2017 – Rubrique Dossier de La Cité Africaine du 19-01-18 Retour sur une marche qui a fait date : Chronologie des événements du 31 décembre 2017

Appel à la marche

Les responsables
du CLC expliquaient que la marche visait à “exiger des parties prenantes la
mise en œuvre intégrale et de bonne foi de l’accord politique global et
inclusif du Centre interdiocésain de Kinshasa signé le 31 décembre 2016, seule
feuille de route pour conduire dans la paix, à la tenue effective et rapide des
élections ».

Ils insistaient
sur l’application intégrale de l’Accord de la Saint Sylvestre dans toutes ses
dispositions pertinentes, notamment la libération des prisonniers politiques,
la fin de l’exil des opposants menacés d’arrestation à leur retour au pays, la
libéralisation de l’espace médiatique, la fin du dédoublement des partis
politiques, etc…

Limitant ainsi
leurs exigences finalement aux mesures de décrispation, les catholiques se
montraient finalement moins radicaux que l’opposition politique radicale.
Celle-ci, on le sait, s’en tient quant à elle à une transition sans Kabila,
accusé d’être l’empêcheur des élections.

Cet appel des
laïcs catholiques de l’archidiocèse de Kinshasa a été relayé par plusieurs
partis et regroupements sociopolitiques du pays.

Ainsi, la
plateforme politique « Progressistes » dirigée par l’ancien Premier ministre
Samy Badibanga, apportait-elle aussi son
soutien à la marche et invitait la population à
descendre dans les rues lors de cette journée pour manifester pacifiquement avec les
catholiques.

 «Nous estimons qu’il est de notre devoir en
tant que citoyens et leaders politiques de dénoncer toutes situations portant
atteinte à la Constitution et à l’avancement de la nation congolaise. Nous
considérons le fait que face à l’injustice sous toutes ses formes, nul ne peut
rester silencieux et indifférent » pouvait-on lire dans la déclaration des amis
de Samy Badibanga pour lesquels cette marche serait «l’occasion pour le peuple
congolais longtemps marginalisé, de faire voir à la face du monde, le respect
de sa dignité et surtout son désir de changement».

«Jusqu’aujourd’hui,
quand on parle du chapitre 5 de la décrispation, il y a encore des gens qui
sont en prison comme Franck Diongo, le bâtonnier Muyambo Eugene Diomi Ndongala,
Norbert Luyeye , Firmin Yangambi , Eric Kikunda. Donc nous refusons cette
injustice. Parce que s’il y a eu cet accord qui a été signé par tout le monde,
nous devons le respecter » a martelé l’opposant en exil Moïse Katumbi, appelant
lui également la population congolaise à participer massivement à cette
manifestation pacifique des catholiques pour dénoncer « l’injustice ».

A l’issue de son
bureau politique du mardi 26 décembre 2017, le RASSOP/Limete de Félix
Tshisekedi, déclarait tirer de ses observations la conviction que "ni la
promulgation de la loi électorale, ni la publication par la CENI d’un
calendrier électoral, du reste, non consensuel, truffé de nombreuses
contraintes et en contradiction avec la Constitution ainsi que l’Accord de la
Saint Sylvestre, ne garantissent à elles seules la tenue effective des
élections présidentielle, législatives et provinciales en 2018". Pour eux, la marche du 31 décembre
s’inscrivait dans la ligne des cations pour exiger "la décrispation politique qui est une
des exigences fondamentales de transparence, d’inclusivité et de crédibilité
des prochaines élections".

Autre soutien à la
marche, la Dynamique de l’Opposition invitait toute la population congolaise à
travers tout le territoire national ainsi qu’à l’étranger à participer
massivement à la marche pacifique du 31 décembre 2017 ‘’destinée à libérer l’avenir de notre pays’’. ‘’Dans cet
élan, la Dynamique demande à la Cour Pénale internationale, aux Nations unies
ainsi qu’à l’Union Africaine de mettre Monsieur Kabila en garde contre tout
abus ou violence que pourraient commettre les forces de défense et de sécurité
à sa solde en direction de la population civile », précisait un communiqué.

Une marche
interdite

Le pouvoir a
strictement interdit cette marche des chrétiens catholiques. « Ils m’ont
adressé une lettre dans laquelle il n’y a pas d’itinéraire ni point de chute. A
ma connaissance, à Kinshasa, il y a plus de 240 paroisses catholiques. Si je
dois déployer des policiers, il nous en faudra plus de 240 000. Nous n’avons
pas cet effectif à Kinshasa. Nous sommes d’accord avec la prière mais pas avec
la marche, surtout que les politiciens se sont mêlés de cela. Ces politiciens
se font souvent accompagner d’inciviques. Abandonnez cette voie ! Ce n’est pas
du tout clair ! », a déclaré André Kimbuta, gouverneur de la ville de Kinshasa.

Dans son compte
rendu de la réunion extraordinaire du gouvernement convoquée le 30 décembre par
le Premier ministre Tshibala, le porte-parole Lambert Mende s’exprimait ainsi :

‘’L’état d’esprit
de la population est dominé par les préparatifs des fêtes de fin d’année avec
quelques risques de perturbation du fait d’actions subversives projetées par un
Comité de Laïcs Chrétiens soutenu par quelques membres du clergé catholique,
quelques partis politiques extrémistes et quelques chancelleries étrangères.

 Ce Comité de Laïcs Chrétiens a en effet
informé l’autorité municipale de
Kinshasa d’une manifestation prétendument pacifique qui partirait de lieux non
identifiés vers des destinations toutes aussi obscures et suivant des
itinéraires non spécifiés.

