15 03 17 Co ntroverse Mabate / Mwangu sur les sanctions internationales

Contexte
et objectif du livre du Prof émérite Mampuya

Le mandat du Président
Joseph Kabila arrivait à sa fin le 19 décembre 2016 mais par le biais de
plusieurs membres de son gouvernement et des caciques de la Majorité
présidentielle (MP) dont il est l’«Autorité morale », du Parti du Peuple pour la
Reconstruction et la Démocratie (PPRD), le parti politique qu’il avait initié et
dont il a toujours eu honte de se réclamer au moment des élections en se
présentant comme un « indépendant », Joseph Kabila avait envoyé tous les signaux
pour dire au monde entier qu’il entendait se cramponner au pouvoir en dépit des
dispositions pertinentes des Articles 70, 73, 75, 76, et 220 de la Constitution
qui imposaient les élections avant fin de son mandat et excluaient toute
rallonge de son second et dernier mandat présidentiel.

Plusieurs
violations des droits humains étaient dénoncées dans les rangs de ceux qui
étaient opposés à toute prolongation du mandat présidentiel, de jure ou de
facto, et leur paternité attribuée aux responsables des services de sécurité, de
l’armée et de la police. Le Général Célestin Kanyama Tshishiku, Commissaire
provincial de la Police de Kinshasa, son collègue Gabriel Amisi Kumba alias «
Tango Four » , Chef d’Etat- major de la Première Région militaire des Forces
armées congolaises (FARDC) (couvrant les provinces de Kinshasa, Bandundu,
Bas-Congo, et Equateur), et John Numbi, ancien Inspecteur général de la Police,
étaient particulièrement visés comme étant les principaux responsables de ces
violations alors même que les trois généraux n’étaient nullement inquiétés par
la justice congolaise.

La rédaction du livre dont le baptême est
intervenu au Salon Rouge du ministère des Affaires étrangères – tout un symbole
car ce n’est pas n’importe quel livre qui peut-être baptisé en ce lieu ! – le
vendredi 18 novembre 2016 avait commencé après les sanctions ciblées américaines
contre ces trois officiers généraux de l’armée et de la police. Célestin Kanyama
avait été sanctionné le 23 juin 2016 par le Département du Trésor américain
agissant par le Bureau de contrôle des avoirs étrangers en vertu du décret
(Executive Order) 13413 du Président Barack Obama tandis que Amisi Kumba alias «
Tango Four »et John Numbi l’avaient été le 28 septembre 2016 suivant le Décret
13671.

Elle avait déjà de nombreux communicateurs parmi des professeurs
d’universités et d’autres intellectuels corrompus, mais cette fois-ci, la MP
avait besoin d’un « communicateur spécial » pour donner une caution scientifique
à sa politique étrangère et s’opposer aux sanctions ciblées américaines comme
violant le droit international. Président d’un petit parti politique n’ayant
jamais grandi après plus de 10 ans d’existence, le Rassemblement des Démocrates
pour la Rupture et le Renouveau (RADER) et resté un « parti-mallette » de son
fondateur, Chef du Département de Droit international public de l’Université de
Kinshasa (UNIKIN) en dépit de sa retraite comme Professeur émérite, ancien
membre fondateur de la Dynamique Tshisekedi Président (DTP), ancien Président de
la plateforme de l’opposition extra-parlementaire dénommée « Action pour une
autre voie » (AV) qu’il avait quittée pour rejoindre la majorité au pouvoir – un
honorable « pèlerin » ou « transhumant » de la politique congolaise!, conseiller
(officiel ou occulte ?) du Secrétaire général de la MP, Président de l’Assemblée
nationale également un doctorant dans son Département, Prof Mampuya était le
meilleur choix. Ses dernières prestations scientifiques étaient pour lui un
atout supplémentaire et militaient d’ailleurs en sa faveur.

Au nom des
revirements scientifiques politiquement motivés dont il a fait montre depuis la
Seconde République lorsqu’il était alors devenu le ministre de la Justice du
président Mobutu avant son arrestation et sa détention à la Prison centrale de
Makala à Kinshasa pour détournement réel ou supposé des fonds destinés à
l’alimentation des prisonniers, Prof Mampuya venait de renier un article qu’il
avait publié en 2013 (Mampuya A.K. «Le respect des textes légaux comme problème
d’éthique de gouvernance au Congo, Revue de l’ Université du Kasaï, Vol 1, No 1,
Février 2013) en affirmant urbi et orbi que l’Article 70 de la Constitution
permettait au Président Joseph Kabila de rester au pouvoir malgré la fin de son
mandat le 19 décembre 2016 et que le Président du Sénat dont il avait pourtant
rejoint la coalition lors des Concertations nationales organisées au mois de
septembre 2013 ne pouvait en aucun cas devenir le Président de la République par
intérim comme prévu par les Articles 75 et 76 de la Constitution.

En
octobre 2016, Prof Mampuya avait participé au Dialogue sous la médiation de Mr
Edem Kodjo qui avait été désigné par Mme Dr Dlamini Zuma, Présidente de la
Commission de l’UA. Expert de la MP, il avait brillé de mille feux au cours de
ce Dialogue de la Cité de l’UA. Plusieurs participants affirment que l’éminent
professeur préconisait la modification de la Constitution ou du moins une
transition de trois ans en faveur du Président Kabila.

L’objectif de son
livre était de permettre à la MP et à son gouvernement de contrer les sanctions
ciblées des Etats-Unis d’Amérique (USA) et de l’Union européenne (UE) en les
présentant comme contraires au droit international et de prévenir de nouvelles
sanctions contre les responsables politiques ou militaires congolais accusés de
violations des droits de l’ homme et d’entrave au processus d’alternance
démocratique dans le pays. Il avait beaucoup donné à la MP et méritait sans
doute d’être récompensé d’une nomination au gouvernement qui était en gestation
à la fin du Dialogue de la Cité de l’UA.

