11 01 20/ REVUE DE LA PRESSE CONGOLAISE DE CE SAMEDI (Dialogue)

Sommaire

En ce samedi 11 janvier 2020, les médias de Kinshasa donnent assez abondamment ds nouvlles de l’st. Déguerpissement des étudiants de l’Unikin, les dépenses des travaux de 100 jours ainsi que l’affaire de « 200 millions USD » de la Gécamines ont occupé le reste des pages des médias en ligne consultés ce matin à Kinshasa.

Est

Ouragan FM annonce « Beni : le grand bastion ADF de Madina sous contrôle des FARDC »

« Les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont annoncé, vendredi 10 janvier 2020 avoir récupéré le grand bastion des rebelles appartenant aux forces démocratiques alliés (ADF) dans la région de Beni au Nord-Kivu.

Il s’agit du camp de Madina, situé dans le territoire de Beni. Le bastion était presenté par certains observateurs, comme le grand verrou des rebelles ougandais.

D’après le lieutenant Colonel, Joseph T2 au sein des opérations Sokola 1, le camp de Madina est passé sous contrôle de l’armée loyaliste, jeudi 9 janvier 2020 après des violents combats avec les assaillants.

« Madina était le grand bastion des rebelles ADF. Ce camp leur servait de base arrière et d’un lieu de retranchement. C’est grand pas pour nous. C’est votre Victoire vous population. Je vous appelle à nous accompagner », a-t-il dit.

Felicitation de la hiéarchie pour l’opération victorieuse

Sur le compte twiter de l’armée, le commandant en second de l’opération Sokola 1 au Nord-Kivu, le général Peter Cirimwami, a remercié les autorités du pays et félicité les troupes engagées dans l’opération victorieuse.

Le porte-parole des opérations sokola 1, major Mak Hazukay a promis à la presse de donner d’autres détails dans les heures qui suivent.

Il sied de rappeler que l’armée a lancé depuis le mois de novembre 2019, des grandes offensives visant la neutralisation complète des rebelles Adf, auteurs des centaines morts parmi les populations civiles et d’une vingtaine des soldats de la paix, depuis 2014, selon la societé civile locale.

Depuis le début des opérations de grande envergure, les FARDC ont déjà capturé une centaine des rebelles et tué plusieurs. D’autres grands bastions des terroristes ADF dont Kipeyayo, lahe, Mapobu carrière, Kididiwe sont déjà passés sous contrôle de l’armée congolaise ».

Charles M. Bin Kisatiro, correspondant à Beni du Potentiel, écrit : « Beni : Madina, le redoutable bastion ADF conquis par les FARDC »

« Les jours des rebelles ougandais ADF semblent de plus en plus comptés du bout des doigts dans les forêts de Beni. Après avoir perdu Mayangose, Mapobu, Chochota, Kididiwe, La Haye et Mwalika, etc., les djihadistes ont enfin été délogés de la plus importante de leur base qui est passée sous le contrôle des forces armées congolaises.

La nouvelle a été relayée en début de soirée du jeudi 9 janvier. A la suite d’intenses combats menés depuis plus de 2 mois maintenant par les soldats congolais, c’est autour de 15 heures que les FARDC, sous le commandement du général Shiko Tshitambwe, ont courageusement récupéré ce sanctuaire situé sur l’axe Nord dans la zone des combats.

En effet, au cours de récentes interventions devant la presse, les FARDC exprimaient toujours leur envie de conquérir ce verrou des ADF, qu’elles considéraient toujours comme le quartier général et la capitale de la planification de tout le malheur qui s’abat sur la ville et le territoire de Beni depuis plus de 5 ans.

Repris par l’armée avant d’être reconquis par l’ADF à l’époque des généraux Lucien Bahuma et Mbangu Mashita, Madina était considéré par les FARDC comme la base dure qu’il fallait impérativement prendre pour la suite des opérations en cours. C’est d’ailleurs ce qu’a réitéré ce vendredi 10 janvier, le lieutenant colonel Joseph, T2 du secteur opérationnel Sokola 1, devant la population d’Oicha, chef-lieu du territoire de Beni. Ce dernier insiste sur l’apport des civils dans la guerre menée contre l’ADF dans la région.

« Madina constituait un grand obstacle pour la réussite de ces opérations militaires parce que c’est considérer comme principale base de l’ennemi. L’armée ne pouvait réussir ces opérations sans le contrôle de Madina. Ceci n’a été possible que grâce à l’accompagnement de l’armée congolaise. C’est pourquoi, nous ne cessons toujours de solliciter l’accompagnement de la population pour mettre fin à cette guerre« ,

Sonne-t-on la fin de l’aventure ?

Depuis le lancement des opérations le 30 octobre dernier, le succès éclatant de l’armée loyaliste contre l’ennemi à Beni est passé notamment par la conquête de principales bases ADF, la neutralisation de ses chefs, la destruction de son arsenal militaire ainsi que le démantèlement de ses activités

Ainsi en perdant l’un des plus extraordinaires de ses bastions où se planifiaient des opérations contre les agglomérations, d’une part, et où se formaient puis se radicalisaient les nouvelles recrues, d’autre part, l’ennemi semble bien pris en étau par la pression exercée sur lui sur tous les axes.

Comme le pense nombre d’analystes, en ciblant les populations non armées, des éléments réunis démontrent que l’ennemi est sensiblement affaibli, coincé par des combats que lui impose l’armée congolaise. Par ses actes lâches et cruels qui cachent mal son tourment, il tente de donner l’impression de demeurer tactiquement nocif et puissant alors qu’il n’en est plus question. D’ailleurs, alors qu’il s’est récemment illustré par des tueries atroces des civils toutes les 24heures il y a quelques jours, ces dernières semaines, une légère trêve dans ses actions semble se lire actuellement à Beni. Quitte à penser qu’une lueur d’espoir se profile à l’horizon si l’on s’en tient à la pression militaire exercée sur lui ».

Digitalcongo titre « Ituri : l’Onu évoque un possible « génocide » contre les Hema »

« De possibles « crimes contre l’humanité », voire un possible « génocide ». Ce sont des termes utilisés par le rapport du Bureau conjoint des Nations Unies et des droits de l’homme (BCNUDH) pour qualifier des atrocités perpétrées en majorité contre la communauté Hema.

Les violences perpétrées dans la province de l’Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo depuis décembre 2017 «pourraient présenter des éléments constitutifs de crimes contre l’humanité» voire de «crime de génocide», a révélé un rapport des Nations Unies. Le Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH) a affirmé qu’au moins 701 personnes ont été tuées dans ce conflit. «La grande majorité des victimes des attaques semble avoir été visée en raison de leur appartenance à la communauté Hema (au moins 402 membres de cette communauté tués entre décembre 2017 et septembre 2019)», souligne le rapport.

Les violences entre Lendu, majoritairement agriculteurs, et Hema, éleveurs et commerçants, ont repris fin 2017 dans cette province frontalière de l’Ouganda, par ailleurs convoitée pour son or et son pétrole sur les bords du lac Albert. Un précédent conflit entre 1999 et 2003 avait fait des dizaines de milliers de morts jusqu’à l’intervention d’une force européenne, Artémis, sous commandement français.

Et depuis la reprise des violences entre 2017 et 2019, « près de 57 000 personnes se seraient réfugiées en Ouganda et plus de 556 356 autres se seraient déplacées vers les territoires voisins et à proximité de la ville de Bunia depuis février 2018. » La première vague de violence, de décembre 2017 à mai 2018, s’est manifestée par des affrontements intercommunautaires entre des membres des communautés Hema et Lendu, fait remarquer le rapport. Avant de poursuivre qu’en « septembre 2018, les violences ont repris sous la forme d’une série d’attaques contre les forces de défense et de sécurité congolaises par des assaillants Lendu, suivies d’opérations de riposte par les FARDC [les Forces armées de la RDC]. »

Et « à partir de juin 2019, une troisième phase de violence a été observée avec des attaques contre la communauté Hema commises également par des assaillants Lendu – sans générer de riposte de la part de la communauté Hema, et des opérations menées par les FARDC contre ces assaillants. »

Unikin

D’après la radio Top Congo, « Policiers tués et blessés à l’UNIKIN: Le général Sylvano Kasongo s’étonne du silence des ONG et organismes des droits de l’homme »

« Nous avons perdu plus d’un policier, personne n’en parle. Nous avons plus de 23 policiers blessés. Les autres sont dans un état comateux, personne n’en parle. Personne ne condamne », s’étonne le général Sylvano Kasongo, le chef de la Police ville de Kinshasa se dit « très très déçu » du silence des ONGs des droits de l’homme.

Sur Top Congo FM, Sylvano Kasongo exprime son « sentiment d’injustice de la part » de ces organisations qu’il considère comme « partenaires » de la police.

