21 03 17 – Déclaration du Chef de la MONUSCO, Maman Sidikou, devant le Conseil de sécurité de lONU
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Je vous remercie de lopportunité que vous moffrez de mentretenir avec vous aujourdhui au sujet de la situation en République démocratique du Congo (RDC).
Comme le souligne si bien le Rapport du Sécrétaire général sur la Mission de lOrganisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) daté du 10 mars, le contexte politique et sécuritaire en RDC a connu de profonds changements durant les mois écoulés, nécessitant par conséquent un ajustement des priorités et de la posture de la MONUSCO.
La mise en oeuvre intégrale de lAccord politique du 31 décembre 2016 qui ouvre de la façon la plus claire la voie à la tenue des élections requiert tout le soutien des Nations Unies.
Certains blocages devront cependant être levés. La majorité au pouvoir et le Rassemblement ont des points de vue divergents sur les modalités de désignation du Premier ministre et de répartition des portefeuilles clés des ministères des affaires étrangères, de lintérieur, de la défense et de la justice du gouvernement de transition qui sera formé. Le rôle que pourrait jouer la Conférence épiscopale nationale du Congo(CENCO) à lissue de la finalisation de “lArrangement particulier” est aussi source de discorde.
La mort dEtienne Tshisekedi a eu un impact significatif sur le processus politique en RDC, retardant davantage la finalisation de “lArrangement particulier”, la désignation du Premier Ministre et létablissement du Comité national de suivi de lAccord et du processus électoral (CNSA).
Aussi longtemps que le dialogue politique demeure dans une impasse, les tensions risquent de monter. En février, des séminaires et paroisses de lEglise catholique à Kananga, Kinshasa et Lubumbashi ont été attaqués, vraisemblablement à cause des frustrations accrues au sein de certains segments de la population qui voient le processus politique senliser.
Il me plait toutefois de noter que la situation semble évoluer dans le bon sens depuis quelques jours. La désignation du Secrétaire général adjoint de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Felix Tshisekedi comme Président du Rassemblement et d'un représentant du Groupe des sept (G7), Pierre Lumbi à la tête du Conseil des sages du Rassemblement constitue une avancée importante qui a permis la reprise le 16 mars, sous les auspices de la CENCO, des négociations sur "l'Arrangement particulier." De plus, les Présidents des deux chambres du Parlement ont appelé à un processus électoral irréversible et crédible et exprimé leur soutien aux efforts de la CENCO.
Nonobstant les retards enregistrés dans le processus politique, des avancées significatives ont été faites dans la mise à jour du fichier électoral. A ce jour, plus de 19 millions d'électeurs ont été enrôlés et le processus d'enrôlement est en passe de débuter dans les deux zones opérationnelles d'enrôlement restantes.
L'appui logistique et technique de la MONUSCO au processus d'enrôlement arrivera à terme à la fin de ce mois. A cette date la MONUSCO aura transporté approximativement 3 000 tonnes de matériels d'enrôlement à travers la RDC. Si le Conseil de sécurité l'autorise, la MONUSCO est disposée à apporter un soutien technique et logistique au processus électoral qui irait au-delà de la mise à jour du fichier électoral
Monsieur le Président,
La détérioration de la situation en matière de sécurité en RDC demeure une source de préoccupation majeure. Comme indiqué dans le rapport du Secrétaire général, la violence et les menaces contre les civils ne sont plus confinés dans l'Est de la RDC.
Les violences communautaires et les affrontements interethniques se sont propagés depuis les zones déjà touchées par les conflits armés, comme les Kivus, le Tanganyika, aux trois provinces du Kasaï, Lomami et au Kongo Central. L'activité des groupes armés à l'Est a également augmenté, notamment depuis peu avec la résurgence des anciens miliciens du M23.
La conduite des opérations coordonnées par les FARDC et la MONUSCO contre des groupes armés dans l'Est de la RDC a contribué à maintenir la pression militaire sur les AFD, les FDLR et le FRPI, en perturbant leurs activités. Les FARDC ont également été impliquées dans des actions contre des éléments de l'ancien mouvement M23, qui avaient récemment traversé le territoire de la RDC.
La résurgence de la violence dans certaines régions du reste du pays a été exacerbée par la situation politique incertaine, ainsi que par la manipulation des griefs à des fins politiciennes et par le soutien apporté aux milices armées par certains acteurs politiques. L'utilisation croissante de la milice d'autodéfense sur base dappartenances ethniques, accentue un sentiment croissant d'insécurité et d'incertitude.
Le risque de violence électorale reste élevé, surtout dans les zones urbaines. Cette situation risque dêtre exacerbée davantage avec le blocage de la mise en œuvre de l'accord du 31 décembre en prolongeant ainsi l'incertitude politique actuelle.
La propagation de la violence s'est caractérisée par une augmentation significative des violations des droits de l'homme. L'année 2016 a été marquée par une augmentation de 30% des violations des droits de l'homme par rapport à 2015, la MONUSCO ayant documenté un total de 5 190 violations des droits de l'homme dans toute la RDC. Les agents de l'État étaient responsables de 64% de ces violations, et les groupes armés étaient responsables des 36 % restants.
