13.03.18 Mémo sur le droit de manifester et la répression (Marcel Yabili)

1. L’article 26 de la Constitution énonce qu’on a le droit de manifester dans les conditions organisées par la loi. Mais cette loi n’existe pas!
Le décret de 1999, pris unilatéralement par LD Kabila est en lui-même anticonstitutionnel et a été abrogé implicitement.
En 2015, le député Delly Sessanga avait fait une proposition, qui avait été débattue, mais qui n’avait pas abouti. Les modalités  d’information, de cortège, etc  sont connus par des extraits de presse d’époque.
Malgré cette absence de loi d’application, il n' y a pas de vide juridique.
2. Côté manifestants. La manifestation est un simple mode de la liberté d’expression.  Au lieu d’écrits et de paroles, on peut par exemple, se regrouper pour envahir l’espace public. Cette liberté signifie que la manifestation par elle-même ne constitue pas un acte de rébellion et ne justifie ni répression ni condamnation judiciaire.
Les débordements,  excès et violences sont répréhensibles lorsqu’ils constituent des infractions; les manifestants sont punissables uniquement pour les infractions commises à l’occasion de la manifestation.
3. Côté pouvoir. L’autorité publique a un pouvoir de police, pour le maintien de l’ordre public. Elle peut interdire une manifestation.
L'interdiction est une mesure de l’exécutif central, provincial ou local qui nécessite des arrêtés réguliers, ministériels, provinciaux, urbains ou locaux.
Ces mesures administratives peuvent être poursuivies en annulation avant ou après
l’évènement.
4. Malgré les tensions, il n’ y a jamais eu de proclamation d’état d’urgence ou d’état de siège ou d’état de guerre qui autoriseraient des restrictions aux libertés, un usage inhabituel de la force et, même, la compétence de juridictions militaires pour les civils.
Par conséquent, manifestants et force de l’ordre sont soumis au droit commun.
5. Les manifestants peuvent désobéir aux interdictions administratives. Que risquent-ils?
La Constitution autorise de désobéir à des ordres manifestement illégaux; mais cela se discute devant le juge à qui on doit apporter la preuve.
En droit, la manifestation interdite serait un manquement à une mesure de police.
Les arrêtés réguliers d’interdiction peuvent prévoir des sanctions de sept jours de prison et 2.500 à 25.000 Francs  d’amende (pour les arrêtés urbains de secteur, communaux ou urbains), ou une de ces sanctions.
Lorsque ces mesures ne prévoient rien, et dans le cas d’arrêtés gouvernementaux et provinciaux, on est passible ( comme dans les autres manquements) de deux mois au maximum et d’une amende n’excédant pas deux mille francs, ou d’une de ces peines seulement.
Ce barème de sanctions indique que la manifestation interdite ne doit pas être exagérée. Il ne s'agit absolument pas d'une insurrection. CQFD.
6. Sur le terrain, on envoie des policiers. On leur reproche si pas des morts et des blessés, mais d' “ usage disproportionné de la force”.
Depuis 2013, les actions de la police sont clairement encadrées.
6.1. Selon la loi, la police nationale ne recourt à la force qu’en cas de nécessité absolue et uniquement pour atteindre un objectif légitime. Elle doit respecter le principe de proportionnalité et de progressivité.
Autrement dit, l’ envoi d’ agents armés au premier contact avec des manifestants pacifiques est interdit.
6.2. La loi indique aussi que l’armement de base du policier comprend un pistolet, une matraque et une paire de menottes. Pour le maintien et le rétablissement de l’ordre public, le policier peut être équipé d’un armement spécifique adapté à la mission à effectuer.
Autrement dit, on ne comprend absolument pas comment dans tout le pays les policiers ont des Kalachnikovs avec des chargeurs à balles réelles.
Dès qu’il y a des blessés par balles dites perdues ou des impacts de balles, il y a autant de preuves d'infraction pour la police.
6.3. La loi prescrit que « Avant tout usage d’armes à feu, le policier doit trois sommations formulées à haute et intelligible voix dans les termes suivants :
<>.
6.4. Toujours suivant la loi, les policiers ne peuvent faire usage d’armes à feu que sur réquisition préalable de l’autorité légalement responsable du maintien de l’ordre. Cette réquisition est écrite; elle mentionne la disposition légale en vertu de laquelle elle est faite, en indique l’objet, est datée et porte les noms et qualité ainsi que la signature de l’autorité compétente.
Question: est-ce que ces réquisitions existent? Si oui, l’autorité administrative a-t-elle autorisé l’usage d’armes à feu? Pour quel motif?
7. On parle aussi de “forces de sécurité” en appui ou en dédoublement des policiers.
La loi est toujours claire: lorsque les unités des forces armées sont appelées à intervenir avec la police nationale pour donner force à la loi, la direction des opérations de rétablissement de l’ordre public revient au commandant des unités de la Police nationale.

Marcel YABILI
22.02.2018

Nb. Documentation : Constitution, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l’État et les Provinces, Décret du 6 août1922, Loi organique N°11/013 du 11 août 2013 portant organisation et fonctionnement de la police nationale congolaise et Loi N°13/013 du 1er juin 2013 portant statut du personnel de carrière de la police nationale

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