Les sanctions ciblées
considérées comme une violation du droit international

En droit
international, les sanctions ciblées ou intelligentes (smart sanctions) sont
celles qui sont prises par une organisation internationale ou un pays déterminé
contre un ou plusieurs nationaux étrangers, responsables politiques,
fonctionnaires ou non de leurs Etats, pour violation réelle ou supposée de
normes internationales. Elles ont été conçues comme une correction aux sanctions
plus globales comme celles qui avaient été prises par les USA contre les pays
tels que l’Irak et le Cuba. Elles sont généralement économiques ou financières
et n’impliquent pas l’usage de la force armée. Elles peuvent aussi être prises
contre les Etats.
Les sanctions américaines dont la légalité en droit
international est rejetée dans le livre du Prof Mampuya sont clairement
identifiées quant à leur cible et leur objet. Il s’agit des sanctions contre les
généraux Kanyama, Amisi et Numbi. Ces sanctions ciblées sont l’interdiction de
voyage et de séjour (visas) ainsi que le gel de leurs avoirs aux USA. C’est pour
défendre ces trois généraux et avec eux le gouvernement, la MP et son Autorité
morale menacées de nouvelles sanctions que Prof Mampuya a eu recours à toute son
intelligence pour démontrer, malheureusement sans convaincre au-delà de la MP,
que ces sanctions violaient le droit international alors qu’au même moment, le «
savant » professeur se taisait dans toutes les langues sur les nombreuses
violations des droits humains dont souffre l’écrasante majorité de son peuple.

Le livre et les arguments du Prof Mampuya

Le livre a été
publié aux Presses Universitaires du Congo en novembre 2016 par le Prof Mampuya
avec la collaboration de Trésor Lungungu Kidimba, l’un de ses étudiants encore à
ses débuts en matière de recherche. L’impact de cette collaboration se fait
sentir sur la qualité scientifique du livre.

La thèse du Prof Mampuya est
que les sanctions précitées violent le droit international fondé essentiellement
sur la Charte de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Selon lui, ces
sanctions ont été prises unilatéralement par les USA dans le non-respect des
dispositions pertinentes de la Charte qui exigent une autorisation préalable et
expresse du Conseil de Sécurité et interdisent l’usage de la force ou la menace
de recours à la force dans les relations internationales ainsi que toute
ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat.

A l’appui de sa
thèse, l’auteur invoque les articles 2(4,7), 39, 41, et 42 de la Charte de
l’ONU. L’article 2(4) interdit le recours à la menace ou à l’usage de la force
dans les relations internationales contre l’intégrité territoriale,
l’indépendance politique d’un autre Etat ou de toute autre manière incompatible
avec les buts des Nations Unies. L’article 2(7) interdit l’ingérence dans les
affaires intérieures d’un autre Etat, sauf comme prévu avec les mesures
coercitives du Chapitre VII qui requirent une autorisation expresse du Conseil
de Sécurité. Les articles 39, 41 et 42 se rapportent aux actions en cas de
menace contre la paix, la rupture de la paix et d’actes d’agression. Le Conseil
de sécurité peut décider des actions impliquant l’emploi (Article 42) ou non
(Article 41) de la force.

Dans des termes plus simples, Prof Mampuya
affirme qu’un gouvernement et son administration peuvent comme ils le veulent
violer les droits de leur peuple et le soumettre à une dictature sans être
inquiétés par qui que ce soit et que la communauté internationale et d’autres
Etats devraient tout simplement les applaudir ou au moins se taire parce qu’il
s’agirait une question interne relevant de leur souveraineté !

Prof
Mampuya estime que les deux sanctions ciblées contre les généraux Kanyama, Amisi
et Numbi, présentent un triple tort car elles ne concernent pas que les trois
fonctionnaires congolais, mais qu’elles touchent aussi à l’Etat congolais
lui-même et aussi au Président Joseph Kabila.

Appréciation du
Livre

Le livre porte sur un sujet important et est intéressant dans
la mesure où il permet de relancer la discussion sur les sanctions en droit
international. Il présente cependant de nombreuses faiblesses.

Il y a
d’abord l’étendue du sujet qui justifierait difficilement une production
intellectuelle de grande envergure – deux sanctions contre trois officiers
congolais. Les sanctions ciblées de l’ONU, des USA ou de l’UE ne sont pas une
réalité nouvelle même si l’auteur prétend dans la première phrase de son livre
qu’«on entend de plus en plus parler de « sanctions ciblées » (p 5).

Sur
le plan de la forme, le livre commence par une section intitulée « La démarche »
(pp 5-7) dont on ne sait pas s’il s’agit d’une préface ou d’une introduction. On
y découvre l’objet du livre mais rien n’est dit sur l’intérêt du sujet, le
public auquel il est destiné, la méthodologie et sa structuration. Il se termine
de la même manière catastrophique avec « L’explication: sens de la dérive
unilatéraliste. Une pratique pernicieuse et déstabilisatrice du droit
international » (pp 187—195) qui reprend plusieurs idées émises dans le chapitré
préliminaire (pp 9-22). C’est en réalité un livre sans conclusion et qui ne dit
rien sur les voies de recours pouvant être utilisées par les trois généraux ou
l’Etat congolais en leurs noms pour obtenir réparation ou mettre fin aux
sanctions. Même si l’on pouvait concéder à l’auteur que les sanctions ciblées
américaines violaient le droit international, ce ne devrait pas être la fin du
monde de la pensée juridique. Il ne suffit pas de dénoncer. Que conseille le
Prof émérite Mampuya aux trois généraux, au gouvernement de sa Majorité et à son
Autorité morale pour arriver à la cessation des sanctions et/ou obtenir
réparation ? Silence total de l’éminent professeur !