« Le policier, c’est un être humain comme tout autre. Nous devons être justes », insiste le commandant de la police ville de Kinshasa.

Loin d’être découragés, il insiste sur le fait que la police « est au service de la nation ». « Nous allons continuer à travailler dans le respect des droits de l’homme », rassure-t-il.

Alors que l’ultimatum donné aux étudiants de quitter les résidences universitaires venait d’expirer jeudi dernier, la police constate que « l’université est vidée à 95%.

« La situation est calme. Nous attendons le go du gouvernement pour aller déguerpir tout le monde », précise Sylvano Kasongo.

Décision en faveur des étudiants

L’UNIKIN « a été fermée pour la propre sécurité [des étudiants] parce qu’on a constaté qu’il y avait des personnes qui n’avaient rien à voir avec » cette université, affirme la conseillère du chef de l’État en charge de la jeunesse.

« On veut juste être sûr que ce sont de vrais étudiants qui doivent absolument être à l’université. Il y a certains qui sont là depuis plus de 10 ans », note Chantal Mulop.

À l’issue d’un échange avec la coordination estudiantine de l’UNIKIN, elle promet d’apporter « tous les documents chez le président de la République ».

Après le déguerpissement des étudiants qui résidaient dans les différents homes, de armes de guerre et munitions y avaient été découvertes par la police universitaire ».

« Unikin : seuls les vrais étudiants seront habilités à vivre sur le Campus, les inciviques doivent subir la rigueur de la loi », déclare Félix Tshisekedi repris par Actualités.cd, ce matin. Ce média qui relaye les propos tenus par le président de la République à la 17ème réunion du Conseil des ministres écrit que « les éléments d’enquête portés à la connaissance de l’opinion ont révélé la nécessité et l’urgence de réhabilitation des infrastructures universitaires et de trouver des mécanismes pour ne loger que des vrais étudiants ».

Le Président de la République, poursuit Actualités.cd, a instruit le Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire avec la collaboration du Vice-premier Ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité et Affaires Coutumières et sous l’Autorité du Premier Ministre, « d’identifier les inciviques afin qu’ils subissent la rigueur de la loi à travers des sanctions exemplaires. Il sera procédé par ailleurs à l’identification des étudiants en ordre a indiqué le Chef de l’Etat. Après celle-ci, seuls les vrais étudiants seront habilités à vivre sur le Campus de Kinshasa ».

Divers

CasInfo.ca évoque l’absence de transparence dans les dépenses du programme d’urgence de Félix Tshisekedi et titre : « 100 jours de Tshisekedi: le FCC Constant Mutamba appelle à l’audit des fonds alloués à ce programme d’urgence ».

Des réactions se multiplient après le rapport accablant de l’observatoire congolais pour la dépense publique (ODEP) sur le programme des 100 jours de Félix Tshisekedi, avance CAS-INFO.CA. Selon cette structure de la société civile, fait remarquer ce site, « plusieurs projets ont été surfacturés et des marchés passés de gré à gré. De quoi ‘‘scandaliser’’ Constant Mutamba qui estime dans un communiqué que ce programme intérimaire a ‘‘constitué une opportunité d’enrichissement illicite pour certains acteurs politiques, plutôt qu’un véritable programme qui répond aux besoins réels et urgents de la population’’ ». M. Mutamba qui dénonce ce qu’il qualifie de l’absence de transparence dans l’exécution de ce projet appelle à la mise en place d’une commission mixte pour auditer et enquêter sur les fonds alloués à ce programme d’urgence.

7/7.cd se penche sur l’affaire 200 millions et titre : « Pour Shadary, « le PPRD ne cautionnera jamais les actions malveillantes menées par les ennemis de la RDC contre les dirigeants de la GECAMINES » ». Réagissant à ce sujet, dans son discours de vœux, le PPRD voit dans l’affaire de « 200 millions de la Gécamines » des actions « malveillantes » et « déstabilisatrices » menées par les ennemis de l’indépendance économique de la RD Congo contre les dirigeants de la GECAMINES. « Notre parti, le PPRD, implanté à travers tout le territoire national, ne cautionnera jamais et alors jamais les actions malveillantes et déstabilisatrices menées par des ennemis de notre indépendance économique, qui tirent à boulets rouges sur les dirigeants de la GECAMINES », a déclaré Shadary, relayé par 7SUR7.CD.

Presse et documents étrangers

Les 1001 défis de Félix Tshisekedi pour 2020

Christophe RIGAUD – Afrikarabia – le 01 Janvier 2020

Après un an de présidence, Félix Tshisekedi tente de passer des paroles aux actes pour imposer son programme d’alternance et de changement. Mais les embûches sont nombreuses et Joseph Kabila jamais très loin.

Une année décisive attend le président congolais, arrivé à la tête de la République démocratique du Congo il y a tout juste un an. L’élection contestée de Félix Tshisekedi en décembre 2018 a placé le nouveau chef de l’Etat sur un fauteuil des plus inconfortables et dans une drôle d’alternance politique. Si beaucoup doute encore de la réalité de la victoire de Félix Tshisekedi, dont les résultats intégraux n’ont jamais été publiés par la Commission électorale, le président ne détient pas toutes les rênes du pouvoir… loin de là. La coalition FCC de l’ancien président Joseph Kabila a raflé des majorités confortables à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans les Assemblées provinciales. Autant dire que le pouvoir réel : institutionnel, judiciaire, militaire et économique, n’a pas encore changé de main. Félix Tshisekedi, qui affirme être en coalition avec le FCC, doit en fait cohabiter avec un gouvernement, dont le premier ministre et de nombreux ministres sont issus de la plateforme pro-Kabila.

Décrispation politique et gratuité de l’enseignement

Après une année passée à la présidence congolaise, Félix Tshisekedi n’a pas ménagé ses efforts pour donner l’image d’un « Congo nouveau ». Rapidement, le chef de l’Etat a réussi à imposer une décrispation politique très attendue : libération de prisonniers, retour d’opposants, mais aussi liberté de manifestation et accès pluraliste aux médias d’Etat, même si des efforts restent encore à faire notamment avec des forces de sécurité encore trop répressives. Sur le plan social, Félix Tshisekedi a également mis en place la gratuité de l’enseignement de base. Une mesure très populaire, mais qui cherche toujours son financement.

Au cours de ses multiples voyages à l’étranger, le président a cherché un peu d’aide financière des principaux bailleurs de fonds, en Europe ou aux Etats unis, mais aussi dans la sous-région. Un tour du monde très controversé, qui tendait aussi à légitimer un président mal élu. A Paris, Félix Tshisekedi a tenu à justifier ses nombreux déplacements par la nécessité de récolter des marges de manoeuvres financières supplémentaire pour appliquer son programme d’urgence : 1,5 milliard de dollar aurait été récolté selon le président. Mais les partenaires économiques et bailleurs de fonds ne se bousculent pas au Congo et attendent de voir si le nouveau président va pouvoir s’émanciper de la tutelle de Joseph Kabila, dont les hommes sont encore aux commandes de l’appareil d’Etat.

Comme la communauté internationale, les Congolais veulent maintenant voir passer Félix Tshisekedi des paroles aux actes. Ses principaux opposants l’accusent de n’être qu’un « distributeur automatique de promesses » qui tarde pour le moment à se réaliser. Au début de son mandat, le président congolais a pu faire illusion en piochant dans le budget de la présidence pour construire quelques infrastructures visibles : des routes, des ponts et les fameux « sauts de moutons », ces contournements qui doivent permettre de fluidifier le trafic automobile à Kinshasa. Mais après une année de pouvoir, Félix Tshisekedi est désormais entré « dans le dur », avec un gouvernement qui traîne des pieds et qui n’a finalement pas vraiment intérêt à la réussite de son quinquennat.

Lutte contre la corruption
Sur le bureau de la présidence, les dossiers, tous prioritaires, s’accumulent… et les ennuis aussi. A son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a promis de s’attaquer au mal congolais numéro un : la corruption. Le président veut créer une agence spéciale chargée de combattre ce fléau qui frappe l’ensemble de la société congolaise. Mais pour l’instant, cette institution n’a pas encore vu le jour et des soupçons de blanchiment et de corruption continuent de faire la une de la presse congolaise : achats de voix et corruption des grands électeurs, affaire des 15 millions de $ « disparus » du trésor public, marchés publics passés de gré à gré, affaire des 200 millions € du prêt de la Gécamines… mais pour l’instant un voile d’impunité plane sur ces affaires restées lettre morte par la justice congolaise.