 Il s’agit en réalité d’une tentative
subversive inacceptable dans un Etat de droit. Les services du gouvernement
font état du recrutement par les organisateurs de bandes de casseurs, de
loubards et d’individus démobilisés de groupes armés auxquels des armes de
guerre auraient été distribuées pour s’en prendre à la paisible population et à
diverses personnalités publiques ainsi que pour vandaliser des équipements
collectifs et des bâtiments abritant des institutions et services publics de
l’Etat afin de créer une situation insurrectionnelle qui leur permettrait de
capturer le pouvoir par des voies non démocratiques dans notre pays.

 D’importantes sommes d’argent ont été
distribuées à des groupes de malfrats à cette fin. Quelques éléments
perturbateurs ayant bénéficié de ces prébendes ont déjà été appréhendés par les
services de l’ordre tandis que d’autres sont en voie d’être identifiés dans
quelques villes.

 Complétant le Vice-Premier Ministre, Ministre
de l’Intérieur et Sécurité, le Ministre de la Défense Nationale a fait état de
quelques poches d’activisme récurrent de groupes armés étrangers et nationaux
ainsi que des réponses y apportés par les forces de défense.

 Les mesures adoptées par les deux ministères
face à cette agitation déstabilisatrice ont été approuvées par le Gouvernement
qui tient à rappeler solennellement que les libertés, notamment celle de
manifester, sont garantis par la constitution de la RD Congo mais sous réserve
du respect des lois, de l’ordre public et des droits d’autrui.

 Le Gouvernement met en garde les auteurs de
tout acte attentatoire aux lois et à l’ordre public et engage les responsables
des groupes sociaux et politiques impliqués directement ou indirectement dans
tout acte antisocial et illégal que force restera à la loi.

 Ils doivent savoir que les forces de défense
et de sécurité ont été dûment instruites pour répondre efficacement et
professionnellement à toute manœuvre de perturbation de l’ordre public dans le
strict respect du droit international humanitaire dans le but de protéger la
population. Tout abus ou excès dans l’exécution de ces directives sera
sanctionné avec la même fermeté’’.

D’autre part,
sur son compte twitter, Joseph
Olenghankoy, président du CNSA, jadis l’une des figures de proue de
l’opposition, a mis en garde les
organisateurs de la marche, estimant en même temps que celle-ci était
inopportune, car, justifie-t-il, l'application de l'accord de la Saint
Sylvestre est effective et le processus électoral en marche,
conformément à cet accord. 

En ce qui la concerne
aussi, la Société Civile Forces Vives (SCFV) a dit ‘’non’’ à la marche du 31
décembre, craignant que cette initiative
soit en réalité le plan B brandi en son
temps par la CENCO, lors du dialogue du centre Interdiocésain de Kinshasa. De
ce fait, la SCFV a recommandé à la
population congolaise de rester vigilante et de s’abstenir de cette marche qui
risquerait de compromettre la paix et la cohésion nationale. ‘’ Cette démarche
du Comité des Laïcs Catholiques, incontrôlée en amont, désorganisée et sans unité de coordination risquerait de provoquer des conséquences
violentes et meurtrières, alors que le Royaume de Cieux est à ceux qui
procurent la paix’’, avertissait un des leaders de la SCFV.

La SCFV dénonçait
en outre l’appropriation de la marche par des leaders politiques, au risque de lui denier son caractère pacifique,
ainsi que’’ la contradiction de cette démarche d’une structure de l’Eglise
Catholique par rapport à sa Sainteté le Pape François qui a demandé, plus d’une fois, en pleine
prière au cours d’une messe, à Dieu Tout Puissant de faire régner la paix au
Congo’’. Pour la SCFV, le dimanche pour les chrétiens est un jour consacré au
Seigneur et personne sur cette terre n’a
le droit de le profaner par des actions politiciennes. Et l’église ne peut utiliser la rue pour
sauver les âmes des Autorités congolaises dont la majorité est constituée de
ses propres fidèles. « L’évangile a pour mission de faire sortir
les gens de la rue vers l’église et non l’inverse », tranche la SCFV..

Des Stratégies
soi-disant pour faire échec à la marche

Comment arrêter la
marche des chrétiens ? Telle était la question pour la Majorité présidentielle qui jusque-là avait réussi à étouffer ou
perturber les manifestations programmées par l’opposition ou des associations
de la société civile.

Des informations
de presse ont fait état du recours à l’arme de la dissuasion en faisant peur et
en neutralisant les têtes pensantes de la marche.

 « Les services nous ont appris qu’il y a des
groupes qui s’organiseraient pour attaquer les chrétiens à la sortie des
paroisses. Le but serait de faire couler le sang et imputer ces atrocités aux
pouvoirs publics. Ces groupes cherchent à provoquer des troubles. En tant que
natif de Kinshasa, je ne veux plus voir le sang couler dans cette ville »,
déclarait notamment Aubin Minaku, secrétaire général de la Majorité, cité par
des médias.

Dans un article
paru chez Afrik’com, Adrien Seyes a fait part des confidences reçues en ces
termes :

‘’Ce jeudi, les
réunions se sont succédé pour tenter de trouver la parade. « Les Kabilistes
vont annoncer que cette marche cachait en réalité une tentative de coup d’Etat
», nous explique en début de soirée un diplomate en poste à Kinshasa. Quelques minutes plus tard, autre appel.
Cette fois, il vient d’un membre de la majorité qui a participé aux dernières
réunions avec l’ANR. « Il faut dénoncer
rapidement le piège », lance notre homme. « Ils vont annoncer très
prochainement l’arrestation d’un militaire du nom de Malamba, qui serait le
bras armé des prêtres. Il va soi-disant passer aux aveux et dénoncer tous les
prêtres qui sont les moteurs de cette marche ». 