Sans une
introduction ni une conclusion, l’on peut se demander si ce livre qui ne
comporte que deux chapitres uniquement avait besoin d’un chapitre préliminaire
(pp 9-22) qui pouvait du moins constituer son introduction.

D’autre
part, l’auteur du livre fait montre d’un terrible oubli des règles élémentaires
enseignées aux étudiants de premières années en sciences sociales en ce qui
concerne la présentation des citations, des références et de la bibliographie.
Une telle défaillance découle probablement du manque de maîtrise de cet
enseignement par l’étudiant avec qui Prof Mampuya a collaboré. Aucune rigueur
scientifique en ce qui concerne les références qui sont données tantôt en bas de
pages tantôt dans le texte lui-même comme au sujet de Sanctions ciblées de
Rapoport (p 178), du Nouvel Ordre International d’Emmanuel Glaser (p 189) et des
Mémoires de Herman Cohen (p 194). L’auteur ne respecte pas non plus une autre
règle élémentaire de rédaction scientifique qui exige que toutes les sources
citées comme références soient reprises dans la bibliographie. Ainsi, les
publications de Glaser et Cohen, Rousseau et Sieyès (p 10), Nguele Abada (p 60),
Rapport Cuba (p 72), Salomon (p 88), Schneider (p 170), Grozdanovski, Dutheil de
la Rochere, Verhoeven, Simon (p 179), l’article de Maryline Grange, le site www.echr.coe.com, l’Arrêt de la Cour internationale de
justice (CIJ) dans l’Affaire Yerodia (p 136), la jurisprudence de la même Court
dans les cas de Barcelona Traction et Nicaragua tout comme celle de la Cour de
Justice des Communautés Européennes dans les Arrêts Kadi, Al Dulimi et Montana
Inc. c/ Suisse (pp 178-182) ne figurent pas dans la bibliographie ! Nulle place
non plus dans la bibliographie pour un article du journal Le Monde (p 171) et
l’entrevue évoquée sur une certaine chaine RT (radio ou télévision ?) (p 149) et
dont l’auteur est inconnu. Un article cité et attribué au site internet Open
Source Investigations (pp 137-138) est introuvable dans la bibliographie et on
n’en connaît même pas la source. Par ailleurs, trois sites internet sont cités
sans que l’auteur ne précise quand il les avait consultés.

La désolation
est grande au sujet des indications bibliographiques (pp 196-198). L’auteur
réserve une section aux Articles et Revues comme si les articles n’étaient pas
publiés dans les revues alors qu’il ne fait nullement mention de chapitres
d’ouvrages qui sont différents des articles de revues. L’auteur y place ensemble
les articles de revues et le chapitre d’un ouvrage de Piquemal (p 198) qui n’est
pourtant pas un article. En outre, alors que seuls les titres des ouvrages
collectifs dans lesquels des chapitres sont publiés sont précédés de la mention
« in », on trouve malheureusement une telle mention devant la revue RBDI qui a
publié un article de Kalala Tshibangu (p 198).

Le constitutionnaliste
camerounais Maurice Kamto est présent dans la bibliographie comme l’auteur de
Problématique de la conditionnalité en droit international et dans les relations
internationales. On ne sait pas si c’est un article de revue ni un chapitre
d’ouvrage. L’année, la ville de publication et la place d’édition ne sont pas
données et il y a lieu de se demander si l’auteur a bien lu cet auteur. La même
question se pose au sujet de Claude Ruez (p 198) qui est un auteur surgi
uniquement de l’imagination fertile de l’auteur et de son collaborateur car le
véritable auteur de l’article publié en 1992 dans le volume 38 de l’Annuaire
français de droit international s’appelle Claude Rucz et non pas Claude Ruez.
Par ailleurs, les titres des articles de Pape et du prétendu Ruez (pp197-198)
auraient pu être mis entre des guillemets.
Plus grave, Prof émérite Mampuya
s’attribue des idées, des expressions ou même des phrases entières empruntées
chez d’autres auteurs qu’il oublie cependant de citer là où il devait les citer.
On n’en veut pour preuve ce paragraphe de l’auteur à la page 143 de son livre
:

A travers cette résolution, l’Institut entendait légitimer les mesures
adoptées par les Etats en réaction contre les « violations graves et fréquentes
des droits de l’homme ». Il s’agit de mesures unilatérales prises dans le cadre
d’une politique étrangère des droits de l’ homme et destinées à exercer, par des
moyens diplomatiques ou économiques, une pression sur les Etats coupables pour
les contraindre à rétablir le respect des droits de l’ homme.

Ce
paragraphe se termine sans une référence. On peut bien le comparer à celui de
Claude Rucz (pas Ruez !) à la page 579 de son article publié en 1992 dans
l’Annuaire français de droit international :

Ce faisant, l’Institut
légitime une pratique internationale controversée : les mesures adoptées par les
Etats en réaction contre les « violations graves et fréquentes des droits de
l’homme ». Il s’agit de mesures unilatérales prises dans le cadre d’une
politique étrangère des droits de l’ homme et destinées à exercer, par des
moyens diplomatiques ou économiques, une pression sur les Etats coupables pour
les contraindre à rétablir le respect des droits de l’ homme.
L’on se trouve
ici devant un cas – et il pourrait y en avoir d’autres – de ce que d’aucuns
qualifieraient volontiers de « plagiat ». Le plagiat qui consiste à s’attribuer
les idées ou les mots de quelqu’un sans le nommer est scientifiquement un crime
qui emporte la peine capitale. A cause du plagiat, des thèses doctorales ont été
rejetées, des responsables politiques et des professeurs d’universités ont été
contraints à la démission et des diplômes de doctorat ont même été retirés dans
d’autres pays. Le paragraphe plagié est simplement la face visible de l’iceberg
qui devrait attirer l’attention des universités et des milieux de recherche car
plusieurs ouvrages, manuels, et syllabus publiés en RDC ainsi que des thèses
doctorales, des mémoires de licence, et des travaux de fin de cycle, y compris
ceux reçus avec les mentions « la plus grande distinction », « grande
distinction » et distinction » souffriraient de plagiat ! La pratique du plagiat
serait très répandue mais resterait largement impunie dans les universités et
instituts supérieurs du pays.