La lutte contre la corruption, encore à l’état de simple déclaration d’intention, pourrait permettre au président Tshisekedi de se donner les marges de manoeuvre financières nécessaires pour entamer les grands travaux nécessaires de son programme électoral. Dans un pays largement sous-développé et dont les infrastructures de bases sont largement absente : voies de communication, accès à l’eau potable à l’électricité ou à la santé… les chantiers à mettre en route sont titanesques. Et ce n’est pas avec le maigre budget de 10 milliards de dollars, récemment revu à la hausse, que Félix Tshisekedi pourra rendre concret son programme de changement pour tous les Congolais. La lutte contre la corruption devrait faire rentrer dans les caisses de l’Etat entre 15 et 20 milliards de dollars selon les estimations des principaux experts.

Le très sulfureux et très pro-Kabila patron de la Gécamines, Albert Yuma, soupçonné de détournement de fonds, n’a toujours pas été écarté par Félix Tshisekedi. Le nouveau pouvoir commet également des « sorties de route » qui ne plaident pas vraiment pour une meilleure gouvernance. L’annonce par un ministre auprès de la présidence du coût des festivités commémorant la première année d’alternance estimé à 6 millions de dollars a créé une levée de bouclier jusque dans l’entourage du président Tshisekedi. Le gouvernement a rétropédalé en assurant que le montant serait revu à la baisse… mais sans plus précisions.

Une meilleure traçabilités des recettes de l’Etat

Pour augmenter son budget, Félix Tshisekedi doit également faire rentrer d’avantage d’argent dans les caisses du Trésor public. Une grande partie des recettes de l’Etat s’évaporent avant d’arriver à destination. Le nouveau président promet d’ici juin 2020 de mieux « tracer » les impôts et taxes de toutes sorte en créant une nouvelle « chaîne des recettes ». Avec un double enjeu : éviter le détournements des fonds, mais aussi rassurer les bailleurs internationaux qui demande davantage de transparence. Les récents soupçons de corruption sont tous marqués par une « disparition » mystérieuses des fonds et un manque de traçabilité financière. Félix Tshisekedi le sait : l’aide internationale sera conditionnée à une profonde réforme anti-corruption.

Lutte contre l’insécurité à l’Est

Autre dossier sur le haut de la pile pour le président Tshisekedi : le retour de la sécurité à l’Est. Depuis 2014, les attaques des rebelles ougandais des ADF ont fait plus de 1.000 morts dans la région de Beni au Nord-Kivu. En novembre, le président Tshisekedi a décidé de lancer plusieurs offensives contre les ADF et le « fourre-tout » de rébellions qui pullulent à l’Est du pays. Mais avec une armée encore à reconstruire et victime des nombreuses intégrations de rebelles, l’efficacité des actions militaires restent limitée. Pire, les coups de boutoirs de l’armée congolaise ont intensifié les ripostes rebelles : plus de 200 morts en deux mois !

Pour retrouver une armée régulière efficiente, Félix Tshisekedi doit se séparer de nombreux officiers de hauts rangs, tous pro-Kabila et tous sanctionnés par les Nations unis pour des violations des droits de l’homme. Certains de ces officiers, comme John Numbi, Gabriel Amisi « Tango Four », Delphin Kahimbi ou Muhindo Akili Mundos sont également accusés d’entretenir une collusion malsaine entre les groupes rebelles et l’armée régulière sur fond de trafics de matières premières. Mais pour l’instant, les « permutations d’officiers » se font à dose homéopathique et la chaîne de commandement reste largement aux mains de militaires peu recommandables. Otage des généraux proches de l’ancien président, Félix Tshisekedi n’a d’autre choix que de jouer la carte de la Monusco, peu populaire, mais encore indispensable alors que la violence connait une nouvelle poussée de fièvre à l’Est.

Un président toujours sous influence

Sur tous les fronts : lutte anti-corruption, marges de manoeuvres financières, retour de la paix à l’Est… Félix Tshisekedi semble toujours prisonnier de son « partenaire » du FCC qui veille à ce qu’aucune ligne rouge ne soit franchie. Une fois le budget de la présidence intégralement dépensé dans les 5 premiers mois de son mandat, Félix Tshisekedi se retrouve maintenant à la merci du gouvernement de Sylvestre Ilunga, qui se très hâte lentement pour mettre en oeuvre les mesures présidentielles. Au bout d’un an à la présidence congolaise, Félix Tshisekedi n’a toujours pas touché aux institutions clés de la République, réputée toujours aux ordres de Joseph Kabila. La justice, les juges de la Cour constitutionnelle, la Commission électorale, l’armée, la police, la garde républicaine, et les principaux patrons de grandes entreprises para-étatiques n’ont pas été remaniés.

Tout au long de cette première année de présidence, le FCC s’est appliqué à un triple objectif : mettre des bâtons dans les roues de Félix Tshisekedi, se refaire une virginité en faisant porter le chapeau de tous les maux du pays au nouveau président, comme s’ils n’avaient pas été au pouvoir pendant 18 ans, et enfin, préparer les prochaines échéances électorales de 2023 … et récupérer la présidence. Dans cette ambiance délétère, où rares sont les documents de la présidence qui ne se retrouvent pas sur les réseaux sociaux pour torpiller son « coalisé », les armes de Félix Tshisekedi sont minces pour s’émanciper de la kabilie. Ses voyages à l’étranger ont sans doute permis au président Tshisekedi de s’attirer les bonnes grâces de ses homologues… notamment angolais.

Un statu quo pour briguer un second mandat

Reste l’arme ultime d’émancipation massive : la dissolution de l’Assemblée nationale, et retourner aux urnes pour espérer obtenir une majorité confortable et un gouvernement à ses couleurs. Mais dans le contexte d’une alternance de façade, où les institutions pro-Kabila, notamment la Commission électorale et la Cour constitutionnelle, sont toujours en place, la plateforme présidentielle préfère s’abstenir de se lancer dans un scrutin dont le résultat semble connu d’avance. Le président Tshisekedi a donc tout intérêt au statu quo, et jouer la montre, en espérant pouvoir sauver son bilan et solliciter un second mandat.

Le message est d’ailleurs martelé depuis plusieurs semaines par l’entourage présidentiel : il faut donner du temps au chargement. « Pour déboulonner le système Kabila, il faudra sans doute plus de 5 ans » nous confie-t-on à l’UDPS. Un élément de langage largement diffusé lors des grands meetings entre le président Tshisekedi et sa diaspora. « Un second mandat pour Fatshi Béton ! » scandaient les Congolais en novembre à Paris.

Les institutions au coeur de la bataille

Seul hic : les Congolais à Kinshasa, Lubumbashi, Beni ou Kananga, auront-ils la patience d’attendre 5 ans et de faire confiance à la politique des petits pas de Félix Tshisekedi ? Pas si sûr. Même si la population sait parfaitement que le pays ne se transformera pas en un clin d’oeil et qu’il faudra du temps pour rattraper les retards abyssaux du Congo, le début de mandat de Félix Tshisekedi ressemble davantage à un énième partage du gâteau entre une élite politique versatile et corrompue qui se jouent des semblants d’élections pour se repartir les richesses du pays au dépend d’une population dont plus de 70% vit encore en dessous du seuil de pauvreté.

Avec le temps, les Congolais peuvent donc se lasser, et c’est d’ailleurs ce qu’espèrent le FCC de Joseph Kabila, mais aussi Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba ou Martin Fayulu, qui comptent bien jouer les recours lors de la prochaine présidentielle. Reste à savoir dans quelles conditions sera organisé le scrutin de 2023 et qui pilotera en sous-main la Commission électorale et la Cour constitutionnelle chargées d’arbitrer les élections ? Les prochaines batailles décisives entre FCC, CACH et Lamuka concerneront la gouvernance de ces institutions clés. Pour l’heure, tout est sous contrôle de Joseph Kabila. 


Familles” au NT Gent: le scalpel de Milo Rau

Colette Braeckman – Le Soir – le 5 janvier 2020

Milo Rau a le talent très particulier de frapper là où cela fait mal. Dans toutes les failles de ce siècle qui trébuche, on le retrouve. Penché sur les mines du Congo et faisant comparaître accusés, témoins, défenseurs, devant un tribunal plus vrai que la réalité. Se retrouvant dans les ruines de Mossoul avec Orestes et demain à la lisière des forêts en flammes, sur la ligne de fracture des continents menacés et des peuples en migration.. .

Depuis que ce Suisse a découvert la Belgique, il ajuste la focale sur l’affaire Dutroux, (Five easy pieces), sur l’Agneau mystique, (Lam Gods), sans doute était ce pour saluer son arrivée à Gand….Cette fois, l’iconoclaste va plus loin encore. Il s’installe au cœur de l’un de nos « canons », de notre « mode de vie européen », de notre « bonheur national brut » et, tranquillement, avec une froideur clinique, il déchire la carte postale.

