Un bémol à la gratuité de l’enseignement de base (La Libre Afrique)
KINSHASA – La déclaration a été faite lundi sur Top Congo, par le ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, Willy Bakonga: la gratuité de l’enseignement ne concerne pas les 7e et 8e années.
« Si ce n’est pas un rétropédalage, ça y ressemble fortement », commentait mardi le Forum des As, qui titre « Volte-face du gouvernement! ». Et le journal de souligner que « dans toutes les communications antérieures, les pouvoirs publics faisaient état de la gratuité de l’enseignement de la 1e à la 8e année ».
Les parents paient les enseignants à l’école publique
Au Congo, l’enseignement de base compte en effet huit années. Depuis l’époque Mobutu, en raison de la mauvaise gouvernance, l’Etat ne paie pas ou pas adéquatement les enseignants et c’est devenu aux parents de le faire, en versant des sommes importantes aux écoles publiques.
Selon les explications données par le ministre Bakonga à Top Congo, il y aurait une « confusion ». Il a assuré que les 7e et 8e années étaient « des classes du secondaire » et n’étaient donc pas concernées par la mesure de gratuité.
Il semblerait que, parlant de la mesure de gratuité, on ait cité, comme si les termes étaient équivalents, l’enseignement « de base » et l’enseignement « primaire ». Or, fait remarquer à La Libre Afrique.be une de ses sources à Kinshasa, les textes légaux semblent considérer le premier comme couvrant de la 1e à la 8 année et le second comme couvrant de la 1e à la 6e année.
Bakonga – qui est lui-même propriétaire de plusieurs écoles, dont Madame de Sévigné – a, en tout cas, demandé aux parents qui se sont vu rembourser l’acompte qu’ils avaient versé avant la rentrée, comme tous les ans, de le rendre à l’école si leur enfant entrait en 7e ou en 8e année.
Problèmes de mise en œuvre
Le président Félix Tshisekedi avait annoncé que les écoles publiques et conventionnées devaient, à la rentrée du 2 septembre, appliquer la gratuité de l’enseignement de base, qui faisait partie de ses promesses de campagne. La mesure a été accueillie avec joie par les familles – mais pose quelques problèmes à la mise en œuvre.
Son coût est en effet estimé à quelque 2,8 milliards de dollars (il y a environ 52.000 écoles primaires publiques), soit la moitié du budget de l’Etat congolais. Le gouvernement pourra-t-il soutenir cette dépense?
Par ailleurs, si dans certaines écoles la direction a remboursé, après la rentrée, les acomptes déjà versés par les parents pour cette année scolaire, dans d’autres établissements la rentrée n’a pas vraiment eu lieu: les enfants y jouent toute la journée sans recevoir de cours, les enseignants n’ayant pas d’argent pour fonctionner – pas de craies, pas de cahiers, pas de journaux de classe, pas de bics, etc… Dans certaines écoles, l’Etat n’a donné que 25 dollars (un peu moins en euros) pour les frais de fonctionnement annuels, dans d’autres moins de 100 dollars.
« On va trouver l’argent »
Le 11 septembre, le gouvernement avait annoncé que les enseignants ne devraient pas attendre octobre pour être payés mais le seraient dès septembre. « Nous sommes en train de trouver les moyens et la paie sera faite bientôt », avait assuré le ministre de l’Enseignement, qui doit « trouver » 2 milliards de dollars pour payer près de 550.000 enseignants.
Certains craignent donc une volte-face du tout nouveau gouvernement, en place depuis la semaine dernière seulement. Le jour de la rentrée des classes, le 2 septembre, le président Tshisekedi n’avait-il pas déclaré au Palais de la Nation, en réponse à une question de la presse, que la gratuité de l’enseignement de base serait « définitive et intégrale dans quelques mois ».
© La Libre Afrique – Marie-France Cros, 17.09.19
Image – source: Congo Oye