Pour le 31
décembre, jour de la Saint-Sylvestre, il a été décidé d’infiltrer les
manifestations de l’opposition avec de faux manifestants – vrais casseurs afin
de leur faire perdre aux yeux de l’opinion leur caractère pacifique et
justifier ainsi leur répression par les forces de l’ordre. Classique mais
souvent efficace. 

Autre disposition
décidée lors de ce conseil de sécurité : ce jeudi 28 décembre dans la soirée,
durant l’ « opération cloches », les forces de l’ordre ont pour consigne non
seulement de tirer en l’air mais également à balles réelles. Le but étant
d’envoyer un signal à la population en vue du 31 décembre. « En clair, voici ce
qui vous attend le jour de la Saint-Sylvestre si vous descendez dans la rue. Il
s’agit en quelque sorte de tirs de sommation », explique une source
sécuritaire. 

Enfin, si, par
extraordinaire, les choses dégénéraient d’ici au dimanche 31 décembre, le
pouvoir congolais pourrait dégainer l’arme suprême : décréter le couvre-feu,
histoire de passer les fêtes de fin d’année en toute sérénité… ou presque’’.

Les dernières
consignes avant la marche

En dépit de ces
élucubrations, les prêtres et les laïcs catholiques, eux, ont poursuivi l’organisation de cette marche de la Saint-Sylvestre pour réclamer le
respect de l’Accord de la Saint-Sylvestre 2016 pour permettre des élections
démocratiques, crédibles et apaisés.

Jeudi en début de
soirée, les organisateurs de la marche qui avaient pris soin d’envoyer une lettre au gouverneur de la
ville-province de Kinshasa pour demander que leur mouvement soit encadré par
les forces de l’ordre, ont donné les grandes lignes de leur manifestation et
les directives à suivre pour tous les « marcheurs ».

Voici le contenu
de cette mise au point diffusé par le CLC:

‘’1. Le Comité
Laïc de Coordination remercie les partis politiques, les Mouvements Citoyens,
les Organisations de la Société Civile, les Associations de défense des droits
de l’homme, les Syndicats, … qui ont adhéré à la marche pacifique qu’il
organise le 31 décembre 2017 et encourage ceux qui ne l’ont pas encore fait, de
le faire. Cette marche n’est pas une affaire du seul Comité Laïc de
Coordination, tout le peuple congolais doit se l’approprier. Chacune de nos
organisations est appelée à déployer toute l’énergie dont elle est capable pour
sa réussite. Néanmoins, cette marche doit être soumise aux règles strictes de
la non-violence.

2. Aussi,
invitons-nous la population à n’accepter aucune forme de violence : pas de
pneus brûlés, pas de barricades, pas de propos violents, pas d’injures, pas de
jets des pierres et autres projectiles, pas d’actes de vandalisme, … 

3. Nous l’invitons
également à ne pas considérer les Policiers, les Militaires et autres Agents
des Services de Sécurité comme ses ennemis ; et réciproquement les Policiers,
les Militaires et autres Agents des Services de Sécurité à ne pas considérer
celle-ci comme leur ennemi. 

4. Le Comité Laïc
de Coordination informe l’opinion nationale et internationale que LA MARCHE DU
31 DECEMBRE 2017 est une MARCHE PACIFIQUE. Ce jour-là, des femmes et des hommes
de la République Démocratique du Congo vont marcher pacifiquement en priant et
en entonnant des cantiques ; les Chrétiens avec leurs Chapelets, Bibles,
Crucifix,…, et les autres avec des rameaux de paix. 

5. Nous demandons
ainsi à la Police Nationale Congolaise et aux autres Services de Sécurité de
les encadrer et de les protéger tout au long de leur parcours,

6. Peuple
congolais, le Comité Laïc de Coordination vous invite à marcher pacifiquement à
partir de là où vous serez le 31 décembre 2017, votre rue, votre quartier,
votre paroisse, … Les autres précisions vous seront communiquées dans les
jours qui viennent.

7. Enfin,
congolaises et congolais, comme il se doit, le Comité Laïc de Coordination vous
souhaite une bonne et heureuse année 2018 même si l’Histoire retiendra qu’au
lieu de célébrer les festivités de fin d’année 2017, nous, peuple congolais,
avons choisi de marcher pacifiquement ce 31 décembre 2017 pour revendiquer
notre liberté, notre dignité et la prospérité à laquelle nous avons tous
droit’’.

Des directives qui
insistaient donc sur la volonté de mener
une action pacifique ainsi que sur la détermination à marcher pour la
démocratie. Autres dispositions : une seule messe le dimanche dans chaque
paroisse de 6h30 à 8h30. Les paroissiens accompagnés de leur curé débuteraient
ensuite la marche selon un itinéraire qui serait donné le dimanche même lors de
la messe. Il y aurait différents points de ralliement selon les paroisses et
les zones géographiques. Ne jamais fuir devant les forces de l’ordre, mais
serrer les rangs et chanter des cantiques ou se mettre à genoux. Rester
solidaires et si les forces de l’ordre veulent arrêter quelqu’un, tous les
marcheurs sont invités à se constituer prisonniers. Face aux gaz lacrymogènes,
se servir des serviettes mouillées et avoir de l’eau. Etre en possession d’une
Bible, de rameaux, chapelet, etc. Se munir de sa carte d’identité ou autres
références de son identité, etc. Ne pas arborer des calicots ou autres effigies
des partis politiques, mouvements citoyens, etc. Pour l tenue : vêtements de
l’église, « moklisto azali mwinda », Marie, etc. Ou tout simplement T-shirt
blanc, chemise blanche, autre vêtement de couleur blanche.