Car enfin, une famille de quatre personnes, des parents qui s’aiment, deux filles aussi jolies l’une que l’autre et qui répètent sagement leurs leçons d’anglais, un père qui cuisine comme un chef (ce qu’il est en réalité) et mitonne avec amour ses petits plats tandis que la charmante maman envoie du « schatje » (trésor) à tous ceux qui lui adressent la parole, n’est ce pas le symbole même du bonheur ? N’est ce pas parce qu’ils rêvent d’une telle félicité que, de par le monde, ils sont des dizaines de milliers, -des millions demain-, à se mettre en route, rêvant eux aussi d’un feu ouvert et d’une table bien garnie ?

Sur la table familiale, précisément, des bougies blanches se consument lentement ; des photos de vacances défilent sur l’écran de télévision, le divan est confortable, les lits sont faits, depuis les grandes baies vitrées on devine le jardin bien entretenu. Qu’espérer de plus dans les lotissements, les villas quatre façades ou même les appartements vendus sur plan et énergétiquement corrects ?

Tout va bien, c’est le meilleur des mondes, l’incarnation même d’un rêve universel.

Et pourtant les Demeester ont décidé d’en finir. Calmement, avec ordre et méthode, ils se préparent à quitter le monde, ensemble. Non sans quelques larmes et quelques regrets, sans doute, mais sans aucune hésitation. L’histoire est vraie, elle est tirée d’un fait divers qui s’est déroulé à Calais voici quelques années où une famille, « bien comme il le faut » qui « avait tout pour être heureuse » a décidé de refermer la parenthèse et de dégager le terrain…

Milo Rau a enquêté sur place, reconstitué l’histoire. Il l’a replantée dans un terreau flamand, mais qui pourrait être wallon ou bruxellois, il s’est contenté de laisser se dérouler les préparatifs de cette dernière journée, avant la corde et le tabouret renversé.

On parle beaucoup dans cette pièce, et les surtitres en anglais sont précis, bien lisibles. On n’ignore rien de quelques souvenirs de jeunesse, des origines modestes de la mère, des débuts professionnels du père, des études des filles, de l’affection qui relie les quatre membres de cette famille modèle. Tout cela se déroule avec une lenteur implacable, on a le sentiment de partager le repas des voisins et pour un peu on s’inviterait volontiers à leur veillée de Noël.

On parle beaucoup, certes, mais pourtant on ne dit rien. Derrière ce quotidien qui nous est si familier, qu’y a-t-il ? On ne le sait pas. Pourquoi veulent ils quitter la table avant l’heure ? Pourquoi sont ils d’accord pour dégager calmement après avoir mis leurs petites affaires dans des cartons Chiquita ? Pourquoi se sont ils « mis en beauté », élégants, dignes, bien habillés ? Lequel d’entre eux a-t-il réellement donné le signal du départ ? On ne le saura jamais.

Dans la brochure de présentation de ce spectacle, monté avec sobriété et rigueur, Milo Rau se contente de rappeler, comme en passant, que la Belgique est l’un des pays d’Europe où le taux de suicide est le plus élevé et le NT Gent, obligeamment, communique en première page du programme le numéro d’appel de SOS Suicide.

A l’extérieur, devant la façade illuminée du NT Gent et au pied de la cathédrale Saint Bavon, le marché de Noël sent la bougie et le vin chaud.

Une mission judiciaire pour faire la lumière sur les violences à Minembwe

Christophe RIGAUD – Afrikarabia – le 7 Janvier 2020

Une mission judiciaire dirigée par l’avocat Bernard Maingain se prépare à partir vers les hauts- plateaux du Sud-Kivu à la demande de la communauté des Banyamulenge. Sa feuille de route : recueillir les plaintes des victimes de la vague de violences qui s’est abattue depuis plusieurs mois sur Minembwe et qui laisse craindre un embrasement général. Et le cas échéant, saisir la Cour pénale internationale

Une mission judiciaire dirigée par l’avocat Bernard Maingain se prépare à partir vers les hauts-plateaux du Sud-Kivu à la demande de la communauté des Banyamulenge. Sa feuille de route : recueillir les plaintes des victimes de la vague de violences qui s’est abattue depuis plusieurs mois sur Minembwe et qui laisse craindre un embrasement général. Et le cas échéant, saisir la Cour pénale internationale.

Est-il encore temps de stopper les manipulations identitaires dans l’est de la RDC, de refroidir la haine attisée pour des leaders populistes, de conjurer un remake de la Seconde guerre du Congo ? Dans un communiqué de presse signé ce 6 janvier à Bruxelles, Londres et New York, les avocats Bernard Maingain (Bruxelles) et Jean-Paul Shaka (New York) informent que les Banyamulenge (une communauté du Sud-Kivu apparentée aux Tutsi) résidant au Congo et ceux de la diaspora ont « décidé de s’opposer par la voie légale à la destruction volontaire, violente et sauvage de la communauté résidant sur les plateaux du Sud-Kivu en brûlant les logements, les fermes, en détruisant les animaux et en s’attaquant aux Banyamulenge vivant sur leurs terres ancestrales ».

Les tensions dans les Hauts-plateaux de Minembwe, au Sud-Kivu qui visent la communauté Banyamulenge datent de plusieurs mois. Certains pointent des groupes armés locaux et étrangers notamment, les « Maï-Maï Yakutumba», d’être à la base de massacres systématiques de cette communauté de pasteurs venus du Rwanda depuis de nombreuses générations. On a relevé des incendie systématiques de villages habités par les Banyamulenge et le vol à grande échelle du bétail. Une opération d’épuration ethnique qui ne dit pas encore son nom et dont les agitateurs tentent de faire diversion en agitant le spectre du « grand Satan » – le chef de l’Etat du Rwanda. : « Kagame passe à la vitesse supérieure, bientôt nous risquons d’être des colonisés dans notre propre pays. Non pas par les belges cette fois-ci, mais par le Rwanda. » Un argumentaire de « propagande en miroir » déjà utilisé par les extrémistes hutu pour justifier le génocide des Tutsi du Rwanda, et qui fait froid dans le dos.

L’objectif de Bernard Maingain et de Jean-Paul Shaka est de « contribuer par voie légale, à l’interruption des cycles de violence, à la restauration de l’Etat de droit et à la reprise d’une relation pacifiée entre toutes les communautés ». Une initiative soutenue par la Monusco, dont les responsables ne cachent pas leur inquiétude devant les accès de xénophobie, alors que leur mandat vient d’être renouvelé.

Afrique 60: les héros de l’indépendance et quelques autres

Colette Braeckman – Le Soir – le 8 janvier 2020

Nombreux sont les nationalistes africains qui payèrent de leur vie leur combat pour l’indépendance.

Le plus connu d’entre eux est Patrice Lumumba, assassiné au Katanga le 16 janvier 1961 avec l’assentiment (pour ne pas dire plus…) des Belges, choqués par le discours qu’il avait prononcé le 30 juin lors de la cérémonie de l’indépendance.

Au Burundi, le prince Louis Rwagasore, fils du Mwami et Premier Ministre, proche de Patrice Lumumba, fut assassiné par un ressortissant grec, Karageorgis, qui était en contact avec les Belges.

Au Rwanda, le Mwami Mutara III qui se préparait à se rendre aux Nations unies réclamer l’indépendance de son pays sous tutelle belge fut victime d’un « malaise foudroyant » la veille de son départ alors qu’il venait de consulter, à Bujumbura, le remplaçant de son médecin habituel.

Au Cameroun furent aussi assassinés Ruben Um Nyobe et Felix Moumié, présidents de l’UPC (Union des populations du Cameroun) tandis que Ernest Ouandié était fusillé en 1971 après un procès politique et à la demande de Jacques Foccart qui préparait le voyage du président Pompidou.

L’Algérien Mehdi Ben Barka, leader du mouvement nationaliste et opposant au roi du Maroc fut assassiné à Paris le 29 octobre 1965.

Au Burkina Faso, Thomas Sankara qui avait débaptisé le Dahomey pour l’appeler le « pays des hommes intègres » et instauré un pouvoir nationaliste fut assassiné, victime d’un complot ourdi par son compagnon d’armes Blaise Compaoré.

Au Togo, Sylvanus Olympio, issu d’une riche famille venue du Brésil fut également assassiné et remplacé par un ancien sergent dans l’armée française, Ngassingbe Eyadema.

