Prof. Godéfroid Kamana: « Nos jeunes sont capables de construire un nouveau Congo » (CongoForum)

Le professeur Godéfroid Kamana.

GOMA – Le professeur Godéfroid Kamana, directeur de recherche à l’institut interculturel dans la région des Grands Lacs ‘Pole Institute’, a accordé une interview à CongoForum à l’occasion de la journée internationale de la Jeunesse célébrée chaque 12 août de l’année. Celui-ci est revenu sur l’implication de la jeunesse dans la reconstruction de la RDC.

Monsieur Kamana, vous êtes un éminent professeur dans plusieurs universités en RDC. Nous venons de célebrer la Journée internationale de la Jeunesse. Où se situe la jeunesse dans la gestion du pays aujourd’hui selon vous ?

Godéfroid Kamana : « Vous savez, il ne faut pas avoir une idée pessimiste ou défaitiste de la jeunesse congolaise. Cette jeunesse a un projet de changement pour la RDC mais le projet n’est pas encore bien structuré, discuté, partagé. Une journée internationale de la Jeunesse devrait être l’occasion de discuter et échanger sur les enjeux, sur le projet des jeunes congolais. Les jeunes devraient prendre la parole pour expliquer leur rêve d’un nouveau Congo et pour parler de leurs stratégies pour reconstruire notre pays. Il faudrait discuter de la question comment les jeunes peuvent bâtir dans leur imagination et dans la vie quotidienne. Comment ils peuvent mettre sur pied les éléments pour faire surgir un nouveau Congo. »

« Quand je vois des jeunes qui réfléchissent, ça me donne un sentiment positif pour notre pays. En regardant les associations qui existent à Goma, je pense que demain nous aurons une jeunesse très dynamique avec l’objectif de changer le pays, le contexte économique, la culture. »

Un constat tristissime est que certains jeunes consomment trop de boissons fortement alcoolisés. Pour eux c’est comme un refuge: ils restent chômeurs et n’ont pas trop de perspectives. Comment vous observez cette pratique ?

Godéfroid Kamana : « Cette pratique n’a aucun sens. L’alcool a jamais développé un pays, l’alcool n’a jamais aidé une personne à avancer. Se perdre dans l’alcool est une idiotie. Je n’imagine pas que les grands hommes de demain peuvent se lancer dans l’idiotie en croyant qu’ils trouvent de cette façon une solution à leurs problèmes. »

« Mais il faut aussi parler de la religion. C’est exactement la même chose pour moi. La religion, elle aussi, peut détruire l’engagement des jeunes. Il faut que les jeunes deviennent responsables et qu’ils abandonnent la culture de l’imbécilité. On voit comment les églises pullulent en RDC, pour moi ce n’est pas bien. »

Dans les différentes communautés, surtout à l’est du pays, certains ne peuvent plus vivre ensemble suite aux conflits armés et aux conflits de terre. Quel est votre message à ce sujet, en tant que habitant d’une région en post conflit ?

Godéfroid Kamana : « Je crois que de plus en plus les jeunes comprennent que la fragmentation tribale ne nous aide pas. Utiliser nos terroirs comme arme pour détruire les autres, c’est une dynamique que nous observons depuis beaucoup d’années. En quoi est-ce que cela a donné des avancées, du progrès dans notre région ? C’est plutôt destructeur. A cela s’est ajoutée l’épidémie d’Ebola, qui pèse aussi lourdement sur notre société. Il faut se mettre ensemble pour nous construire et pour construire le pays. C’est impératif que les jeunes renoncent aux armes, les armes ne résolvent aucun problème. Pour reconstruire la paix il nous faut une volonté de paix et la capacité de mener une stratégie de paix. On construit la paix par la paix, non par la guerre. Sur ce point aussi il faut vraiment réveiller nos jeunes. »

Quel serait votre message à toute la jeunesse congolaise ?

Godéfroid Kamana : « Mon message est clair. Le temps est venu pour les jeunes pour exercer le pouvoir de l’imagination, de l’organisation, de l’action. Ils ont le potentiel de construire un autre Congo. Evidemment cela veut dire qu’il faut lancer et élaborer beaucoup d’initiatives. Il faut en plus la capacité de le faire ensemble. Il faut la volonté. On peut penser à faire la politique, mais la politique c’est une vocation, je trouve. Que cela n’incite pas les jeunes à oublier beaucoup d’autres choses qui sont à faire. »

© CongoForum – Paulin Munyagala, 13.08.19

www.pole-institute.org

Image – source: CongoForum

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