De son côté, la
Monusco exhortait une nouvelle fois les autorités congolaises à « respecter la
liberté de manifestation », surtout en cette période préélectorale, et
conformément aux engagements pris par le gouvernement il y a un an lors de la
signature de l'accord de la Saint-Sylvestre. La mission de l'ONU en RDC
rappelait également aux citoyens que le droit de manifester implique de
s'abstenir de recourir à la violence sous toutes ses formes.

« Nous espérons
que le mot d'ordre qui a été lancé de marche pacifique soit respecté, mais
aussi nous exhortons les autorités congolaises à instruire les forces de
l'ordre et de sécurité à ne pas faire un usage disproportionné de la force,
conformément au droit international », a indiqué Florence Marchal, porte-parole
de la Monusco.

Croix et chapelets
contre fusils

Comme le 16
février 1992, où la marche des chrétiens pour réclamer la réouverture de la
Conférence nationale souveraine avait été réprimée dans le sang par l'armée de
Mobutu, la marche pacifique des chrétiens, le 31 décembre 2017, pour soutenir
le processus mis en place par l'Accord de la Saint-Sylvestre, a connu le même
sort.

Samedi déjà,
police et armée avaient été déployées à Kinshasa en prévision de la marche. Les
services internet des mobiles et les SMS ont été coupés sur ordre du ministre
des PTNTIC, Eméry Okundji, issu de l’opposition. Le signal de la radio
onusienne Okapi a été momentanément brouillé, de même que celui de Radio Top
Congo de Kinshasa, très suivie pour ses émissions à téléphone ouvert et ses
débats politiques en direct ouverts au public.

Les marches ont
été dispersées mais les chrétiens ont donc marché dans certains quartiers, et
ce, malgré des barrages de police dans toute la ville, surtout aux abords des
églises, et a présence de l’armée dans les rues et à l’entrée de bon nombre
de paroisses.

Selon les
paroisses, les scénarios ont varié. Dans certaines, le curé a préféré demander
aux croyants de rentrer chez eux par peur des violences devant le dispositif.
Dans d’autres, le curé a marché avec ses paroissiens. Mais à Saint-Joseph, par
exemple, les marcheurs ont même réussi à converger jusqu’au rond-point
Victoire, comme ils l’avaient prévu, malgré la police et malgré l’armée. Dans
d’autres paroisses, le culte dominical a été même empêché. À la cathédrale
Notre-Dame du Congo, où l’un des leaders de l’opposition, Félix Tshisekedi,
assistait à la messe, les forces de sécurité ont bloqué la centaine de
partisans qui tentaient de manifester à l’extérieur. Et le patron du
Rassemblement de l’opposition a dû quitter précipitamment la cathédrale à bord
de sa jeep. A la paroisse Saint-Michel, c’est le chef de l’UNC, Vital Kamerhe,
qui a été visé par des gaz lacrymogènes tirés par la police dans l’église,
semant la panique parmi les fidèles.

Il y a lieu de
signaler que l’on a également manifesté dans certaines autres villes du pays.
Un mort a ét signalé à Kananga dans la province du Kasaï Central. Mais il ici
il a été fait état de manifestants coiffés du bandeau rouge de miliciens
Kamwina Nsapu. Les forces de l'ordre ont ouvert le feu. Des arrestations ont été opérées.

Par ailleurs, des
échauffourées entre forces de l'ordre d'un côté et des manifestants de l'autre
ont également eu lieu à Lubumbashi, au Haut-Katanga. Pas de victimes signalées
mais plusieurs arrestations. A Mbuji-Mayi où l'évêque n'appelait pas à marcher,
on a signalé malgré tout le défilé de quelques fidèles qui se sont rendus
jusqu'au quartier général de la Monusco.

Les mêmes scènes
de répression se sont reproduites aussi à, Goma, Bukavu. Eglises encerclées,
fidèles molestés… la journée de manifestation pacifique s’est transformée en
drame, après l’intervention musclée des forces de sécurité. La police a
dispersé violemment les manifestants, jusque dans les églises, en utilisant des
gaz lacrymogènes.

Mais, comme à
l’accoutumée, dans ce genre de situation, une polémique a enflé à Kinshasa sur
le nombre de victimes de la répression. Au total, douze personnes ont été
tuées, selon les organisateurs. "Une dizaine de morts ont été répertoriés
: 11 à Kinshasa et un à Kananga" dans le centre du pays, a déclaré Jonas
Tshombela de la Nouvelle Société civile du Congo, un porte-parole des
organisateurs.

La "violente
répression" de ces marches a occasionné "la mort d’au moins cinq
personnes, plusieurs blessés et l’arrestation de plus de 120 personnes",
selon un communiqué du secrétariat général des Nations unies, revoyant à la
baisse un premier bilan de huit morts donné dimanche par de source onusienne à
Kinshasa.

"Aucun
mort" n'a été enregistré en marge de ces marches, écrit dans un communiqué le porte-parole de la police, le colonel
Rombaut-Pierrot Mwanamputu.