Certains auteurs et étudiants ont tendance
à croire qu’il n’y aurait personne pour découvrir un tel crime scientifique dans
leurs publications. En attendant que les universités congolaises puissent se
procurer des machines modernes qui permettent de déceler des cas de plagiat,
celui-ci pourrait être évité si les auteurs se conformaient aux standards
internationaux qui exigent que toute production scientifique, même celles
rédigées par des sommités dans un domaine, passe d’abord par une évaluation
indépendante et même anonyme d’autres experts qui peuvent ou non recommander sa
publication.

Tout ne saurait être le fruit d’une inspiration divine et
on aurait tort de penser que plusieurs années de carrière universitaire peuvent
dispenser du respect des règles élémentaires en matière de recherche et de
rédaction scientifiques. C’est dommage que certains ouvrages et manuels soient
écrits comme des poèmes. On trouve un titre, on fait quelques recherches et sans
se soumettre à l’évaluation indépendante des collègues nationaux ou étrangers,
on court à l’imprimerie pour la publication et on n’attendra plus qu’à faire
baptiser son livre dans le salon d’un hôtel, d’un ministère ou d’un restaurant
huppé de la ville par un influent membre du parti ou de la coalition au pouvoir.
Les maisons de publication comme les Presses universitaires elles-mêmes ne se
donnent aucune peine pour s’assurer que le livre retenu pour être publié a été
soumis au préalable à une évaluation critique des experts du même domaine de
recherche et qu’il a été corrigé en conséquence par son auteur.

Enfin, le
livre est très peu documenté et la documentation est relativement vieille : un
cours de droit international donné par Reuter durant l’année académique
1955-1956 (cela fait près de 60 ans !), une seule thèse doctorale, 3 ouvrages
dont un du Prof Mampuya lui-même, 16 articles( ?) de revues dont on ne sait pas
si tous ont été réellement lus parce que les pages ne sont données que pour 8
articles sur les 16.

Contre-arguments du Prof André Mbata: les sanctions
ciblées américaines contre les Généraux Kanyama, Amisi et Numbi ne violent pas
le droit international.

Pour parvenir à une telle conclusion qui est
basée sur les développements récents en droit international des droits de
l’homme, dans la doctrine et la jurisprudence dominantes, il sied d’abord de
rappeler les « sanctions ciblées », d’interroger le droit international et de
considérer certaines affirmations du Prof Mampuya au sujet de ces
sanctions.

Rappel des sanctions et appréciation de leur illégalité en
droit international

Globalement, les sanctions ciblées américaines
contre les trois généraux congolais et celles postérieures de l’UE contre
Evariste Boshab, à l’époque Vice-Premier Ministre chargé de l’Intérieur, et
Kalev Mutond, chef de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), sont au nombre
de deux. Il s’agit d’ abord de l’interdiction de voyage et de séjour ou de visas
et ensuite du gel de leurs avoirs réels ou supposés. Ces deux sanctions
américaines (ou européennes) unilatérales violent-elles le droit international
ou devaient-elles être au préalable soumises à l’autorisation expresse du
Conseil de Sécurité de l’ONU? La réponse du Prof André Mbata est négative.

La mesure prise unilatéralement par un Etat pour interdire l’entrée et
le séjour d’un ressortissant étranger sur son territoire ne viole en rien le
droit international. Elle relève de son droit interne. En droit international
coutumier codifié à l’heure actuelle, il est admis qu’un Etat jouit de la
liberté de refuser un visa à un étranger, fonctionnaire ou non de son Etat, sans
pouvoir justifier sa décision ni même rembourser les frais de visa payés par
l’intéressé. Les visas sont même parfois refusés aux diplomates. Le Prof Mampuya
était censé le savoir. La prise en compte du fait que l’interdiction de visa qui
est la première sanction américaine ciblée critiquée ne viole pas le droit
international remet donc en cause la thèse du Prof Mampuya qui affirme
péremptoirement et sans aucune réserve que « (Toutes) les sanctions ciblées
américaines (interdiction de visas et gel des avoirs) contre des responsables
congolais violent le droit international. Qu’en est-il de la seconde sanction
?

La mesure prise unilatéralement par les autorités américaines pour
geler les avoirs des trois généraux congolais ne viole pas non plus le droit
international tout simplement parce que les propriétaires des avoirs sont des
ressortissants étrangers. Elle relève avant tout du droit national et la victime
peut d’abord utiliser les voies de recours internes pour obtenir le dégel avant
de recourir aux instances internationales car la réserve ici est qu’une telle
mesure peut violer les droits humains consacrés par des instruments
internationaux. Ainsi donc s’écroule comme un château de cartes le fragile
édifice théorique que Prof Mampuya avait laborieusement bâti pour venir à la
rescousse de la MP, de son gouvernement et de son Autorité morale.

Les
généraux Kanyama. Amisi et Numbi (ou le Gouvernement congolais en leurs noms)
peuvent recourir à leurs avocats pour saisir les juridictions américaines afin
d’obtenir l’annulation ou la suspension des mesures qui les frappent comme cela
vient de se passer avec la décision de la Justice américaine qui a annulé un
décret du Président Donald Trump interdisant l’entrée et le séjour des
ressortissants de certains pays sur le territoire
américain.

