03 06 16 Agence Ecofin – RD Congo : Martin Kabwelulu précise la position de son ministère dans le dossier Tenke Fungurume Mining

Le gouvernement de la République Démocratique du Congo pourrait-il s’opposer à la vente de la mine ?
M. Martin KABWELULU : L’État veillera au respect des accords et prendra ses responsabilités. Sur la forme, nous avons trouvé la communication insatisfaisante et l’État ne peut pas apprendre des opérations de cette envergure par les media. Sur le fond, il faut savoir qu’un projet comme celui de TFM est le fruit de longues négociations dans lesquelles les partenaires étrangers demandent de gros efforts à l’État pour pouvoir lever les financements nécessaires et satisfaire leurs propres objectifs de rentabilité. C’est une évidence que les objectifs et attentes de groupes cotés américains peuvent être différents de ceux d’investisseurs d’autres régions du monde, de Chine notamment. On ne peut donc pas considérer que les points d’équilibre trouvés hier pour satisfaire un partenaire canadien et un partenaire américain se transfèrent sans discussion. De même, et c’est le bon sens, comment imaginer que ce soit Freeport qui impose sans concertation un nouvel actionnaire de référence de TFM à l’État ? L’État va demander les précisions nécessaires et tirera les conclusions qui s’imposent.
Si le mobile de l’opération pour Freeport est seulement de dégager un certain produit de la vente, il semble que plusieurs autres options sont disponibles. À cet égard, Lundin qui est le partenaire canadien qui avait gagné cet appel d’offre en 1996, devra lui aussi se conformer à ses obligations en vertu des accords. Puisqu’il semble que le marché spécule sur l’exercice des droits de Lundin et que d’autres tiers pourraient juste acheter les droits de Lundin pour ensuite s’approprier 80% de TFM avec l’État et Gécamines qui seraient spectateurs impuissants. Cela n’est pas concevable.
Pour quelle raison le Ministre des Mines a-t-il affirmé que le revenu réel de la transaction n’avait pas été dévoilé ?
MK : Il s’agit de très grosses transactions qui se déroulent à l’étranger. Dans ce cas, nous nous demandons simplement si nous disposons de tous les éléments pour en apprécier la teneur. Dans le cas présent, l’opération s’élève à près de 3 milliards de dollars et porte sur trois actifs avec des sous-jacents en RDC. Vous comprenez que nous avons besoin de regarder cela de près.
Quelle est la taxe devant être payée par Freeport Mcmoran à laquelle s’est référé le Ministre des Mines ?
MK : Bien que la transaction ait été faite à l’étranger, les régies financières seront mises à contribution pour examiner les éléments de cette transaction, afin de permettre à l’État de conclure objectivement s’il n’est pas en droit de réclamer quoi que ce soit à Freeport. Cela sera déterminé en fonction des précisions qui seront obtenues.
L’équipe de CMOC présente en RDC cette semaine a-t-elle répondu aux préoccupations du gouvernement de la République démocratique du Congo et de la Gécamines ?
MK : J’ai reçu une équipe de CMOC, avec laquelle j’ai échangé pour avoir plus d’informations sur la transaction, et comprendre les implications qui pourraient en découler en terme d’engagements vis-à-vis de l’État, des travailleurs et des communautés affectées par le projet TFM. Ce premier contact ne peut pas d’emblée amener à conclure que nous avons été rassurés. Le plus important est à venir. Il y a toutefois lieu d’indiquer qu’à ce stade, les problèmes posés par le dossier concernent d’abord les partenaires actuels de TFM, c’est-à-dire Freeport, Lundin et Gécamines. L’État doit écouter les partenaires et s’assurer que les arrangements définitifs seront dans l’intérêt de TFM, des partenaires actuels et de la RDC.
La réaction du gouvernement de la République démocratique du Congo à cette vente rappelle celle qui a suivi la vente de 49,5% des actifs du groupe Ivanhoe Mines dans la mine de cuivre de Kamoa à la compagnie chinoise Zijn Mining Group en 2015. Qu’est ce qui explique l’abandon des objections du gouvernement de la République démocratique du Congo à cette dernière transaction ?
MK : Le contexte tant historique que légal du cas de Kamoa est totalement différent de celui de TFM. Pour ce cas de Kamoa, l’État a tenu à rappeler le respect des engagements initialement pris par les parties. Il ne faut pas forcément imaginer que l’État a abandonné. Des discussions sont intervenues. L’État respecte par ailleurs la confidentialité que peuvent nécessiter ces discussions.
Quels défis et quelles opportunités pour le secteur minier amène l’augmentation des investissements des sociétés chinoises au Katanga ? Quel est l’avancement du partenariat entre la Gécamines et CNMC ?
MK : La RDC accueille les investissements chinois, autant que tous les autres investissements, avec beaucoup de respect. L’intention déclarée dans chaque projet est le respect mutuel et la création de valeur. Dans le monde d’aujourd’hui, ces considérations sont tout à fait appréciables. Au sujet de l’ampleur de la présence des sociétés chinoises dans le secteur minier, particulièrement dans l’ancienne province du Katanga, je dois avouer que cela ne nous laisse pas indifférent. En effet, le contrôle tant de la production que de la commercialisation des produits miniers marchands, notamment du cobalt et du cuivre, sera entre les mains des sociétés chinoises… Le défis de la RDC est d’amener le secteur minier, avec ou sans le contrôle des sociétés chinoises, à participer au développement du pays et à l’éclosion de la classe moyenne. Quant au partenariat entre Gécamines et CNMC, à ma connaissance, ils poursuivent encore leurs discussions.
Propos recuellis par Louis-Nino Kansoun

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