04 04 16 Paris-Kinshasa
Il suffit, pour sen convaincre, dobserver les réactions de lexécutif et celle du Parti socialiste (PS) aux diverses consultations présidentielles du moment. Entre les silences de lÉlysée, les communiqués à géométrie variable du PS selon lappartenance ou non des présidents réélus au club des camarades de lInternationale (prix dexcellence pour le Nigérien Issoufou, bonnet dâne pour le Congolais Sassou Nguesso) et les approximations dun ministre des Affaires étrangères en phase dapprentissage, lavion avance sans plan de vol.
Cest dans lavion justement, de retour de Bangui et au micro de RFI, que Jean-Marc Ayrault nous a offert la dernière preuve des risques du pilotage automatique. Interrogé sur les chefs dÉtat qui font modifier les Constitutions pour pouvoir se représenter, lancien Premier ministre a répondu que « ce nest pas bon pour aucun pays », avant dajouter qu« il y a des pays, je pense au Burundi et à la RD Congo, qui sont tentés par des réformes constitutionnelles de même nature ». Au Burundi, cest fait depuis un an, avec le résultat que lon connaît : quelquun aurait dû en informer le nouveau locataire du Quai dOrsay.
François Hollande semble être le seul à croire encore en ses chances de réélection lan prochain
À la décharge dAyrault, la France tout entière recherche son commandant de bord. En rase-mottes dans les sondages (17 % !) après un premier trimestre de 2016 calamiteux, François Hollande semble être le seul à croire encore en ses chances de réélection lan prochain, alors que son Premier ministre, Manuel Valls, est à deux doigts du crash malgré une frénésie communicante sans précédent à ce poste : 108 interviews en deux ans. Bref, lambiance est au crépuscule, ça sent la fin de règne, les conseillers du président soccupent de leur recasage, et les affaires africaines sexpédient entre deux portes et trois cartons de déménagement. Jexagère, bien sûr, mais à peine.
Moïse Katumbi sera-t-il le Patrice Talon de la RD Congo ? Intéressante comparaison. Ces deux quinquagénaires africains présentent des similitudes frappantes. Largement autodidactes lun et lautre, ils ont fait fortune dans le secteur primaire (la pêche pour lun, le coton pour lautre) et financé sans retenue des chefs dÉtat qui le leur ont bien rendu, avant de rompre avec eux et de nourrir lambition non plus de faire élire, mais dêtre élus.
Lancien gouverneur du Katanga et le nouveau président du Bénin usent de la même recette – le populisme – avec une habileté consommée, tout en sefforçant de faire oublier les parts dombre de leur enrichissement respectif. Leur force est aussi ce qui fait leur fragilité : concentrant pouvoir économique et pouvoir politique, ils sont en quelque sorte lincarnation du conflit dintérêts – à charge pour eux de nous démontrer le contraire.
Tant quil lui restera un souffle de vie, le « Líder Máximo » de lUDPS nimaginera pas un autre candidat que lui-même
La probable candidature de Moïse Katumbi à la prochaine élection présidentielle congolaise apparaît a priori comme une gageure aussi hasardeuse que létait celle de Patrice Talon au Bénin. Le groupe du « G7 », qui a porté son choix sur lui, ne pèse que peu de chose face aux légions kinoises et kasaïennes d‘Étienne Tshisekedi, pour qui Katumbi nest quun transfuge du kabilisme. En outre, et tant quil lui restera un souffle de vie, le « Líder Máximo » de lUDPS nimaginera pas un autre candidat que lui-même.
Privé de son chef, Jean-Pierre Bemba, le ventre mou des ex-mobutistes est certes à prendre, mais il soffrira à qui semble en passe de conquérir, ou de conserver le pouvoir. Seule la dynamique de lopposition incarnée par Vital Kamerhe et Martin Fayulu semble réellement en mesure de se rallier à « Katumbi 4 President 2016 » (intitulé de lun des sites officieux de lex-gouverneur). Mais rien nest acquis.
Les Congolais en sont donc réduits à choisir entre Charybde et Scylla, entre la contestation du report des élections et la contestation du résultat des élections
Pourtant, Moïse Katumbi est manifestement populaire, assurément fortuné et évidemment expérimenté : sa gestion du Katanga pendant huit ans a été une réussite, et le Katanga, cest quatre fois la superficie du Bénin de Patrice Talon et à peu près le même nombre dhabitants. Un duel démocratique entre lui et Joseph Kabila – ou, plus vraisemblablement, celui que Kabila aura adoubé – aurait donc de lallure. Reste à savoir quand et dans quelles conditions. À la date prévue, cest-à-dire dans huit mois ?
Sachant que lactuel fichier électoral, audité lan dernier par une mission de lOIF, a été jugé pollué – pour ne pas dire pourri – par cette dernière, que sa révision na pas encore commencé et que les précédentes remises à jour dudit fichier en 2005 et en 2011 ont pris pas moins de quatorze mois chacune, on imagine la réponse à cette interrogation. Sauf intervention divine, les Congolais en sont donc réduits à choisir entre Charybde et Scylla, entre la contestation du report des élections et la contestation du résultat des élections. Et à se demander laquelle se solderait par moins de violences. Avant que le destin de Moïse rattrape celui de Patrice, la route est longue et semée dembûches…
François Soudan