13 08 15 – Moise Katumbi et le lobby américain. Par Mbelu Babanya Kabudi, analyste géopilitique
Le processus
doccupation et de balkanisation du Congo-Kinshasa poursuit son petit bonhomme
de chemin. Depuis lassassinat de Lumumba en 1961, un coup dEtat
permanent[1] est fait à son
pays avec la complicité de certains de ses frères et sœurs. Ce coup dEtat
mené par ‘ les tueurs à gages économiques et ‘les huissiers du grand
capital que sont les IFI passe aussi de plus en plus par la neutralisation du
suffrage universel. Pour dire les choses simplement, depuis 2005-2006, le
processus électoral au Congo-Kinshasa ne sert pratiquement à rien. Il est un
piège tendu aux plus naïfs dentre les Congolais(es) et à plusieurs
compatriotes ayant perdu tout sens de lhistoire. La perte de la mémoire
collective et le manque dune relecture permanente de lhistoire immédiate du
Congo-Kinshasa contribuent à entretenir ‘un bavardage
politique impuissantant pour les masses populaires.
Celles-ci sont
menées comme des ‘moutons par une élite compradore incapable dun
jugement réfléchi et critique vis-à-vis de ce processus dabrutissement et
dabâtardissement.
Tenez. La
neutralisation du suffrage universel par les entreprises
transcontinentales et ‘leurs petites mains nest pas une
particularité congolaise. Plusieurs pays européens soumis aux mesures austères
par ‘la troïka en font aussi lexpérience depuis plusieurs années.
Le cirque
politique occidental est un problème sérieux comme en témoignent Christophe
Deloire et Christophe Dubois[2]. ‘La guerre dusure menée contre la Grèce
est lun des témoignages les plus éloquents sur la nuisance des
‘usurpateurs et sur leur capacité de semparer du pouvoir légitime dans les
pays quils dominent.
En Grèce, un
gouvernement élu sur un mandat clair na pas réussi à renégocier un accord
passé entre celui qui la précédé et la ‘troïka. Pourquoi ? « On
ne peut pas laisser des élections changer quoi que ce soit », a soutenu le
ministre des finances allemand au cours des négociations entre la Grèce et
lEurogroupe. Pour lui, « (…) il nétait pas question que laccord
soit renégocié au seul prétexte quun nouveau gouvernement avait été
élu. »[3]
Disons donc que
depuis plusieurs années, en Occident comme dans plusieurs pays africains, les
élections sont instrumentalisées par ‘le capitalo-parlementarisme contre les
valeurs de justice sociale, de débat démocratique, de consensus, de liberté de
pensée, de solidarité, du droit des peuples à disposer deux-mêmes
et de souveraineté. Les valeurs néolibérales ont usé de leur pouvoir
ensorceleur pour semparer des cœurs et des esprits. Elles sont imposées
aux peuples et aux nations par ‘les nouveaux chiens de garde comme étant
lunique voie de salut. Et le capitalo-parlementarisme est au service de
lempire US (avec ses ‘tueurs à gages économiques) et de ses alliés. Ce petit
détour par lOccident et la Grèce aide à situer la tragédie congolaise dans un
contexte beaucoup plus large de la dépossession des Etats du pouvoir issu des
urnes par ‘les nouveaux cercles de pouvoir nayant aucun compte à rendre aux
peuples. Cette dépossession date des années 1980 (et même dun peu tôt).
Quand la
guerre est imposée aux pays de Grands Lacs africains vers ces années, elle est
soutenue et financée par les entreprises (majoritairement) anglo-saxonnes. Elle
est une entreprise de déstabilisation et de chaos, au nom de lempire US. Cet
empire, sinspire de lempire britannique et de la Rome ancienne. Dans un
discours dune très grande clarté, lun de ses géopoliticiens actuels, George
Friedman, en détaille le mode opératoire. Il dit : « La
Grande-Bretagne na pas occupé lInde. Elle monta différents Etats
indiens les uns contre les autres, puis fournit quelques officiers britanniques
à larmée indienne. » Il ajoute : « Les Romains navaient pas
envoyé de grandes armées dans leurs territoires conquis, ils y avaient
placé des gouverneurs pro-romains et ces gouverneurs, comme par exemple
Ponce-Pilate, étaient responsables de la paix. »[4]
Eu égard à ce mode
opératoire, plusieurs dentre nous ont déjà compris que les conflits ethniques
ont été instrumentalisés dans une guerre dagression (de 1996) recourant
à la politique du « diviser pour régner ». Cette guerre a créé ses
« gouverneurs pro-empire »/ Museveni, Kagame, Mzee Kabila et ‘Joseph
Kabila. Elle se poursuit parce quelle est une guerre dusure. Mais elle a
besoin de tromper la vigilance de plusieurs dentre nous en instrumentalisant
‘les élections-pièges-à-cons pour la troisième fois au Congo-Kinshasa. Les
Lubas et les pygmées sont déjà ‘en guerre au Katanga. Il est à
craindre que la division territoriale faite dernièrement dans la précipitation
ne soit une bombe à retardement pour limplosion du pays et sa balkanisation.