Faiblesses de la base théorique de l’argumentation de
l’auteur du livre

La justification théorique de l’illégalité des
sanctions ciblées américaines en droit international par le Prof Mampuya est
fondée sur des considérations politiques qui sont elles-mêmes en marge du droit
international ainsi que sur le manque de considération des développements
intervenus en droit international depuis la seconde moitié du 20e
siècle.

Prof Mampuya affirme d’abord que les sanctions ciblées
américaines contre les généraux Kanyama, Amisi et Numbi sont des sanctions
contre l’Etat congolais et contre le Président Joseph Kabila. Prise au sérieux,
une telle affirmation porterait préjudice à la MP et au Président Joseph Kabila
cité plusieurs fois dans le livre pour des raisons bien connues de l’auteur
lui-même et qui semblent avoir été donnés par le Prof Evariste Boshab dans son
Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la nation dont le Prof
Mbata avait transmis un exemplaire à la Commission de l’UA à Addis Abeba. Cette
prise de position de l’auteur signifierait que le voyage et le séjour (à présent
interdits !) des trois généraux congolais aux USA intervenaient ou ne pouvaient
intervenir que sous les ordres et pour le compte du Président et qu’ils ne
seraient que ses prête-noms dans les avoirs qui auraient été gelés dans les
banques américaines. Elle tendrait aussi à faire croire que c’est le Président
Kabila qui leur aurait ordonné de commettre des crimes mis à leur charge par
l’Administration américaine. Il n’est pas certain que la MP et son Autorité
morale qui avaient applaudi le livre puissent partager cette déduction logique
de la thèse du Prof Mampuya.

La MP, son Gouvernement, ses
communicateurs, son leadership et ses médias qui avaient jazzé et abondamment
exploité le livre du Prof Mampuya devraient à présent se rendre compte de tout
le tort qu’ils ont rendu à leur Autorité morale dans l’opinion nationale et
surtout internationale car en insistant trop sur le Président Kabila comme la
première victime des sanctions, le livre produisait des effets contraires en
faisant de lui le commanditaire des actes répréhensibles dont les trois généraux
étaient accusés. A force de vouloir trop plaire à la MP et à son Autorité
morale, on finit par les desservir.

Pour le Prof Mampuya, « par eux et à
travers eux (Kanyama, Amisi et Numbi), c’est tout un Gouvernement , un Etat qui
est gêné et qui est obligé par une Administration d’un Etat étranger d’agir dans
le sens voulu par ce dernier » (p 134), « les sanctions décidées contre Célestin
Kanyama et ses deux collègues … sont des sanctions contre l’ Etat congolais » (p
136), « c’est la hiérarchie politique congolaise, en tête de laquelle le
Président de la République, qui est concernée » (p 137).

Sauf pour des
raisons de politique, l’on ne peut pas comprendre qu’un professeur de droit
international qui connaît la différence entre un gouvernement et un Etat
assimile des sanctions contre trois individus, si puissants soient-ils, à des
sanctions contre le Gouvernement et l’Etat congolais, contre la hiérarchie
politique congolaise, et contre le Président de la République. C’est dangereux
pour le Prof Mampuya d’insinuer qu’en sanctionnant les généraux Kanyama, Amisi
et Numbi, l’Administration américaine voulait obliger l’Etat congolais à agir
dans le sens de la protection des droits de l’homme et la promotion de la
démocratie alors que l’Etat congolais sous la direction du Président Kabila
serait engagé dans le sens contraire, celui de la violation des droits de
l’homme et d’obstruction à la démocratie ! Les Congolais auraient alors toutes
les raisons de combattre le régime de la MP en vertu de l’Article 64 de la
Constitution et toutes les sanctions extérieures, unilatérales, ciblées ou non,
seraient souhaitables contre les dirigeants!

De façon générale, écrit le
Prof émérite Mampuya, « on le voit nettement dans les motivations des sanctions
contre les généraux Amisi et Numbi, ce qui leur est reproché c’est d’être
engagés aux côtés du Président de la République et de le servir de diverses
manières par leur action ». (p 137) Prof Mampuya nous dit-il que les trois
généraux sont engagés aux côtés du Président de la République pour le servir de
différentes manières, y compris dans la violation des droits de leur concitoyens
ou de leur peuple ?

Pour n’en plus douter, ajoute Prof Mampuya, « nous
vous recommandons d’examiner cette preuve indiscutable des intentions des
puissances occidentales quant au sort qu’elles réservent au Président Kabila. »
(p 137) Quel sort ? Personne ne semble mieux le connaître que lui. On entend là
des extraits d’un hymne de Kabila Désir qui avait été créé auparavant par deux
autres professeurs d’universités congolaises, en l’occurrence Prof Kinkiey
Mulumba et son collègue Tshibangu Kalala qui est cité dans le livre et qui vient
de transhumer vers le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales de
l’Opposition (RASSOP).

Têtu, c’est un excellent thuriféraire ou
tambourinaire du pouvoir qui poursuit, en interrogeant, « Qui ne voit, gros
comme l’Everest, que Kabila est la cible à atteindre à travers tous ceux qui
sont supposés être ses proches, y compris quelqu’un comme Moïse Ekanga
(programme chinois) sans aucune fonction dans le gouvernement, Andrupiako «
consultant financier du Bureau de Kabila », A. Tambwe Mwamba, impliqué dans la
répression tout simplement ( ?) parce que Ministre de la Justice, Albert Yuma
parce que chef de Gecanamines (ainsi mal écrit au lieu de « Gécamines »), etc.
Où voit-on une seule preuve de ces allégations de crimes ? Où voit-on, même, un
lien direct avec les violations massives des droits de l’homme (Prof Mampuya ne
voit absolument rien, tout est parfait pour lui !), sauf des insinuations (tout
n’est qu’insinuation pour lui !)? On ne voit que le Président Kabila ! » (p 139)

