John Kerry en RDC pour rire ! Par Mbelu Babanya Kabudi, analyste en géopolitique

Avec un imaginaire violé par une idéologie hégémoniste
vantant  des USA ‘démocratiques’, quelques compatriotes estiment que le
passage de John Kerry en RDC pourrait faire avancer la cause de la démocratie
dans ce pays. Cette appréhension du voyage en Afrique du Secrétaire d’Etat
américain semble relever  d’une grave
méconnaissance et de notre histoire collective et de celle des  USA. 

Rafraîchissons les mémoires. 

Les USA sont fondés sur la négation de l’autre, du
différent. Pour qu’ils se constituent en pays, ils ont détruit l’Indien 
et exploité l’Africain.  Quand nous écrivons ‘ils’, nous faisons allusion
aux minorités dominantes US, à cet ‘Etat profond US’ soucieux, depuis la nuit
des temps, de la défense des intérêts des ploutocrates et des entreprises
multinationales.  Depuis les années 1948, cet ‘Etat profond’ lutte contre
la démocratie, la participation citoyenne à l’édification de la cité et les
droits de l’homme qu’il considère comme étant des objectifs illusoires. Avec la
publication de « La crise de la démocratie », en 1975, la Trilatérale, portée
par l’Etat profond US, ces minorités dominantes, voulait en finir avec la
démocratie pour éviter que les gens simples puissent s’occuper des questions
politiques.

Que poursuivent effectivement les minorités dominantes
US ? Elles tiennent à la constitution d’un réseau transnational de
minorités dominantes afin que les richesses du sol et du sous-sol du
monde  lui appartiennent et que les 85% des majorités dominées se
partagent les miettes. Ceci ne relève pas de la simple diabolisation de l’Etat
profond US mais des faits[1] dont
il rend lui-même compte à travers certains médias dominants ou des documents
déclassifiés  du département d’Etat US.

La fascination que pourrait exercer un philosophe politique
de la trempe de Chomsky est, entre autres, liée à sa capacité d’aller fouiner
dans ces documents afin que ce qu’il écrit soit fondé sur des faits[2].

Disons avec Peter Dale Scott que depuis les cinquante
dernières années[3], cet Etat profond
US, impliquant les politiques démocrates et républicains, les multinationales
et leurs conseils d’administration, les think tanks et les networks, trace « une
route vers le nouveau désordre mondial » se moquant de la démocratie, des
droits de l’homme, et, de l’émancipation et de la souveraineté des peuples.

La transnationalisation  de ces minorités dominantes a
conduit, dans plusieurs pays, au passage de la gestion des décisions impliquant
les citoyens de l’espace public aux groupes privés. Pour conserver ce pouvoir
des minorités dominantes, l’Etat profond US et ses alliés transnationaux sont
prêts à travailler avec les djihadistes, les néo-nazis, les fascistes et les
terroristes de tous bords tout en affirmant rhétoriquement qu’ils continuent à
défendre la démocratie et les droits de l’homme à travers le monde. Ceci fait
partie de leur politique du double discours ; de leur « doctrine des
bonnes intentions ». 

John Kerry arrive  en Afrique  après l’Ukraine.
Là, ce sont des fascistes que l’OTAN a placés au pouvoir fantoche. Il va
arriver en RDC, un pays que le sien, par des proxys interposés, détruit
systématiquement depuis qu’il a découvert son uranium et qu’il lui est devenu « un
intérêt permanent ». Il arrive en RDC, un pays lourdement endetté à cause
de l’application des programmes d’ajustement structurels du FMI et de la Banque mondiale après que
l’OTAN ait détruit la Libye
et tué Kadhafi, un homme limité certes, mais qui voulait, avec d’autres
africains volontaristes, constituer le FMA[4] (le
fonds monétaire africain). Il se rend en Afrique après que son pays et ses
alliés ait détruit un pays dont le niveau de vie n’avait rien à envier à celui
de plusieurs pays occidentaux. John Kerry se rend en Afrique après que son pays
ait contribué à diviser le Soudan pour faire main basse sur son pétrole. Il va
en Afrique pendant que l’armée que son pays a apprêté pour contrôler les
richesses de ce continent, Africom, risque de s’installer dans les Kivu.

Pourquoi faire ? Pour s’emparer des richesses de l’Ituri,
des Kivu et du Katanga.

Ceci n’est pas  de l’anti-américanisme primaire. Une
alliance public-privée a été signée entre le pouvoir fantoche de Kinshasa et
une ministre américaine au mois d’octobre 2011, comme en témoigne Raf Custers
dans son livre intitulé « Chasseurs de matières premières ». 

Les USA luttent contre la fin d’un monde unipolaire. Ils
sont en crise. Ils sentent leur fin approcher. Mais ils n’y croient pas. Ils
veulent encore donner l’impression qu’ils demeurent un empire et un gendarme du
monde. Ils ont besoin des Etats faillis qui les applaudissent et qui peuvent
contribuer à leur renaissance comme empire. Ils comptent sur des peuples mal
informés, sous informés, déformés ou pris en otage par les médiamensonges et
les nègres de service dominants.

La RDC
en est un. Elle est l’un des rares pays où les partis politiques peuvent, au vu
et au su de tout le monde, signer des accords avec les Instituts US de la
société civile, gérés en sous main par la CIA. Elle est l’un des rares pays où une bonne partie
de l’élite politique et sociale a vite oublié que le trio de la mort
(Kagame-Museveni-Kabila) est une fabrication USA. Triste ! 

Non ! John Kerry n’a rien à apporter au Congo. Si les
Congolais(es) ne luttent pas pour mettre fin à l’imposture dans leur propre
pays, personne ne le fera à leur place. Surtout pas les USA.

Si ces derniers étaient sincères, ils commenceraient par
traduire Bill Clinton, Kagame, Kabila et Museveni en justice afin qu’ils
rendent comptent des millions des morts Congolais.

Tant qu’ils ne s’impliqueront pas dans une justice
transitionnelle dans la sous-région des Grands Lacs, ils ne devront pas être
pris au sérieux.

Les applaudir, c’est, consciemment ou inconsciemment,
soutenir leur guerre permanente contre l’émancipation politique et la
souveraineté du Congo.

Malheureusement, ils ont des complices congolaises, ennemies
de l’histoire réelle du pays de Lumumba.

Si John Kerry réussit à convaincre Kabila de ne pas se
représenter aux élections de 2016, cela sera signe que le plan B USA est en
marche.

Que faire ? Les Congolais(es) doivent avoir leurs
propres plans A, B, C, D, etc. qui ne doivent pas être détaillés sur Internet.


[1] Lire N.
CHOMSKY, Futurs proches. Liberté, indépendance et impérialisme au XXIe
siècle, Paris, Lux, 2010.

[2] Lire N.
CHOMSKY, La doctrine des bonnes intentions, Paris, Fayard, 2005.

[3] P. D. SCOTT, La
route vers le nouveau désordre mondial. 50 ans d’ambition secrètes des Etats-Unis,
Paris, Demi-Lune, 2011.

[4] Lire M.
COLLON, Libye, OTAN et médiamensonges. Manuel de contre-propagande,
Bruxelles, Investig’Action, 2011.

 

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