Vital Kamerhe: «La présidente de l’Assemblée a franchi la ligne rouge» (Radio France Internationale)

KINSHASA – Au Congo Kinshasa, voilà un an, jour pour jour, que Félix Tshisekedi est président. Mais aujourd’hui, le ton monte entre son camp et celui de son prédécesseur, Joseph Kabila. Dimanche, le président Tshisekedi a évoqué la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale, qui est sous le contrôle de son prédécesseur. Lundi, la présidente de l’Assemblée, Jeanine Mabunda, a répliqué en menaçant à demi-mots le chef de l’Etat de poursuites judiciaires pour « crime de haute trahison ». Ce vendredi, en exclusivité sur RFI, voici la réponse du directeur de cabinet du président Tshisekedi. Vital Kamerhe est au micro de Sonia Rolley, Patient Ligodi, Pascal Mulegwa et Kamanda Wa Kamda Muzembe.

Sonia Rolley : Est-ce que vous comprenez le recadrage de la part de Jeannine Mabunda ?

Vital Kamerhe : D’abord, je salue tous les Congolaises et Congolais pour cette année que nous venons de passer dans la paix, relativement. Parce qu’à l’Est, nous sommes encore en guerre et nos forces sont en train de se déployer pour pacifier le pays totalement, comme l’a souhaité le président de la République. La sortie de madame Mabunda, présidente de l’Assemblée nationale, c’est comme un cheveu dans la soupe. Je ne savais pas à quelle occasion. C’est plus tard que j’ai compris que c’était à l’occasion de la présentation des vœux des administratifs du Parlement. J’ai eu moi-même à être soumis à cet exercice deux fois. On se limite au thème et à l’événement du jour. Cela, c’est de un. De deux, en tant qu’ancien président de l’Assemblée nationale, je sais très bien que le message du président de la République, que ce soit officiel ou privé, n’appelle aucun débat ni commentaire à l’Assemblée nationale. Le président de l’Assemblée nationale est la personne la mieux indiquée pour faire respecter ceci. Quand je présidais la séance et qu’un député de la majorité comme de l’opposition citait le nom du président de la République, je le stoppais tout de suite, parce que le président de la République est irresponsable devant la Chambre. Madame Mabunda, quand elle rappelle le prescrit de la Constitution, je ne sais pas si elle est en train de donner un cours de droit. Parce que c’est écrit, c’est connu, mais c’est écrit et connu, aussi, dans la Constitution française. Monsieur Mitterrand a fait encore mieux. Il a dit : Françaises et Français… Je considère que la cohésion nationale tant souhaitée… Chirac l’a fait. Et donc c’est un droit reconnu et le président de la République n’a jamais dit qu’il va dissoudre l’Assemblée nationale, mais personne ne peut le lui refuser. Qui mesure le degré de la crise ? C’est le président de la République.

Patient Ligodi : On a vu vos députés réclamer à demi-mot la démission de la présidente de l’Assemblée nationale en citant, d’ailleurs, votre exemple. Vous avez dû démissionner, suite à un désaccord avec Joseph Kabila. Jeannine Mabunda, doit-elle démissionner ?

Les comparaisons ne sont pas comparables.

Sonia Rolley : Dans ce cas-là, est-ce que vous pensez que Jeannine Mabunda a dépassé les bornes et doit démissionner ?

Elle a franchi, en tout cas, la ligne rouge. Cela, il faut le dire. Mais moi, je n’ai pas attendu qu’on me dise de démissionner, je l’avais promis à tout le monde. Je suis passé sur RFI, sur toutes les radios. Je dis que je sais ce que cela peut entrainer comme dégâts collatéraux sur le plan humain et sur le plan économique dans notre pays : la crise Kasavubu-Lumumba. Moi, je dis non. Je quitte. Parce que je suis, sur le plan hiérarchique, inférieur au président de la République. C’est une fonction mythique. On ne joue pas avec cette fonction-là. C’est le garant de la Nation !

Sonia Rolley : On va revenir un tout petit peu sur les déclarations du président Tshisekedi. Il évoquait des blocages. On voit qu’il y a des difficultés pour les nominations…

Ce qui était difficile, c’était d’abord d’obtenir le respect de la Constitution. Cela, il faut le dire. C’était un combat. Vous avez assisté à ce combat. Il y a eu des morts dans ce pays. C’est un miracle que nous puissions avoir aujourd’hui un ancien président en vie remplacé par un opposant. Ceci dit, la vie n’est pas une ligne droite. Nous aurons de petites crises, nous aurons de grandes crises… Mais la force des hommes d’État, la sagesse et l’intelligence, est de surmonter ces crises, mais cela n’autorise personne à manquer de respect au président de la République, parce que lui, il est respectueux des autres. Quand il invite madame Mabunda et quand il invite monsieur Tambwe Mwamba dans son bureau, il parle. C’est une façon de les respecter. Ce n’était même pas une consultation. C’était de dire : voilà les choses ne marchent pas très bien. Le rôle de l’Assemblée nationale, justement, c’est de dire, depuis l’investiture du Premier ministre Ilunga Ilunkamba, le programme adopté à l’Assemblée nationale. Le président de la République aurait souhaité que la vitesse d’exécution des travaux puisse être supérieure à celle vécue quand nous étions dans une forme de cohabitation.

© Radio France Internationale, 24.01.20

Image : Vital Kamerhe
Source : Wikipedia

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