De prime abord, le lecteur ne comprendra pas ce que viennent faire tous
ces noms ni ceux de l’eurodéputée Cécile Kyenge , « la congolo-italienne dont on
(Prof Mampuya ?) connaît le rôle actif dans un des lobbies douteux (lequel ?)
soutenant l’opposant radical Moïse Katumbi, surtout (au lieu de « suite ») aux
évènements consécutifs aux manifestation (mal écrit sans « s ») de janvier 2015
contre une malheureuse disposition de la loi électorale dans laquelle
l’opposition (sauf Prof Mampuya ?) voyait la volonté de prolonger le mandat du
président Kabila » (p 132). Le livre cesse ainsi d’être « une authentique œuvre
de recherche et de production scientifique » pour prendre toutes les allures
d’un « pamphlet politique », d’un chant de louanges, une sorte de « Te Deum » au
Président Joseph Kabila contrairement à l’engagement initial de l’auteur (p 7).
Prof Mampuya conclut « la cible c’est le régime et le Président Kabila » (p 95)
et il affirme sur plusieurs pages que « La cible réelle de ces sanctions c’est
la RDC et, au-delà, le Président Kabila » (pp 133-140).

Cependant, les
sanctions ciblées contre les généraux Kanyama, Amisi, et Numbi ne sont pas des
sanctions contre le gouvernement dont ces trois fonctionnaires ne sont pas
membres. Elles ne sont pas non plus des sanctions contre l’Etat ni le peuple
congolais et on ne voit pas comment leur interdiction de voyage et de séjour
ainsi que le gel de leurs avoirs aux USA affecterait le droit le plus
fondamental de l’Etat et du peuple congolais comme le prétend le Prof Mampuya (p
134).

L’Etat est généralement défini en droit international comme une
entité juridique indépendante ou souveraine constituée d’un territoire défini,
d’une population, et d’un gouvernement. Il ne peut donc pas être réduit à
quelques individus au point de faire penser que les sanctions ciblées contre eux
seraient des sanctions contre le gouvernement et le peuple congolais tout
entier. C’est ce qui ressort malheureusement du livre du Prof Mampuya. De ces
fausses prémisses ne pouvait que découler une fausse conclusion.

Par
ailleurs, malgré les progrès réalisés dans le domaine de la protection des
droits humains, la doctrine dominante considère que l’individu n’a pas encore
atteint le statut de sujet de droit international qui est traditionnellement
reconnu aux Etats et aux organisations internationales depuis l’avis consultatif
émis par la CIJ le 11 avril 1949 dans l’Affaire de la réparation des dommages
subis au service des Nations Unies dans laquelle la personnalité internationale
avait été reconnue à l’ONU (http://www.icj-cij.org/docket/files/4/1834.pdf
consulté le 8 mars 2017). On ne le dira jamais assez, le droit international est
d’abord le droit des Etats.

www.icj-cij.org

Le
présent avis doit être cité comme suit: a Rkfiaration des dommages subis au
service des Nations Unies, Avis consultatif: C. I. J. Recueil
1949.

La déplorable confusion entre
l’Etat et l’individu dans le livre du Prof Mampuya est évidente dans la Section
I du chapitre II sur Les sanctions décidées contre certains Etats (pp 67-100).

Dans cette section qui est la plus longue du livre et qui a trait aux
sanctions contre certains Etats, l’auteur examine bien sûr les sanctions contre
le Cuba et l’Iran (pp 67-89 ; 102-106), le Nicaragua, le Panama, l’Albanie,
l’Ouganda, l’Argentine, le Brésil, l’Inde, le Pakistan, la Bolivie, la Somalie
et le Soudan (p 89) qui sont des Etats, mais aussi les sanctions ciblées contre
les généraux Kanyama, Amisi et Numbi considérées comme des sanctions contre la
RDC alors qu’elles ne le sont pas et que ces trois responsables ne sont pas non
plus l’Etat ni le Gouvernement de la RDC.

La référence faite aux articles
2 (4,7), 39, 41 et 42 de la Charte de l’ONU est même maladroite car les
sanctions américaines ciblées contre les trois responsables congolais n’implique
pas le recours à la force et l’autorisation expresse du Conseil de Sécurité ne
saurait être requise par un Etat pour interdire l’entrée et le séjour d’un
ressortissant étranger ni geler ses avoirs sur son sol. Au surplus, leurs
fonctions s’exercent sur le territoire national. Les trois généraux congolais
sanctionnés ne représentent pas l’Etat à l’étranger pour que les sanctions
ciblées contre eux puissent affecter les relations internationales de la RDC.
Ils ne sont pas revêtus des immunités diplomatiques. Comparer leur cas à celui
du Ministre des Affaires étrangères Yerodia Ndombasi en se référant à l’Arrêt de
la CIJ dans l’Affaire du Mandat d’arrêt (p 136) est tout simplement une hérésie
en droit international.

L’argument du Prof Mampuya assimilant des
responsables congolais à l’Etat de la RDC et évoquant une violation par les USA
du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures de la RDC qui aurait
nécessité une autorisation expresse du Conseil de Sécurité peut se comprendre
dans la mesure où l’auteur avait été formé à une époque où ce principe et celui
de l’indépendance ou de la souveraineté étaient considérés comme des sacrosaints
principes en droit international alors que le droit international des droits de
l’homme était encore dans la première phase de son développement. On comprend
alors son affirmation selon laquelle « il n’existe pas de « compétence
universelle » des Etats au regard des violations des droits de l’homme » (pp
142-146) ou son rejet de la résolution de l’Institut de droit international
(IDI) qui stipulait que l’obligation de respecter les droits de l’homme «
incombe à tout Etat vis-à-vis de la communauté internationale, et tout Etat a un
intérêt juridique à la protection des droits de l’homme » et chaque Etat est en
droit d’invoquer les violations des droits de l’homme par un autre Etat et
d’appliquer à leur auteur « des mesures diplomatiques, économiques et autres
admises par le droit international » (pp 142-143). Pourquoi donc, au lieu de se
lamenter, la MP et son Gouvernement n’appliqueraient-ils pas les mêmes mesures
aux ressortissants étrangers impliqués dans les violations des droits humains au
nom du principe de la réciprocité?

