10 06 16 L'Echo – "Kabila a saboté le processus électoral"

Opposition morcelée
Une centaine de politiciens vont de réunions en réunions. Ils représentent les trois familles de l’opposition: l’UDPS, le parti d’Étienne Tshisekedi, initiateur du conclave; le G7, composé d’anciens partis de la majorité présidentielle; et la formation Dynamique opposition. C’est la pointe de l’iceberg, car ces trois familles se ramifient en plus de 400 partis politiques. Seules deux formations, le MLC et l’UNC, ont refusé de venir.

"Regardez! Ce député fait une vidéo de la rencontre et utilise Periscope pour la diffuser en direct sur le net, lâche un participant au conclave des opposants congolais, en pleine pause dans la cour du Château du Lac. Les médias congolais sont sous contrôle, mais grâce aux réseaux sociaux et aux médias en ligne comme Politico, les Congolais peuvent enfin s’informer."

 

Les ombres de deux grands hommes, absents des débats, planent sur le Château du Lac.
Étienne Tshisekedi s’est mis en retrait après avoir ouvert le conclave. Peu de gens voient l’opposant historique mener, à 83 ans, une campagne électorale. Certains le soupçonnent de vouloir organiser une transition avec un partage du pouvoir.
Moïse Katumbi, candidat à la présidentielle et ex-gouverneur du Katanga, est invisible. Cet ancien allié de Kabila, très populaire au Congo, vient d’être inculpé "d’atteinte à la sécurité de l’État" pour avoir "recruté des mercenaires". Il s’est réfugié à Paris "pour se faire soigner". La rumeur le dit à Bruxelles durant les deux jours du conclave.
"Leur absence des débats est stratégique. Ils ne veulent pas s’exposer aux désaccords", dit un observateur. À Genval, le nom de Katumbi est pourtant sur toutes les lèvres.
D’autres candidats à l’élection présidentielle sont présents, comme l’homme d’affaires et député Martin Fayulu.
"Kabila doit partir"
L’objectif du conclave? Faire en sorte que l’élection présidentielle ait lieu.
Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, ne peut plus se présenter. La Constitution interdit un troisième mandat. Mais le président n’a toujours pas convoqué d’élections, tandis que ses appels au "dialogue national" pour organiser une transition sont ignorés par l’opposition.
"Kabila a saboté le processus électoral. Il ne veut pas organiser d’élections. S’il fait fi de la Constitution, si le Congo devient une dictature, il faut s’attendre à un conflit, dit Olivier Kamitatu, fondateur de l’Alliance pour le Renouveau du Congo (ARC, un parti libéral) et ancien président de l’Assemblée nationale congolaise. Genval est un déclencheur. Une dynamique pour aboutir à un programme d’actions."
Les participants sont unanimes, "Kabila doit partir" (voir l’interview de Francis Kalombo ci-dessous). Mais le processus doit être pacifique. Les participants plaident pour un "dialogue national" sous contrôle de la communauté internationale. "Nous voulons établir ici des convergences, convenir d’objectifs et d’une structure qui sera chargée de la coordination de tous les groupes d’opposition, poursuit M. Kamitatu. Il faudra des actions pour convaincre Kabila de s’en aller, et de cesser sa politique suicidaire."
Des désaccords subsistent entre les opposants. Le cadre du "dialogue national" n’est pas fixé. Le calendrier reste incertain. Mais un dialogue entre les opposants s’est installé durant ces deux jours de travail.
INTERVIEW EXPRESS de FRANCIS KALOMBO, AVOCAT ET DÉPUTÉ CONGOLAIS EN EXIL
1. Pourquoi avez-vous quitté le président Kabila et son parti, le PPRD, dont vous êtes fondateur?
– À cause de la dérive dictatoriale qu’a pris la majorité présidentielle. Lors d’une réunion, le président Kabila a fait des pressions pour changer la Constitution afin de rester au pouvoir. J’ai refusé. J’ai d’abord opté pour la lutte interne, je suis passé à la télévision pour m’y opposer. Ensuite, le président a voulu faire passer une loi pour organiser un recensement de la population. Mais c’était une tactique pour repousser les élections. Là aussi, je me suis opposé. Ils ont tenté de m’arrêter, j’ai dû fuir le pays pour me retrouver en France. J’ai cru que Kabila avait compris, qu’il allait arrêter. Mais non. Il continue. Il veut rester président à vie. Il a franchi la ligne rouge.
Aujourd’hui, je suis aux côtés de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga et candidat aux élections. Il jouit du soutien de la population.
2. Comment la situation pourrait-elle se débloquer?
– J’ai confiance dans l’avenir. Mobutu lui-même a fini par partir. Les dictateurs finissent toujours par partir. Voyez Ceausescu. Instaurer une dictature est voué à l’échec. Le président de la RDC doit revenir à la raison. Veut-il finir comme Hissène Habré, ou vivre en paix?
3. Qu’attendez-vous du conclave de l’opposition à Genval?
– Une décision qui corresponde à ce qu’attend le peuple. Pas un partage du gâteau. Nous voulons le départ de Kabila le 19 décembre prochain, comme le veut la Constitution. Et s’il ne veut pas s’en aller, la population le chassera. Pas avec des armes, mais avec des marches pour la paix et des grèves. Il est l’heure pour lui de comprendre qu’il peut encore partir en douceur.
4. Quel est le programme de Moïse Katumbi?
– D’abord établir l’État de droit. Sans ça, la richesse ne peut être redistribuée. Nous devrons ensuite nourrir les gens. Nous avons une terre qui peut être cultivée à merveille. Et gérer le pays de manière exemplaire, comme Moïse Katumbi l’a fait avec le Katanga.

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