08 05 18 – Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, Mme Fatou Bensouda, à l’issue de sa visite en République Démocratique du Congo


 ‘’La lutte contre l’impunité et la nécessaire prévention des
crimes relevant du Statut de Rome de la CPI sont primordiales pour la stabilité
sociale’’

‘’Je
viens de conclure ma visite en République Démocratique du Congo
("RDC"). J’ai eu des entretiens fructueux avec le Chef de l’Etat, SE
Monsieur Joseph Kabila, et les autorités politiques et judiciaires congolaises
sur des sujets aussi importants que les violences commises dans le pays, l’état
d’avancement des procédures judiciaires nationales, la coopération et les activités
de mon Bureau. Je me suis également entretenue avec des représentants de la
Conférence Episcopale Nationale du Congo (la CENCO), de partis politiques, de
la société civile, de médias et d’autres partenaires, et avons abordé des
questions liées à la situation en RDC et aux activités de mon bureau.

Cette visite s’inscrit dans la continuité de
mes déclarations antérieures. J’ai fait part de mes inquiétudes quant à la
situation critique et aux épisodes de violence me rapportés en particulier à
Kinshasa, à Béni, dans les provinces des Kasaï et dans d’autres parties du
territoire. J’ai également fait part de mes préoccupations quant aux actes
observés à ces occasions, dont il est allégué qu’ils pourraient constituer des
crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale
("CPI").

J’ai alors demandé aux autorités congolaises
de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des enquêtes véritables
soient menées afin de faire la lumière sur les violences alléguées et de
traduire en justice tous les acteurs impliqués dans leur perpétration. C’est en
effet la responsabilité première des autorités nationales de mener des enquêtes
véritables pour faire la lumière sur ces allégations, comme cela est prévu dans
le Statut de Rome ratifié par la RDC.

La lutte contre l’impunité et la nécessaire
prévention de crimes graves relevant du Statut de Rome de la CPI sont
primordiales pour la stabilité sociale. Il est essentiel que des procédures
nationales effectives soient menées contre les responsables de tels crimes qui
ont troublé cette stabilité. Les appels des nombreuses victimes pour que
justice leur soit rendue doivent être entendus.

J’ai longuement échangé avec les autorités
nationales sur la situation actuelle dans le pays ainsi que sur l’état
d’avancement des enquêtes et des poursuites nationales contre les auteurs
présumés des actes criminels commis en RDC. Des progrès sont réalisés par les
autorités congolaises dans la lutte contre l’impunité. Nous en avons fait le
constat y compris dans les échanges que mon Bureau a régulièrement avec les
autorités nationales compétentes. Je me félicite donc de ces efforts.
J’encourage les autorités à les renforcer de sorte que tous les responsables
des crimes atroces allégués de tous bords répondent de leurs actes devant la
justice. Mon Bureau va continuer à interagir dans le cadre d’évaluations et de
renforcement continus des capacités et des procédures nationales avec les
autorités congolaises et d’autres partenaires pertinents, en conformité avec le
principe de complémentarité.

La lutte contre l’impunité c’est aussi la
prévention, qui est une dimension essentielle de la justice. J’invite tous les
acteurs et toutes les parties concernées à continuer à œuvrer pour que, face à
des moments difficiles faisant peser des risques importants de commission de
crimes graves, des mesures adéquates soient mises en place pour éviter à tout
prix leur commission. C’est la responsabilité de tout un chacun, parce que la
commission de crimes relevant du Statut de Rome n’est pas une option ; elle
ne peut être tolérée, quelle qu’en soit l’origine et quels qu’en soient les
auteurs ou leurs fonctions. Le Statut de Rome est clair sur ce point et, en
tant que Procureur, il est de mon devoir de le rappeler sans équivoque :
toute personne qui commet ou ordonne que soient commis des crimes relevant de
la compétence de la CPI ou encore incite, encourage ou contribue à la
commission de tels crimes est passible de poursuites.

Ici en terre congolaise, je veux réitérer mon
appel lancé aux autorités et au peuple congolais de tout faire pour prévenir et
éviter tout comportement de violence criminelle puni par le Statut de Rome, en
tout lieu et en tout temps. Il est impératif que toute action, toute activité
sur l’étendue du territoire de la RDC, quels qu’en soient l’auteur, la nature
et la forme, se fasse avec retenue et sens de responsabilité.

Le travail de mon Bureau continue en RDC. Avec
une extrême vigilance, nous allons continuer à suivre de près la situation sur
le terrain et à échanger avec tous les acteurs pertinents, y compris les
populations civiles, les autorités congolaises, toutes les parties prenantes et
la société civile. Nous sommes plus que jamais déterminés à soutenir et à
renforcer les efforts et les capacités pour prévenir la violence criminelle et
n’hésiterons pas à poursuivre les responsables d’atrocités commises en RDC dans
le cadre de la complémentarité et de la coopération prévues par le Statut de
Rome.

Depuis toujours la RDC a apporté un soutien et
une coopération remarquables au travail de mon bureau. Je voudrais exprimer ma
gratitude aux autorités congolaises pour ce soutien et pour leur adhésion aux
principes et aux valeurs du Statut de Rome qu’elles ont ratifié. Je suis
confiante de pouvoir toujours continuer à compter sur la coopération des
autorités congolaises dans nos activités en RDC.

Je voudrais, pour conclure, exprimer toute ma
gratitude aux autorités et au peuple congolais pour l’accueil chaleureux qui
nous a été réservé, et rappeler la détermination de mon Bureau à poursuivre résolument
ses activités en RDC afin de combattre l’impunité et de concentrer nos efforts
aux fins de rendre justice aux victimes.

Le Bureau du Procureur de la CPI mène des
examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de
génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, en toute
impartialité et en toute indépendance. Depuis 2003, le Bureau enquête sur
plusieurs situations relevant de la compétence de la CPI, notamment au Burundi,
en Côte d’Ivoire, au Darfour (Soudan), en Géorgie, au Kenya, en Libye, au Mali,
en Ouganda, en République centrafricaine (deux situations distinctes) et en
République démocratique du Congo. La Chambre préliminaire II de la Cour est
saisie de la demande d’autorisation d’ouvrir une enquête sur la situation en
République islamique d’Afghanistan déposée par le Procureur. Le Bureau conduit
également des examens préliminaires à propos des situations en Colombie, en
Guinée, en Iraq/Royaume-Uni, au Nigeria, en Palestine, aux Philippines, en
République gabonaise, en Ukraine et au Venezuela.

 

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