Prof Mampuya rejette l’idée que les
résolutions de l’IDI soient « une source avérée de normes internationales » ou
qu’elles soient « créatrices de droit international » (p 143), l’ auteur du
Traité de droit international public (Médiaspaul, Kinshasa, 2016) oubliant même
pour les besoins de sa cause que selon l’Article 38(1) du Statut de la CIJ, même
si elles sont considérées comme des sources subsidiaires, les écrits des
publicistes les plus qualifiés de différentes nations sont aussi une source de
droit international après les conventions internationales, la coutume
internationale, les principes généraux de droit acceptés par les nations
civilisées, et les décisions judiciaires.

Le professeur émérite a
certainement quelques problèmes avec les développements les plus récents en
droit international lorsqu’il croit savoir que « le droit des droits de l’homme
est de ce genre de soft law, de ce « droit mou » qui ne comporte pas de
sanctions contraignantes » (p 144). Pourtant, plusieurs dispositions de ce droit
sont contraignantes et font partie du hard law (droit dur) et non plus de soft
law. Prof Mampuya l’admet plus tard et se contredit en même temps lors qu’en
évoquant l’Obiter dictum de la CIJ dans l’Affaire Barcelona Traction, il admet
l’existence d’un certain « noyau dur » des droits de l’homme (pp 146- 147). Il
s’agit d’une doctrine acceptée de plus en plus par les spécialistes du droit
international public et non pas uniquement d’une «doctrine occidentale » comme
l’affirme Prof Mampuya (p 143) qui se perd également en affirmant « la
non-pertinence de l’évocation du jus cogens » (pp146-151) car le respect des
droits de l’homme impose aux Etats des obligations contre tous ou des
obligations erga omnes.

Une argumentation peu solide forgée de toute
pièce pour soutenir une cause à laquelle on ne croit probablement pas se révèle
aussi à travers ses contradictions internes. C’est ainsi que Prof Mampuya
conclue que « la pratique des sanctions unilatérales est unanimement condamnée »
(pp 169-182). Prof Mampuya ne fournit aucune base de son affirmation au sujet
d’une « condamnation unanime » de la pratique des sanctions unilatérales. Plus
loin, le même Prof Mampuya affirme en se basant sur deux auteurs seulement
(Schneider et Schachter) que « la doctrine est globalement contre les sanctions
ciblées unilatérales » (p 170) et que « la majorité des Etats sont contre les
sanctions unilatérales » (pp 171-173), ce qui contredit sa thèse initiale que «
la pratique des sanctions unilatérales est unanimement condamnée » (p 169) car
qui dit « majorité » exclue « unanimité ».

Et si « Le système des
Nations unies lui-même est contre les sanctions unilatérales » (pp 173-177) et
que « La condamnation est sans équivoque » (p 177), si « la jurisprudence,
notamment européenne est contre les sanctions ciblées » (pp 178-182), Prof
Mampuya n’ explique pas comment et pourquoi le monde n’a pas réagi négativement
contre les sanctions ciblées américaines et européennes contre des responsables
congolais et les nouvelles sanctions que les USA et l’UE menacent de prendre?

Prof Mampuya n’explique pas non plus pourquoi la CIJ et la Cour de
justice européenne n’ont pas été saisies pour annuler les sanctions ciblées
américaines et européennes pour non-conformité au droit international.

Au
demeurant, un examen minutieux des sources du droit international contemporain,
spécialement les nombreux instruments en matière de protection des droits de
l’homme, la coutume internationale, les principes généraux de droit, la
jurisprudence internationale ainsi que la doctrine dominante développée par
d’éminents publicistes remet fondamentalement en cause la thèse du Prof Mampuya
selon laquelle les sanctions ciblées américaines contre les généraux congolais
Kanyama, Amisi et Numbi, spécialement leur interdiction de voyage et de séjour
et le gel de leurs avoirs aux USA, violeraient le droit international.

Le livre contient de nombreuses faiblesses qui ont été relevées par le
Prof André Mbata. Il donne l’impression d’un livre lui-même « ciblé », commandé
et produit hâtivement pour servir de caution intellectuelle à la MP, son
Gouvernement et son Autorité Morale dans leur offensive diplomatique pour
contrer les sanctions ciblées des USA et de l’UE.

Le caractère « ciblé
», « engagé» ou « commandé » est manifesté dès la première phrase du livre
lorsque Prof émérite Mampuya écrit :

On entend de plus en plus parler de
« sanctions ciblées » que certains Etats ou organisations
internationales…menacent de prendre unilatéralement contre des autorités
congolaises soit pour violations alléguées des droits de l’ homme, soit
concernant le Président de la République, pour vouloir « se maintenir au pouvoir
au-delà de son deuxième et dernier mandat » en n’ ayant pas organisé l’ élection
présidentielle « dans le délai constitutionnel ». (p 5)

On remarquera que
Prof Mampuya met certains mots entre guillemets comme si le juriste doutait ou
rejetait carrément le fait que des violations des droits de l’homme avaient été
commises par les intéressés, que le Président de la République était à son «
deuxième et dernier mandat », qu’il y avait un « délai constitutionnel pour
l’organisation de l’élection présidentielle et que le Président cherchait à se
maintenir au pouvoir.

