Le Congo-Kinshasa et les FDLR. Renvoyer Kabila et l’ONU dos à dos.

 Il est curieux que les derniers apports sur les
commanditaires de la guerre de basse intensité menée contre la région des
Grands Lacs africains ne puissent avoir  suffisamment d’incidence sur
l’approche des attaques à mener contre les FDLR. Pour rappel, le documentaire
intitulé ‘’Rwanda’s untold story’’ de la BBC est arrivé à la conclusion selon
laquelle  cette guerre menée par les anglo-saxons par les proxys rwandais
et ougandais interposés avait comme objectif majeur le Congo-Kinshasa. Un
avocat de la défense au TPIR, Christopher Black, a écrit un long texte sur la
criminalisation de la justice à Arusha. Ce texte contient un extrait d’une
lettre de Paul Kagame écrite à Museveni sur cet objectif final. Cette guerre de
basse intensité devait conduire au vol et au pillage des ressources du sol et
du sous-sol congolais. Un objectif suffisamment atteint pour le moment. La
prochaine incursion d’Africom au Congo-Kinshasa  servira le même objectif.

Si ce contexte est perdu de vue, il devient compliqué de
comprendre le prétexte permanent auquel recourent les protagonistes de cette
guerre de basse intensité. Des compatriotes croient encore  en l’ONU comme
‘’force de maintien de la paix’’. Soit ! Mais rares sont ceux qui se
posent la question de savoir le rôle que jouent des ‘’forces de maintien de la
paix’’ au cours d’une guerre de basse intensité.

Au Congo-Kinshasa, le rôle néfaste joué par l’ONU est bien
connu des lecteurs de Frantz Fanon quand il fustigeait les erreurs de Lumumba
en ces termes : « Il ne fallait pas faire appel à l’ONU. L’ONU n’a
jamais été capable de régler valablement un seul des problèmes posés à la
conscience de l’homme par le colonialisme, et chaque fois qu’elle est
intervenue, c’était pour venir concrètement au secours de la puissance
colonialiste du pays oppresseur. [1]»  
Fanon évoquait à ce moment-là comme preuves le Cameroun d’Ahidjo, le Vietnam et
le Laos. Il croyait fermement qu’ « il n’est pas vrai de dire que l’ONU
échoue parce que les causes sont difficiles. En réalité, l’ONU est la carte
juridique qu’utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la
force  a échoué. Les partages, les commissions mixtes contrôlées, les
mises sous tutelle sont des moyens légaux internationaux de torturer, de briser
la volonté d’indépendance des peuples, de cultiver l’anarchie, le banditisme et
la misère. [2]»  Pour 
Frantz Fanon, l’une de grosses erreurs de Lumumba fut d’avoir cru en
‘’l’impartialité amicale’’ de l’ONU. A ses yeux, Lumumba « oubliait
singulièrement que l’ONU, dans l’état actuel, n’est qu’une assemblée de
réserve, mise sur pied par les grands, pour continuer entre deux conflits armés
la lutte pacifique pour le partage du monde. [3]» (p.876)

Il est curieux que plus de cinquante ans après, il y ait
encore des Congolais(es) qui croient en ‘’l’impartialité amicale’’ de
l’ONU ! Et dans la théâtralisation du différend opposant la Monusco au
‘’raïs’’, certains disent : ‘’Que Kabila parte et que le Monusco
reste’’ !

Pourtant, la question ne nous semble pas être celle de choisir
entre la peste et le choléra. Non. Elle est celle de dire la partition que
chacun joue au cours d’une guerre de basse intensité.

Qui est Joseph Kabila ? ‘’Un cheval de Troie du
Rwanda’’. C’est-à-dire ‘’un agent double’’. Or, les tactiques utilisées par
l’Etat profond anglo-saxon incluent «  l’usage de la tromperie,
l’infiltration d’agents doubles et d’agents provocateurs et même des actions de
transfuges infiltrés dans les mouvements populaires légitimes, comme cela s’est
passé avec les mouvements anticolonialistes après 1945. [4]»  Ces tactiques facilitent
l’extension et la permanence de la guerre de basse intensité. Elles permettent
de comprendre pourquoi Africom tient à s’installer au Congo-Kinshasa et la Monusco
hésite à traquer les FDLR. Insistons.  « La tactique adoptée pour
étendre la militarisation soutenue par les États-Unis consiste à attiser les
insurrections tribales locales en perpétrant délibérément des atrocités de tout
ordre, notamment sur les civils, à terroriser les populations locales et à encourager
les actes de résistance désespérés — bref, une stratégie de crimes de guerre
délibérés, assumée officiellement. [5]»

Connaître ces tactiques permet de comprendre le rôle que
joue la Monusco comme force de maintien de paix. «  Les troubles
et l’instabilité générés par les opérations militaires états-uniennes, et
occidentales en général, (ou par leurs proxys et autres infiltrés) servent
ainsi à justifier la présence des « forces de maintien de la paix ».
C’est ce petit secret bien embarrassant qui se cache derrière la terminologie
Opérations de maintien de la paix, que l’OTAN agisse directement comme en
Afghanistan et au Kosovo ou que ce soit l’ONU qui entre en action, comme en
Haïti depuis 2004 ou au Soudan depuis 2007 (deux pays aux riches ressources
pétrolifères) ou comme en République démocratique du Congo (riche en minerais)
depuis 1999. [6]»  Il est
donc clair que la question n’est pas de choisir entre Joseph Kabila et la
Monusco dans la guerre perpétuelle entretenue entre les Africains. Les deux
peuvent être renvoyés dos à dos, vu le rôle mortifère qu’ils jouent au
Congo-Kinshasa.

Nous  devrions nous rappeler vue que quand la Monuc
(devenue plus tard la Monusco)  est intervenue au Congo-Kinshasa en
novembre 1999, une  coalition de quelques armées africaines était en train
d’en découdre avec les proxys anglo-saxons. Elle est venue casser la dynamique
de cette coalition. Elle risquait de constituer un frein à la domination
globale anglo-saxonne fondée sur la guerre perpétuelle en Afrique des Grands
Lacs.  Elle voudrait rester au Congo-Kinshasa jusqu’en 2035[7].  Le subterfuge est de fragiliser
l’UA, de saper son autorité et d’anticiper l’étouffement du panafricanisme des
peuples.

Espérons que la présence de Robert Mugabe à la tête de l’UA
pourra contribuer à mettre fin à ces ‘’crimes organisés’’ ; et que les
dignes filles et fils du Congo-Kinshasa finiront par créer des alliances
stratégiques à même de conduire leur pays sur une véritable voie d’émancipation
politique. Dans un premier temps, les BRICS et l’Amérique Latine peuvent être
un choix utile.

 Mbelu Babanya Kabudi, analyste géopolitique

 

[1] F. FANON, Œuvres,
Paris, La Découverte, 2011, p. 875.

[2] Ibidem

[3] Ibidem, p.
876.

[4] F.W. ENGDAHL,
Washington et l’avenir du Kirghistan : la sécurisation d’un pivot
stratégique,Réseau Voltaire, 4 août 2010

[5] Ibidem.

[6] Ibidem

[7] La Monusco au Congo jusqu’en 2035 ?

 

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.