Et tant d’autres payèrent de leur vie le combat pour la liberté et l’indépendance ! Amilcar Cabral en Guinée Bissau, Samora Machel au Mozambique, Steve Biko et Dulcie September en Afrique du Sud, sans oublier les fusillés du massacre de Thiaroye au Sénégal, et au Congo Pierre Mulele, les Pendus de la Pentecôte et, voici deux décennies à peine, Laurent Désiré Kabila, André Kisasse Ngandu, et , encore plus récemment, Mamadou Ndala… Où sont les monuments qui portent leur nom, les rues qui rappellent leur souvenir et leurs luttes ?

Voici 60 ans le “soleil noir des indépendances” se levait sur l’Afrique

Colette Braeckman – Le Soir – le 8 janvier 2020

Voici 60 ans se levait sur l’Afrique ce que l’écrivain Ahmedou Kourouma appellera « le soleil noir des indépendances ». Dans la mémoire collective, 1960 est restée « l’ « année magique », l’ «année du chiffre des choses » selon la formule de Léopold Sedar Senghor, premier président du Sénégal : entre le 1er janvier et le 30 décembre, 17 pays d’Afrique accèdent à l’indépendance politique, dont 14 sont issus de l’ancien empire colonial français. Le Nigeria, ex colonie britannique, devient lui aussi indépendant, de même que la Somalie, ancienne colonie italienne.

Vu depuis la Belgique et depuis le Congo, le « soleil des indépendances » ne brillera que quelques heures, le temps d’un discours, celui de Patrice Lumumba et il sera bientôt fracassé par le fracas des mutineries et le crépitement des armes.

En cette année là cependant, dans les flon flon des discours et de l’allégresse populaire, tous les espoirs étaient permis et depuis Léopoldville, l’OK Jazz faisait danser tout le continent sur les rythmes de « Indépendance cha cha ».

L’Afrique francophone avait des raisons de se réjouir : n’avait elle pas dénoué les liens coloniaux au terme d’un processus négocié et pacifique, engrangé des promesses d’amitié et de coopération avec l’ancienne métropole ? Elle avait évité la décolonisation douloureuse de l’Indochine où le retrait français allait ouvrir la voie à la guerre du Vietnam menée par les Américains. Depuis Paris comme depuis Bruxelles, une réédition de la guerre d’Algérie avait été écartée et la Belgique, peu désireuse de s’engager militairement au Congo et de suivre le professeur Van Bilsen qui proposait d’accorder l’indépendance dans un délai de trente ans, avait préféré s’engager sur la date fétiche du 30 juin, « sans précipitation funeste ni atermoiements inconsidérés », selon le propos du jeune roi Baudouin.

Les effets de cette « année magique » se répercutaient aux Nations unies qui se trouvait soudain enrichie de 17 nouveaux membres, qui confortaient l’organisation dans son plaidoyer pour la libération des derniers bastions du colonialisme, l’empire colonial portugais (Guinée Bissau-îles du Cap Vert, Mozambique, Angola) tandis que l’Afrique australe attendait encore l’heure de la liberté. Le Zimbabwe ne sera indépendant qu’en 1980, la Namibie en 1990 tandis qu’en Afrique du Sud, les premières élections démocratiques qui porteront Mandela au pouvoir n’auront lieu qu’en 1994, alors même que le Rwanda bascule dans le génocide des Tutsis. Moins d’un quart de siècle après les espoirs de l’année 60, le continent assiste alors, médusé et impuissant, au basculement dans l’horreur d’un pays placé sous la tutelle de la Belgique et qui, comme son voisin le Burundi, n’avait accédé à l’indépendance qu’en 1962.

En 1960, dans la magie des discours et de l’allégresse populaire, il est de bon ton d’oblitérer le passé et de parier sur les promesses de l’avenir. Cependant, chacun se souvient des combats qui ont précédé le temps de l’espoir et les nouveaux dirigeants savent que les chaînes du passé colonial sont toujours présentes, sous forme de « liens privilégiés », de tutelle économique, de coopération militaire.

Le Cameroun, premier à « ouvrir le bal » le 1er janvier 1960, est l’exemple même de ces ambiguïtés douloureuses: lorsque le Premier Ministre Ahmadou Ahidjo proclame l’indépendance et lit un discours rédigé par un conseiller français Paul Audat, les fêtes et les défilés ne trompent personne. Chacun sait que, dans ce pays, ancienne colonie allemande, qui avait été placé sous la tutelle de la France par les Nations unies, les véritables vainqueurs ont été assassinés et bannis. C’est depuis sa création en 1948 que l’UPC (Union des populations du Cameroun) réclame la fin de la tutelle française et l’indépendance. Interdit par l’autorité coloniale, passé à la clandestinité, le mouvement, dirigé par un leader charismatique Ruben Um Nyobe, exige que les Nations unies organisent un referendum et supervisent des élections ; mais l’Assemblée générale, en 1959 et sous la pression de Paris, refuse cette option. C’est qu’entretemps la France a mené au Cameroun une « sale guerre », calquée sur le modèle de l’Algérie, une guerre dite « révolutionnaire » (c’est-à-dire anti- insurrectionnelle) suivant le modèle défini à Paris par l’Ecole supérieure de Guerre (ESG) et dont les Américains s’inspireront au Vietnam. Dans cette guerre là, les frontières entre civils et militaires sont abolies, la pratique de la torture pour extorquer des renseignements, les disparitions forcées, les exécutions extra judiciaires et autres « coups tordus » sont monnaie courante puisqu’il s’agît avant tout de terroriser l’adversaire et que la fin justifie les moyens.

C’est ainsi que, suivant les mêmes méthodes, l’Algérien Mehdi Ben Barka a été tué à Paris, en septembre 1958, Ruben Um Nyobe est tué par l’armée française, que Félix Moumié, Ernest Ouandié sont écartés afin d’ouvrir la voie aux « amis de la France » : Ahmadou Ahidjo sera le premier président du Cameroun, suivi par son Premier Ministre Paul Biya, (86 ans) toujours au pouvoir, depuis 38 ans.

UN PROCESSUS DE LUTTES

Dans les autres colonies françaises, l’indépendance, dûment célébrée sous le sigle de l’amitié, n’a pas été un cadeau offert de bon gré par une métropole bienveillante, mais le résultat d’un long processus de revendications et de luttes : c’est à l’issue de la deuxième guerre mondiale que les troupes coloniales, les fameux « tirailleurs sénégalais (130.000 recrutés en 1939, 60.000 en 1943) rentrent du champ de bataille européen avec des idées neuves et une trop maigre pension. (La Force publique congolaise, elle, n’a mené bataille que sur le terrain africain, entre autres en Abyssinie)

Dès 1947, la revue Présence Africaine publie à Paris des textes d’écrivains originaires des Antilles (Aimé Césaire, Franz Fanon) des Etats Unis (William du Bois) d’Afrique francophone (Léopold César Senghor). Des leaders émergent, venus de milieux relativement privilégiés : en Côte d’Ivoire, Félix Houphoüet Boigny est issu d’une famille fortunée et fonde en 1945 le syndicat des planteurs africains, au Togo, Sylvanus Olympio, appartenant à une riche famille revenue du Brésil, prend la tête du Comité de l’unité togolaise qui revendique la réunification avec l’ancien Togo allemand. En Oubangui-Chari, qui deviendra la Centrafrique, c’est un prêtre, Barthelemy Boganda qui portera les premières revendications, dénonçant le travail forcé, le portage, les châtiments corporels tandis qu’en Guinée, le syndicaliste Sekou Touré prend la tête du parti démocratique de Guinée, créé en 1947 et membre du RDA (Rassemblement démocratique africain).

Car à la différence de la Belgique, la France, dans ce qui s’appelle alors l’AEF (Afrique équatoriale française) ou l’AOF (Afrique occidentale française) ne brime pas l’expression politique et elle encourage et coopte des élites locales. Alors que des intellectuels comme Senghor, Houphouët Boigny sont envoyés à l’Assemblée nationale, le Paris des années 50 devient un haut lieu de la pensée politique d’Afrique francophone et des Caraïbes.

Le monde d’alors, celui de la guerre froide, est traversé par la rivalité Est Ouest (communisme d’un côté, « monde libre » de l’autre) une dichotomie qui impose sa grille de lecture, « modérés » d’un côté, « radicaux » de l’autre… La conférence de Bandoeng, en 1955, sonnera le rassemblement de tous ceux qui, luttant pour l’indépendance de leur pays, préféreront se définir comme « non alignés ».

L’Indonésien Soekarno, le Ghanéen Krame N’Krumah, le Guinéen Sekou Touré deviendront les chantres de l’ émancipation de ce qui s’appelait encore le « tiers monde » et, dans le même temps, les cibles de ce monde bipolaire, séparé entre l’ « impérialisme » d’un côté, le « communisme » de l’autre.

