Moïse Katumbi peut-il déboulonner Joseph Kabila en RDC ? par Isidore Kwandja Ngemb (1 octobre 2015)

C’est
désormais officiel, celui qui était depuis 2007 jusqu’à mardi 30 septembre 2015
gouverneur de la riche province du Katanga et membre du Parti du Peuple pour la
Reconstruction et la Démocratie (PPRD), parti cher à Joseph Kabila, vient de
démissionner de son poste de gouverneur.

Moïse
Katumbi a immédiatement pris ses distances avec Joseph Kabila, en claquant
également la porte du parti présidentiel dont il était représentant
provincial.


Dans sa lettre de
démission, Moïse Katumbi dit : 

«
Au moment où nous, peuple congolais, entrons dans la dernière ligne droite du
dernier mandat constitutionnel du président de la République, les faits
indiquent que depuis maintenant un an, tout est mis en œuvre pour ne pas
respecter la Constitution […]. Je m’oppose fermement à tout prétexte pour
retarder les élections […].

Ces
derniers temps, trop d’exemples doivent nous alerter : arrestations arbitraires
de militants pro-démocratie, interdictions de sorties de films, intimidations de
toutes sortes, répressions policières de plus en plus violentes, coupures des
connexions Internet […]. Il est de mon devoir, en tant qu’homme politique
d’interpeller nos dirigeants sur ces dérives inacceptables ».

En
effet, quand bien même il ne se serait pas encore prononcé officiellement sur
son avenir politique, il s'agit à mon avis d'un secret de polichinelle. Cette
double démission ne laisse aucun doute sur ses intentions de briguer la
présidence de la république. Depuis très longtemps, on le voyait venir avec
cette annonce qui marque définitivement la rupture avec le régime Kabila.

Il
y a quelques mois passés, il avait déjà annoncé qu’il quitterait son poste de
gouverneur de province du Katanga, même si son électorat ne voulait pas
l’entendre de cette oreille.

Maintenant
qu’il vient de franchir le Rubicon, il n’y a plus de doute possible, c’est
désormais une question de quelques jours.Moïse Katumbi va annoncer sa
candidature aux élections présidentielles de novembre 2016 pour succéder à
Joseph Kabila.


Katumbi peut-il
réellement gagner et succéder à Kabila?

Il
est important de rappeler que Joseph Kabila a hérité accidentellement du pouvoir
de l'État en RDC à la suite de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila en 2001,
qui, lui-même a, avec sa rébellion armée, chassé l’ancien président Mobutu en
1997. Il n’est donc pas arrivé au pouvoir par la voie démocratique.

En
2006, Joseph Kabila a, avec le soutien de la communauté internationale, organisé
des élections présidentielle et législatives à l’issues desquelles il a été
proclamé gagnant. Mais selon l’église catholique qui avait déployé le plus grand
nombre d’observateurs électoraux sur toute l’étendue du pays, c’est Jean-Pierre
Bemba qui aurait gagné.

En
2011, Joseph Kabila a organisé des nouvelles élections. Cette fois-là encore
même scenario, nombreux observateurs déployés aussi bien par l’église catholique
que par des ONG internationales disaient que c’est Étienne Tshisekedi qui avait
gagné massivement.

Et
malgré toutes les protestations qu'elles ont soulevées à l’intérieur comme à
l’extérieur du pays, Joseph Kabila est resté au pouvoir avec le soutien de
l’armée, de la police et de services secrets, et doit finir son deuxième et
dernier mandat dans une année.


Si les élections
présidentielle et législatives ont lieu effectivement en novembre 2016 avec
Joseph Kabila comme candidat, qui peut le battre et obtenir
l’imperium?

À
cette question, quatre éléments de réponse doivent être considérés (le soutien
populaire, l’argent, le soutien des forces de l’ordre et ultimement le soutien
international). Considérant ces quatre éléments, il nous semble que M. Katumbi
pourrait bien les réunir pour succéder à Joseph Kabila.

Dans
le contexte africain où la grande majorité de la population est analphabète,
paupérisée, très fragile face à la corruption et au clientélisme, et surtout
n’ayant pas suffisamment d’informations pour faire un choix judicieux d’un
candidat qui a un projet de société capable de sortir le pays de la misère et la
pauvreté, il faut reconnaitre que la période électorale consiste essentiellement
à distribuer des petits cadeaux aux électeurs pour obtenir leurs voix.

Sur
ce point, Moïse Katumbi présente un avantage comparatif. Il a ses propres moyens
financiers pour faire campagne sur toute l’étendue du pays. Comme on l’a vu en
2006 et en 2011, la plupart des candidats ne disposaient pas des moyens
conséquents pour faire campagne sur toute l’étendue de la RDC, un pays sans
infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires.