Je suis particulièrement préoccupé par les informations faisant état de l'utilisation excessive de la force, des violations des droits de l'homme et des fosses communes dans les provinces du Kasaï. J'ai encouragé le Gouvernement de la RDC à mener des enquêtes approfondies et à veiller à ce que les auteurs de ces actes en rendent pleinement compte. La MONUSCO est prête à apporter son plein appui à la conduite de ces enquêtes.
Je voudrais souligner une fois de plus que seules des solutions politiques peuvent traiter et endiguer les niveaux croissants de violence qui se manifestent actuellement en RDC.
De son côté, la MONUSCO reste pleinement engagée dans la protection et la promotion des droits de l'homme et de l'espace politique et s'engage fermement aux côtés des autorités concernées à faire en sorte que les auteurs de violations des droits de l'homme soient tenus responsables de leurs actes et soient traduits en justice. La MONUSCO applique également strictement la Politique de Due Diligence en matière de Droits de l'Homme pour tout soutien fourni aux acteurs de la sécurité publique dans l'exécution de son mandat.
Je suis également profondément préoccupé par la détérioration de la situation socioéconomique et humanitaire en RDC. La dépréciation continue du franc congolais, qui a perdu plus de 30% de sa valeur au cours de la dernière année, l'absence de réserves en devises et le déficit budgétaire ont de plus en plus d'impact sur les moyens de subsistance des citoyens congolais et continueront de le faire les prochains mois.
Ces événements sont conjugués à la détérioration de la situation humanitaire due à l'aggravation de la violence. Au total, 2,2 millions de personnes sont actuellement déplacées de force. Dans la seule province du Tanganyika, la violence a contraint 102 000 personnes à se déplacer au dernier trimestre de 2016, alors que la violence dans les Kasaï avait contraint au déplacement forcé environ 225 000 personnes à la fin de janvier de cette année.
Le plan d'intervention humanitaire de 2016 a été financé à un peu plus de 60%, ce qui a exercé des pressions sur la communauté humanitaire pour qu'elle réponde à ces nouveaux déplacements. Parallèlement, les réfugiés du Sud-Soudan continuent à entrer en RDC, le HCR ayant enregistré 28 000 réfugiés dans des zones proches de la frontière sud-soudanaise en janvier de cette année.
Monsieur le Président,
Comme l'a souligné le rapport du Secrétaire général, l'accord du 31 décembre 2016 offre un chemin clair vers la tenue d'élections, préparant ainsi la voie à la sortie et au retrait de la MONUSCO. Le principal objectif stratégique de la Mission au cours des prochains mois sera donc de favoriser la création d'un environnement propice à la tenue en temps opportun d'élections pacifiques, crédibles et inclusives, conformément aux dispositions de l'Accord.
En conséquence, la MONUSCO a déjà entrepris des ajustements de sa posture et de ses opérations. La Mission continuera d'apporter les ajustements nécessaires au cours des prochains mois pour s'assurer qu'elle est bien placée pour utiliser tous les outils et les ressources dont elle dispose pour appuyer le processus politique et électoral et contribuer à la protection des civils et aux efforts de stabilisation.
La Mission a apporté son plein appui aux travaux du dialogue piloté par la CENCO et à la mise à jour du fichier des électeurs. Elle a renforcé sa présence et ses opérations civiles et militaires dans de nouvelles zones préoccupantes en dehors de l'Est de la RDC, en particulier dans les Kasaï et le Tanganyika. Nous avons également initié un processus de transfert des fonctions clés de Goma à Kinshasa, pour renforcer le siège de la Mission.
J'ai demandé que la stratégie de la MONUSCO en matière de protection des civils soit révisée pour faire face à la menace que représentent pour la population civile les groupes armés de l'Est de la RDC, la propagation de la violence ethnique et de la milice dans de nouvelles zones préoccupantes et la potentielle violence électorale dans les zones urbaines.
Le rapport du Secrétaire général a également établi un ensemble de mesures visant à renforcer la capacité de la Force de la MONUSCO à soutenir la réalisation des objectifs stratégiques de la Mission dans le contexte difficile actuel de la sécurité en adoptant une attitude plus mobile, souple et agile. Le Secrétaire général a recommandé le déploiement de deux autres unités de police formées (FPU) pour aider les autorités congolaises à faire face à la menace potentielle de violence électorale et de violence politique dans les principaux centres urbains où il n'y a pas de présence de la FPU. La mise en œuvre de l'Accord incombe à ses signataires et exigera le même niveau d'engagement et de compromis qui a conduit à sa signature le 31 décembre.
La MONUSCO continuera de soutenir la mise en œuvre de l'Accord tout en appuyant les efforts visant à faire face aux menaces croissantes auxquelles la population civile est confrontée au cours de la période de transition.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'informer le Conseil aujourd'hui et je me réjouis des discussions qui suivront.