confrontations des offres et des demandes de la monnaie centrale.
Dans tous ces cas, on suppose que la Banque centrale a préalablement
organisé un marché monétaire avec des opérations dopen market comme
cadre de détermination de son taux directeur au regard des conditions
déquilibre permettant à la monnaie nationale dinfluencer léconomie
réelle pour le bien-être social et la prospérité de la nation. Ce qui
nest pas encore le cas en R.D. Congo. Entretemps, on note que, sous la
pression de lopinion acquise à limpératif de sa restructuration, la
BCC a multiplié des structures internes pour la gestion de ses tâches.
Cest au nombre de cette multitude dorganes que le CPM a été mis en
place, en janvier 2010, après la restructuration de 2009 qui a vu
naitre, entre autres organes, la Direction générale de la politique
monétaire. Le CPM na jamais été créé comme organe de décision. Cest
une simple structure technique chargée de soumettre ses avis au
Gouverneur de la BCC qui, au nom de la banque, est habilité à prendre
des décisions nécessaires. Cest plutôt le Conseil de la banque qui a
des pouvoirs légaux dorientation de la politique monétaire que la BCC
élabore et met en place sous lautorité du Gouverneur de la BCC qui en
est le responsable. On ne peut pas reprocher à Noel Tshiani davoir
fustigé le fait que les membres de ce Conseil ont un mandat légalement
défini dans le temps et quil faut respecter.
De tout ce qui précède, il appert que, par la faute de la BCC :
- le
pays est privé de sa monnaie nationale et donc dune économie porteuse
de son identité, au profit dune aliénation totale de nos intérêts sous
couvert de la dollarisation quasi pathologique ; ainsi, faute dune
monnaie faisant office dunité des comptes pour lintégration du marché,
celui du Congo, est un cauchemar abyssal où loffre et la demande
procèdent de la mécanique orbitale : on produit ce quon ne consomme
pas, on consomme ce quon ne produit pas. - La
politique monétaire de la BCC, avec ses instruments obsolètes et
impertinents, appliquée sur une portion rachitique dune monnaie qui
nen est pas une (et du point de vue de ses propriétés et du point de
vue de ses fonctions) est une perte de temps au détriment des besoins
urgents dexistence dun secteur financier engagé dans le développement
de la nation ; - LInstitut démission
fonctionne en-dehors des dispositions légales qui en font la pierre
angulaire de la reconstruction de notre économie. La confusion y est
dautant grande que linflation dorganes internes risque de diluer les
responsabilités des institutions légales pour brouiller davantage le
champ de la politique monétaire.
Il
faut donc restructurer la BCC pour donner à ce pays à la fois sa
monnaie, son économie et ses structures stratégiques, en commençant par
assainir la multitude dorganes de gestion des tâches courantes de
lInstitut démission. Ne loublions pas : il nest déconomie que
monétaire et il nest pas de moyen plus sûr et plus subtil de renverser
les bases dune société que de corrompre sa monnaie. Le Congo ne doit
pas continuer à se payer le luxe dune telle négligence. Un schéma de
cette restructuration, discutable, bien entendu, figure dans mon livre
précité : La Gangrène de lEconomie Congolaise, ayant pour sous-titre : Monnaie, Marché et Mondialisation.