07 05 15 QSo ngo Siasa – Guest blog: Une stratégie du chaos en RDC?
Lannonce
de la mise en route du processus de décentralisation a provoqué à la fois de
lenthousiasme et du pessimisme. Si les uns sabritent derrière le principe du
« rapprochement de ladministré de ladministration », dautres, par contre,
sétonnent de la précipitation avec laquelle cette installation est menée. Ce
groupe argumente et relève notamment létat de ces nouvelles entités où les
infrastructures demeurent absentes. Nonobstant ces éléments, les acteurs
politiques tiennent à leurs « nouvelles provinces », quel quen soit le coût.
Evidemment entre volonté et faisabilité persiste un fossé difficile à franchir
sans en relever les défis.
Daucuns
trouvent dans cette installation précipitée la revanche du « glissement ». Les
diverses tentatives ayant raté, le découpage territorial constituerait
aujourdhui la porte conduisant vers la prolongation du mandat et une éventuelle
ouverture vers une transition qui ne dit pas son nom ! Le processus électoral
serait un autre pilier de cette stratégie dite du « chaos ». Les
conditionnalités posées par les différents camps arrangeraient bien quelques
uns ! Le fait de ne pas enrôler les électeurs ayant atteint lâge requis est un
ingrédient qui sajouterait à ce mélange et corserait davantage ce cocktail.
Daprès certains observateurs, le dernier pilier de la stratégie pourrait être
les attaques perpétrées à lEst par les groupes armés et les massacres dans le
Territoire de Beni, œuvre de présumés ADF, ainsi que les invasions périodiques
des armées ougandaise et rwandaise ! Cette situation engendrerait de
linsécurité dans certaine partie de la République. Lécroulement de lun des
piliers sonnerait alors le glas du processus susceptible de conduire le pays
vers lalternance et rendrait difficile la tenue des élections sur lensemble du
territoire national.
Lhistoire
de la Deuxième République pourrait-elle inspirer ?
Trois
faits enregistrés durant la Deuxième République méritent dêtre rappelés.
Lhistoire va-t-elle recommencer ou se répéter ?
En 1990,
le Zaïre sous Mobutu avait mis en place ce que lon avait désigné « la
territoriale des originaires ». Il sagissait de remettre les cadres
territoriaux dans leurs provinces dorigine. Plusieurs cadres, bien quayant
regagné leur province, se sont retrouvé sans poste daffectation jusquà ce
jour ! Certains parmi eux étaient partis – presque chassés- en ayant pas eu le
temps de se préparer.
Pour
quitter la dictature et amorcer lentrée dans la sphère démocratique, le Zaïre
avait initié la Conférence Nationale Souveraine (CNS), en 1991. Ce forum qui
avait regroupé les délégués des forces vives avait été lancé, le 7 août 1991,
pour se clôturer, le 5 décembre 1992. Alors que la dynamique de cette conférence
évoluait vers des institutions démocratiques, le pouvoir trouva une astuce pour
larrêter par une « motion » ayant entraîné la lecture de la « tristement
célèbre motion de la géopolitique » lue à la tribune par un délégué ! Cet appel
réclamait le réaménagement de la représentativité des délégués selon le poids
démographique de chaque province. Les travaux de la CNS étaient alors
suspendus ; la réouverture de la CNS, en avril 1992, a été précédée, le 16
février 1992, par la marche des chrétiens qui entraîna dinnombrables
victimes !
Au même
moment, au Katanga sévissait une purge visant les Kasaiens qui étaient chassés
dans des conditions effroyables et dépouillés de leurs biens ! Nombreux y
avaient perdu la vie, dautres se sont retrouvé au Kasai dans un univers quils
ne connaissaient guère ! Une manche des « identités meurtrières » était
ainsi jouée. Le pouvoir de lépoque avait tenté de réitérer le même scénario à
Kisangani. Le processus avait échoué car la population ny avait pas adhéré ni
souscrit. Néanmoins, quelques « non originaires » avaient reçu des
menaces verbales lancées par des zélés proches du pouvoir.