Dimanche,
l'officier avait donné un bilan de trois civils tués. Ces personnes n'étaient
pas des manifestants mais des "pillards" et des "bandits"
qui ont trouvé la mort loin des lieux des manifestations, a-t-il noté mardi.

 

Des
condamnations internationales

Le secrétaire
général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé le gouvernement congolais
et les forces nationales de sécurité à faire preuve de retenue..

La France
"est préoccupée par les violences" survenues dimanche en République
démocratique du Congo lors des manifestations contre le maintien au pouvoir du
président Joseph Kabila, a déclaré mardi d’après un porte-parole du ministère
français des Affaires étrangères.

Après la
répression des manifestations de la Saint-Sylvestre en RDC, la secrétaire
générale de la Francophonie a dénoncé des « attaques inqualifiables et
désolantes » contre des fidèles et des citoyens. Michaëlle Jean a également
exhorté les autorités du pays à garantir le droit de manifester.

"Mes pensées
vont aux familles et aux proches endeuillés, aux blessés, aux personnes
incarcérées. Les attaques lancées contre des fidèles rassemblés dans des lieux
de culte" et contre "des citoyens (…) voulant que tout soit mis en
œuvre (…) pour préparer sereinement la tenue d'élections crédibles" en
RDC "sont inqualifiables et désolantes", a déclaré la secrétaire
générale de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Michaëlle
Jean, dans un communiqué.

"Participer à
une manifestation est un droit fondamental", a-t-elle souligné, rappelant
"les règles de conduite auxquels les forces de maintien de l'ordre doivent
se soumettre dans l'encadrement républicain des manifestations", la
secrétaire générale a également exhorté les acteurs politiques et de la société
civile de RDC à "préserver le caractère pacifique de leurs
revendications".

.

"Rien ne
saurait entamer la volonté et les efforts vers une sortie de crise en
République démocratique du Congo", soulignera-t-elle encore,
réaffirmant la "détermination"
de son organisation à œuvrer pour des "élections libres, transparentes et
crédibles en RDC".

De son côté,
l'Union européenne a dénoncé "le
recours à la violence" et "le blocage de médias" par les
autorités congolaises, regrettant une "grave atteinte" à la liberté
d'expression face aux actions populaires.

Ces violences
"ont entraîné la mort de plusieurs manifestants et fait de nombreux
blessés", a regretté une porte-parole de la cheffe de la diplomatie
européenne Federica Mogherini, dans un communiqué.

"Le recours à
la violence par les autorités congolaises, y compris pour interrompre des
services religieux, visant à réprimer toute tentative de manifestation
pacifique va à l'encontre de la Constitution congolaise qui garantit le droit
de manifestation et la liberté de réunion", a ajouté la porte-parole européenne.

"Le blocage
des médias et réseaux sociaux constitue également une grave atteinte à la
liberté d'expression", a-t-elle poursuivi, avant d’indiquer que l'UE
"présente ses condoléances aux familles des victimes" et "se
rallie à l'appel" de la Monusco "pour condamner les arrestations
arbitraires et appelle à la libération immédiate des détenus, y compris
certains religieux". "Les autorités congolaises ont le devoir de
protéger leurs citoyens et non de les réprimer", a estimé l'UE, les appelants
à "progresser vers des élections crédibles en 2018".

 Le président de la Commission de l’Union
africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, demande aux autorités congolaises de faire
la lumière sur tout excès commis par les forces de l’ordre dans l’exercice de
leurs fonctions lors de la manifestation des laïcs catholiques du 31 décembre
2017.

Dans sa
déclaration publiée mercredi 3 janvier, M. Mahamat a déploré « les pertes en vies humaines enregistrées
lors de cette marche ». Il a exhorté les acteurs politiques congolais à faire
preuve de retenue et à s’abstenir de tous actes ou propos de nature à envenimer
la situation. Il les a par ailleurs appelé à œuvrer ensemble pour la tenue des
élections prévues en décembre 2018 par la CENI. A ce sujet, le président de la commission de l’UA souligne la
nécessité de créer un environnement propice au déroulement de scrutins libres,
transparents et réguliers, y compris la prise de mesures de décrispation,
conformément à la lettre et à l’esprit de l’Accord politique de la Saint
Sylvestre, et le respect des libertés et droits fondamentaux garantis par la
Constitution ».

Dans un communiqué
publié mercredi, le vice-Premier
Ministre belge en charge des Affaires
Etrangères, Didier Reynders a condamné fermement le recours à la violence par
les forces de sécurité congolaises et l’interruption de services religieux
ainsi que les mesures prises pour empêcher des manifestations pacifiques et
bloquer des médias et les réseaux sociaux.

Il appelait à
libérer les prisonniers et à une enquête indépendante sur ces récents
événements. « Le ministre présente ses condoléances aux familles des victimes
et exprime sa solidarité avec la population congolaise », dit également ce
document.

« Le Conseil
Affaires Etrangères de l’Union européenne avait appelé en décembre au respect
de la liberté d’expression. Face à des événements aussi tragiques, la
responsabilité individuelle des auteurs, mais également de ceux qui n’ont pas
respecté l’accord de la Saint-Sylvestre est engagée » , affirmait-il.

Pour la Belgique,
« seule une mise en œuvre de tous les engagements pris lors de l’Accord de la
Saint-Sylvestre, en particulier les mesures de décrispation et l’ouverture de
l’espace démocratique, peut permettre d’avancer vers des élections inclusives
et libres, qui sont nécessaires pour sortir le pays de l’impasse actuelle».