C’est
évident, qu’avec le capital de sympathie dont il jouit notamment auprès de ses
amis de la Majorité présidentielle (MP) et de l’Opposition politique, auprès de
la population congolaise en général et particulièrement celle du Katanga, Moïse
Katumbi peut assurément obtenir les appuis nécessaires dans toutes les provinces
de la RDC pour succéder à Joseph Kabila.

Patron
d’un grand club de football congolais « TP Mazembe », qui a déjà remporté à deux
reprises la Ligue des champions Africaine et atteint la finale de la Coupe du
Monde des Clubs, Moïse Katumbi est populaire à l’intérieur du pays, surtout
auprès de la jeunesse, le groupe d’électeurs le plus nombreux dans ce pays.

Dans
le contexte d’un pays grand comme un continent, sans armée nationale et
républicaine, gagner une élection présidentielle est évidemment une très bonne
chose, mais avoir l’effectivité du pouvoir c'en est une autre. Les dernières
élections ont démontré que sans le soutien de l’armée, de la police et des
services secrets, il est pratiquement difficile d’avoir l’imperium.

Sur
ce point également, Moïse Katumbi peut être le mieux placé pour, non seulement
battre Joseph Kabila très impopulaire à cause de ses intentions de briguer un
mandat de plus, mais également obtenir le soutien de l’armée, de la police et de
services secrets dont trois-quarts des hauts gradés sont essentiellement issus
de la province du Katanga.

La
RDC n’étant pas n’importe quel pays d’Afrique, plusieurs groupes d’intérêts se
bataillent pour avoir le contrôle et l’exploitation des minéraux congolais. Ces 
groupes d’intérêts ont des relais avec les puissants de ce monde qui, malgré
votre choix démocratique, décident en dernière ressort qui peut ou non diriger
tel ou tel pays.

Sur
ce point aussi, Moïse Katumbi peut bien compter sur le soutien au niveau
extérieur. Né d’un parent Juif qui avait fui la deuxième guerre mondiale pour
s’établir au Katanga, Moïse Katumbi bénéficierait de solides soutiens de milieux
financiers occidentaux, notamment juifs (Washington, Londres, Tel Aviv, Paris,
Bruxelles, Ottawa), très influents dans leurs pays respectifs.

Tout
ça réuni, il y a donc peu de chances pour quiconque veut se faire élire, s’il ne
dispose pas suffisamment des soutiens énumérés ci-hauts.

Certes, il y a d’autres outsiders
qui ont une feuille de route impressionnante et des programmes ambitieux pour le
Congo, notamment Noël Tshiani et Freddy Matungulu qui ont fait leur carrière
internationale auprès des institutions de Bretton Woods et qui comprennent mieux
le système de la gouvernance mondiale.

Mais, l’entrée en scène de Moïse
Katumbi va certainement refroidir bien des ardeurs de ceux qui ambitionnaient
également de briguer la magistrature suprême.

Mais,
une chose est vraie : dans le contexte actuel de la RDC, un pays fragile qui
sort lentement d’une longue guerre, avec une armée, une police et des services
secrets tribalisés, il nous semble que Moïse Katumbi serait probablement celui
qui pourrait jongler avec toutes ces évidences pour déboulonner Joseph Kabila et
obtenir l’appui des forces de l’ordre pour stabiliser le pays.

Il
ne faut surtout pas perdre de vue qu’à quelques mois des élections
présidentielles, Joseph Kabila n’a démontré aucun signe qui laisse présager de
sa volonté de quitter le pouvoir à la fin de son mandat en 2016.

Par
contre, sa dernière décision de révoquer les membres de son gouvernement qui se
sont opposés à la modification de la Constitution, conforte les pressentiments
de ceux qui le soupçonnent de vouloir s’accrocher absolument au pouvoir au-delà
du délai constitutionnel.

Face à cette réalité implacable, les
prétendants candidats à la magistrature suprême devraient comprendre qu’il est
nécessaire de fédérer leurs forces autour d’un d’entre eux qui réunit
suffisamment d’atouts pour sauver la démocratie en RDC et redonner de l’espoir
au peuple congolais.


Si Moïse Katumbi a un destin national,
il doit d’abord gagner le pari d’approcher les potentiels candidats pour former
une force politique qui fera face à Joseph Kabila.


En effet, depuis les premières
élections après l’accession du pays à l’indépendance, suivie de celles de 2006
et 2011, l’histoire nous apprend qu’aucun candidat n’a gagné sans avoir fait une
coalition avec d’autres forces politiques.


Une bonne équipe est le premier élément
essentiel sur lequel repose toute victoire électorale. Moïse Katumbi devrait à
tout prix éviter de tomber dans les divisions tribales et s’entourer d’une
équipe outillée et professionnelle en communication politique pour polir son
image et le faire connaître auprès du public congolais et
international.

Il doit avoir derrière lui de la
matière grise pour analyser, formuler et proposer de supports de communication
efficace pour convaincre tous ceux qui sont méfiants et croient à tort ou à
raison qu’il serait le candidat de la MP fidèle à Kabila et qui tient à
conserver le pouvoir.

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.