Le swahili et le lingala comptent parmi les 10 langues africaines les plus parlées

L’Académie africaine des langues, créée en 2005 par l’Union africaine et basée à Bamako au Mali, projette d’élaborer un atlas des langues africaines, qui serait le premier du genre à émaner du continent lui-même, et non de la revue Africana Linguistica publiée par le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren à Bruxelles.

Sabine Cessou Business et Finances / 04.04.2019,

PLUS DE 2 000 langues sont dénombrées en Afrique, dont une centaine serait maîtrisée par plus d’un million de locuteurs. Les langues les plus parlées seraient, selon des sources très variables et parfois divergentes, dans cet ordre : l’arabe (plus de 150 millions de locuteurs), le kiswahili (plus de 100 millions), l’amharique (entre 28 et 50 millions), le haoussa (entre 18 et 50 millions), le yorouba (30 millions), l’oromo (25 millions) et l’ibo (24 millions), avant le lingala (entre 2 et 25 millions, selon les sources) puis le kinyarwanda et le kirundi (entre 15 et 20 millions), deux langues cousines qui partagent avec l’isizoulou et l’isixhosa (respectivement, 10 et 8 millions de locuteurs) leur appartenance au grand sous-groupe des langues bantoues.

« Si on écarte les langues indo-européennes et malayo-polynésiennes introduites en Afrique durant les deux derniers millénaires dont les principales sont l’arabe, le malgache, l’afrikaans, le portugais, l’anglais, le français, l’espagnol, le hindi, le bouchpouri, l’ourdou, le chinois, il reste un peu plus de 2 000 langues qui se répartissent en quatre grandes familles », explique l’Académie africaine des langues (ACALAN), créée en 2005 par l’Union africaine (UA) et basée à Bamako (Mali). Cette institution projette d’élaborer un atlas des langues africaines qui serait le premier du genre à émaner du continent lui-même, et non de la revue Africana Linguistica publiée par le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) de Tervuren à Bruxelles.

Langue de conquête importée ?

D’entrée de jeu, l’arabe, né dans la péninsule arabique à l’âge de fer (1 200 ans av. J.-C.), serait ainsi exclu par l’ACALAN, car perçu au sud du Sahara comme une langue de conquête importée. Cette langue, qui fait partie des huit langues les plus parlées au monde, figure pourtant dans l’une des quatre grandes familles de langues africaines identifiées jusqu’à présent. En Afrique, ils sont au moins 150 millions d’arabophones, de l’Egypte (92 millions d’habitants) au Maroc (34 millions) en passant par l’Algérie (40 millions), la Tunisie (11 millions) et la Lybie (6 millions).

La famille de langues africaines la plus prolifique provient de la très grande zone « Niger-Congo », avec 1 456 langues dont 500 relèvent du sous-groupe bantou où l’on trouve les langues les plus parlées d’Afrique. S’y trouve ainsi le kiswahili, qui sert de lingua franca (langue véhiculaire) dans toute la partie orientale de l’Afrique. Il compte de 100 à 150 millions de locuteurs dans dix pays, qui l’utilisent le plus souvent comme seconde langue. Cette zone swahiliphone va des cinq provinces orientales de la République démocratique du Congo au Mozambique, en passant par les Grands Lacs (Rwanda, Ouganda, Burundi, Tanzanie), le Kenya et la Somalie.

« Hakuna matata », « pas de problème », est sans doute l’expression la plus connue du kiswahili, dont les proverbes figurent sur des pagnes vendus de Lamu au Kenya jusqu’au Cap en Afrique du Sud. Popularisée à travers le monde, grâce au dessin animé Le roi lion de Walt Disney, cette langue, née chez les planteurs de girofle de l’archipel de Zanzibar, dans l’actuelle Tanzanie, comporte de nombreux mots d’arabe, en raison de la forte influence d’Oman sur les rives orientales de l’Afrique. D’abord transcrite en arabe, elle est maintenant écrite en alphabet romain. L’une des tâches de l’ACALAN dans son futur atlas consistera à trancher sur le shikomor, langue officielle des Comores, tenu pour un dialecte du swahili par certains et pour une langue à part entière par d’autres.

