11 04 20/ REVUE DE LA PRESSE CONGOLAISE DE CE SAMEDI (Dialogue)
Sommaire
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L’actualité de ce samedi 11 avril sur les médias congolais se résume à des spéculations sur le dossier judiciaire du programme des 100 jours. Kamerhe et les entreprises mises en cause devraient être confrontées, mais cela exige-t-il leur maintien en détention ? D’autre part, les pressions s’accroissent pour que l’on n’en reste pas là. Vital Kamerhe a passé sa deuxième nuit à la prison centrale de Makala. Le directeur de cabinet du Président de la République a été placé sous mandat d’arrêt provisoire depuis le mercredi par le parquet général près la cour d’appel de Kinshasa-Matete, dans le cadre des enquêtes sur l’exécution de ce programme d’urgence.
Des points de vue divergent au sujet de la procédure suivie par cette instance judiciaire. Certains estiment que le directeur de cabinet du chef de l’Etat est un administratif et ne bénéficie pas de privilèges par rapport aux autres justiciables. D’autres se posent des questions sur l’incidence politique de cette affaire. Ces derniers estiment que le directeur du Président de la République a rang du ministre d’Etat et ne devrait pas être transféré directement à Makala, parce que sa fuite n’est pas à craindre.
Affaire du Programme des 100 jours
Médiacongo annonce « confrontation entre Kamerhe et les entreprises mises en cause »
« Hormis Kamerhe (Haut G.), David Blattner (Bas G.), patron de Safricas; Jammal Samih, le patron de Samibo Congo (Haut Dr.); et Herman Mutima (Bas Dr.), DG de l’OR, sont aussi interpellés dans ce dossier judiciaire du programme des 100 jours.
Le parquet général près la cour d’appel de Kinshasa-Matete a organisé vendredi 10 avril 2 la confrontation entre Vital Kamerhe, directeur de cabinet du Président de la République, et les entreprises mises en cause dans le dossier relatif à l’exécution du programme d’urgence de 100 jours du Chef de l’Etat. Cette confrontation se passe en chambre de conseil à la prison centrale de Makala.
Parmi les personnalités mises en cause, il y a aussi des hommes d’affaires parmi les plus connus du pays comme David Blattner, patron de Safricas. Avec son frère, ils ont des intérêts dans plusieurs secteurs de l’économie depuis l’ère Mobutu et sont restés incontournables à l’époque de Joseph Kabila. Le Libanais Jammal Samih a lui surtout prospéré sous le régime de l’ancien président et devait recevoir pour 114 millions de dollars dans le cadre du « programme des 100 jours » pour des maisons préfabriquées. Cela avait été pointé depuis des mois par la société civile.
Le directeur général de la Rawbank, Thierry Taeymans, a lui aussi été mis en cause pour avoir autorisé certaines transactions douteuses. Il a été limogé depuis. Cette banque était déjà pointée du doigt sous l’ancien régime par les activistes anticorruption. Elle appartient à la famille Rawji, l’une des plus grosses et anciennes fortunes au Congo.
Les auditions se poursuivent, d’autres invitations ou convocations ont été envoyés à des ministres, anciens ministres et hauts responsables. De sources judiciaires, le procureur serait aussi dans l’attente de documents. En tant que principal ordonnateur des dépenses sur ce programme d’urgence pendant les premiers mois du président Tshisekedi, Vital Kamerhe a en effet effectué de nombreuses signatures ».
Prunelle RDC annonce « Kamerhe à Makala: « Le Congo n’est pas à vendre » veut aussi voir des dignitaires de l’ancien régime à la barre »
« Le collectif des organisations de la Société civile « Le Congo n’est pas à vendre », regroupant en son sein, quelques organisations de la société civile dont AETA, ODEP, et autres veut voir des dignitaires de l’ancien régime, qui ont été cités dans plusieurs rapports, pour détournement, corruption, être écouté et au besoin jugé par la justice.
Cela permettra de constater l’effectivité de l’indépendance de la justice. Sinon, il sera considéré comme une justice de deux poids, deux mesures.
Ainsi donc, la plate forme qui lutte aussi contre la corruption veut que les autorités publiques informent l’opinion tant nationale qu’internationale sur « la destination de 128 millions, 15 millions de retrocomission. L’ouverture des enquêtes sur des projets; dossier lié à l’entreprise EGAL, FBN Bank, Bukanga Lonzo etc. »
Au sujet des poursuites à l’encontre de Vital Kamerhe, “le Congo n’est pas à vendre” appelle le pouvoir judiciaire à poursuivre de manière rigoureuse et impartiale afin d’établir la responsabilité de tous les acteurs impliqués dans le détournement des fonds alloués au programme de 100 jours.
Il dit exiger que des enquêtes en cours aboutissent à des conclusions publiques afin de rendre effective la lutte contre l’impunité.
Enfin, cette coalition espère que l’Agence de lutte contre la corruption qui vient d’être mise en place sera indépendante et possedera des moyens suffisants pour sa politique ».
Presse et documents étrangers
Le retour des Belgo Congolais…
Colette Braeckman – Le Soir – le 3 avril 2020
Dans la nuit de mercredi à jeudi, deux avions affrétés depuis Bruxelles ont ramené des ressortissants belges depuis la République démocratique du Congo ainsi qu’au départ de Kigali et Bujumbura. Ce dernier vol, un avion militaire, sera affrété par le ministère belge de la Défense.
Quant à l’Airbus rentré de Kinshasa dans la nuit, il est déjà arrivé mardi soir dans la capitale congolaise d’où, mercredi, il a assuré la liaison avec Lubumbashi. La politique définie par le Ministère des Affaires étrangères est claire et n’entend pas établir de passe droits ou établir de distinction entre les passagers. Ce qui signifie qu’en principe tous les détenteurs d’un passeport belge peuvent s’inscrire sur les listes des passagers.
Cependant, une certaine confusion a régné à Kinshasa car dans les « hautes sphères » du pouvoir, les « Belgo Congolais » issus de la diaspora en Belgique sont nombreux. Certains d’entre eux, même s’ils n’étaient pas eux-mêmes candidats au voyage, ont tenté d’organiser le déplacement de leur épouse et de leurs enfants. Un sauve qui peut qui est plutôt mal vu par le « Congolais de base » qui relève qu’en plus, cette « élite » est issue du quartier de la Gombe à Kinshasa, le quartier résidentiel qui compte le plus grand nombre de contaminations sur un total de 123 cas recensés. Après le cafouillage du «confinement alternatif » instauré la semaine dernière et finalement annulé par une directive présidentielle, on s’attend à de nouvelles mesures pour la semaine prochaine, qui seront appliquées à la Gombe et les autres « quartiers riches » plutôt que dans les « cités » populaires où les gens ne peuvent se permettre de ne pas sortir pour chercher de quoi vivre.
Dans l’attente de ces mesures et au vu du départ de ceux qui le peuvent, une certaine tension règne dans la capitale et, comme dans d’autres capitales africaines, prend une tournure « anti blanc », d’autant plus qu’à une exception près, tous les cas jusqu’à présent recensés étaient des voyageurs revenant de France ou de Belgique.
C’est ainsi qu’un bus privé, qui ramenait de Moanda, sur la côte atlantique, une vingtaine d’employés de la société pétrolière française Perenco et se dirigeait vers l’aéroport où attendait un Airbus affrété par la France, ont du faire face à un début d’émeute. La population, croyant que cette poignée d’Européens venait de débarquer, à lancé des cailloux sur le bus et crié des slogans hostiles aux Européens.
Pour les Occidentaux qui ne pourront partir cette semaine, des arrangements ont été pris par les autorités consulaires, au départ de Lubumbashi, avec la compagnie Ethiopian Airlines, qui assurera le vol jusque Adis Abeba où les passagers retrouveront des compagnies européennes. Une solution plus coûteuse que l’Airbus gouvernemental : ce vol privé sera facturé 2650 dollars, contre 400 pour le vol Kinshasa Bruxelles…
LES SALAIRES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Patience Kabamba – LE MOT DU WEEKEND – le 4 Avril 2020
La question de salaires en RDC pourrait paraitre éloignée des préoccupations sanitaires du moment avec l’angoisse et la désolation que suscite la pandémie de Covid-19. La perception de disjonction entre la question salariale et la maladie virale que nous combattons est une illusion. Les deux sont intimement liées dans ce sens qu’en temps normal les hôpitaux sont désertés à cause des salaires insuffisants car ces derniers servent aussi pour payer la nourriture, la scolarité des enfants et les soins de santé. Beaucoup de gens préfèrent aller dans des cliniques de fortunes en lieu et place des grands hôpitaux parce qu’ils n’ont pas de quoi honorer la facture des hôpitaux. Des médecins choisissent de quitter le pays pour prester à l’étranger ou ils sont mieux considérés. Déjà en temps normal, les salaires sont affectés par les soins médicaux et en temps de la pandémie la relation entre salaires et maladies est encore plus visible.
Une autre raison de plancher sur la problématique salariale est le fait qu’il existe une opacité impénétrable dans notre pays en rapport a celui qui décide de ce qui vaut et de ce qui ne vaut pas, et à celui qui assigne tel salaire a tel poste. Cette décision sur la valeur est un enjeu du pouvoir. Mais, elle structure nos vies car c’est en fonction du salaire reçu que l’on programme le reste de la vie de la famille. C’est en fonction du salaire gagné que l’on projette d’inscrire l’enfant dans telle ou telle école, que l’on décide d’aller dans tel ou tel hôpital pour se faire soigner. Le salaire joue un rôle structurant dans nos vies. Il est donc important de comprendre la logique a laquelle il répond.
Avant d’entrée dans le vif du sujet, j’annonce d’emblée que le MDW adopte les positions de Bernard Friot (2018) sur le salaire. Le salaire doit être à vie, lié à la qualification et non au diplôme (qui est une certification), et doit devenir un droit à partir de 18 ans, comme le droit de vote.
Pourquoi le salaire doit-il être à vie ? Parce que si vous savez que votre salaire ne dépend pas de ce que vous faites, et que quel que soit ce que vous faites, le salaire tombera toujours, alors vous exprimerez vos talents de manières soupçonnées. Vous ne serez plus esclave d’un employeur qui vous empêchera d’exprimer vos talents. Beaucoup d’économistes s’opposent à cette notion de salaire à vie pour des raisons qui sont plus dictées par le capital que par la raison. Nous sommes, en effets devenus des adorateurs de la religion capitaliste dont les cathédrales sont des shopping centres et des Super Marchés. C’est une religion sans Dieu et dont l’argent est l’hostie qui nourrie ses fidèles. Le catéchisme de cette religion n’est pas remis en question par nos universités, au contraire il dicte et structure la narrative dominante.