Lorsque Patrice Lumumba participera à la conférence d’Accra en 1958 et se liera d’amitié avec les leaders africains du moment, dont Sékou Touré, il en reviendra transformé : l’ « évolué » qui aspirait à être engagé par d’administration coloniale et qui, en 1955 serrait respectueusement la main du jeune roi Baudouin songera lui aussi à secouer les chaînes du Congo et à réclamer son indépendance.

L’année 60 s’ouvre donc sous le double signe de l’espoir et de l’ambiguïté : les pays qui accèdent à l’indépendance ont pour objectif le « développement » c’est-à-dire l’amélioration des conditions de vie des populations tandis que les puissances coloniales, tout en concédant l’indépendance politique, entendent bien conserver les rênes de l’économie, les bénéfices de l’exploitation des ressources sans oublier le soutien politique, aux Nations unies entre autres… C’est pour cela aussi que les rêves d’unification africaine sont torpillés, et que l’AEF comme l’AOF deviennent de micro Etats, au lieu de rejoindre de plus larges fédérations. Alors que les systèmes économiques demeurent extravertis, c’est à dire essentiellement tournés vers l’ancienne métropole, qui garde le contrôle de la transformation des matières premières, (cacao de Côte d’Ivoire, arachide du Sénégal, coton du Tchad, uranium du Niger, pétrole du Nigeria, cuivre du Congo) le « développement » deviendra le maître mot des jeunes pays et les politiques de « coopération » remplaceront l’ancienne « œuvre coloniale »

Dans les anciennes colonies françaises, le FIDES (Fonds de développement et d’investissement économique et social) sera le maître d’œuvre de grands travaux de modernisation, essentiellement confiés à des entreprises françaises, et une monnaie commune, le CFA (qui vient d’être abolie par le président Macron au profit de l’eco) cimentera le lien entre les anciennes colonies et la Banque de France (tout en favorisant les sorties de capitaux…)

Ayant dit, en 1958 , non à de Gaulle et à sa proposition d’association avec la France, la Guinée de Sékou Touré fera l’objet d’un boycott tenace, tandis qu’au Congo ex belge, les entreprises belges (Union Minière, Cotonco, CMB) occuperont longtemps le haut du pavé en dépit de la « zaïrianisation » (autre mot de la nationalisation) et d’un effondrement général de l’économie dès la moitié des années 80.

Au début des années 60 cependant, dans l’euphorie des indépendances toutes neuves, l’Afrique connaîtra de notables progrès en matière de santé, d’enseignement, (jusqu’au coup de barre de l’ « ajustement structurel » dans les années 80, autre nom des politiques d’austérité). Mais malgré l’indépendance politique, elle ne sortira jamais réellement du rôle qui lui avait été assigné par le « modèle colonial » : être exportatrice de matières premières non transformées et terrain privilégié de l’action caritative hier, humanitaire aujourd’hui. Aujourd’hui, la mondialisation a brisé le tête à tête avec les anciennes métropoles et d’autres intervenants, dont en premier lieu la Chine, , mais aussi la Turquie, le Japon, la Corée du Sud, se disputent les marchés et l’Afrique est devenu le plus convoité des continents…

Afrique 60: René Dumont avait il raison avant tout le monde?

Colette Braeckman – Le Soir – le 8 janvier 2020

Au lendemain des indépendances, voici six décennies, l’agronome français René Dumont jetait un pavé dans la mare avec son livre « l’Afrique noire est mal partie », où il évoquait principalement un développement agricole trop technique, qui ne tenait pas suffisamment compte des savoirs traditionnels. Il rappelait aussi le «pacte colonial » qui avait placé le continent africain dans une situation d’infériorité, depuis la traite négrière du 15eme siècle jusqu’à la colonisation.

Nous avons demandé à Alain Huart, agronome, expert auprès du WWF et de l’Union européenne, auteur de nombreux livres sur la République démocratique du Congo, si la prophétie de René Dumont s’était ou on réalisée.

« Aujourd’hui, il faut évaluer la situation à l’aune du réchauffement climatique et sous cet angle là, l’Afrique est, avec le sous continent indien, le continent qui est le plus mal parti, le moins préparé. René Dumont évoquait le leadership politique, le chantier éducatif, le pacte colonial c’est-à-dire les rapports injustes. Même sur le plan climatique, il s’est montré visionnaire… »

« La décolonisation s’est passée très vite il, dans le cas du Congo belge, il aurait fallu une période de transition de trente ans. Mais la Belgique, qui n’était pas une grande puissance, a lâché prise très vite et très facilement. Elle a donc laissé le Congo dans un état d’impréparation, elle n’avait pas formé une élite car elle avait opté pour une colonisation partant de la base. »

Comment a-t-on géré la post indépendance ?

« Dans le système mondial d’alors les Africains n’avaient rien à dire. L’Afrique représente cependant, hier comme aujourd’hui, un certain Eldorado, avec ses ressources minières, pétrolières, et jusqu’à présent ces ressources sont encore, majoritairement, aux mains de sociétés occidentales qui essaient de se positionner.

Aujourd’hui on parle de mondialisation pour ne pas employer le mot néo colonialisme, mais la réalité reste la même. Les Chinois aussi s’intéressent à l’Afrique mais pas plus que les Occidentaux ils ne se soucient d’un accompagnement raisonné. »

L’accroissement démographique de l’Afrique est il un obstacle au développement ?

« Alors que le ralentissement démographique est acquis sur tous les continents, en Afrique l’éducation reste très faible et en particulier l’information à propos du planning familial, de la contraception, seulement 20% des femmes sont réellement informées sur ce sujet. A cause de la pauvreté, l’Africain considère qu’avoir cinq, six ou sept enfants par famille demeure un objectif qui lui permet d’assurer sa survie à terme. En Afrique noire, dans les pays les plus pauvres, contrairement à ce qui se passe en Tunisie, au Maroc, en Afrique du Sud, on n’observe pas de fléchissement démographique. Avec de tels taux de croissance la pression sur les écosystèmes devient de plus en plus forte. La démographie n’est pas nocive en soi mais elle s’accompagne d’un sous développement profond et d’un manque de connaissance des populations par rapport aux enjeux de leur développement, du climat.

A Kinshasa cependant, cela évolue : lorsqu’elles atteignent un certain niveau, les femmes réduisent le nombre d’enfants. Ce qui reste très préoccupant, ce sont les gens qui sont enclavés, mentalement, physiquement ; c’est au Soudan, en RDC, en Centrafrique, les pays les plus pauvres que l’on observe les taux de croissance les plus inquiétants. Le problème c’est que cette croissance s’accompagne d’un sous développement profond, d’un manque de connaissance des enjeux de l’environnement, de tout ce qui touche au climat. »

Tout cela pourrait il engendrer des flux de population se déplaçant vers l’Europe ?

« L’enjeu est assez clair : le taux de déforestation a doublé ou triplé, la pression sur les ressources est de plus en plus forte, sans s’accompagner de méthodes d’agriculture durable. Les gens restent figés sur des schémas anciens et cette population pauvre est en train de détruire progressivement le patrimoine qui pourrait lui permettre, dans le futur, de construire un patrimoine durable… »

Comment se porte la forêt congolaise, si souvent citée comme réservoir naturel ?

« Partout, les fronts forestiers reculent : autour de Kinshasa, dans la région de Gemena dans l’Equateur, le long du fleuve Kasaï, au Nord et au Sud Kivu,. Dans certaines régions le taux de déforestation atteint de 1 à 2% par an, ce qui veut dire que dans trente ou quarante ans et certainement d’ici 2100, l’essentiel de la forêt congolaise aura disparu.

Dans les pays du Sahel, l’agro pastoralisme a augmenté, car les gens ont cru que le bétail serait leur richesse mais les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont multipliés (René Dumont déjà mettait en garde à ce sujet). En outre les gens utilisent le charbon de bois comme source d’énergie, ce qui contribue à détruire les écosystèmes fragiles du Sahel.

Si l’on étudie aujourd’hui la provenance des flux migratoires vers l’Europe, on voit qu’il s’agît de populations sahéliennes. Mais d’ici vingt ou trente ans, il s’agira de populations venues d’Afrique centrale, tout aussi désespérées et qui ne pourront plus survivre dans leur milieu…

Des géographes tracent les cartes des chemins de remontée des migrations vers l’Europe, et on peut déjà prédire les flux du futur. Le continent africain est le plus exposé au réchauffement climatique et le moins préparé à se prémunir contre ses effets, alors qu’en Europe, proportionnellement, les écarts seront plus faibles… »

Compte tenu de telles perspectives, pourquoi dit on que l’Afrique est le continent de l’avenir ?