Pour revenir à l’ouvrage d’Evariste Boshab (pp
340-341), certaines personnalités invitées au débat contradictoire entre le Prof
Mbata et Prof Mampuya ont pu se rendre compte des mots assez durs que l’auteur
du livre avait utilisés contre ce dernier considéré comme « l’un des chantres de
la dictature de Mobutu » pour avoir professé que le vote par acclamation était
le plus démocratique, Prof Boshab allant jusqu’à traiter son collègue d’«
amnésique » et conclure que pour Prof Mampuya, « il était plus facile de ramper
pour être invité au repas du ‘Seigneur’ que de demeurer tête haute et ventre
creux », des expressions auxquelles Prof Mbata s’est refusé de recourir par
respect pour son aîné à qui il donnait également raison d’avoir fui le débat
contradictoire qui s’annonçait scientifiquement mortel pour lui au siège de l’UA
à Addis Abeba.

Conclusion

La rédaction du livre n’a pas
suivi les standards internationaux requis pour les publications de haute facture
scientifique dans la mesure où le manuscrit n’a pas été soumis au préalable à
une évaluation critique des experts indépendants, l’auteur du livre estimant
malheureusement, à tort hélas, qu’une longue et riche carrière scientifique et
la réputation au niveau local pouvaient suffire pour combler les insuffisances
théoriques et méthodologiques et que l’environnement de la recherche dans le
pays ne permettrait pas à des critiques d’émerger. Même sur le plan de la forme,
les règles élémentaires en matière de recherche et de rédaction scientifiques
ont été bafouées. Quant au fond, on n’a pas affaire à une production
scientifique sérieuse et authentique qui contribue au développement du droit
international public. Scientifique, comme tout lecteur attentif l’aura remarqué
de bout en bout, la présente critique n’est pas fondée sur des considérations
personnelles ni sur une quelconque approbation ou désapprobation de la politique
actuelle des USA et de l’UE vis-à-vis de la RDC, mais plutôt sur un droit
international qui évolue et au développement duquel son auteur doit également
contribuer en tant que publiciste africain.

En effet, comme toutes les
autres branches du droit, le droit international public est un droit en
constante mutation surtout justifiée par la poussée du mouvement pour une plus
grande protection des droits de l’homme et la promotion de la démocratie. Cette
constante mutation remet fondamentalement en cause certains principes sur lequel
le droit international traditionnel était solidement assis comme les principes
d’indépendance ou de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires
intérieures d’un Etat qui ont cessé d’être absolus et intangibles.

Les
droits de l’homme ne peuvent plus être considérés comme relevant de la
compétence exclusive des Etats qui condamnerait d’autres Etats à applaudir ou à
rester indifférents pour ne pas intervenir lorsqu’un gouvernement censé le
servir se mettrait à violer systématiquement les droits de son peuple ou lui
confisquerait sa souveraineté. Ainsi que l’écrivait Boutros-Boutros Ghali,
l’ancien secrétaire général de l’ONU et l’un des plus grands juristes
internationalistes africains, les droits de l’homme font partie du patrimoine
commun de l’humanité. Chaque peuple a le droit d’en revendiquer la jouissance et
le devoir d’en promouvoir l’exercice. Il en est de même du droit à la démocratie
ou à une gouvernance démocratique qui s’est imposé comme un nouveau et même le
plus fondamental des droits des peuples. C’est ce qui découle de la lecture de
nombreuses constitutions africaines, des instruments régionaux contraignants
comme l’Acte Constitutif de l’UA, la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance ainsi que plusieurs autres instruments adoptés
dans le cadre du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) et qui
condamnent tout changement inconstitutionnel de gouvernement (Article 4(p) de
l’Acte constitutif de l’UA) et confèrent à l’UA le droit d’intervenir dans un
Etat membre dans le cas de graves circonstances comme les crimes de guerre, le
génocide et les crimes contre l’humanité (Article 4(h) de l’Acte constitutif de
l’UA).

Le changement inconstitutionnel de gouvernement ou le refus de
reconnaître au peuple son droit de se gouverner démocratiquement constitue un
crime qui devrait être assimilé aux crimes contre l’humanité et entraîner des
sanctions pour leurs auteurs et complices. Dans ces conditions, comme le fait
l’UE, l’UA devrait se reconnaître non pas seulement le droit mais aussi
l’obligation de prendre des sanctions pouvant aller jusqu’au recours à la force
sans attendre une quelconque autorisation du Conseil de Sécurité. Dans ce cadre,
les sanctions ciblées contre un Etat membre qui a souscrit à ces instruments ou
contre certains de ses membres constitueraient simplement une intervention
sollicitée. L’attitude attentiste adoptée dernièrement face à la situation en
Gambie est à déplorer.

Sous le poids des arguments avancés et de la
mission qui revient aux publicistes de contribuer au développement d’un droit
international qui évolue au lieu d’être figé ou statique et qui serve davantage
les peuples dont le sort devrait plus préoccuper les intellectuels que celui de
quelques dirigeants, l’interdiction de voyage et de séjour ainsi que le gel des
avoirs de quelques responsables congolais comme sanctions ciblées américaines ou
européennes ne sont pas des sanctions contre le peuple, contre le gouvernement
ou contre le Président de la RDC tout comme elles ne violent pas forcément le
droit international. Toutefois, bien que ces sanctions ciblées restent
nécessaires, louables et souhaitables, elles devront être complémentaires à
l’action que tout congolais doit entreprendre, en vertu de l’Article 64 de la
Constitution, pour s’opposer à tout individu ou groupe d’individus qui prend le
pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de cette
Constitution.

L’effort de recherche entrepris est reconnu, mais Prof
Auguste Mampuya et l’étudiant Trésor Lungungu qui l’avait assisté gagneraient
énormément à réécrire leur livre en y apportant les corrections qui s’imposent à
la fois sur le fond et sur la forme.

Moustapha Naidou
LLD
Candidate, Centre for Human Rights, University of Addis Abeba

© Congoindépendant 2003-2017

 

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Envoyé par : salomon Valaka <valaka200@hotmail.com>


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