Le lingala, transporté aux quatre coins du monde par la rumba congolaise et l’importante diaspora congolaise, compte environ 13 millions de locuteurs dans les deux Congo, en Centrafrique et en Angola. Faute de sources fiables et à jour, les estimations varient très largement de 2,2 millions de locuteurs ayant le lingala comme langue maternelle selon l’Université de Laval (Québec) et le laboratoire de recensement mondial des langues Ethnologue, à environ 10 millions selon l’encyclopédie Britannica et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français, tandis qu’ils seraient entre 20 et 25 millions selon l’Université de l’Indiana, aux États-Unis.

Toujours dans le sous-groupe bantou, les deux langues cousines que sont le kinyarwanda et le kirundi sont parlés par près de 15 à 20 millions de personnes, avant le zoulou (20 % des Sud-Africains, soit 10 millions de personnes) et le xhosa (9 millions). Non bantoues, le yoruba (30 millions de Nigérians, Béninois et Togolais) et l’ibo (24 millions de Nigérians) appartiennent néanmoins au grand groupe du Niger-Congo, de même que le pulaar, une langue parlée sur une vaste étendue de bande sahélienne par environ 4,4 à 15 millions de Peuls, du Sénégal et de la Guinée au Cameroun, en passant par le Mali, le Tchad et le Nigeria. Là encore, les sources varient beaucoup, selon la définition de la langue, qu’on prenne le pulaar stricto sensu ou tout le groupe des langues fula, qui incluent le fulani, le pulaar, le fulfude et le toucouleur.

Le haoussa, seconde ou troisième langue ?

La famille « afro-asiatique », autrefois appelée « chamito-sémitique » comprend de son côté 371 langues, dont l’arabe (parlé par 150 millions de personnes en Afrique et manifestement perçu à tort comme une langue exogène par l’ACALAN), le berbère et le tamachek, parlé et écrit par les Touaregs. On y trouve aussi le haoussa (entre 18 et 47 millions, à 50 millions de locuteurs, selon les sources, du Niger au Togo en passant par le Nigéria), l’oromo (25,5 millions de personnes en Ethiopie, Somalie, au Kenya et Djibouti) et l’amharique (au moins 29 millions de personnes en Ethiopie, Erythrée, Soudan, Djibouti et jusqu’au Yémen).

Il faut prendre les chiffres avec des pincettes, tant les statistiques font défaut ou varient d’une source à l’autre sur le continent. Selon le recensement général de 2007 fait en Ethiopie, l’amharique est parlé en tant que langue maternelle par 29 % de la population, soit 28 millions de personnes. Mais elle est comprise et maîtrisée comme seconde langue par au moins la moitié des ressortissants du pays, soit 50 millions de personnes, ce qui la propulse au second ou troisième rang des langues les plus parlées d’Afrique après le swahili, et à égalité avec le hausa, selon les sources et le choix de prendre ou non en compte l’arabe.

L’ensemble « nilo-saharien » contesté

Autres querelles de chapelle chez les linguistes : la famille des langues dites « nilo-sahéliennes » existe-t-elle vraiment ? Et si oui, le songhaï, parlé au Niger, au Tchad et au Mali en fait-il partie ? Dessinée par l’Américain Joseph Greenberg en 1963, cette famille n’est pas considérée comme homogène par d’autres spécialistes, qui la taxent de « poubelle de Greenberg » parce qu’on y trouve des langues parlées depuis le paléolithique en Nubie, au sud de l’Egypte, au Soudan et une partie de la Libye et du Tchad. Leur point commun : elles n’appartiennent à aucun des autres grands groupes identifiables de langues africaines.

Vient enfin la famille originelle des langues Khoisan (35 dialectes en voie de disparition, avec 100 000 locuteurs seulement en Afrique du Sud, Namibie et Botswana). Ce dernier pilier en nombre a sans doute été le premier dans l’histoire de l’Afrique. Il a donné à l’Afrique du Sud sa devise nationale : « !ke e: /xarra //ke », « les peuples divers vivent ensemble ». Cette retranscription, qui pourrait aujourd’hui faire penser à un langage informatique, tient compte des différents clics propres au Khoisan, et qui eux, ne se sont pas perdus. On les retrouve en isixhosa (8 à 9 millions de locuteurs), une des grandes langues bantoues d’Afrique du Sud, célébrée par Miriam Makeba dans sa célèbre chanson « The Click Song ».

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