Un de mes grands amis a mis en place une école de Théologie Africaine, mais l’argent manquait pour y faire venir des nombreux étudiants. Mais, hélas, cet obstacle majeur n’a jamais fait l’objet d’une analyse rigoureuse. Il est accepté comme une fatalité à la grande joie du capital qui ainsi ne souffre d’aucune remise en question. Il y avait un supérieur hiérarchique qui pouvait octroyer des bourses a certains étudiants pour qu’ils s’inscrivent à cette grande école de Théologie africaine. Mais, c’est lui qui devait juger de la valeur de cet acte. Il avait donc le pouvoir sur cette école. La valeur comme les salaires sont des enjeux du pouvoir.
Nous avons donc toutes les raisons de réfléchir sur les salaires dans notre pays. Pour avoir un élément comparatif, je commence par décrire un bulletin de paie d’un professeur en France et s’il y a de la place nous ferons la même chose pour les USA.
La détermination de salaire en France commence par un point de départ fictif qui sert uniquement pour le calcul : C’est le salaire brut.
Le salaire brut n’existe pas. C’est simplement une base de calcul. Un professeur d’université en France voit en bas de sa fiche de paie : 2000 euro. Ça c’est le salaire net qui est en fait la moitie de son salaire. L’autre moitie va dans les cotisations et l’impôt. La cotisation patronale est de 44% du salaire brut, soit pour notre cas 1150 euro que le patron mettra dans le pot commun (la caisse de cotisation) au nom du travailleur. Le travailleur lui-même cotisera la valeur de 22% du salaire brut, soit pour notre cas 500 euro. De son salaire net, le travailleur payera 25% d’impôt, soit 500 euro. Il lui restera en mains 1500 euro. Le patron aussi payera de l’impôt sur le plus value récupérée du travail de l’ouvrier.
Les cotisations salariales (soit 22% du salaire brut, 550 euro) et patronales (soit 44% du salaire brut, 1150 euro) avec les impôts salariaux et patronaux servent à payer pour les allocations chômage (10%), éducation (20%), les allocations familiales (10%), les soins de sante (20%), et les pensions (40%).
A partir de ce bulletin de paie on peut voir comment la France a socialisé le revenu pour payer les producteurs du non-marchand comme les fonctionnaires de l’Etat qui sont presqu’a 5 million aujourd’hui (ils sont payés par les impôts). Les retraités, les parents, les agents de santé, les chômeurs sont payés par les cotisations. Toutes ces catégories sont des producteurs des valeurs non marchandes dont la société Française dépend.
Les salaires en France oscillent entre 1100 euro et 1800 euro. Le salaire médian qui divise la population en deux est de 1800 euro et le salaire moyen est de 1100 euro. 10% des salaires seulement sont au-delà de 3000 euro.
La description de la feuille de salaire française montre bien que le salaire dans ce pays est socialisé. Les cotisations font le tiers de la masse salariale. Et elle était gérée par les travailleurs eux-mêmes. Les cotisations sont le résultat de la lutte continue des citoyens qui ont pu obtenir cette socialisation du salaire depuis 1946 jusqu’a ce jour.
Bref, rien n’est donnée, ce sont des gens qui se lèvent pour réclamer leurs droits. Ces luttes sont différentes d’un milieu a un autre. Aux Etats Unis ou les syndicats évoluent dans un milieu hostile, les soins de santé par exemple font 15% du PIB, mais la grosse partie de la cagnotte file vers les compagnies d’assurances qui ponctionnent le gouvernement et pour des soins de santé médiocres, alors qu’en France ou en Europe en général, c’est 10% du PIB qui vont dans la santé et tous les soins médicaux sont meilleurs qu’aux USA et les cotisations sanitaires ne vont pas enrichir les compagnies d’assurance comme en Amérique.
Qu’est-ce que cela nous apprend, pour la République Démocratique du Congo ?
1. Nous devons d’abord comprendre la logique salariale dans notre pays. Quels sont les critères qui fixent les salaires d’un Ministre à $8000 par mois et d’un Enseignant ou un Infirmier à $55 par mois ? Quel est le salaire médian en RDC ? Qui décide que la valeur créée par un Ministre peut se monétiser à $8000/mois et celle produite par une Infirmière se monétise à $55 ? Qu’est-ce qui justifie des ci-grands écarts des salaires chez nous ?
2. Il n’existe pas de bon gouvernement, mais seulement des citoyens qui se lèvent pour réclamer leurs droits. En France les gens se sont levés et ont obtenu la socialisation des salaires. Les fonctionnaires sont payés à vie. Ce qui doit s’étendre à tout le monde. L’image des personnes de troisième âge dans des salles de classes ou dans des bureaux dans notre pays, laissent à désirer. Les retraites n’étant pas assurées, les gens choisissent de rester sur le lieu de travail jusqu’a leur dernier souffle. Nous pouvons résoudre ce problème si nous devenons souverains sur la valeur que nous produisons. Pour cela il faut affronter les forces capitalistes hégémoniques et dont notre Etat a ingurgité la narrative.
3. Il est possible de concevoir une alternative non capitaliste de la manière de nous organiser. La bourgeoisie a remplacé l’aristocratie en construisant une alternative, en produisant autrement a tel enseigne qu’elle a marginalisé la production féodale. Il nous est possible de créer une alternative au mode de production capitaliste. Le changement se fera dans la lutte car il y aura toujours du pouvoir qui profitera du statut quo. L’économie, la valeur et la monnaie sont des institutions de la violence, des rapports des forces. Il y a lieu de s’émanciper de la forme de violence capitaliste par la lutte des classes.
4. L’histoire, c’est l’histoire de la lutte des classes. Le lieu de la lutte des classes, c’est la monnaie, la valeur, le pouvoir. Si nous choisissons de vivre à genoux comme nous le faisons aujourd’hui, nos enfants et petits enfants aussi seront à genoux. Les universités devraient être des tremplins pour la réflexion sur le changement social. Mais, celles-ci se sont mercantilisées au point de ne former les étudiants qu’a l’humiliation anthropologique des travaux qui n’ont rien à avoir avec leur formation.
5. Levons-nous pour rester au cœur de ce qui structure nos vies : la hiérarchie des salaires, l’absence des salaires socialisés. Si nous n’affrontons pas la violence liée à ces enjeux de pouvoir, nous-mêmes, nos enfants, nos petits enfants, et nos arrières petits enfants mourront dans une indifférence totale. A vaincre sans péril on triomphe sans gloire, disait le bout d’homme Ecossais !
6. Une classe est dirigeante tant qu’elle est hégémonique, c’est- à -dire tant qu’elle peut faire adhérer ceux qu’elle domine à son récit du réel. Nous devons déconstruire cette hégémonie de la classe dirigeante de la République Démocratique du Congo !
Trente sept passagers recalés au départ de Bujumbura
Colette Braeckman – Le Soir – le 5 avril 2020
Mauvaise surprise pour 37 Belges qui attendaient à l’aéroport de Bujumbura de pouvoir embarquer dans un appareil spécial affrété par la Belgique : samedi soir, ils ont, en dernière minute, été empêchés de quitter le pays par les autorités burundaises. Ce refus leur a été signifié quelques minutes avant le départ du vol, et cela alors que l’ambassadeur de Belgique à Bujumbura se trouvait sur le tarmac et vérifiait la liste des passagers qui avaient déposé leur demande de rapatriement auprès des services consulaires. Arnaut Gaspart, le porte parole du Ministre des Affaires étrangères, tient à préciser que tous les préparatifs s’étaient déroulés de manière transparente et que la décision de dernière minute a pour le moins surpris. L’affaire n’est cependant pas close et les contacts sont maintenus avec les autorités burundaises et leurs représentants en Belgique. Relevons cependant que la plupart des passagers refusés sont des Burundais d’origine vivant en Europe et possédant la double nationalité. Selon certaines sources, ils auraient été soupçonnés d’être des opposants au régime.
Le Burundi, en ce moment, demeure l’un des rares pays au monde où la crise née du coronavirus ne fait pas la « une » : toute l’attention reste fixée sur les élections présidentielles qui doivent avoir lieu fin mai, scrutin auquel le président sortant Pierre Nkurunziza a annoncé qu’il ne se représenterait pas. Cependant, selon des observateurs, la situation demeure instable et l’économie, déjà précaire et affaiblie par les sanctions internationales, paiera un lourd tribut à la crise provoquée par l’épidémie.
Coronavirus en RDC: confinement limité à Kinshasa et vaccination postposée
Colette Braeckman – Le Soir – le 5/04/2020
Après l’annulation du « confinement alternatif », sur ordre de la présidence, la lutte contre le coronavirus – 154 contaminations, 18 décès – se déroulera surtout dans la commune résidentielle de la Gombe, où se sont déclarés les premiers cas, parmi des Congolais récemment rentrés d’Europe. Dès cette semaine, les habitants de la Gombe seront donc priés de ne plus quitter leur domicile. Mais ici aussi, il y aura des exceptions à la règle : l’Hôtel de Ville de Kinshasa a annoncé qu’il délivrerait 20.000 laissez-passer, au prix de 20 dollars chacun, à ceux qui avanceront des raisons professionnelles pour devoir circuler malgré tout.
Ces mesures ont cependant été éclipsées par la tempête de protestations suscitées dans l’opinion et dans la diaspora par les déclarations faites par le responsable de la riposte au coronavirus, le docteur Jean-Jacques Muyembe. Ce dernier, 78 ans, connu comme le « découvreur » d’Ebola dans les années 70 en compagnie du Belge Peter Piot et qui se préparait à célébrer la victoire contre la dernière attaque de fièvre hémorragique, a été nommé coordinateur de la lutte contre le nouveau virus.
A ce titre, il avait annoncé, avec à ses côtés l’ambassadeur des Etats-Unis Mike Hammer, que la RDC avait été choisie, ainsi que d’autres pays africains, pour participer aux essais cliniques du vaccin contre le Covid-19. Cette déclaration a suscité tellement de remous dans la capitale et sur les réseaux sociaux, surtout dans la diaspora, que le professeur Muyembe fut obligé de « rétropédaler » et d’assurer que le projet était pour le moins prématuré.