Dans un message
publié sur le compte Twitter de l’Ambassade américaine à Kinshasa, les
Etats-Unis se disent « fortement préoccupés par l’usage disproportionné de la
force en RDC », évoquant mort d’hommes et des blessures infligées aux civils.

 « L’atteinte à la liberté de réunion pacifique
et la perturbation des réseaux de communication sont des actes incompatibles
avec la démocratie et un processus électoral crédible » dénoncent les
Etats-Unis.

La crise en
République démocratique du Congo sera au centre d’une réunion à huis clos ce
mercredi 10 janvier prochain à la Commission des affaires étrangères de la
chambre des représentants belge, à Bruxelles, où seront auditionnés à huis clos
le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders et son collègue de la
Coopération au développement, Alexander De Croo.

L’Opposition entre
colère, indignation et satisfaction

Le Rassemblement
de Félix Tshisekedi faisait une déclaration tonitruante dont voici la substance
:

« Contrairement au
gouvernement qui a compté 5 morts et à l’ONU, qui a fait état de 8 victimes,
pour le Rassemblement, le bilan macabre est de 11 personnes tuées.

Par conséquent,
l’opposition entend bien rendre hommage à ces victimes. Elle annonce un deuil
national, le lundi 8 janvier. .

 «Pour le Rassemblement, les élections n’ayant
pas été organisées, conformément à l’accord du 31 décembre 2016, Joseph Kabila
et toutes les institutions à mandat électif ont perdu toute légalité et toute
légitimité. Par conséquent, Joseph Kabila n’a plus qualité d’engager la RDC
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays».

Le Rassemblement
demande au peuple congolais et à la communauté internationale de ne plus
reconnaitre Joseph Kabila comme président de la République démocratique du
Congo.

Par conséquent,
les prochaines manifestations n’auront plus besoin de l’autorisation du
gouverneur de Kinshasa ».

 «Le Rassemblement félicite le Comité laïc de
coordination de l’Eglise catholique pour cette initiative patriotique pour
libérer l’avenir du Congo, notre pays, jusque-là suspendu à la seule volonté de
Joseph Kabila et de son clan». Il salue
la bravoure du peuple congolais qui a réussi à marcher dimanche 31 décembre,
malgré la répression des forces de sécurité.

 Il condamne
avec la plus grande fermeté la répression de la manifestation, qui a entrainé
la mort de plus de onze personnes et des centaines de blessés, sans compter de
nombreuses arrestations et des profanations des lieux des cultes.

Pour le président
du Rassemblement, le pouvoir est responsable de ce drame.

Autres points de
vue en rapport avec la répression : « Nous sommes là devant une atteinte grave
à la liberté de culte et de manifester… », a affirmé l'abbé Donatien Nsholé, premier secrétaire général adjoint de
la Conférence épiscopale nationale du Congo.

Quant à Vital
Kamerhe, président de l’UNC qui a pris
part dimanche à Saint Michel, à la messe
précédant la marche des catholiques, il décrit la situation en ces termes :

‘’À la paroisse
Saint Michel où j’assistais à la messe, cela est arrivé juste au moment où
venait de se terminer la lecture du texte qui parlait d’Abraham et de son fils.
Personne n’avait provoqué personne. Les forces de l’ordre sont intervenues tout
simplement parce que nous étions là, au regard de l’engouement à l’extérieur.
Il y avait des gens de part et d’autre jusqu’à quelque 300 mètres de la
paroisse. Une foule nombreuse. La Monusco est venue mais les militaires l’ont
empêchée de venir sécuriser l’église.

Ce qui nous fait
dire que c’était un plan bien calculé : il fallait tirer sur tout ce qui bouge
dans l’église. Ce que les policiers et militaires ont fait. Tout est devenu
noir dans l’église, des fidèles couchés par terre. On a dû soigner le prêtre
qui officiait la messe en pleine messe dans le noir. C’est une barbarie d’un
autre genre ! Nous n’avons jamais vu ça depuis 1960. Même à l’époque de Mobutu,
jamais l’armée ni la police n’avaient tiré à bout portant ou lancé des gaz
lacrymogènes dans l’église. C’est inacceptable !

La messe a été
ainsi interrompue pendant une heure de temps. J’ai demandé ensuite au curé de
reprendre la messe. Un major est entré pour me dire qu’il avait reçu l’ordre de
me prendre et de me faire sortir. J’ai refusé. Finalement, je suis sorti avec
la foule et nous avons marché quelque 200 mètres avant d’être dispersés par des
gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles’’…« La fin pour Joseph Kabila est
arrivée. Ce qui s’est passé aujourd’hui, c’est le début de quelque chose
d’important »

La seule voie qui
s’impose à nous est celle de nous mettre ensemble pour chasser cette dictature
abjecte de Kabila. C’est pourquoi je voudrais interpeller de la manière la plus
claire l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social). Ses
tergiversations de ne pas vouloir être avec les autres en les accusant de «
collabo » font le jeu de Kabila. Car ce n’est pas un « collabo de Kabila » qui
allait donner du fil à retordre à la Garde républicaine à Bandalungwa. Moïse
Katumbi, Jean-Pierre Bemba, Mbusa Nyamwisi et même Félix Tshisekedi l’ont déjà
compris. Il faut donc que les camarades du parti de ce dernier lui facilitent
la tâche…Je n’ai jamais quitté l’opposition en allant participer au Dialogue de
la Cité de l’UA. De même qu’Étienne Tshisekedi n’avait pas quitté l’opposition pour
avoir reçu le facilitateur Edem Kodjo à Bruxelles. Nous, nous avions voulu
limiter les dégâts. Nous n’avons pas été floués, c’est Kabila qui est en train
de se flouer lui-même.