« Parce qu’il s‘agît d’une population jeune, en pleine croissance, dynamique. Mais ce qui m’inquiète, c’est que, d’ici vingt ou trente ans, alors que des élites auront été formées, le patrimoine, lui, aura disparu : la forêt tropicale c’est-à-dire le patrimoine forestier naturel n’existera plus, les mines auront été vidées. L’Europe aussi a connu un tel phénomène : au Moyen Age, pour construire des bateaux on a détruit la forêt. Bien sûr les forêts ont été reconstituées, mais elles n’ont plus le même potentiel, la même qualité…Elles ne représentent plus que 15% de la valeur carbone.

Il y aura un décalage entre cette jeunesse émergente et les ressources qui seront à sa disposition. Bien sûr, nous apportons des appuis, mais ils sont disparates. Voyez la Monusco présente au Congo : en réalité elle sert surtout à sécuriser les sites miniers et les investissements réalisés ces vingt dernières années, plutôt que les populations…Au Congo et ailleurs, à la mauvaise gouvernance au niveau mondial s’ajoute le fait qu’il n’y a jamais eu d’élections locales…Ce qui signifie que les populations n’ont jamais eu rien à dire à propos de leur mode de développement…

Le rapport qui dénonce la mauvaise gestion de Tshisekedi

AFP – le 8 janvier 2020

Plus de 80% des marchés publics passés en 2019 dans le cadre des grands travaux du nouveau président congolais Félix Tshisekedi ont été conclus de gré à gré, donc sans appel d’offres, selon une étude qui revient sur la mauvaise gestion endémique en République démocratique du Congo.

« Le programme des 100 jours, élaboré pour répondre aux besoins urgents des Congolais, a été géré en violation de la loi cadre régissant les finances publiques », déplore l’Observatoire de la dépense publique (Odep) à l’origine de l’étude publiée mercredi. L’ONG Odep regroupe douze organisations.

https://afrique.lalibre.be/40200/rdc-gratuite-de-lenseignement-letat-na-pas-les-moyens

Routes, ponts, échangeurs pour soulager la circulation aux carrefours de Kinshasa: le président Tshisekedi se voulait ambitieux dès son investiture le 24 janvier.

Souci, le programme est largement sous-financé: l’étude « constate ainsi que les projets lancés ont une valeur de 2,481 milliards de dollars américains » mais qu’à « fin septembre 2019 ce programme a connu un paiement avoisinant les 216 millions de dollars« .

Et il continue en constatant que « 80,61% des marché public ont été contractés de gré à gré, contre 15,33% avec appel d’offres« , ajoute l’étude.

Dans ce rapport, l’Odep note que certains projets ont été « surfacturés », affirmant par exemple qu’une école primaire a coûté 3,299 millions de dollars.

L’organisation dénonce « l’absence de discipline budgétaire et le faible niveau de transparence dans l’exécution de la dépense publique« .

La plupart des projets exécutés dans le cadre du programme d’urgence du président Tshisekedi sont fait « sans plan d’exécution des travaux, note de calcul, contrat de base signé avec les entreprises », selon le rapport de l’Odep.

Afrique 60: la bombe démographique

Colette Braeckman – Le Soir – le 8 janvier 2020

Comment décrire l’évolution réelle d’un continent qui demeure un « désert statistique » ? Comment mesurer les indices réels des inégalités sociales, de l’accès aux services de base tels que l’eau et l’électricité, comment mesurer l’ampleur des migrations vers les villes ou les flux se dirigeant vers les pays voisins ou vers l’Europe ?

Quelques évidences cependant : en dépit des épidémies (rougeole, Sida, fièvre d’Ebola) et des maladies endémiques (lèpre,tuberculose, paludisme) l’espérance de vie en Afrique noire a progressé de vingt ans selon la Banque mondiale.

Grâce aux progrès de la médecine, et surtout de la vaccination, grâce aussi à la force vitale des populations se sentant maîtres de leur destin, la population africaine s’est envolée et la transition (stabilisation) démographique ne s’est pas encore produite : en 1960 l’Afrique comptait 227 millions d’habitants et dans des pays tels que le Gabon, la population était même en déclin. Effets de la traite négrière (vingt millions d’esclaves emmenés au-delà des mers), du portage, des travaux obligatoires et des guerres, des pays tels que l’Angola, la Namibie, le bassin du Congo, étaient notoirement sous peuplés.

Tout cela appartient désormais au passé : en 2018 le continent comptait plus d’un milliard d’habitants et en 2050 les Africains seront plus du double. Avec plus de cent millions d’habitants chacun, le Nigeria, l’Ethiopie et la RDC forment le trio de tête.

Cette explosion démographique peut être vue comme une richesse, un formidable potentiel de création artistique, de force de travail et de transformation sociale, par contraste avec les populations vieillissantes des anciennes métropoles. Mais à court terme, ces populations jeunes aspirent à la fois à la liberté politique, aux opportunités économiques. Informées par Internet voire nourries d’illusions, elles n’hésitent pas à tenter leur chance et à se lancer dans la migration, soit vers des pays africains plus industrialisés comme l’Afrique du Sud, soit, plus sûrement encore, vers l’Europe, ce nouvel Eldorado, et cela en dépit des dangers du voyage et des incertitudes de l’accueil.

Même si la part de la population africaine vivant sous le seuil de pauvreté aurait diminué, passant de 54,7% en 1990 à 41,4% en 2015 selon les données de la Banque Mondiale, la « perception » n’a pas changé : les jeunes Africains, plus que jamais, sont tentés par l’exode. En outre, le flux migratoire risque d’être grossi, dans les années qui viennent, par les changements climatiques, la désertification, voire le développement du secteur minier industriel, qui chassera des populations entières de leurs territoires traditionnels. Pour ne pas parler de la multiplication des groupes armés, de la compétition entre agriculteurs et éleveurs, de la propagande djihadiste, anti occidentale, qui pourra séduire les plus frustrés.

L’Afrique, soixante ans après le soleil noir des indépendances, demeure le continent de l’espoir. Par ses ressources, sa jeunesse, ses talents. Mais elle demeure aussi, aux portes d’une Europe qui trop souvent la rejette ou l’ignore, une bombe déjà dégoupillée…

La Belgique « incompétente » pour juger Alexis Thambwe

Hubert Leclercq – La Libre – le 9 janvier 2020

Fin de partie – du moins pour l’instant – pour le dossier des poursuites en Belgique contre Alexis Thambwe Mwamba.

La justice belge, après plus d’un an de procédure, s’est déclarée incompétente ce jeudi 9 janvier pour juger l’ancien ministre de la Justice et actuel président du Sénat de la République démocratique du Congo, Alexis Thambwe Mwamba, pour crime de guerre et crime contre l’humanité.

Les faits remontent à la fin des années 90. À l’époque, M. Thambwe était un des responsables du RCD-Goma qui luttait contre le pouvoir nouvellement installé de Laurent-Désiré Kabila. Un avion avait été abattu au décollage de Kindu (province du Maniema, dans l’Est du pays) et M. Thambwe avait revendiqué cet attentat sur les ondes de différents médias.

Aujourd’hui, le numéro 2 dans la hiérarchie de la République démocratique du Congo nie toute responsabilité dans cet attentat, expliquant qu’il était le porte-parole de ce mouvement rebelle et qu’il n’avait pas de réelles responsabilités opérationnelles. Son avocat, Me Laurent Kennes, a plaidé l’incompétence pour ces crimes du fait du manque de liens entre les faits, M. Thambwe et la Belgique.

Les plaignants, défendus par Me Alexis Deswaeff, ne l’entendaient pas de cette oreille. Leur avocat a plaidé le fait que M. Thambwe dispose d‘attaches suffisantes avec la Belgique, relevant une série de faits qui, selon lui, démontrent ce lien (bien immobilier, voiture, nationalité de l’épouse et de deux de ses filles, visite régulière, suivi médical et titre de séjour illimité,…). Maître Deswaeff avait plaidé la notion “d’absence temporaire” reconnaissant que M. Thambwe était pour l’instant moins présent en Belgique vu ses responsabilités en RDC mais que tous les éléments qui le relient en Belgique sont toujours d’actualité.

La chambre des mises s’est rangée du côté du clan Thambwe, balayant dans ses attendus l’argument “d’absence temporaire” sans toutefois justifier sa prise de position.

Les plaignants ont 15 jours pour se pourvoir en cassation.

Volet fiscal “irrecevable” aussi… mais

Le dossier de l’attentat contre le Boeing 727 de la compagnie Congo Airlines, abattu le 18 octobre 1998, causant la mort de 50 personnes (43 civils, essentiellement des femmes et des enfants, et 7 membres d’équipage) devrait donc désormais être définitivement remisé aux oubliettes. Le seul État qui semble pouvoir se prétendre compétent désormais étant la République démocratique du Congo, mais on voit mal la justice congolaise ouvrir ce dossier à charge du président du Sénat et ancien ministre de la Justice.