Prostituées et expérimentations
La violence de la réaction s’explique par deux raisons. La première, immédiate, a été suscitée par les propos qui ont été tenus sur la chaîne LCI par le professeur français Jean-Paul Mira : il avait proposé qu’un essai médical pour un vaccin contre le Covid-19 soit mené en Afrique, où, relevait-il, il n’y a tout de même pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation. Et de rappeler ce qui s’était fait lors de certaines études sur le sida, où des prostituées avaient fait l’objet d’expérimentations… Après que ces propos ont été largement répercutés à travers l’Afrique francophone, le professeur Mira a tenu à présenter excuses et démentis. Mais le mal était fait, la suspicion installée et la proposition du Dr. Muyembe devait en faire, provisoirement, les frais.
La deuxième cause du malaise est plus profonde : l’ancien ministre de la Santé, Oly Ilunga, a été condamné par la Cour de Cassation et envoyé à la prison de Makala à Kinshasa, accusé d’avoir fermé les yeux sur un détournement de fonds commis par l’un de ses subalternes dans le cadre de la lutte contre l’épidémie Ebola. Contestant le jugement de la Cour de Cassation, le Dr Ilunga a décidé de porter son cas devant la justice internationale et l’ancien directeur des cliniques de l’Europe à Bruxelles est défendu par plusieurs avocats belges, dont Me Pierre Chômé.
Descente aux enfers
Le fond de l’affaire dépasse les péripéties judiciaires qui ont abouti à la mise à l’écart – si pas en danger – de l’un des meilleurs spécialistes congolais en Santé publique qui, diplômé de Harvard, avait décidé de rentrer au pays après une longue et brillante carrière en Belgique. Accessoirement, le Dr. Ilunga avait aussi admis à la clinique de l’Europe le leader de l’opposition Etienne Tshisekedi, où ce dernier est décédé alors que son médecin était déjà rentré au pays.
Coronavirus: confusion, à Kinsahasa, pour le retour des «Belgo-congolais»
C’est le 22 juillet 2019 qu’avait commencé la descente aux enfers du docteur Ilunga : il avait présenté sa démission comme ministre de la Santé car il refusait de donner son aval à l’introduction d’un deuxième vaccin dans le cadre de la lutte contre Ebola.
Cobayes
A l’époque, le docteur Muyembe, en tant que directeur de l’INRB (Institut national de recherches biologiques) avait approuvé l’introduction, à titre expérimental, d’un deuxième vaccin contre Ebola produit par la firme américaine Johnson et Johnson, devenue, après rachat, la « maison mère » de Jannssens Pharmaceutica en Belgique.
Ce vaccin à deux doses, l’Ad26ZEBOV, entrait en concurrence avec un premier vaccin produit par la société concurrente Merck. Estimant que l’introduction d’un deuxième vaccin, à titre expérimental, relevait de la compétence du gouvernement et donc du ministre de la Santé et dénonçant des pratiques non déontologiques, le Dr Ilunga avait démissionné avec fracas. Dans la foulée, le président Félix Tshisekedi nomma le Dr. Muyembe à la tête des équipes de la riposte Ebola et, voici trois semaines, ce fléau-là fut déclaré vaincu.
L’expérimentation du vaccin contre Ebola et aujourd’hui du vaccin contre le coronavirus, où la population congolaise est proposée comme cobaye, risque de reléguer au second plan la recherche d’autres solutions, plus « locales » comme le recours à la chloroquine, produite en abondance au Sud Kivu, et cela alors qu’en Afrique centrale de nombreux citoyens ont eu recours à ce remède d’usage courant lorsqu’il s’agissait de vaincre des crises de paludisme…
Covid-19 : avis de tempête sur la classe politique africaine
Christophe RIGAUD – Afrikarabia – le 05 Avril 2020
La crise sanitaire du coronavirus risque d’être particulièrement violente en Afrique, où les Etats ne seraient pas en mesure de protéger la population. Un risque « de déstabilisation pour les régimes fragiles ou en bout de course » selon le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du quai d’Orsay.
8.719 cas confirmés et 399 morts au 5 avril… le Covid-19 poursuit sont inexorable progression en Afrique. Mais au-delà des conséquences sanitaires et humanitaires terribles, le coronavirus pourrait déstabiliser les pouvoirs politiques de nombreux pays du continent. Dans une note du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS), les experts du ministère des affaires étrangères français redoutent « l’onde de choc à venir du Covid-19 ». Avec un système de santé faible, insuffisant et déjà saturé, l’Afrique pourrait être rapidement submergée et dépassée si l’épidémie s’emballe. Dans ce scénario, les Etats pourraient « massivement faire preuve de leur incapacité à protéger leurs populations. »
Fin des rentes pétrolières ?
Cette « crise de trop » pourrait « déstabiliser et mettre à bas des régimes fragiles, au Sahel, ou en bout de course, en Afrique centrale ». Selon les experts du quai d’Orsay, les mesures de confinement seront difficilement applicables et fragiliseront le secteur informel, « cet économie de survie quotidienne essentielle au maintien du contrat social. » En Afrique centrale, plusieurs pays pourraient être menacés par la chute des prix du pétrole, comme le Cameroun, le Gabon ou le Congo-Brazzaville, et « précipiter la crise finale de la rente pétrolière. »
Des classes dirigeantes menacées
Le virus touche pour l’instant en priorité les centres-ville des mégapoles africaines, et donc les classes dirigeantes. Le président de la Commission de l’Union africaine, le président du Botswana et le Premier ministre ivoirien sont en quarantaine. De nombreux ministres ont été infectés, et déjà plusieurs décès sont à déplorer, dont la vice-présidente de l’Assemblée nationale du Burkina-Faso et deux conseillers du président Félix Tshisekedi en République démocratique du Congo (RDC).
« Phénomènes de panique urbaine »
Un autre risque politique est évoqué par les experts du quai d’Orsay : celui du « mort politique zéro (…), la personnalité dont la mort cristalliserait la contestation, qu’il appartienne au système en place ou à l’opposition ». Instabilité économique, sociale et politique, pourraient faire naître « des phénomènes de panique urbaine (qui seraient) le terreau sur lequel se construisent les manipulations des émotions populaires ». « A cela s’ajoutent les dynamiques de rumeurs populaires, lesquelles sont tout autant susceptibles d’être instrumentalisées pour orienter des violences collectives. »
Faire émerger de nouveaux acteurs
Dans ce contexte de crise à venir, la note du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie, identifie les différents interlocuteurs africains capables de servir de médiateurs avec la population. Dans ces différents acteurs, on trouve certaines autorités religieuses, à l’exception de celles ayant un agenda socio-politique ; les diasporas, très écoutées sur le continent ; certains artistes populaires « crédibles » ; ou les entrepreneurs économiques et autres philanthropes.
S’appuyer sur la communauté scientifique africaine
Les experts du quai d’Orsay notent enfin qu’il « convient de soutenir des paroles publiques d’experts africains scientifiques et spécialistes de la santé. Il existe une communauté scientifique médicale africaine qui peut être mobilisée et soutenue. » Reste enfin une question laissée sans réponse par la note du CAPS, celle de savoir quelle sera l’ampleur de la pandémie en Afrique. Pour l’instant, le nombre de cas identifiés reste faible en rapport à l’immensité du continent, mais le taux de létalité de la maladie s’avère déjà plus élevé qu’en Chine et qu’en Europe. En RDC, il pourrait atteindre 10%, selon le virologue congolais Jean-Jacques Muyembe, qui s’est vu confier la direction de la riposte au Covid-19 au Congo. Un chiffre qui inquiète fortement à Kinshasa, mégapole de 12 millions d’habitants.
Corona RDC: retropédalage bis, à nouveau une histoire de vaccins…
Colette Braeckman – Le Soir – le 5 avril 2020
Après l’annulation du « confinement alternatif », sur ordre de la présidence, la lutte contre le coronavirus -154 cas, 18 décès- se déroulera surtout dans la commune résidentielle de la Gombe, où se sont déclarés les premiers cas, parmi des Congolais récemment rentrés d’Europe. Dès cette semaine, les habitants de la Gombe seront donc priés de ne plus quitter leur domicile. Mais ici aussi, il y aura des exceptions à la règle : l’Hôtel de Ville de Kinshasa a annoncé qu’il délivrerait 20.000 laissez passer, au prix de 20 dollars chacun, à ceux qui avanceront des raisons professionnelles pour devoir circuler malgré tout. Ces mesures ont cependant été éclipsées par la tempête de protestations suscitées dans l’opinion et dans la diaspora par les déclarations faites par le responsable de la riposte au coronavirus, le docteur Jean Jacques Muyembe. Ce dernier, 78 ans, connu comme le « découvreur » d’Ebola dans les années 70 en compagnie du Belge Peter Piot et qui se préparait à célébrer la victoire contre la dernière attaque de fièvre hémorragique, avait été nommé coordinateur de la lutte contre le nouveau virus. A ce titre, il avait annoncé, avec à ses côtés l’ambassadeur des Etats Unis Mike Hammer, que la RDC avait été choisie, ainsi que d’autres pays africains, pour participer aux essais cliniques du vaccin contre le Covid 19. Cette déclaration avait suscité tellement de remous dans la capitale et sur les réseaux sociaux, surtout dans la diaspora, que le professeur Muyembe fut obligé de « rétropédaler » et d’assurer que le projet était pour le moins prématuré.
La violence de la réaction s’explique par deux raisons. La première immédiate, a été suscitée par les propos qui avaient été tenus sur la chaîne LCI par le professeur français Jean-Paul Mira : il avait proposé qu’un essai médical pour un vaccin contre le Covid 19 soit mené en Afrique, où, relevait-il, il n’y a tout de même pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation. Et de rappeler ce qui s’était fait lors de certaines études sur le Sida, où des prostituées avaient fait l’objet d’expérimentations… Après que ses propos aient été largement répercutés à travers l’Afrique francophone, le professeur Mira tint à présenter excuses et démentis, mais le mal était fait, la suspicion installée et la proposition du Dr. Muyembe devait en faire, provisoirement, les frais.