Nous avons eu ce
tort d’avoir été les premiers à comprendre qu’il fallait prendre Kabila dans
son propre piège. Il fallait montrer au monde entier qu’il chante le dialogue
mais qu’en réalité il ne veut pas du dialogue. Les autres nous ont suivis plus
tard et tous nous avons signé un accord le 31 décembre 2016 avec Kabila. Si
nous, qui avons signé avec Kabila le premier compromis de la Cité de l’OUA,
sommes des traitres, alors nous tous qui avons conclu avec lui l’accord de la
Saint-Sylvestre par la suite le sommes aussi. Étant pacifistes, nous avons
voulu simplement épuiser toutes les voies. D’où cet appel pathétique que je
lance à nous tous, grands leaders : adoptons un plan commun de combat contre
Kabila.

Mais en même temps
que nous combattons la dictature, nous ne devons pas être distraits. Nous
devons maintenir la pression sur la Commission électorale nationale
indépendante (Ceni) et mettre son président Corneille Nangaa et son équipe en
garde : nous n’accepterons pas la machine à voter. Pour nous, c’est une
question de vie ou de mort. Car même si Kabila doit partir, les élections ne se
feront pas avec des machines à voter dont Nangaa a annoncé le début de la
livraison. Ce sont des machines à tricher pour que Kabila place à la tête du
pays n’importe qui, sa femme, sa sœur, son cousin…’’

Kinshasa droit dans ses bottes

Trois jours après
la répression des marches, les autorités congolaises ont salué la
"rigueur" et la "fermeté" des forces de sécurité de la
République démocratique du Congo.

Le gouvernement tient
à "féliciter les forces de police et de sécurité qui, sur l'ensemble du
territoire national, ont respecté le mot d'ordre de rigueur, de fermeté et de
conformité au droit international humanitaire dans la gestion" des marches
du 31 décembre 2017, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende
lors d'une conférence de presse.

Lambert Mendé a
souligné par ailleurs qu’il y avait des agitateurs parmi les manifestants, ce
qui explique pourquoi il y a eu des heurts : « Il y en avait qui étaient pacifiques.
Mais les autorités municipales de Kinshasa les avaient prévenus : il y avait
une récupération par des forces qui n’étaient pas, elles, pacifiques. On leur a
demandé de ne pas organiser ces marches parce que l’évaluation de la situation
de la sécurité prévoyait cette situation-là. Mais ils n’ont rien voulu
entendre. Et voilà, nous en sommes maintenant à des pertes en vies humaines. »

Interrogé sur
l’attitude des forces de l’ordre, le porte-parole du gouvernement n’a pas nié
que certains policiers ou militaires aient pu poursuivre des manifestants dans
des édifices religieux et tirer des gaz lacrymogène : « S’ils ont eu des
indications révélant que les forces non-pacifiques ont pu y entrer, je ne pense
pas qu’on peut interdire à une force de police de pourchasser un terroriste
parce qu’il est entré dans une église. »

« On ne peut pas
reprocher à la police d'envoyer des gaz lacrymogène… », a affirmé le porte-parole du gouvernement..

Selon le
porte-parole du gouvernement, «l’exécutif national a noté avec satisfaction la
responsabilité du peuple congolais qui a perçu cette crédulité sur laquelle les agitateurs comptaient
déstabiliser le pays au mieux d’intérêts qui sont loin d’être ceux du pays». Il
a indiqué que sur une cinquantaine de diocèses de la République Démocratique du
Congo, seules les villes de Kinshasa et de Kamina (Haut-Lomami) ont répondu aux
appels à la provocation de désordres lancés par des membres du clergé
extrémistes dissimulés derrière le Comité laïc de coordination.

Après avoir annoncé
l’élargissement de 88 fauteurs de
troubles appréhendés dont 77 à Kinshasa et 11 à Kamina, au terme
d’interrogatoires dans divers postes de police, le porte-parole du gouvernement
a relevé que les rêves du « grand soir » ou de l’hécatombe caressés par les
initiateurs de ces désordres se sont écroulés comme un château de cartes.

De son côté, dans
un premier « twitt », Joseph Olenghankoy « remercie » et « félicite » le peuple
congolais d’avoir « rejeté » l’appel à manifester le 31 décembre 2017. D’après
lui, ce rejet a permis d’éviter une « hécatombe » durant cette journée agitée.

Dans un second
twitt, l’ex-opposant radical exprime une « pensée pieuse pour les personnes
tuées ». Il ajoute aussitôt que « la plupart » ont péri suite aux « tirs des
éléments infiltrés ». Des infiltrés non-autrement identifiés qui « avaient pour
mission de faire beaucoup de victimes » et ensuite faire imputer « la
responsabilité aux autorités ». « J’appelle à la vigilance de tous car les
ennemis de la RDC veulent balkaniser ce pays », conclut-il.

Pour sa part, le
général Sylvano Kasongo Kitenge, inspecteur provincial de la police à Kinshasa,
s'explique comme suit dans un média périphérique :

« Il y a eu deux
morts à Matete , mais ces personnes n’ont pas été tuées par la police. Nous ne
savons pas comment elles sont mortes. En tout cas, ce sont leurs amis Kuluna
(membres des gangs à Kinshasa) qui ont emmené leurs corps à la paroisse de
Matete. Nous disposons de l’aveu du curé qui l’atteste sur un enregistrement.