Reste le volet fiscal (détournement de fonds publics et corruption, pillage, faux et usage de faux et blanchiment d’argent).

En effet, parallèlement à la plainte pour l’attentat contre l’avion de Congo Airlines, les plaignants ont aussi déposé plainte contre Alexis Thambwe et une de ses filles pour des infractions de blanchiment de capitaux, enrichissement illicite, faux et usage de faux et corruption.

Cette plainte a aussi été jugée irrecevable parce que le plaignant ne disposait pas du mandat valable pour ce faire. Le plaignant, qui parle au nom de la Ligue contre la corruption et la fraude en RDC (Licof), une asbl de droit congolais, est mandaté par le conseil d’administration et non par le comité national qui était l’organe ad hoc pour lui confier ce type de mandat.

La cour d’appel de la Chambre des mises en accusation ajoute : “l’absence d’un mandat valable a moment du dépôt de la plainte ne peut être régularisé par un mandat antérieur donné par l’organe compétent. il ne peut pas non plus être étendu à une autre personne que celle visée dans la plainte”. Et d’ajouter : “Il n’apparaît pas vraisemblable que les autres plaignants, MM. Rashidi et Muyambo, aient été lésés par les infractions de détournement de fonds public et de corruption, de pillage, de faux et d’usage de faux et de blanchiment d’argent telles que visées dans la plainte et qu’ils aient subi un dommage personnel. La cour ne peut que constater l’irrecevabilité de la constitution de la partie civile pour ce volet”.

Mais dans ce volet fiscal rien n’interdit à la Licof, à laquelle la chambre des mises a reconnu le fait qu’elle dispose bien d’une personnalité juridique, de réintroduire sa plainte avec le bon mandat pour que l’enquête du juge d’instruction bruxellois se poursuive.

La Belgique ne devra donc pas rouvrir le dossier très embarrassant de l’attentat contre l’avion de Congo Airlines, le dossier fiscal à charge de M. Thambwe, lui n’est peut-être pas définitivement clos.

L’évacuation de l’Unikin plonge les étudiants dans la détresse

Marie-France Cros – La Libre – le 10 janvier 2020

Des milliers d’étudiants de l’Université de Kinshasa (Unikin) ont quitté le campus entre mercredi et jeudi soir, sous une pluie torrentielle qui, depuis trois jours, a notamment provoqué la destruction de la principale route qui y mène, à Livulu (Lemba). Certains ont emporté la plus grande partie de leurs biens; d’autres en ont vendus aux habitants des quartiers pauvres qui entourent l’Unikin. Beaucoup ne savent où aller. Joseph Olengankoy (allié de la majorité kabiliste) n’a pas craint de déclarer, selon Politico: « Pour l’instant, ils n’ont qu’à trouver des maisons tout autour du campus et chercher à s’organiser ».

Cet exode fait suite à la menace de la police qui, mercredi, avait donné 48h aux occupants pour quitter le campus, dont les activités étaient suspendues; tout contrevenant “sera considéré comme un infiltré, un ennemi de la République”.

Un mort et des blessés
Cet avertissement sans précédent avait été diffusé à la suite d’une manifestation de protestation contre le triplement du minerval, qui a dégénéré lundi. Un policier a été lynché à mort et deux grièvement blessés, ainsi qu’une demi-douzaine d’étudiants, tandis que des locaux universitaires étaient saccagés et une agence bancaire dévalisée.

De nombreux commentateurs politiques et journalistes attribuaient ces dérapages à “des infiltrés” – mot qui ne signifie pas la même chose selon qui parle. Pour certains journalistes, il s’agit de voyous armés de machettes et bâtons; selon Le Phare, ils “étaient au parfum de ce qui allait se passer à l’Unikin” et les services de renseignements ont failli à leur mission. Pour un parti de la majorité kabiliste, la Nogec, les “infiltrés” sont les opposants de la coalition Lamuka, qui a remporté la présidentielle de décembre 2018 avant d’être évincée du pouvoir par un accord Kabila-Tshisekedi.

Nouvel épisode de la lutte Kabila-Tshisekedi

Plusieurs sources de La Libre Afrique.be évoquent en revanche un épisode de la lutte de moins en moins feutrée que se livrent les alliés officiels, kabilistes et tshisekedistes. Les premiers entendent affirmer leur pouvoir, largement prépondérant au sein de l’alliance; les seconds sont partagés entre la base, qui veut rendre coup pour coup, et les chefs, qui s’efforcent d’ignorer les provocations. Après que le ministre de l’Enseignement supérieur, Thomas Luhaka (majorité kabiliste) eut ordonné aux étudiants de vider les lieux, celui de l’Intérieur, Gilbert Kankonde (tshisekediste) avait abondé dans son sens.

Une partie des politiques a justifié l’expulsion par le besoin de trier les occupants des bâtiments: à côté des étudiants réguliers, y logent en effet de nombreux adultes – civils et militaires – qui sous-louent une chambre ou une cave pour y vivre avec leur famille, voire occupent les espaces verts du campus avec des constructions anarchiques . D’autres soulignent qu’il n’y a pas besoin d’expulser tout le monde pour faire le tri.

Floribert Anzuluni, coordonnateur du mouvement citoyen Filimbi, interrogé par La Libre Afrique.be, estime que « la dégradation de la situation sociale » au Congo « pourrait avoir aggravé la situation », alors que « la division de l’opinion à la suite des dernières « élections » semble avoir également eu un impact », en fournissant l’ »occasion d’exprimer des frustrations gelées ».

Pillages et rançonnement

Quoi qu’il en soit, l’évacuation forcée n’est pas perdue pour tous. Des pillards sont signalés sur le campus, volant les biens des étudiants abandonnés. La Libre Afrique.be a reçu le témoignage d’un travailleur de l’Unikin, brutalisé et menacé de mort par trois policiers jeudi “sous prétexte que je suis un ennemi du ministre car je me rends au travail” malgré la suspension des activités académiques. « Après une longue discussion, ils ont décidé de me dépouiller de tout mon argent et de me laisser partir”.

Bruxelles: Les Banyamulenge, qui se disent victimes d’attaques répétée à Minembwe, se choisissent un avocat international

RTBF / Adiac-Congo (Br) -la 11.01.2020,

L’avocat belge Bernard Maingain a annoncé avoir été mandaté par la communauté Banyamulenge qui se disent victime de violences à Minembwe, dans la province du Sud-Kivu, pour conduire une « mission de défense judiciaire » visant à s’opposer à la « destruction volontaire, violente et sauvage » de cette communauté, indique l’agence Belga.

L’objectif de cette mission, explique-t-on, est de contribuer par voie légale à l’interruption des cycles de violence, à la restauration de l’État de droit et à la reprise d’une relation pacifiée avec toutes les communautés environnantes dans la paix, la sécurité et la justice », indique un communiqué cosigné le 6 janvier par Me Bernard Maingain et Me Jean-Paul Shaka, avocat au barreau de New-York.

La violence contre les Banyamulenge s’apparente aux Pogroms qui ont touché la communauté Tutsi

Pour les avocats, le cycle de violence contre les Banyamulenge « s’apparente de façon visible aux pogroms qui ont touché la communauté Tutsi dans les années cinquante au Rwanda. C’est cette dérive à tendance génocidaire qu’il faut arrêter en restaurant les fonctions régaliennes de l’Etat au Sud-Kivu et en mettant un terme au cycle de l’impunité ».

Me Maingain sera « assisté, soutenu et entouré par une équipe d’avocats de la communauté (Banyamulenge), basés en RDC et à l’étranger », souligne le texte.

L’avocat prévoit de se rendre sur place pour recueillir « les témoignages de victimes et préparer les plaintes » qui seront ensuite remises aux autorités judiciaires congolaises, avec copie à l’attention du procureur auprès de la Cour pénale internationale (CPI), la Gambienne Fatou Bensouda.

Me Maingain ajoute avoir pris contact avec les autorités de l’Etat congolais et les services de la Monusco (la Mission de l’ONU en RDC) « en vue de bénéficier d’une assistance et d’une protection dans l’exercice de sa mission ».

Les Banyamulenge sont des Congolais Tutsi aux ascendances rwandaises vivant essentiellement dans la région des Hauts-plateaux du Sud-Kivu, situés à plus de 2000 mètres d’altitude sur les sommets des montagnes dominant le lac Tanganyika.

Depuis quelques mois il ya des confrontations entre cette communauté et divers groupes armés Maï-Maï issus des communautés Bembe, Bafuliro et Bashi qui les accusent d’être à la base de l’implentation de paysans qui viendraient du Rwanda dans la région.

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© Dialogue, le samedi 11 janvier 2020

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