La deuxième cause du malaise est plus profonde : l’ancien ministre de la santé, Oly Ilunga, a été condamné par la Cour de Cassation et envoyé à la prison de Makala à Kinshasa, accusé d’avoir fermé les yeux sur un détournement de fonds commis par l’un de ses subalternes dans le cadre de la lutte contre l’épidémie Ebola. Contestant le jugement de la Cour de Cassation, le Dr Ilunga a décidé de porter son cas devant la justice internationale et l’ancien directeur des cliniques de l’Europe à Bruxelles est défendu par plusieurs avocats belges dont Me Pierre Chômé. Le fond de l’affaire dépasse les péripéties judiciaires qui aboutissent à la mise à l’écart – si pas en danger- de l’un des meilleurs spécialistes congolais en Santé publique qui, diplômé de Harvard, avait décidé de rentrer au pays après une longue et brillante carrière en Belgique. Accessoirement, le DR Ilunga avait aussi admis à la clinique de l’Europe le leader de l’opposition Etienne Tshisekedi où ce dernier était décédé alors que son médecin était déjà rentré au pays.
C’est le 22 juillet 2019 qu’avait commencé la descente aux enfers du docteur Ilunga : il avait présenté sa démission comme ministre de la Santé car il refusait de donner son aval à l’introduction d’un deuxième vaccin dans le cadre de la lutte contre Ebola.
A l’époque, le Docteur Muyembe, en tant que directeur de l’INRB (Institut national de recherches biologiques) avait approuvé l’introduction, à titre expérimental, d’un deuxième vaccin contre Ebola produit par la firme américaine Johnson et Johnson, devenue, après rachat, la « maison mère » de Jannssens Pharmaceutica en Belgique.
Ce vaccin à deux doses, l’Ad26ZEBOV, entrait en concurrence avec un premier vaccin produit par la société concurrente Merck. Estimant que l’introduction d’un deuxième vaccin, à titre expérimental, relevait de la compétence du gouvernement et donc du ministre de la santé et dénonçant des pratiques non déontologiques, le Dr Ilunga avait démissionné avec fracas. Dans la foulée, le président Félix Tshisekedi nomma le Dr Muyembe à la tête des équipes de la riposte Ebola et voici trois semaines ce fléau là fut déclaré vaincu.
L’expérimentation du vaccin contre Ebola et aujourd’hui du vaccin contre le coronavirus, où la population congolaise est proposée comme cobaye, risquent de reléguer au second plan la recherche d’autres solutions, plus « locales » comme le recours à la chloroquine, produite en abondance au Sud Kivu et cela alors qu’ en Afrique centrale de nombreux citoyens ont eu recours à ce remède d’usage courant lorsqu’il s’agissait de vaincre des crises de paludisme…
Non, un vaccin contre le coronavirus n’est pas testé en Afrique
RTBF -le 07 avril 2020
De nombreuses publications sur les réseaux sociaux s’émeuvent et se scandalisent du fait qu’un vaccin contre le coronavirus serait testé sur des populations d’Afrique. Il n’en est rien. Tout d’abord, il n’existe encore aujourd’hui aucun vaccin contre le COVID-19. La recherche, de toute façon, pourrait n’aboutir au plus tôt que l’année prochaine, d’ici 12 à 18 mois.
D’où vient alors la rumeur ? Episode 1
Tout a commencé lors d’un échange télévisuel provoquant entre deux chercheurs français, le 1er avril, sur la chaîne LCI : Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à Lille, est interrogé sur des recherches menées autour du vaccin BCG (contre la tuberculose) pour voir s’il serait efficace contre le Covid-19. En duplex également,
Jean-Paul Mira, chef de service de médecine intensive et réanimation à l’hôpital Cochin, lui pose une question très mal emmanchée : » Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitement, pas de réanimation, un peu comme c’est fait d’ailleurs sur certaines études avec le sida, où chez les prostituées : on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées. Qu’est-ce que vous en pensez ? «
La réponse de Camille Locht prête également à confusion : « Vous avez raison, d’ailleurs. On est en train de réfléchir en parallèle à une étude en Afrique avec le même type d’approche, ça n’empêche pas qu’on puisse réfléchir en parallèle à une étude en Europe et en Australie ».
De nombreux internautes, en France comme en Belgique, ont été scandalisés. Dans un communiqué, l’association française SOS Racisme a réagi : « Non, les Africains ne sont pas des cobayes ». Elle a saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en France.
Au moins 1.200 détenus (ont été) libérés préventivement des prisons pour endiguer la pandémie
Belga – le 8 avril 2020
« Au moins 1.200 détenus ont été relaxés de différentes prisons congolaises dans le cadre des mesures prises afin de freiner la propagation du coronavirus en République démocratique du Congo (RDC), a annoncé mardi le ministre de la Justice, Célestin Tunda Ya Kasende, dans une interview accordée à la radio onusienne Okapi. « Depuis quelques jours effectivement nous sommes en train de désengorger nos prisons en commençant par la grande prison de Makala (à Kinshasa, ndlr) sur base de libérations conditionnelles d’abord, parce qu’à ce stade il faut que je signe les arrêtés », a-t-il affirmé.
« J’en ai signé pour la libération d’au moins 700 personnes. Mais, il y a aussi les libérations provisoires qui relèvent de l’appréciation de différents offices, de différents procureurs et ils sont en train de le faire pour une certaine catégorie d’infractions », a ajouté M. Tunda à Radio Okapi, parrainée par l’ONU.
Il a encouragé les magistrats à travers le pays à faire de la libération un principe et de la détention une exception. Toutefois, a-t-il prévenu, les auteurs d’infractions graves ne doivent pas bénéficier de cette largesse.
Datant de l’époque coloniale, les prisons de la RDC sont particulièrement vétustes et surpeuplées. Les détenus y vivent dans des conditions d’hygiène désastreuses, exposés à de nombreuses maladies, à la déshydratation et à la malnutrition.
Dans sont dernier bulletin quotidien, datant de lundi soir, l’Institut national de Recherche biomédicale (INRB) a fait état de 180 cas confirmés de coronavirus, dont 18 décès, neuf personnes guéries et 90 patients « en bonne évolution ».
Droits de l’homme : un bilan 2019 mitigé en RDC
Christophe RIGAUD – Afrikarabia – le 08 Avril 2020
Le rapport annuel d’Amnesty International dresse un premier bilan contrasté de l’état des droits de l’homme un an après l’arrivée de Félix Tshisekedi à la ête de la République démocratique du Congo (RDC).
Le président Tshisekedi avait promis de « déboulonner le système dictatorial qui était en place ». Pour voir la promesse se réaliser, il faudra encore un peu de patience. Car en guise d’alternance, le nouveau président s’est vu dans l’obligation de composer avec la plateforme politique de Joseph Kabila. Le Front Commun pour le Congo (FCC) de l’ancien président s’est en effet emparé d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans les Assemblées provinciales. Un étrange partage du pouvoir, issu d’une élection contestée, où des fuites du serveur de la Commission électorale (CENI) n’avait pas donné Félix Tshisekedi gagnant, mais plutôt son autre concurrent de l’opposition, Martin Fayulu. Les chefs d’Etat et de gouvernement de la région avaient conclu à « des doutes sérieux » quant à la crédibilité des résultats provisoires de la CENI. Depuis un an, Félix Tshisekedi tente de s’émanciper de l’emprise du FCC et de la mainmise de Joseph Kabila sur la justice, les entreprises d’Etat, les services de sécurité et l’armée. Un défi titanesque que le nouveau président peine à mettre en oeuvre.
Des violences armées toujours meurtrières
Dans son rapport annuel sur l’état des droits de l’homme dans le monde, Amnesty International revient sur la situation en République démocratique du Congo (RDC) depuis l’accession à la présidence de la République de Félix Tshisekedi. La première source d’inquiétude pour Amnesty vient des multiples conflits armés qui sévissent encore au Congo. Fin décembre 2019, 1.500 civils ont été tués, plusieurs milliers blessés et 1 million de personnes ont été déplacées dans les provinces du Maï-Ndombe, à l’Ouest, mais aussi à l’Est, en Ituri, et au Nord et Sud-Kivu. Le report note que les atteintes aux droits de l’homme ont mis en évidence « l’incapacité des forces de sécurité – elles-mêmes responsables de très graves violations des droits humains – et des forces de maintien de la paix de l’ONU, à garantir de façon effective la protection de la population civile et à rétablir la paix ».
L’impunité… toujours
Dans cette lutte contre les violences armées, les autorités ont certes « déférer à la justice des auteurs d’atteintes aux droits humains », mais Amnesty relève encore une certaine impunité des hauts responsables congolais. Dans le cas des massacres dans la région des Kasaï, où plus de 3.000 personnes sont mortes, « plusieurs personnalités politiques et hauts responsables soupçonnés de graves atteintes aux droits humains occupaient toujours, ou se sont vu octroyer, des postes haut placés dans des institutions publiques, y compris au sein de l’armée et de la police ». Dans la province du Maï-Ndombe, où 600 civils ont été tués fin 2018 dans des violences interethniques, « aucune avancée n’a été notée en ce qui concerne les poursuites judiciaires ».
Une justice atone
Au Nord-Kivu, un mandat d’arrêt a été émis par la justice militaire congolaise contre Guidon Shimiray Mwisa, le chef de la milice Nduma Defence of Congo-Rénové (NDC-R) pour « crimes de droit international, notamment pour des meurtres, des viols massifs et le recrutement d’enfants perpétrés par cet individu ou sa milice ». Depuis, ces miliciens sévissent toujours au Nord-Kivu, et les autorités n’ont visiblement « pas pris les mesures nécessaires pour faire exécuter le mandat d’arrêt et déférer Guidon Shimiray Mwisa ». Le procès de Ntabo Ntaberi Sheka, chef d’une faction de la milice NDC, est sans cesse repoussé « sans raison valable ». Son groupe armé est « présumé responsable de crimes, tels que le viol d’au moins 387 femmes, hommes et enfants durant l’année 2010 ».
