« 8 mars 2018, la mère qui donne vie, pleure ses enfants » (Tribune de Léonie Kandolo)

 Ces
matins des 31 décembre 2017, 21 janvier 2018 et 25 février 2018, j’ai
vu des sœurs, mères inconsolables avec des larmes couleur sang
dégoulinant sur leurs visages, creusant des sillons ravins  sur ces
joues de femmes qui refusent toute consolation parce qu’en désolation.
Mama Marthe Benyamu qui porte et donne la vie a vu le sang, sang rouge
terre, jaillir comme une  lave en fusion de la tête, du ventre, de la
poitrine ou de la cuisse de ses fils et filles aux corps mutilés par des
baïonnettes « kulunaises ». Elle n’avait jamais cru qu’une balle
pouvait déformer le beau visage de sa fille ; écrabouiller la main
active de son fils ; ôter la vie à un corps en pleine jeunesse.

A
bout portant, avec des balles réelles, des  hommes en uniformes qui,
hier, opéraient invisibles parce que non autrement identifiés, exécutent
d’autres humains à ciel ouvert parce qu’enivrés par l’ivresse de
l’arrogance de leur ignorance. Ces hommes au cœur robotisé par des
uniformes qui ôtent toute humanité tiraient sans remords sur des êtres
sans défense répandant le sang de leurs frères et sœurs, sang
d’innocents dont chaque goutte crie justice au ciel.

Ainsi
parle mama Charlotte ; ainsi parle Rachel, deux femmes, deux mères,
deux sœurs meurtries qui, impuissantes, ont entendu ces balles
assassines ôter la vie aux nombreux jeunes des cités de ce beau pays à
Kinshasa, Goma, Bukavu, Lubumbashi, Mbandaka, Mbuji-Mayi, etc.

Les
armes létales et tous les autres équipements offerts par des
coopérations militaires plus affairistes et commerçantes
qu’humanitaristes, ont, à chaque réforme, placé notre peuple, victime
éternelle, à proximité du canon de l’agent de l’ordre devenu « Police de
proximité ». Ces coopérations militaires autruches des business
complices insoupçonnés de nombreux meurtres ont semé mort et désolation
de toutes les mères Rachel de cette terre dont on entend plaintes et
pleurs amers. Des mères qui refusent d’être consolées, car toutes
pleurent leurs fils, des corps désormais sans souffle, des êtres plus
que jamais sans vie !

Mama
Alphonsine pleure ses fils et ses filles ? Deux, pour des officiels
qui, à chaque assassinat, sans décence ni essence réduisent le nombre
des morts comme pour se donner raison d’avoir éliminé les « bilulus »,
les « va-nu-pieds » qui salissent la nouvelle ville coloniale. Deux
morts seulement, affirme l’Officier de Police à la Télévision.
Seulement ! Mais où sont passés les quatre autres que tes hommes ont
emporté à toute vitesse dans leur jeep devenu corbillard de
circonstance ? Que sont devenus les six, huit et dix autres oubliés de
ta comptabilité macabre ? Toutes les morgues de la ville ne signalent
pas ces corps d’êtres invisibles ! Pour les mères devenues folles, un,
deux, quatre, huit morts n’enlèvent rien à la tragédie qui se vit car
une vie, la vie de chacun de ces jeunes reste une vie, un avenir gâché
par des adultes avides de pouvoir ; des adultes pris de peur parce
qu’appelés, par tous, à quitter un pouvoir exercé pendant des années
sans élégance.

L’aventure
au sommet de l’Etat qui pendant longtemps a été un exercice du pouvoir
irrespectueux de la vie humaine exige étrangement des garanties d’une
sortie sans justice pour les morts de Kinshasa, de Mbandaka, de
Kisangani, de Tanganyika, du Kasaï, de Beni, de l’Ituri, etc. Aux abois
et avec beaucoup de maladresses, les intouchables d’une démocratie de
façade négocient des garanties d’une fin de mandat dans l’impunité
totale pour les meurtres d’hier comme d’aujourd’hui.

Un,
deux, trois morts et puis quoi ? Pour maman Véronique, tous ses fils et
filles  connus ou inconnus, enterrés ou jetés dans le fleuve, des héros
et héroïnes hier que ceux du 31 décembre 2017, du 21 janvier 2018 et du
25 février 2018 ramènent à notre souvenir ; des morts dont le sang
donne des cauchemars à tous ceux qui, au nom d’une alternance
incontournable devront répondre de tous ces faits ? Car ils ne sont pas
morts pour rien. Ils ont fait don de leurs vies afin que les nombreuses
victimes encore en vie ainsi que la nation toute entière croient en une
terre promise.

Un,
deux, trois, cinq, mama Sophie crie : « nooooon, tu ne tueras pas ton
frère ». Tu n’atténueras pas ce qui s’est passé par ce jeu de décompte
insipide : quatre morts ; non, j’ai compté 2 morts ;  dix, selon les
listes actualisées ;  quatre 4 d’après la dernière liste harmonisée.
Nooooon ! Hurle mama Georgette, tu ne nuanceras point cette bestialité,
cette barbarie : un « badaud », quatre « pillards » ; deux « voleurs »,
huit « va-nu-pieds » ; tous « manipulés » par des organisateurs
irresponsables de marches pacifiques, responsables sans Kalachnikov de
tous ces morts comme si eux avaient donné l’ordre de tirer à balle
réelle. Nooooooon ! S’effondre mama Josée, tu ne tueras point ton frère.
Sa vie ne t’appartient pas. ça vient de Dieu. Rien ne t’autorise à lui
ôter sa vie. Ne tue pas ton frère. Tu en répondras un jour ici bas. Tu
en répondras un jour devant le tribunal de nos ancêtres. Tu en répondras
ce jour devant le tribunal de l’Eternel, seul vrai défenseur des sans
voix, des sans défenses, des va-nu-pieds.

Victoire

Tous règneront

Par leurs sacrifices

Et d’autres à venir

Ils nous sauveront

Que Dieu protège notre cher Congo !

Pour le Comité Laïc de Coordination (CLC)

Leonnie Gertrude Kandolo  Ekombe

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.