C’est d’ailleurs
parce qu’il était dans la panique que ce curé a appelé la Monusco. Et sans
attendre un procès-verbal de magistrats, comme c’est exigé dans ce genre de
circonstances, ces corps ont été levés. Sans procédure judiciaire en amont !

Ceux qui parlent
d’une dizaine de morts, qu’ils nous disent où sont tombés ces morts. Où sont
organisés les deuils ? J’étais personnellement sur le terrain, je n’ai pas vu
une « dizaine de morts ». C’est un mensonge ! Il y a deux morts seulement, un
troisième était un assaillant tué vers le marché de la Liberté, après l’assaut
de la milice Kamuina Nsapu. C’était le soir, cela n’a donc rien à voir avec les
manifestations.

Quant aux
personnes arrêtées, j’ai eu le coup de fil du cardinal Laurent Monsengwo et
j’ai pu lui assurer qu’elles ont toutes été libérées, y compris les quatre
enfants de chœur interpellés. Et sur la voie publique, lorsque l’ordre public
est troublé et que la police intervient, elle ne cherche pas tout de suite à
savoir qui est enfant de chœur, avocat ou médecin. Ce n’est que plus tard que
l’on saura qui est qui parmi les personnes arrêtées.

S’agissant des
irruptions dans des églises, comment peut-on donner l’ordre d’entrer dans des
églises ? Pour y faire quoi ? Si ces faits sont avérés, ce sont des bavures.
C’est grave et inacceptable ! Je peux vous assurer que des enquêtes vont être
menées et les policiers qui se seraient rendus coupables de ces actes seront
punis. La police est là pour protéger la population, pas pour faire le
contraire.

Il n’y a pas eu de
blessés par balles. Lorsque le gaz lacrymogène est lancé, par exemple, certains
manifestants tombent en tentant de fuir et ils se blessent. La police n’a pas tiré à balles réelles. Mes
hommes sont munis d’armes non létales. Il y a eu, peut-être, des cas isolés du
côté de la police militaire, mais je n’en suis pas sûr.

Au sujet des
extorsions, des inspecteurs de la police sont déjà en train de mener des
enquêtes sur le terrain pour identifier les policiers incriminés : ils seront
déférés devant l’auditorat. Ces actes intolérables ne resteront pas impunis.

Mais, tenez, pour
ces dernières marches, nous avons reçu des renseignements selon lesquels il y
avait des infiltrés qui projetaient de tuer des gens et de nous en faire
endosser la responsabilité. Nous avons été confrontés aux Kuluna et autres
Kamuina Nsapu qui ont tenté de profiter de ces manifestations pour faire du
mal. Il y aurait eu plusieurs morts dans des églises. Heureusement, la police a
évité le pire. Nous devons nous en féliciter. Que le peuple attende les élections
dans la quiétude, comme l’a dit le commandant suprême Joseph Kabila, président
de la République.

De quoi demain
sera-t-il fait ?

Contrairement aux
récents appels à manifester lancés par l’opposition politique, notamment le 10 avril, le 19 septembre ou encore le 30
novembre 2017, et transformés souvent en une ville morte non programmée, avec des leaders de l’opposition excipant avoir été empêchés de sortir de
leurs domiciles, la mobilisation du 31 décembre des catholiques a été beaucoup
plus suivie.

Pour bien des
commentateurs, l’Eglise a su redorer son blason et fait preuve de sa capacité
de mobilisation malgré la répression, après avoir été reprochée d’avoir offert
des béquilles à Joseph Kabila pour ‘’glisser’’, grâce aux négociations du
Centre interdiocésain. De fait, malgré l’arsenal militaire et la forte présence
armée dans les rues de la capitale, les églises catholiques de Kinshasa (plus
de 200) étaient bondées dimanche.

« Ce dimanche 31
décembre 2017, nous avons été des millions à travers notre pays à nous être
mobilisés, au-delà des étiquettes politiques, au-delà de la considération
individuelle pour dire STOP à la souffrance du peuple congolais. Nous avons
marché pour dire à la face du monde que nous reprenons notre destin en main »,
a indiqué le CLC dans un communiqué. « Malgré cette violence de répression,
malgré de nombreuses barricades placées pour encercler les quartiers et les
paroisses de la capitale, la population a montré à la face du monde sa
détermination, elle n’a pas cédé à la peur, elle a marché avec courage et
discipline », poursuit le texte.

 « Il faut que ceux qui s’accrochent au pouvoir
dans notre pays sachent que le pouvoir nous appartient, que le pays nous
appartient à tous. Nous sommes décidés à reprendre notre destin en main, pour
construire un avenir meilleur pour nos enfants ; pour dire halte à la dictature
(…) Nous ne pouvons plus faire marche arrière. Les Congolaises et les Congolais
ne laisseront plus de répit au pouvoir en place », conclut le communiqué.

D’aucuns croient
qu’avec ce qui vient de se passer le 31 décembre, plus rien ne sera comme
avant et que la contestation populaire
est désormais en marche pour contraindre, avec d’un autre côté les sanctions
économiques des États-Unis et de l’Union européenne, les pressions de
l’opposition, Joseph Kabila de quitter son fauteuil présidentiel. Mais d’autres analystes se
montrent plus circonspects ; vu que les forces de défense et de sécurité,
contrairement à ce qui s’est vu au Zimbabwe par exemple, sont totalement en
phase avec les institutions de la République.

En tout état de
cause, la mobilisation de la
Saint-Sylvestre n’a pas été suffisante pour faire vaciller le pouvoir. Mais
était-ce là vraiment le but poursuivi par les marcheurs catholiques ?

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