Gédéon court toujours
Dans la riche province minière de l’ex-Katanga, un autre chef de guerre nargue régulièrement les autorités congolaises. Il s’agit de Gédéon Kyungu Mutamba. Entre 2002 et 2006, Gédéon opérait dans le « triangle de la mort ». Des centaines de civils ont été tués et quelque 150.000 autres ont été contraints de fuir. Inculpé de crimes contre l’humanité à Lubumbashi en 2009, Gédéon s’était évadé en 2011 « et continuait de jouir de la liberté dans une villa financée par l’État » dénonce Amnesty. Le rebelle se rend en 2016, et le gouvernement de Joseph Kabila le place en résidence surveillée, échappant ainsi à la case prison. Le 28 mars 2020, les miliciens de Gédéon marchent sur Lubumbashi et Likasi. 2 policiers sont blessés et 31 miliciens sont abattus et Gédéon s’échappe de sa résidence surveillée. Félix Tshisekedi a donné l’ordre d’interpeller Gédéon, qui reste pour le moment introuvable.
Ntaganda condamné
L’armée congolaise, qui peine toujours à ramener la sécurité dans la région de Beni, a annoncé avoir tué Sylvestre Mudacumura, le chef militaire des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ce milicien était recherché par la Cour pénale internationale (CPI), qui avait délivré contre lui un mandat d’arrêt en 2012 pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Il ne pourra donc pas être jugé, à la différence d’un autre chef de guerre, Bosco Ntaganda, que la CPI a condamné à 30 ans d’emprisonnement pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés dans l’Est de la province de l’Ituri en 2002 et 2003.
Décrispation politique
Le bilan 2019 d’Amnesty International est nettement plus positif concernant la liberté d’expression au Congo. « En mars, les autorités ont annoncé que plus de 700 personnes avaient été libérées de prison et que tous les lieux de détention illégaux gérés par l’Agence nationale de renseignements (ANR) avaient été fermés sur ordre du président ». Parmi ces prisonniers, beaucoup avaient été enfermés pour « délit d’opinion » ou « détention arbitraire ». De nombreux militants, opposants politiques, journalistes, « indésirables » dans la RDC de Joseph Kabila, ont été autorisés à rentrer au pays. La décrispation politique a sans doute été la principale mesure en faveur de la liberté d’expression du début du mandat Tshisekedi. L’accès aux médias d’Etat a été facilité et la liberté de réunion, la plupart du temps respectée.
Répression encore, et toujours
« Cependant, les autorités civiles et la police ont continué d’interdire et de réprimer violemment, en toute impunité, des manifestations et des rassemblements pacifiques, s’inquiète Amnesty. Les pouvoirs publics ont instauré l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour la tenue de manifestations, en violation des dispositions de la Constitution ». 35 manifestations ont été interdites en 2019 et 90 manifestants ont été blessés. « En juin, au moins un manifestant est mort à Goma, dans l’est de la RDC ; touché par une balle ». En juillet, le gouverneur de Kinshasa a interdit une manifestation contre Alexis Thambwe la nomination à la présidence du Sénat. Idem en août, ou les forces de sécurité ont réprimé violemment un rassemblement de l’UDPS pour dénoncer la corruption.
Santé, prison, peuples autochtones…
Plusieurs droits fondamentaux sont restreints en RDC. Le droits à la santé reste largement insuffisant. « Selon l’Organisation mondiale de la santé, les épidémies d’Ebola, de rougeole et de choléra ont fait respectivement au moins 1 680, 5 000 et 260 morts. Quelque 310 000 personnes ont été infectées par la rougeole et 12 000 par le choléra ». Les droits des peuples autochtones continuent d’être bafoués. C’est notamment le cas du peuple twa dans l’Est du pays. Les conditions de détention des prisonniers est « exécrable » s’indigne Amnesty, que affirme « qu’au moins 120 personnes détenues sont mortes de faim ou parce qu’elles n’avaient pas accès à l’eau potable ou à des soins médicaux adéquats ». Les prisons sont « fortement surpeuplés et insuffisamment financées ». Plus de 300 détenus se sont évadés en 2019.
Gratuité de l’enseignement
Une note optimiste pour terminer : le droit à l’éducation. A la rentrée, le gouvernement a instauré la gratuité de l’enseignement primaire. La mesure était l’une des promesses phares du président Tshisekedi et était particulièrement attendue par l’ensemble des Congolais. Amnesty relève toutefois que cette avancée a été « a été freinée par une mauvaise planification et un manque d’infrastructures, ainsi que par le financement insuffisant des écoles primaires ». Des millions d’enfants se sont précipités dans les classes, qui se sont rapidement retrouvées débordées. Les enseignants se sont mis en grève pendant plusieurs semaines.
En attente de changement
Les droits de l’homme restent donc largement malmenés en RDC, même si on note quelques améliorations, notamment dans les discours très offensifs du nouveau président Tshisekedi. Mais le passage de la parole aux actes restent insuffisant. Par manque de leviers dans le secteur sécuritaire, mais aussi par manque criant de moyens financiers. Prisonnier de son allié de circonstance, Joseph Kabila, le président Tshisekedi manoeuvre à petits pas… et le changement se fait toujours attendre.
Vital Kamerhe placé sous mandat d’arrêt et incarcéré à la prison de Makala
Hubert Leclercq – La Libre – le 8 avril 2020
Après six heures d’audition, le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi a été placé sous mandat d’arrêt provisoire dans le cadre du dossier relatif aux détournements de fonds dans le cadre des travaux du programme de 100 jours du chef de l’Etat.
Le Directeur de cabinet du Chef de l’Etat, Vital Kamerhe est arrivé peu avant 20 heures à la prion de Makala où il est logé au pavillon 8. Sept chefs d’accusation lui ont été notifiés.
Ce mercredi, il a été auditionné par le procureur général près de la cour d’appel de Kinshasa/Matete, Adler Kisula, pour des allégations liées au détournement des fonds alloués aux travaux de construction des maisons préfabriquées et des sauts-de-mouton du programme de 100 jours du chef de l’Etat.
On se souviendra que trois responsables de sociétés sont déjà passés par la prison de Makala dans ce dossier des 100 jours. Le premier a être entré à Makala est Jammal Samih, le patron des sociétés Samibo Congo Sarl et Husmal SARL. Son incarcération concernait justement le dossier de la construction de maisons sociales passé dans un des innombrables contrats de gré à gré avec les services de la présidence congolaise. Le Belge Thierry Taeymans, ancien directeur général de la Rawbank entendu le 13 mars par la justice congolaise, avait aussi séjourné quelques jours à Makala dans ce dossier de la construction de maisons sociales, accusé d’avoir organisé la fuite de quelques dizaines de millions de dollars vers un compte parallèle.
Jamamal Samih, par ailleurs président de la communauté libanaise en RDC, avait été interpellé pratiquement en même temps que David Blattner, le patron de Safricas SA, et du DG de l’Office des Routes, Mutima Sakrini. Il s’agissait ici du dossier des sauts-de-mouton de Kinshasa.
Escorté par Sylvain Kasongo
Ce mercredi 8 avril, Vital Kamerhe a été conduit à la prison centrale de Makala sous escorte militaire de la police nationale emmenée par le Chef de la police ville de Kinshasa, Sylvano Kasongo.
Son audition devrait se poursuivre ce jeudi selon différentes sources qui rappellent que Vital Kamerhe est placé sous mandat d’arrêt provisoire.
S’il devait finalement être inculpé, son dossier serait alors transféré au parquet général près la cour de cassation.
Le Covid-19 semble frapper démesurément les Noirs aux Etats-Unis
LIBERATION, avec AFP — le 08 avril 2020
Dans plusieurs régions des Etats-Unis, le Covid-19 tue de façon disproportionnée les Noirs, selon de multiples responsables qui réclament la publication de statistiques nationales afin de comprendre l’ampleur du phénomène.
Face à l’épidémie de coronavirus, tous les Américains ne seraient pas égaux. Pour l’instant, les statistiques sont publiées de manière disparate, selon les Etats et les villes, et ne permettent pas de comprendre si une inégalité spécifique au Covid-19 est à l’œuvre, ou si la disproportion ne fait que refléter les inégalités socio-économiques et d’accès aux soins qui affectent les Noirs historiquement dans ce pays.
Des disparités qui «coupent le souffle»
L’Etat de New York, plus gros foyer américain de l’épidémie, ne publie pas de statistiques par ce que les Américains appellent «race» et ethnicité (Noir, Blanc, Asiatique, Hispanique…), une composante qui fait habituellement partie du paysage statistique aux Etats-Unis pour tous les domaines, de l’économie à l’éducation et la santé, et apparaît sur les formulaires de recensement. Mais d’autres juridictions ont choisi de publier des chiffres qui sont alarmants : dans l’Illinois, les Noirs représentent 14% de la population mais 42% des décès de l’épidémie. À Chicago, c’est 72% des morts, alors qu’ils représentent moins d’un tiers des habitants : des disparités qui «coupent le souffle», a dit la maire de la ville, Lori Lightfoot.
À Washington, 13 des 22 morts étaient Noirs. «J’ai très peur de l’impact disproportionné que ce virus aura sur les Afro-Américains», a dit mardi la maire de la capitale américaine, Muriel Bowser, sur MSNBC. En Caroline du Nord, 31% des morts étaient Noirs, contre 22% de la population. En Louisiane, où se trouve La Nouvelle-Orléans, la disproportion est plus grande encore : 33% des habitants sont Noirs mais 70% des morts l’étaient. Pourquoi ? «Nous savons que les Noirs sont plus susceptibles d’avoir du diabète, des maladies du cœur et des poumons», a dit mardi le médecin en chef des Etats-Unis, Jerome Adams, sur CBS. Or ces maladies augmentent le risque de complications du Covid-19. Les expériences chinoise et européenne l’ont montré.
Lui-même Noir, Jerome Adams a parlé de ses propres problèmes de santé pour illustrer le problème qui affecte sa communauté. «Je l’ai déjà dit, je fais moi-même de l’hypertension. J’ai une maladie du cœur et j’ai déjà passé une semaine en réanimation à cause d’un problème cardiaque. Je fais de l’asthme et je suis pré-diabétique. J’illustre ce que c’est de grandir pauvre et noir en Amérique.»
Moins de dépistages ?
En pleine épidémie, il manque encore des études rigoureuses et de dimension nationale. Mais il est avéré que les quartiers pauvres et noirs ont moins de médecins et des hôpitaux de moindre qualité. Que les couvertures médicales des emplois de service sont inférieures à d’autres emplois mieux rémunérés. Un phénomène a aussi été documenté, dans lequel les patients noirs se voient prescrire moins d’examens et de consultations avec des spécialistes que les blancs.
