27 06 18 Réaction du Corps Exécutif de Transition (CET) aux discours populistes et confédéralistes
Néanmoins, le CET demeure aussi opposé à l’exploitation par l’étranger ainsi qu’à toute forme de concentration de pouvoir de l’Etat. Nous sommes pour l’unité dans la diversité.
Toutefois, nous croyons que pour combattre un mal il faut d’abord bien l’identifier et que le discours populiste contre les puissances occidentales ne sert pas la cause de notre peuple. Dans les négociations avec l’occident, le CET est pour une solution Gagnant-Gagnant (Win-Win).
Par ailleurs, l’option d’une structure confédérale pour notre pays, maintenant ou à court terme, risque d’empirer une situation déjà fort désastreuse de notre peuple. C’est ce que nous allons démontrer par ce message.
Nous parlerons donc du néocolonialisme, de la structure de l’Etat Congolais avant de rappeler notre proposition dans le « Que Faire ».
Concernant le néocolonialisme
Il est vrai qu’après la fin de la deuxième guerre mondiale et avec la reconnaissance par l’ONU du droit à l’autodétermination des peuples, une autre forme de colonialisme apparaissait. Le colonialisme juridique céda la place à une forme de domination moins visible marquée par la dépendance économique nommée « néocolonialisme ».
L’important n’est pas de crier jour et nuit le fait que nous soyons exploités par les puissances capitalistes par le biais du néocolonialisme, mais de savoir identifier les facteurs de dépendance qui rendent la RDC beaucoup plus exploitable que d’autres Etats.
La théorie de la dépendance nous apprend que cette dernière se présente sous trois formes : (1) la dépendance coloniale caractérisée par une économie d’extraction dans laquelle le capital financier et commercial de la métropole exploite la colonie; (2) la dépendance financière et industrielle dominée par le capital du centre pour produire à la périphérie des produits semi-finis ou finis pour le centre ; (3) La dépendance des multinationales.
Comme nous l’avons dit dans la présentation vidéo du CET, contrairement aux autres Etats d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, la RDC n’a jamais fait un effort pour changer l’économie basée sur l’exportation des matières premières héritée de la colonisation belge qui est une économie des colonies du 19ieme siècle !
L’économie congolaise est demeurée une économie d’extraction produisant exclusivement pour l’étranger malgré « l’indépendance » donnant ainsi au Congo le statut de grand réservoir des matières premières de l’occident. Elle n’est pas une économie pour les congolais ! Les compagnies étrangères y exploitent les ressources naturelles qu’elles exportent du pays vers l’étranger ou ces dernières seront transformées en produits finis et commercialisables.
Cette économie est marquée par la détérioration continuelle des termes d’échange et le maintien du pays à flot seulement par l’aide économique étrangère. Certes, quelques multinationales sont maintenant présentes dans l’exploitation des mines. Mais étant donné la faiblesse de participation de l’Etat congolais dans le capital des sociétés locales d’exploitation, ces dernières sont indépendantes des décisions des pouvoirs de l’Etat congolais. De ce fait, plutôt que de contribuer à un plan de développement durable du pays, Elles ne constituent qu’une source à l’enrichissement illicite des hommes au pouvoir.
Selon la théorie récente en Economie de développement de Daron Acemoglu et James Robinson, les institutions reflètent l’image de leurs économies. Aux économies d’extraction correspondent des institutions extractrices fonctionnant au bénéfice d’une Elite compradore qui vit non pas pour servir le peuple mais pour extraire des rentes économiques du reste de la population. Le cas de Mobutu est cité dans cette théorie. La situation a continué après Mobutu. C’est ce qui explique le vote par le parlement congolais de gros salaires pour l’élite alors que la population croupit dans la misère.
La Banque Mondiale elle-même a fini par reconnaitre que la poursuite de la prévalence de l’économie d’extraction est un danger pour le monde. Car selon elle, l’économie d’extraction est liée à un taux élevé de corruption, de prédation, de clientélisme, d’instabilité politique et de guerres civiles.
Si la RDC, malgré ses grandes potentialités, se trouve au bas de l’échelle de développement par rapport aux autres Etats, eux aussi exploités par le néocolonialisme, c’est surtout parce qu’elle n’a pas encore des dirigeants capables de changer l’économie héritée de la colonie qui siphonne les richesses vers l’extérieur.