Georges Friedman nous a avertis.
Un article de
lagence Reuters (publié ce mardi 11 août 2015) vient mettre sur la place
publique ce que Moïse Katumbi et son lobby américain sont en train de tramer[5]. Une allusion y est faite aux mines du Katanga. Plusieurs
organisations non-gouvernementales américaines travaillant à lexpansion
de lempire sous le mode du ‘soft power[6] y sont citées. Au
Congo-Kinshasa, il est de notoriété publique que ces ONG coachent plusieurs
partis politiques.
Notons en passant
quaux Etats-Unis, les riches achètent les services des lobbyistes. Mais
recourir au lobbying américain pour gagner les élections au
Congo-Kinshasa en sollicitant (en plus) des ‘agences de sédition US ayant
soutenu ‘les révolutions de couleur à travers le monde nous semble être une
approche propres aux élites compradores. Les élections (dignes de ce nom) se
gagnent en prenant appui sur le peuple souverain. Cest lui qui change
les rapports de force dans les urnes en soutenant le candidat dont le projet de
société et le programme de gouvernement répondent à ses attentes. Il renverse
davantage ces rapports de force en ‘radicalisant la démocratie par sa
participation à tous les débats et à toutes les délibérations engageant
lavenir de la collectivité socialement, économiquement, politiquement et
culturellement tout au long du mandat du candidat élu. Ce faisant, il le
légitime par-delà les élections.
La démarche
entreprise par Moïse Katumbi est contraire à cette procédure idoine.
Il veut, après
‘Joseph Kabila, être, lui aussi, ‘un gouverneur de lempire ;
cest-à-dire ‘un nègre de service en renvoyant lascenseur aux lobbyistes
des entreprises transcontinentales. Moïse Katumbi semble se classifier
parmi ceux qui, au Congo-Kinshasa, croient fermement que ‘le pouvoir vient de
lOccident. Alors, à quoi bon jouer au ‘théâtre politique avec les
populations congolaises ?
Le Congo-Kinshasa
a-t-il encore besoin dun ‘gouverneur de lempire ou dun leadership
collectif responsable ? Qui va nous convaincre quil est possible de
servir deux maîtres à la fois ? Lempire des transcontinentales et le
peuple congolais ?
Pour les
compatriotes qui croient encore dans les élections, une preuve selon
laquelle au Congo-Kinshasa, depuis lassassinat de Lumumba, le suffrage
universel est neutralisé est en train de leur être administrée.
Pour ceux et
celles dentre nous qui lauraient oublié, nous rappelons que la guerre de 1996 a été menée pour que
le Congo-Kinshasa soit à jamais une colonie occidentale gérée par ‘les
gouverneurs pro-empire. Elle se poursuit. Lagence Reuters vient davertir les
consciences anesthésiées par ‘le bavardage politique sur les élections
libres, transparentes et démocratiques au Congo-Kinshasa. Tant quun
débat argumenté et rationnel ne sera pas mené publiquement sur cette guerre
raciste, tant que ses commanditaires et leurs proxys nauront pas été traduits
en justice, tant que ‘le génocide congolais demeurera ‘un fait divers,
tant quune Commission Justice, Vérité et Réconciliation naura pas été mise en
place au Congo-Kinshasa pour en finir avec cette tragédie, le processus
électoral vicié et vicieux commencé depuis 2005 napportera aucun changement
substantiel au pays de Lumumba. ‘Les gouverneurs pro-empire risquent de se
succéder les uns aux autres ad vitam aeternam aux dépens des
populations congolaises réduites au rang des ‘indigents.
Il y a plus. ‘Les
convaincus de la nécessité de la lutte pour lémancipation politique du
Congo-Kinshasa ont compris que cest deux que viendra la
réponse à la question urgente de ‘la direction du pays. Ils ont
maîtrisé le mode opératoire de lempire et de ses alliés. Ils savent que de
nouvelles relations géostratégiques panafricaines sont nécessaires à leur
démarche progressive.
Elle prendra le
temps quelle prendra. La Grande-Bretagne ne gère plus lInde. Rome
nexiste plus comme empire. Les empires comme les humains sont mortels.
Lempire US aussi. Il a perdu la Chine et plusieurs pays latino-américains. Il
finira par perdre le Congo-Kinshasa.
[1] http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=10127
[2] Lire C.DELOIRE et C. DUBOIS, Circus politicus, Paris, Albin Michel, 2012.
[3] Y. VAROUFAKIS, Leur seul objectif était de nous humilier, dans Le Monde diplomatique, août, 2015, p.18.La lecture de
quelques articles de ce numéros aident à dépasser les commentaires des
médias mainstream.
[4] https://www.youtube.com/watch?v=emCEfEYom4A
[5] http://www.reuters.com/article/2015/08/11/us-congodemocratic-politics-idUSKCN0QG1E620150811
[6] Lire ce lien : "Soft
power" en action: Washington voudrait un changement de régime en Chine /
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