Georges Benjamin, président de l’Association américaine de santé publique (APHA), explique aussi que les Noirs, aux Etats-Unis, sont plus exposés au coronavirus que des populations plus aisées, dans leur vie quotidienne ou leur travail. «Cette population fait plus face au grand public. Ils sont plus souvent chauffeurs de bus, ils prennent plus les transports en commun, ils travaillent plus dans les maisons de retraite, les magasins et les supermarchés.»
La distanciation sociale est plus compliquée lorsqu’on habite des quartiers plus denses, des logements plus petits. Quant au télétravail, il est souvent impossible, en raison des types d’emplois. Et se faire livrer des courses à domicile est souvent un luxe. «Beaucoup d’Américains noirs et d’autres communautés de couleur n’ont pas le privilège de pouvoir se confiner à la maison», ont écrit des centaines de médecins et l’organisation de défense des minorités Lawyers’ Committee for Civil Rights Under Law, dans une lettre au secrétaire américain à la Santé.
La situation des minorités ethniques concerne tout le monde, insiste Ebony Hilton, anesthésiste au centre médical de l’université de Virginie, contrairement aux autres problèmes de santé. «Ces travailleurs infectés vont aller au supermarché, et quand les classes les plus aisées d’Amérique iront faire leurs courses, ils seront infectés.»
Ici et là, les témoignages se multiplient sur la moindre accessibilité de sites de dépistage dans les quartiers pauvres que les quartiers riches. Le groupe ci-dessus a sommé les autorités sanitaires fédérales de «publier immédiatement des données ethniques et raciales» sur le dépistage et la prévalence du Covid-19, afin de déterminer où des moyens supplémentaires doivent être envoyés. Les Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC) collectent déjà ces informations, écrit le groupe, mais n’a fait que publier des statistiques par âge.
Kamerhe, parcours d’un courtisan trop ambitieux
Hubert Leclercq – La Libre – le 9 avril 2020
Vital Kamerhe est sur le devant politique de la scène en République démocratique du Congo depuis la chute de Mobutu. L’homme du Sud-Kivu (Bukavu) avait occupé plusieurs fonctions dans divers cabinets ministériels au milieu des années 90 mais sa carrière politique démarrera vraiment avec l’entrée à Kinshasa de Mzee Laurent Désiré Kabila en 1997.
Depuis, son idylle avec le clan Kabila n’a cessé de fluctuer. En 2006, c’est lui va porter la campagne électorale du jeune Joseph Kabila. Son sens de la formule, sa capacité à s’exprimer dans les cinq langues nationales, placent ce hâbleur au-devant de la scène.
Kabila installé au pouvoir, Vital Kamerhe reçoit le perchoir de l’Assemblée nationale. L’homme est ambitieux. Un courtisan qui a le don pour se fâcher avec ses “amis” politiques. “Un vrai petit Mazarin”, dit de lui un de ses anciens condisciples du parti de Kabila. “Capable de servir les uns et les autres pour se servir lui-même. Mais ça ne dure jamais longtemps”.
Première approche avec un Tshisekedi
De fait, l’homme tombe en disgrâce en 2009. Quelques mois plus tard, il crée son propre parti politique l’Union pour la Nation congolaise. Il se présente à la présidentielle de 2011. Durant la campagne, il va tenter un rapprochement avec Etienne Tshisekedi. “Mais le Sphynx de Limete se méfie de cet ancien allié de Kabila qui aurait conservé des liens avec son ancien patron”, explique un proche de l’ancien leader de l’opposition congolaise. Kamerhe, lui, impute “ce rendez-vous manqué” au “Vieux”. “Il y a eu des contacts”, nous expliquait Kamerhe en 2015, à Kinshasa, mais “le Vieux ne voulait pas partager le pouvoir. Je n’étais qu’un outil pour lui. On a vraiment raté un rendez-vous”, expliquait-il.
Trois ans plus tard, Vital Kamerhe se retrouve à la table des négociations avec Tshisekedi. Mais cette fois, ce n’est plus le “Vieux” mais son fils Félix. Les deux hommes cherchent à se positionner dans la course à la présidentielle de 2016 reportée à 2018. Kamerhe ne s’est jamais débarrassé de son étiquette de proche de Kabila, ce qui lui vaut le surnom de “Kamerhéon”, l’homme qui est capable de changer de couleur au gré de la faune politique qui l’entoure. Félix Tshisekedi, lui, le “fils de”, cherche à exister. Ils rejoignent tous les deux le mouvement “Lamuka”, qui cherche à fédérer toute l’opposition congolaise pour faire obstacle à Joseph Kabila ou à son candidat. Avec des poids lourds comme Bemba ou Katumbi, le duo peut espérer l’emporter.
Le 11 novembre 2018, Lamuka désigne Martin Fayulu comme candidat, Kamerhe et Tshisekedi l’adoubent… pour moins de 24 heures. Le lendemain, ils annoncent en effet qu’ils reprennent leur soutien « sur pression de leur base » et fondent dans la foulée le mouvement Cach (Cap pour le Changement) sous l’égide du président kényan. Le deal est ficelé. Tshisekedi est candidat à la présidence, Kamerhe prendra le meilleur accessit qu’il trouvera. Le duo peine à mener campagne. L’argent nerf de la guerre se fait rare. Le 24 janvier, après moults arrangements plus opaques les uns que les autres, Tshisekedi reçoit la présidence congolaise des mains de Kabila. Kamerhe sera son directeur de Cabinet. Il lance rapidement, sur injonction du président, le projet des travaux pour les 100 jours. Une volonté de montrer que malgré cette élection… étonnante, les choses bougent. Les projets se multiplient, les contrats – tous de gré à gré – aussi. Les critiques pleuvent. L’argent, beaucoup d’argent, est dépensé sans que les résultats soient visibles. Kamerhe est sur la sellette. Une fois encore, il agace beaucoup de monde. Des hommes d’affaires, un banquier sont arrêtés en lien avec ce projet des 100 jours. Les langues se délient. Le 8 avril Kamerhe est entendu pendant 6 heures. Son sort est scellé. Il est placé sous mandat d’arrêt provisoire et envoyé à la prison centrale de Makala pour détournement de fonds. D’autres inculpations pourraient suivre
Affaire Kamerhe : règlement de compte politique à Kinshasa
Christophe RIGAUD – Afrikarabia – le 09 Avril 2020
La mise en détention provisoire du directeur de cabinet de Félix Tshisekedi fragilise aussi bien qu’elle renforce le nouveau président, qui a fait de la lutte anti-corruption sa priorité.
C’est un tsunami politique qui vient de s’abattre sur la petite arène politique congolaise. Le très puissant directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, a été interpellé et placé en détention provisoire ce mercredi, après avoir été entendu pendant plus de 6 heures par le parquet national de Kinshasa. La tristement célèbre prison centrale de Makala n’avait pas hébergé de prisonnier aussi prestigieux depuis l’ère coloniale. Avant sa mise aux arrêts, le principal collaborateur du chef de l’Etat devait s’expliquer devant le procureur général sur la passation de marchés publics et les décaissements de fonds alloués aux travaux d’urgence des 100 jours, initiés par le président Tshisekedi.
Des budgets qui explosent
Le programme des 100 jours était l’une des mesures phares de Félix Tshisekedi en 2019. Un budget de 497 millions de dollars était annoncé pour des travaux d’infrastructures dont manque cruellement la République démocratique du Congo (RDC). Projet le plus emblématique : les « sauts-de-moutons », ces autoponts cessés désembouteiller la capitale Kinshasa. Sur les ondes, Vital Kamerhe annonce alors que les travaux du programme des 100 jours sont réalisés à 70%. Mais sur le terrain, les Kinois ne voient que des chantiers inachevés ou jamais entamés. 25 millions de dollars avaient été alloués pour la construction des ponts autoroutiers de Kinshasa. Mais rapidement, le budget passe à 46 millions, et les soupçons de détournement ou de malversation commencent à se faire jour.
L’affaire des 15 millions
Un banquier et trois chefs d’entreprise ont déjà été entendus et placés en détention sur le financement du programme des 100 jours. Certains ont été depuis remis en liberté, mais beaucoup ont sans doute parlé devant les juges. Depuis, le nom de Vital Kamerhe est sur toutes les bouches. Surtout que le directeur de cabinet et allié politique de Félix Tshisekedi a également été associé à un autre soupçon de détournement d’argent public : l’affaire des 15 millions. Fin 2019, 15 millions de dollars qui auraient dû rentrer dans les caisses de l’Etat se volatilisent après avoir été placés sur un compte d’un banque privée. Vital Kamerhe, qui a fait suspendre deux enquêtes menées par l’Inspection générale des finances, est rapidement mis sur la sellette, mais il nie la disparition des 15 millions et dénonce « une cabale politique ».
La machine judiciaire accélère
Si l’affaire des 15 millions créée un certain malaise à la présidence, Félix Tshisekedi finit par soutenir à demi-mot son directeur de cabinet, parlant d’une simple « rétro-commission ». Mais sur le financement des 100 jours, le nouveau président congolais, qui a fait de la lutte contre la corruption la priorité de son programme, se montre plus offensif. Il faut dire que dans son propre parti, l’UDPS, un vent de fronde se lève contre Vital Kamerhe, avec à sa tête son président intérimaire, Jean-Marc Kabund. Alors, en février 2020, Tshisekedi demande un audit du chantier des « sauts-de-mouton ». La justice s’en mêle, et l’audition des différents chefs d’entreprise impliqués dans ces travaux réussit à convaincre le procureur général de Kinshasa d’accélérer la machine judiciaire et de convoquer Kamerhe.
Kamerhe, un « intrus » à la présidence
Ce coup de tonnerre judiciaire aura également de lourdes retombées politiques. Vital Kamerhe reste un allié politique de taille pour Félix Tshisekedi. Lors des élections générales de 2018, Tshisekedi et Kamerhe avait formé un ticket pour la présidentielle. A Nairobi, les deux hommes avaient signé un accord politique, qui avait vu Vital Kamerhe se désister en faveur de Tshisekedi. Un accord qui prévoyait que lors de la prochaine présidentielle de 2023, Tshisekedi devait soutenir Kamerhe. Après les élections, le patron de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) a été nommé directeur de la cabinet de la présidence. Un poste-clé pour ce fin connaisseur des rouages de la machine d’Etat. Kamerhe avait notamment été l’un des principaux bras droit de Joseph Kabila, avant d’occuper la présidence de l’Assemblée nationale. Mais l’arrivée de cet « intrus » dans le premier cercle de Félix Tshisekedi a été mal vécu par les caciques de l’UDPS, qui se voyaient ainsi ravir un poste stratégique et une connexion directe avec le nouveau chef de l’Etat. Vital Kamerhe a concentré beaucoup de jalousies au sein des « faucons » de l’UDPS.