Certes, ce changement de l’économie a un coût élevé. Mais il n’est pas impossible à réaliser. D’autres pays ayant été dans une situation similaire à celle que vit la RDC, l’ont fait. La Corée du Sud n’est-elle pas devenue une puissance économique grâce à la technocratie? Il en est de même pour l’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie et de Singapour.
C’est pourquoi nous au CET avons un plan de sortie de cette situation néocoloniale dans une vision Win-Win. Nous refusons d’accepter que la RDC demeure éternellement le réservoir de matières premières pour les puissances étrangères.
Quid de la décentralisation
L’objectif d’une décentralisation n’est pas de distribuer le pouvoir aux élites originaires de l’entité locale, mais d’augmenter la performance de l’Etat dans les services rendus à la population en se rapprochant d’elle. En politique, cela répond au principe de «subsidiarité», le principe selon lequel une autorité centrale devrait exécuter uniquement les tâches qui ne peuvent être accomplies à un niveau local. C’est l’idéal.
C’est la détermination de ces taches qui devrait être une plus grande préoccupation avant de choisir un model réel. Choisir la structure décentralisée tout simplement afin d’assouvir la soif aux postes des élites autochtones n’est pas diffèrent de ce qui est fait actuellement. Une forme de corruption aux conséquences désastreuses! A court terme, le model d’une décentralisation poussée telle que la structure fédérale ou confédérale que proposent d’autres organisations risque d’exacerber le mal plutôt que de le guérir.
En général, quand l’Etat est affaibli, des tendances centrifuges émergent. En terme de gestion organisationnelle, on ne décentralise pas le pouvoir dans une période de crise mais bien au contraire, on le centralise afin d’uniformiser et de contrôler les coûts ; et ceci est corroboré par les conseils du Pr. belge Van Bilsen lors de la décolonisation en 1960 ainsi que par les études publiées en 1996 dans un article préparé par Hommes pour la Banque Mondiale :
Conseils de Van Bilsen
Face à l’empressement des certains dirigeants congolais en 1960 pour la fédéralisation du Congo, le professeur Van Bilsen qui avait été le précurseur du model Fédéral pour le Congo dans son livre publié en 1956 ( Un Plan de Trente Ans pour l’Emancipation Politique de l’Afrique Belge ), et qui deviendra plus tard à la fois conseiller de Kasavubu et Tshombe lors de la décolonisation, estimait pour sa part, qu’il n’y avait peut-être pas d’inconvénient à ce qu’ ’il y ait au Congo durant les années après 1960, une décentralisation administrative impliquant, par exemple, la création de nouvelles provinces mais, que le risque de balkanisation était très grand avec la fédéralisation du Congo.
En effet Van Bilsen écrira : «En 1955, je proposai comme hypothèse de travail une fédération congolaise. Je crois encore aujourd’hui que cette solution est idéalement la meilleure et que quelque jour, peut être lointain, après l’indépendance, le Congo évoluera dans cette voie. Mais je dois constater que, depuis, la notion fédéraliste a été compromise aux yeux des Africains par la façon dont elle a été définie par certains milieux financiers d’abord, soutenue ensuite par divers groupes et même par un distingué sociologue d’opinion socialiste. Si l’idée fédéraliste doit servir à couvrir un véritable découpage, une balkanisation du Congo, elle devient évidemment, dès lors, politiquement et psychologiquement une arme du colonialisme… C’est dans la même optique que je comprends ceux-Africains et Belges d’Afrique- qui combattent le fédéralisme. Ils veulent en premier lieu préserver l’unité de leur patrie congolaise et en cela ils ont raison »
Hélas ! Le pauvre Van Bilsen ne fut pas compris face à l’argent utilisé pour la manipulation des congolais. La Conférence de Tananarive en Mars 1961 durant laquelle les politiciens de Léopoldville, Elisabethville et Bakwanga décidèrent de transformer le Congo en une confédération d’Etats Indépendants sonna presque la fin de l’existence du Congo.
Voici ce qui était rapporté par le Monde Diplomatique du 03 Avril 1960 : … la solution confédérale préconisée par la conférence de Tananarive semblait à première vue ouvrir des perspectives encourageantes. Encore faudrait-il, pour que ces perspectives se réalisent que soient définies la répartition des revenus des Etats de la confédération, notamment du Katanga, et les fonctions du Conseil des Etats – gouvernement central rudimentaire présidé par M. Kasavubu. Il faudrait également que tous les Etats de ladite confédération soient d’accord pour y adhérer. Or rien n’a été défini à Tananarive, où les participants ont abouti à un simple accord de principe.
