La sécurisation de la frontière entre la RD Congo et le Rwanda. Par Gaspard-Hubert Lonsi Koko

La fin de la récréation ? 

Dans l’euphorie de son élection en
2006 à la magistrature suprême, que l’opposition congolaise n’a
jamais cessé de contester, Joseph Kabila avait déclaré avec
détermination : « Avec l’accord de vous tous,
j’annonce […] la fin de la récréation afin que le peuple puisse
se consacrer entièrement au travail, et ce dans la paix et la
tranquillité ». Presque huit années après cette déclaration,
force est de constater que la paix et la tranquillité restent une
arlésienne aux yeux de la plus grande majorité des populations de
la République Démocratique du Congo. Ce peuple est sans cesse en
proie à l’instabilité organisée, d’une manière ou d’une
autre, soit par des acteurs frontaliers et plus ou moins cautionnées,
à force de rester systématiquement ambigu, par le gouvernement de
Kinshasa. Ainsi la violence est-elle devenue une variable
d’ajustement qui permet à Kinshasa de conserver le pouvoir et
quelques pays frontaliers d’affirmer leur leadership en Afrique
centrale et dans la région des Grands Lacs. 

Incapacité à s’affirmer
régionalement 

Trois raisons expliquent l’incapacité
dans laquelle se trouve la République Démocratique du Congo,
laquelle l’empêche de prendre en main son destin. Primo, l’absence
flagrante de vision commune de la part des leaders politiques
congolais, et de l’élite, affaiblit l’autorité de l’Etat.
Secundo, tant que le problème des FDLR[3] ne sera pas
définitivement réglé, le président Paul Kagamé trouvera toujours
un prétexte relatif à un danger imaginaire qui pèserait sur le
Rwanda à partir du territoire congolais. Raison pour
laquelle l’armée rwandaise n’a jamais achevé le travail
qu’elle était censée faire, lors de l’opération « Umoja
wetu » menée conjointement au Nord-Kivu avec les forces armées
congolaises entre janvier et février 2009. Tertio, les différents
petits conflits ethniques à travers le territoire congolais ont sans
cesse été exploités par des pays voisins dans l’espoir de piller
les ressources naturelles et de fragmenter la République
Démocratique du Congo. 

Le caractère ternaire de la fatalité 

L’aspect ternaire a sans conteste été
depuis très longtemps, au dire des spécialistes de la problématique
congolaise, au cœur de la direction et de la gestion du pays.
Celui-ci s’est reposé sur trois piliers : le parti unique[4],
l’armée et l’Eglise. Or, de nos jours, l’armée s’est
affaiblie et le parti unique a fait long feu. Seule l’Eglise reste
l’actrice majeure en mesure d’irriguer l’ensemble du corps
social, de suppléer convenablement l’administration étatique,
d’assumer correctement le système éducatif et de garantir le
processus électoral. Pourquoi, dans un pays qui se dit
républicain, les fonctions relevant de l’Etat peuvent-elles être
assumées par la seule Eglise ? Il semble que, dans un pays
dont le président est l’émanation de l’armée, la sécurité
nationale et les relations avec les pays frontaliers doivent rester
des prérogatives gouvernementales. 

La stabilité de la région du Kivu 

Il est évident que la paix dans
la région du Kivu dépend, avant tout, du rapport de force, sur le
plan militaire, entre la République Démocratique du Congo et le
Rwanda. Ce n’est un secret pour personne. Si les autorités
congolaises veulent réellement sécuriser la partie orientale, elles
doiventcommencer par déployer ne serait-ce qu’une brigade –
composée de 9 720 hommes aguerris – pour protéger la
frontière avec le Rwanda. Dans l’insécurité qui règne dans le
Kivu, la force onusienne est plutôt une partie de la solution et non
le fond du problème. 25 000 hommes pour un pays dont la
superficie est de 2 345 000 km2, c’est très largement
insuffisant par rapport aux 70 000 soldats bien entraînés que
compte l’armée rwandaise. Pour mieux sécuriser la République
Démocratique du Congo, pays partageant 9 frontières avec ses
voisins, l’armée nationale devra être dans l’absolu composée
de 500 000 hommes. Ce dispositif devra être complété de
2 administratifs, ou logisticiens, par soldat. 


Partant du principe selon lequel la stabilité et la croissance
économique de tout pas sont tributaires d’un système de sécurité
et de défense performant et républicain, la République
Démocratique du Congo devra revoir en hausse la dotation globale
actuellement allouée aux FARDC et remanier leur chaîne de
commandement[5]. Le secteur de la défense nationale doit être
considéré comme un devoir patriotique consistant à sécuriser et à
assurer l’intégrité du territoire, à protéger les centres et
les installations d’intérêts vitaux contre les agressions armées
d’où qu’elles viennent.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko 


[1] Forces armées de la République Démocratique du Congo.


[2] Forces rwandaises de défense.


[3] Forces démocratiques de libération du Rwanda.


[4] En l’occurrence le Mouvement populaire pour la révolution
(MPR)


[5] Pour plus de précisions, lire Ma vision pour le
Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs.

 

 

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