2023 dans toutes les têtes
Du côté de l’UNC, si on affirme que la détention provisoire de Vital Kamerhe ne vaut pas inculpation, et encore moins condamnation, on y voit tout de même une instrumentalisation politique de la justice. Car si certains collaborateurs de Félix Tshisekedi n’ont jamais goûté la présence de Vital Kamerhe à la présidence, certains kabilistes ne sont pas mécontents de la mésaventure judiciaire qui arrive à leur ancien allié, souvent qualifié de « traître » dans les rangs pro-Kabila. En tout cas, la détention de Vital Kamerhe rebat les cartes de la majorité présidentielle et de l’alliance UDPS-UNC au sein de la coalition CACH. A l’UDPS, cela fait plusieurs mois que certains membres demandent la rupture de l’accord de Nairobi avec l’UNC. Un accord qui serait devenu « caduc » selon eux. Car en ligne de mire pour l’UDPS, il y a la présidentielle de 2023. L’arrestation de Vital Kamerhe et sa possible inculpation pourrait l’empêcher de présenter sa candidature et laisserait la voie libre à Félix Tshisekedi pour solliciter un second mandat.
Un signal fort dans la lutte anti-corruption
Dans ce grand chambardement, Félix Tshisekedi, dont peu imagine qu’il soit à la manoeuvre derrière les ennuis judiciaires de Vital Kamerhe, se retrouve dans une position bien inconfortable. « L’affaire Kamerhe » le fragile autant qu’elle peut le renforcer. En interne, la mise en retrait du directeur de cabinet devrait contenter les membres les plus radicaux de l’UDPS. Tshisekedi pourrait ainsi renouer avec la base de son parti. Au yeux des Congolais, le nouveau président pourrait également en tirer quelques bénéfices. Dans sa lutte affichée contre la corruption, nombreux espéraient des actes forts… qui se faisaient attendre. L’audition et la détention de Vital Kamerhe, un proche de la présidence, pourrait être un signal positif envoyé à ceux qui doutaient de la volonté du nouveau président de lutter contre les corrompus. Personne n’est désormais intouchable. Et certains caciques de la kabilie, aux commandes d’entreprises publiques, pourraient également être inquiétés. Enfin, l’absence forcée de Vital Kamerhe serait l’occasion pour Félix Tshisekedi de se choisir un membre de l’UNC qui lui soit plus favorable pour remplacer Vital Kamerhe à la tête du cabinet présidentiel.
Le pari risqué du grand ménage
Mais la mise en détention provisoire de l’un des collaborateurs-clé du chef de l’Etat le fragilise également. Félix Tshisekedi lui-même pourrait être inquiété par de possibles détournements d’argent au sein de sa propre présidence. Le président se retrouve également privé du chef de file de son principal allié politique, l’UNC. Dans son bras de fer permanent avec le FCC de Joseph Kabila, le poids politique de l’UNC au parlement pourrait lui faire défaut. C’est un pari risqué que tente aujourd’hui Félix Tshisekedi : celui d’entamer le grand ménage de la corruption au Congo. Pour cela, il lui faudra l’appui sans condition de la justice congolaise. Une institution qui, pour l’instant n’a pas brillé par son indépendance, et reste encore issue des nombreuses années de pouvoir sans partage de Joseph Kabila. Un signal fort de l’indépendance retrouvée de la justice congolaise, serait la mise en cause de proches de l’ancien chef de l’Etat, dont un certains nombre sont déjà cités dans de nombreuses affaires de malversations financières, mais qui pour l’instant, n’ont jamais été inquiétés.
Le patron du Foner sous les verrous
Hubert Leclercq – La Libre – le 9 avril 2020
Alors que la Gombe, le centre des affaires de Kinshasa est toujours confiné, que la justice est sensée fonctionner au ralenti à cause des précautions à prendre dans la lutte contre l’épidémie du Covid-19, les arrestations pleuvent dans la capitale congolaise.
Ce mercredi 8 avril, c’est donc Vital Kamerhe, le directeur de cabinet du président de la République, son alter ego dans la plateforme Cach (cap sur le Changement) qui a été arrêté et placé sous mandat d’arrêt provisoire dans l’enquête sur les travaux opérés dans le cadre du programme des 100 jours.
Le lendemain, ce jeudi 9 avril, c’est au tour de Fulgence Baramos, directeur général du Foner (Fonds national d’entretien routier) d’être placé sous mandat d’arrêt par le procureur général de Kinshasa/Gombe. Motif de cette arrestation : le détournement de plus de 20 millions de dollars des caisses du Foner, notamment dans des projets de réhabilitation d’axes routiers dans les Kivus et le Kasaï.
Fulgence Baramos avait été épinglé à plusieurs reprises, notamment par nos confrères de Politico.cd pour son enrichissement personnel et les multiples biens immobiliers dont il disposait en RDC mais aussi en Afrique du Sud, au Royaume-Uni ou en France.
Kamerhe en prison: lutte contre la corruption et politique
Colette Braeckman – Le Soir – le 9 avril 2020
Directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe est en prison
Les impératifs de la lutte contre la corruption peuvent aussi cacher des manœuvres politiques.
La convocation devant le parquet général de Kinshasa puis la détention provisoire d’un homme aussi puissant que Vital Kamerhe a sidéré les Congolais : réputé intouchable, le directeur de cabinet du président de la République a passé la nuit à Makala, la prison centrale de Kinshasa et cela alors même qu’un millier de détenus étaient élargis pour éviter la contamination par le coronavirus.
La journée d’interrogatoire avait été longue pour ce politicien chevronné, qui est aussi le président de l’UNC, (Union pour la nation congolaise), une formation très bien implantée au Kivu et qui a formé avec l’UDPS, le parti du président Tshisekedi la coalition CACH (cap pour le changement). Durant plusieurs heures le directeur de cabinet du chef de l’ Etat a du expliquer où étaient passés les budgets qui auraient du financer les grands travaux que le président a fait entamer dans la capitale et en particulier les contournements « saute mouton » qui ont paralysé la ville. Au titre de l’urgence, les contrats avaient été conclus par le directeur de cabinet du président, sans appel d’offres et dans une opacité complète. Une inspection ayant révélé en début d’année que les travaux étaient loin d’être terminés, la justice a été saisie de l’affaire et, convoqué au Parquet comme simple « renseignant », Vital Kamerhe a été interrogé sans ménagements puis mis en accusation.
Quelques jours auparavant, le patron de Safricas Congo, le DG de la Rawbank et plusieurs autres personnalités impliquées dans la construction des ouvrages d’intérêt public avaient eux aussi été mis sur la sellette et, pour certains, envoyés à Makala d’où ils sortirent moyennant le paiement de fortes cautions et, peut-être la communication de certains documents.
Quelle que soit l’issue de ses démêlés avec la justice et même s’il ne passe en détention qu’un temps limité, la mise en accusation de Vital Kamerhe aura de graves conséquences. Pour lui-même d’abord. En effet, cet homme politique brillant, habile, pouvait dire sans se vanter « j’ai fait Kabila, je ferai Tshisekedi ». En effet, c’est lui qui, alors président de l’Assemblée nationale, avait accompagné Joseph Kabila dans ses premières années à la présidence après avoir participé aux négociations de paix de Sun City qui avaient marqué la fin de la guerre en 2002. Par la suite, ayant rompu avec Kabila qui avait autorisé les troupes rwandaises à revenir au Kivu, Kamerhe démissionna de son poste avec fracas et se retrouva dans l’opposition. Lors de sa traversée du désert il se lia d’amitié avec Michel Rocard qui voyait en lui l’un des politiciens les plus prometteurs de sa génération, l’un des seuls à défendre un vrai projet politique.
Même si Kabila le considérait comme un traître, l’opinion se demanda toujours si les ponts avaient réellement été rompus entre le président sortant et celui que la presse appelait parfois « Kamerheléon » et qui demeurait populaire dans l’Est du pays. Il est certain en tous cas que Kamerhe pilota deux manœuvres de haut vol : l’alliance avec le parti UDPS de Tshisekedi à la veille des élections de décembre 2018 qui mena à la coalition CACH et, après le scrutin, la conclusion d’un accord de coalition avec la plate forme qui avait soutenu Kabila, le Front commun pour le changement. Un dénouement surprenant, qui mena Félix Tshisekedi à la présidence et Kamerhe au poste de directeur de cabinet, dans l’attente, peut-être, de pouvoir se présenter aux élections présidentielles de 2023.
Proche du sommet, Kamerhe commit cependant plusieurs imprudences : si son très coûteux mariage « bling bling » avec Amida Shatur, l’ex épouse de la star J.B. Mpiana aussi belle qu’intelligente, l’introduisit dans le milieu des musiciens de la capitale, il fut mal vu par les électeurs de base tandis qu’une première affaire, la disparition de 15 millions de dollars, défrayait la chronique.
Pilier de la coalition avec les FCC de Kabila, Kamerhe était aussi une cible : depuis longtemps les Occidentaux, Américains en tête, pressent Félix Tshisekedi de lutter plus énergiquement contre la corruption, fût ce dans ses propres rangs et de distendre les liens entre son régime et celui de son prédécesseur. Ces pressions se traduisirent par la mise à pied ou la disparition de plusieurs généraux , dont le général Kahimbi et l’interpellation de personnalités proches de l’ex président. Dans ce sens Kamerhe, au nom de la lutte contre la corruption, pourrait avoir été la victime d’un nouveau coup de balai, sauf que la probable mise à l’écart de ce politicien hors pair risque d’affaiblir le président lui-même, même si ce dernier a eu le courage de porter le fer dans la plaie.