Dans
lenthousiasme préparant larrivée de ces nouvelles provinces, les notabilités
de chaque future entité sagitent déjà. Dans la Province Orientale, lancien
District de la Tshopo (bientôt Province de la Tshopo) a vu se réunir, du 7 au 15
avril 2015, un forum de réflexion sur le développement et lémergence de cette
nouvelle entité. Il en est sorti un cahier des charges à proposer aux futurs
dirigeants. Les participants avaient notamment fait un plaidoyer quant au choix
des futurs dirigeants qui devront répondre aux critères de compétence et
dintégrité ! Curieusement sous le couvert du développement est née une
polémique sur le choix du futur Gouverneur de Province ? Des propos, à la
limite, outranciers et xénophobes, auraient été adressés au Gouverneur en
fonction (originaire de la future Province de lIturi) invité à faire ses
bagages (sic) ! Un des organisateurs de ce forum avait, par la suite recadré le
débat en assurant que tout Congolais qui désire sinstaller dans la Tshopo
serait le bienvenu : « Il peut exercer les activités politiques sans aucune
crainte, et cela est encadré par la Constitution ». Qui pourrait croire à un
tel discours quand en coulisse, les propos xénophobes sont
distillés ?
Tout en
tenant à préserver leur identité culturelle de lespace kasaien même après le
découpage territorial, les membres de lASBL « Grand Kasai » réunis, du
1er au 2 mai 2015, à Kinshasa ont discuté sur les enjeux électoraux,
la décentralisation, le découpage territorial, lindustrialisation et sur les
potentialités de développement de lespace géographique regroupant encore les
Provinces du Kasai Oriental et du Kasai Occidental. Demain il sera scindé en
cinq nouvelles entités.
Partout
cest le même discours du développement qui se trouve en vedette, mais dans les
coulisses profilent la xénophobie et les futures « disputes » entre différents
Territoires et peut-être entre divers groupes ethniques pour occuper les postes
stratégiques (Gouverneur de Province, Président de lAssemblée Provinciale,
etc). La répartition des sièges par circonscription électorale pour les
élections provinciales risquerait de constituer aussi une pierre
dachoppement.
Quid du
fichier électoral ?
La CENI a
opté pour lexécution de son calendrier. Entretemps les listes électorales
nont pas fait lobjet dune réactualisation comme les partis de lOpposition ne
cessent de le réclamer. En effet, de 2006 à ce jour, il y aurait plus de 5
millions de nouveaux électeurs à inclure dans le fichier électoral. La rencontre
des représentants de certains partis politiques de lOpposition et la CENI na
pas permis une quelconque avancée dans ce sens.
LUDPS
fait un pas en avant et un pas en arrière ! En annonçant, le 22 avril 2015, à
Goma, la décision de déposer les candidatures aux élections provinciales, lUDPS
surprend. Elle entoure néanmoins cette décision de conditionnalités. Par la voix
de Félix Tshisekedi, lUDPS déclare : « Nous participerons, mais à condition
évidemment que tous les préalables soient réalisés. Par exemple, par rapport au
fichier électoral, les nouveaux «électeurs qui doivent être
enrôlés ».
Amorcées
dans la foulée de la décentralisation, ces élections risqueraient, comme le
soutient lAETA, « de conduire à une catastrophe électorale pire que celle de
2011 ». Dautres contestations pourraient surgir de ces nouvelles
entités qui ne se verraient pas ainsi prises en compte dans la répartition des
sièges dans les Assemblées provinciales.
La situation sécuritaire toujours
instable
Les
derniers développements de la situation à Beni traduisent lexaspération de la
population qui se sent abandonnée. Elle avait même menacé de prendre en charge
sa sécurité en lieu et place de larmée ! A lEst même, les FDLR et dautres
groupes attaquent épisodiquement les FARDC. Certains axes routiers paraissent
dangereux. En Ituri, les éléments du FRPI nont guère baissé la garde et
poursuivent le harcèlement des FARDC. A cela sajoutent les incursions
périodiques des armées ugandaise et rwandaise. Les FARDC semblent dépasser par
la situation. Si cette situation perdure au moment des élections comment les
opérations pourraient-elles sorganiser ?
Il
serait peut-être prématuré et même illusoire de parler de la stratégie du
« chaos ». Toujours est-il que les ingrédients dun tel scénario se plantent
inexorablement. Le couple « décentralisation – processus électoral » pourrait
devenir demain le décor dun bouleversement inattendu ! Il faudra craindre
demain la xénophobie ou le renvoi des cadres de la Territoriale ou ceux œuvrant
dans des sociétés paraétatiques vers leurs provinces dorigine au nom de
nouvelles entités !