Kinshasa : la ville cruelle ? (Tribune Libre de Jean Claude Bimwala)

Sans eau, sans électricité ni transport en commun, mais la criminalité et autres désagréments  en hausse constante,… Kinshasa donne chaque jour l’image d’une ville fantôme,  hostile et cruelle incapable d’offrir le minimum de confort qui puisse encore faire rêver un villageois, si pas un étranger.

L’eau courante et l’électricité domestique est désormais un lointain souvenir à Kinshasa, estime M’paka Louis, habitant de la commune de Kasavubu. La cinquantaine révolue, ce philosophe de formation très remonté contre la Société Nationale d’Electricité (SNEL) se promène, avec un volumineux manuscrit, dans  de son sac,  au titre évocateur et provocateur « Pourquoi la Snel n’aime pas le courant ? » Sonlivre, à paraitre, est une satire sociopolitique pour démontrer la faillite  d’une société (la SNEL) et l’Etat congolais incapables de manager les 100 gigawatt de potentiel hydro-électrique du pays pour produire une énergie électrique propre pouvant satisfaire en même temps la totalité des besoins internes et  ceux de toute l’Afrique voir une partie du Moyen Orient et de l’Europe Occidentale. Un vrai gâchis à son avis, car aujourd’hui juste 15% de la population est insuffisamment desservie, alors que la moyenne africaine est de 30%. L’ironie du sort est de voir certains pays du sahel comme le Sénégal (60% de couverture en électricité) se placer largement en tête du peloton africain en matière de desserte électrique.    

Si Kinshasa ploiesous l’obscurité, soit 20/24 communes totalement dans un profond trou noir depuis des longs mois, la situation à l’intérieur du pays est davantage catastrophique, selon le dernier rapport de l’Observatoire pour les Consommateurs du Congo Démocratique. Avec l’absence de l’électricité ce sont des dépenses de ménages (contraints de recourir aux  charbons et les bois de chauffe, comme source d’énergie) qui explosent sans compter des dommages évidents sur l’environnement.  Quelques rares privilégiés recourent aux panneaux solaires ou  aux générateurs électriques, mais la nuisance sonore à travers la ville est insupportable et l’insécurité est au rendez-vous, se plaint Louis M’paka pour qui la SNEL devait être traduite en justice. En un mois Kinshasa a enregistré des viols nocturnes dans les centres de santé et des incendies réguliers dont la cause est l’usage des bougies pour l’éclairage domestiques ou la défectuosité du réseau de distribution électrique.

Et comme si ce tableau ne suffisait pas, la Régideso (la société nationale de distribution d’eau),  joue aussi sa partition en occasionnant  chaque jour, aux petites heures du matin ou tard dans la nuit,  d’interminables caravanes des jeunes filles et mamans dans les rues  de Kinshasa à la recherche du précieux liquide. Des quartiers entiers ne sont plus desservis en eau de boisson pour une capitale traversée par le plus puissant fleuve d’Afrique et dont le pays est la plus grande réserve d’eau douce d’Afrique et le deuxième du monde. Quel paradoxe, s’indigne le philosophe pantois qui estime que le pays qui est en état de faillite doit livrer ses dirigeants à la vindicte populaire ou à la justice. Les responsables de la Régideso ne se gênent d’attribuer e forfait par manque d’électricité pour faire fonctionner ses usines. Le business d’eau à travers les forages commerciaux est devenu prospère à Kinshasa  

Entre temps dans les rues de Kinshasa, c’est le chao généralisé. Ya pas des routes pour circuler et les sauts des moutons (prévus pour être construits en 6 mois) mais  toujours en construction deux ans après en ajoutent un peu plus à la confusion. En début tout comme à la fin des journées, des rues sont envahies par d’énormes colonnes de piétons pour rejoindre ou quitter les grands centres d’intérêt (le centre-ville, les marches, les écoles et les universités).   

A quoi sert-il réellement de vivre encore en ville si l’eau, l’électricité, le transport ne sont même plus un service public assurés, s’interroge le philosophe qui veut exprimer son ras le bol à travers une publication au titre évocateur :   « Pourquoi la Snel n’aime pas le courant ? »  

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