Il faut noter aussi que, derrière le Parquet de Matete qui a emprisonné Kamerhe, se trouve le Ministre de la Justice Tunda ya Kasende, politiquement proche de Joseph Kabila et de son éphémère dauphin Emmanuel Shadary. Alors que sous le régime précédent des milliards de dollars se sont envolés, en toute impunité, la mise à l’écart de Kamerhe, pare-feu de Tshisekedi et artisan de la coalition CACH, pourrait aussi être interprétée comme « un coup de billard à trois bandes », autrement dit un coup tordu…
Que reproche-t-on à Vital Kamerhe ?
RFI – le 10.04.2020,
Écroué mercredi, le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi est soupçonné par la justice congolaise de malversations dans le cadre de la gestion du « programme des 100 jours » du chef de l’Etat congolais. Ses partisans dénoncent une arrestation arbitraire, une humiliation pour leur leader et une manipulation politique pour l’empêcher de se présenter à la prochaine présidentielle. Que sait-on sur ce dossier ?
Vital Kamerhe faisait office d’ordonnateur des dépenses sur le programme des 100 jours du chef de l’Etat pendant ses premiers mois de mise en œuvre, avant la mise en place du gouvernement de coalition. Et pour la société civile, il n’est que légitime que la justice lui demande de répondre à des questions.
Le « programme des 100 jours », des grands travaux à la détention de Vital Kamerhe
Ce jour-là, certains membres du gouvernement proches de l’ancien président Joseph Kabila sont même hués par les milliers de militants de l’UDPS, le parti de Tshisekedi, qui avaient fait le déplacement. Il leur est reproché de n’avoir pas fait la même chose quand ils étaient aux affaires.
497 millions de dollars
Les membres du corps diplomatique, les chefs des institutions nationales, les ministres sont présents. L’espoir est grand. Les travaux sont lancés tambour battant dans plusieurs villes dont Kinshasa, Bukavu et Kananga. Divers secteurs sont concernés dont l’accès à l’électricité et à l’eau potable, les infrastructures sanitaires et scolaires ainsi que les routes. À Kinshasa, par exemple, des chantiers des sauts-de-mouton, censés lutter contre les embouteillages et fluidifier la circulation, sont lancés.
Un budget de 497 millions de dollars est annoncé. Mais le problème est que le dernier gouvernement de Joseph Kabila est déclaré démissionnaire et donc tout est géré provisoirement à partir de la présidence de la République. Quelques mois plus tard, les premiers soupçons de corruption tombent. Ils concernent d’abord l’opacité de la procédure de passation des marchés, dont un nombre important s’était déroulé de gré à gré. Jour après jour, les chantiers piétinent et les accusations de détournements de fonds se multiplient.
Instruction judiciaire en février 2020
Il faut attendre le 8 février 2020 pour qu’une instruction judiciaire soit ouverte pour enquêter sur l’exécution des travaux publics inscrits dans ce programme d’urgence. Les chefs des entreprises de construction comme Office de route, Safricas et Samibo ont déjà été interpellés et écroués. Certains sont sortis, bénéficiant d’une liberté provisoire.
Les proches du directeur de cabinet confirment que Vital Kamerhe a été interrogé durant plus de cinq heures d’auditions sur différents dossiers. Et si le magistrat instructeur a décidé d’écrouer le directeur de cabinet, c’est à cause notamment des écarts entre des montants annoncés et payés dans le cadre de passation de marchés publics. Il y aurait aussi des fautes de gestion.
La justice soupçonne l’existence d’un système de « rétro-commissions ». Dans la livraison des logements sociaux préfabriqués, par exemple, Vital Kamerhe est soupçonné d’avoir surfacturé. Sous Joseph Kabila, le prix de 900 logements était de quelque 26 millions de dollars. Sous la houlette du directeur de cabinet, l’administration Tshisekedi avait décidé de commander 600 logements supplémentaires pour un montant d’environ 57 Millions, à la même société Samibo Congo Sarl du Libanais Jammal Samih.
Cet entrepreneur n’aurait pas su justifier l’utilisation de près de la moitié des sommes versées par l’État sur son compte à la RawBank. Cette somme avait pourtant été retirée par le Libanais, son paiement validé par la direction de la banque qui aurait assuré avoir reçu le feu vert de Vital Kamerhe.
Dans l’audition de mercredi, il a été aussi question des sauts de mouton dont l’arrêt des travaux avait provoqué des embouteillages monstres à Kinshasa. Le patron de la société Safricas Congo, David Blattner, avait lui aussi été interpellé sur ce même dossier. A cela s’ajoute des soupçons sur un marché de produits pharmaceutiques, des infrastructures en province, notamment au Sud-Kivu et au Kasaï Central.
« Il y a un acharnement politique qui ne dit pas son nom ! C’est une humiliation, une cabale bien ficelée, bien montée pour l’humilier. Vital Kamerhe est disposé à collaborer avec la justice congolaise parce que l’un de ses combats est de faire de son pays un Etat de droit. […] Nous sollicitons sa mise en liberté sans conditions. » Maître John Kaboto
Tensions politiques
Dans l’entourage de Félix Tshisekedi, on assure qu’il n’y a pas de complot, mais une volonté de faire toute la lumière sur la gestion de ces fonds. D’autres personnalités et institutions ont eu à répondre aux questions de la justice ces derniers jours ou semaines, anciens ministres, banque centrale et même le coordonnateur du programme des 100 jours à la présidence, sans pour autant, pour l’instant en tout cas, faire l’objet d’arrestation.
Mais dans les rangs de l’UNC, on estime que le président Tshisekedi a forcément donné son accord à l’arrestation de son directeur de cabinet. Dès lors, des proches de Vital Kamerhe s’interrogent sur la volonté réelle du chef de l’Etat de voir se maintenir la coalition présidentielle.
Ces interrogations inquiètent dans les rangs de l’UDPS, le parti du président, où l’on souhaiterait voir simplement écartée une « personnalité devenue gênante par sa gestion », sans perdre un parti allié. Un membre du cabinet présidentiel rappelle les tensions de ces derniers mois autour de cette question, entre les « clans » Kamerhe et Tshisekedi qui rendaient l’atmosphère « invivable » au Palais de la Nation.
« Ils ne vont pas nous faire croire que le directeur de cabinet a agi sans l’accord de son patron », rétorque un responsable de l’opposition. Dans les rangs du FCC, les avis sont partagés entre ceux qui se réjouissent de la « déchéance du traitre Kamerhe » qui a fait défection avant l’élection de 2011, et ceux qui redoutent aujourd’hui « une chasse aux sorcières ».
On réfute en tout cas tout accord entre l’ancien et le nouveau chef de l’Etat sur le sort du directeur de cabinet. Un proche de Félix Tshisekedi reconnaît l’impulsion du chef de l’Etat qui avait proposé un audit en Conseil des ministres, et l’implication du gouvernement, largement dominé par le FCC, qui avait recommandé une enquête judiciaire.
Reste qu’au sein de la communauté diplomatique, pourtant demandeuse d’efforts en termes de lutte contre la corruption, on s’interroge sur le timing de cette procédure – qui peut créer des tensions – en pleine crise de pandémie du coronavirus.
« Nous avions épinglé au moins plusieurs cas de manquements dans la gestion des finances publiques. Le directeur du cabinet du président de la République a été ordonnateur des dépenses dans le programme des 100 jours, il est le mieux placé à expliquer à la justice comment les choses se sont passées. »
La société civile se dit satisfaite, l’UDPS estime que c’est une affaire purement judiciaire
Prison de Makala: La question de la mise en liberté provisoire de Vital Kamerhe en suspens
RFI – 11.04.2020,
Vital Kamerhe saura ce samedi 11 avril s’il peut quitter la prison de Makala. Le directeur du cabinet du président Tshisekedi a été écroué jeudi, soupçonné par la justice congolaise de fautes graves de gestion et de détournements de fonds dans le cadre du « programme des 100 jours ». Le tribunal de Kinshasa – Matete va statuer ce samedi après-midi sur sa mise en liberté provisoire ou non en attendant d’éventuelles confrontations qui sont de moins en moins à l’ordre du jour.
Après l’arrestation de Vital Kamerhe, du côté de l’accusation comme de la défense, on assurait qu’il serait très vite confronté à ses contradicteurs. Mais finalement vendredi, le procureur a préféré poursuivre les auditions. Il a notamment entendu un responsable du secrétariat général de la santé sur une affaire d’achats de produits pharmaceutiques. Un des multiples dossiers sur lesquels le directeur de cabinet aura à répondre.
En attendant, il fallait régulariser sa détention. Une audience s’est tenu en prison. Son avocat Me John Kaboto, plaide pour une liberté provisoire. « Les indices de culpabilité qui pourrait peser sur sa personne ne sont pas établis. Il a fourni beaucoup de pièces très convaincantes et nous avons trouvé qu’il était bon qu’on lui accorde la liberté provisoire, pour que monsieur Kamerhe continue à coopérer et collaborer avec la justice. »
Pour cette audition supplémentaire, Vital Kamerhe a eu recours aux comptables susceptibles de prouver ses dires.
Quant aux confrontations, l’accusation se rétracte : elles ne devraient plus avoir lieu avant la semaine prochaine. Ce délai serait, de source judiciaire, pour recueillir de nouvelles dépositions et documents de nature à éclairer les agissements du directeur de cabinet du président.
Par ailleurs, le porte-parole de l’UDPS, Paul Tshilumbu, a été suspendu pour avoir commenté sans autorisation l’affaire Kamerhe. Selon le communiqué du parti présidentiel publié vendredi soir, l’instruction avait été donné à tous ses cadres de ne pas s’exprimer pour éviter, une « tendance malheureuse à la politisation ». Sur l’antenne de RFI vendredi, Paul Tshilumbu appelait à éviter de politiser ce dossier et à respecter la présomption d’innocence de Vital Kamerhe.
Dans ce contexte, la campagne « Le Congo n’est pas à vendre » interpelle les autorités politiques comme judiciaires. Elle rappelle que plusieurs autres scandales ont entaché, y compris ces derniers mois, l’Etat congolais. L’affaire des 128 millions de la Gécamines, des 15 millions des produits pétroliers pour ne citer que celles-là sous l’époque Tshisekedi. Mais pour ce collectif d’ONG congolaises et internationales, il faut aussi s’intéresser au passé, pour que les millions détournés sous le régime de Joseph Kabila soient restitués au trésor public.
La corruption depuis des années a coûté des milliards à la RDC. (…) Nous voulons que justice soit faite et que la lutte contre la corruption soit un objectif pour tout le monde.
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Dialogue, le samedi
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