C’était donc la dilution de l’Etat Congolais à Tananarive. Heureusement que le President Kennedy n’accepta pas d’être mis devant un fait accompli par les belges et les français !
Etudes de la Banque Mondiale
En effet, selon les études effectuées durant les trois dernières décennies, il y a des préconditions avant qu’une décentralisation ne soit bénéfique pour un Etat. La première d’elles est l’existence d’un Etat fonctionnel ou un Etat fort. Ci-dessous un extrait de l’une des études faites par Rudolf Hommes publiée en 1996 pour la Banque Mondiale.
« La décentralisation n'est pas intrinsèquement «une bonne chose» qui devrait être recommandée sans la moindre réserve. Dans certains cas elle peut faire plus de mal que de bien. On peut repérer quatre cas où le risque est grand. Le premier se rapporte au degré d'efficacité de l' État central : si l'État est inefficace ou corrompu, la décentralisation a de grandes chances d'augmenter plutôt que de décroître l'inefficacité. L'importance des différentiels de revenus (entre ménages et/ou entre territoires) est le second critère : plus ils sont importants moins la décentralisation est souhaitable. Le revenu par tête est le troisième aspect : plus le PIB par habitant est faible plus la décentralisation sera dangereuse ; le fonctionnement d'une collectivité locale implique des coûts fixes ; dans les pays à très faible revenu, ces coûts fixes, qui seront gonflés par la décentralisation, viendront accroître les dépenses publiques et exercer un effet d'éviction sur les dépenses de biens et de services. Le degré d'urbanisation est le dernier critère. La possibilité de percevoir des impôts locaux est plus faible dans les zones rurales réduisant de ce fait les moyens d'un contrôle politique local efficace. Par conséquent, plus le degré d'urbanisation est faible, plus il est difficile de décentraliser. Il s'en suit que la décentralisation apparaît appropriée pour des pays à faible disparités de revenus, à revenu par tête relativement élevé, largement urbanisés et où l'État est efficace. On peut douter que les 63 pays en développement engagés dans des réformes de décentralisation correspondent à cette description. »
(Hommes, Rudolf. 1995. Conflits and Dilemmas of Decentralisation, Washington, La Banque Mondiale, article préparé pour l'Annual Bank Conference on Development Economies, Washington, D.C.Mai, 1995.)
Depuis trois ans le régime au pouvoir a procédé à une « décentralisation ». Il est important de remarquer que les conditions pour la décentralisation n’étaient pas réunies. On ne peut donc pas être surpris de remarquer que cette décentralisation n’a rien apporté de positif dans la performance des services rendus à la population.
C’est compte tenu de toutes ces études et de l’histoire, que le CET bien qu’étant pour l’unité dans la diversité, demande aux congolais d’être prudents et patients avant d’adhérer aux stratégies « fédéralistes » ou « confédéralistes » alors que la cohésion nationale est frêle à cause de l’absence d’un Etat fonctionnel.
Que Faire ?
« Une option réaliste en vue de la construction d’un État démocratique passe par le choix d’une feuille de route comportant des priorités claires sous tendues aux théories acceptées. L’établissement d’une administration efficace devrait être la première priorité, suivie par le processus de démocratisation (dont l’organisation d’élections démocratiques), dans le cadre d’un processus qui devrait durer 36 mois.
Dans son état actuel, la RDC souffre d’un déficit des capacités de l’État, notamment d’un manque d’institutions efficaces, d’infrastructures publiques ainsi que d’un manque de volonté de la classe politique pour servir d’abord les intérêts de la nation. Ce sont ces handicaps qui empêchent d’organiser des élections régulières.
C’est donc pour cette raison, que nous demandons à toutes les forces vives de la nation de s’unir derrière le CET.
Avec votre soutien, avec le soutien du peuple congolais, au-delà des querelles partisanes, le CET installera une administration neutre, sur une base technocratique, imprégnée de sens du bien public et affranchie des contingences politiciennes, pour lancer la feuille de route de la construction d’un État congolais fort et démocratique.
Le CET est opposé à tout schéma de balkanisation du pays.
La RDC est indivise ! Rejetons l’agenda confédéraliste !
Pierre Vile-Linda Sula
DBA, MS, IT Architect