Conjoncture économique en février 2007 : réussir à tout prix les mesures de redressement macroéconomique

Ces déficits sont dus essentiellement et selon plusieurs sources aux événements politiques que le pays venait de connaître (organisation des élections présidentielles, législatives,…) et ayant occasionné l’expansion des dépenses publiques qui, du reste, étaient nécessaires. Loin d’inverser la tendance, le comportement dans la gestion des finances publiques reste le même, en ce sens qu’on enregistre au cours du mois de janvier un déficit de l’ordre de 14.034,5 millions de francs congolais et au cours de la première quinzaine du mois de février, celui-ci s’évalue à 12.068,6 millions de francs congolais. Ce qui donne en termes cumulés un déficit de 26.107,1 millions de francs congolais en quarante jours. Cette situation de surconsommation des ressources publiques ne pourrait s’interpréter que sous l’hypothèse d’un paiement des indemnités de sortie pour l’ancienne équipe gouvernementale.

Par ailleurs, l’année 2007 sera la troisième année consécutive de contre-performances macroéconomiques observées par rapport aux années 2001 à 2003. Celles-ci révèlent au grand jour les incohérences de politique macroéconomique menée et paradoxalement cache toutefois de profondes différences dans la conduite de politique monétaire et budgétaire. Nous voulons donc mettre en évidence les bons et les mauvais côtés de politique macroéconomique mise en place pour se faire une idée de l’évolution future de la conjoncture de notre économie. C’est un exercice très utile parce que l’économie congolaise est tiraillée par des tendances contradictoires.

LE MAUVAIS COMPORTEMENT DE LA CONJONCTURE

Pour rappel, au cours de l’année 2003, le taux de change indicatif s’était situé à 372,52 Fc le dollar Us contre 382,14 Fc à fin décembre 2002, soit 2,6% d’appréciation. De même, à fin 2005, le billet vert américain s’est échangé à 431,28 Fc contre 444,83 Fc une année plus tôt (2004) traduisant une appréciation de 3,1%. Cependant, à fin 2001, 2002, 2004, 2005 et 2006 les comportements de la devise congolaise ont été contrastés. A fin décembre 2006 par exemple, le franc congolais, s’est déprécié de 14,3% légèrement inférieure de deux points de pourcentage à celle enregistrée à fin 2005, soit 16,3%.

La dérive du franc congolais se poursuit : 6,80% de dépréciation à fin janvier 2007 et 1,76% au cours de la première quinzaine de février, ainsi que l’inflation 1,65% à fin janvier et 2,90% au cours de la période correspondante, selon l’indice de la banque centrale du Congo. L’augmentation de prix sur les marchés des biens et services s’est clôturée à fin janvier avec 1,65% d’inflation, soit un taux d’inflation annualisé de 23,67% et 23,69% au cours de trois premières semaines du mois en cours. Ce couple dépréciation monétaire et inflation s’explique par un changement observé dans la conduite de la politique budgétaire, changement ayant conduit à la résurgence des déficits alors que la politique monétaire s’est comportée correctement.

On observe au cours de quarante cinq premiers jours de cette nouvelle année une accélération des émissions monétaires. Au 09 février 2007, le cumul des émissions monétaires nettes (déduites des billets détruits) se sont situées à 201.081 millions de francs contre 192.932,2 millions à fin décembre 2006, soit un flux additionnel de 8.150 millions de francs entraînant une augmentation de 4,22%. En outre, on remarque d’une part, une accélération de la masse monétaire de 277.111,5 millions à fin 2005 à 447.357,7 millions à fin décembre 2006, et d’autre part, une augmentation du crédit à l’Etat de 127,27%, soit de 20.232,3 à 45.981,2 millions entre décembre 2005 et 2006. Simple coïncidence ou relation de cause à effet? Si le déficit du secteur public s’est situé à plus de 53 milliards à fin décembre 2006 et que celui des finances publiques se soit clôturé au 15 février à 26.107,1 millions, la répétition des déficits à fin décembre et au début de l’année en cours couplée à l’accélération des émissions laisse penser que les dernières ont contribué à financer les premiers. L’analyse de la conjoncture au cours de ces mois indique que les mois qui ont enregistré les forts déficits du trésor public sont également ceux au cours des quels le franc congolais a connu de fortes dépréciations et l’accélération de l’inflation.

Il ressort donc de ces données que les déficits causés par les excédents des dépenses courantes par rapport aux recettes courantes n’ont été financés que par le recours à l’emprunt auprès de l’institut d’émission, d’autant plus que depuis la suspension du programme économique du gouvernement celui-ci n’a pu bénéficier ni des appuis budgétaires ni des appuis à la balance des paiements. Ce qui suppose que le pays ne pourrait que se rabattre sur le peu qui lui restait.

LES MESURES DE REDRESSEMENT

Les nouvelles autorités qui entrent en fonction héritent d’une situation macroéconomique désastreuse avec non seulement une expansion démesurée de l’offre de monnaie mais également de forts déficits du secteur public ayant occasionné de fortes pressions sur les prix intérieurs et le taux de change. Cette classe doit s’efforcer de mettre en place de politiques macroéconomiques plus cohérentes soutenues – nous l’espérons par la communauté financière internationale – dans le cadre d’un nouveau programme. Pour cela, elles doivent éviter de poursuivre des politiques qui enfonceraient la dérive de la monnaie nationale et qui ont une incidence sur l’inflation qui n’est rien d’autre qu’une taxe occulte que l’autorité imposerait à tout détenteur du franc congolais. Eviter à tout prix tout laxisme dans la gestion budgétaire qui a le plus souvent entraîné le laxisme monétaire. Les nouvelles autorités doivent à tout prix mettre en place des mesures de redressement visant à stopper l’hémorragie constatée dans la conduite et des finances et de la monnaie.

Pourtant, il faudra réussir ces mesures de redressement que le gouvernement et la banque centrale accepteront d’envisager s’ils veulent jouir encore une fois de la confiance des Congolais qui sont prêts à accepter une nouvelle cure dans le cadre d’un nouveau programme test. Mais également, si elles veulent bénéficier de la confiance de la communauté internationale qui n’a plus que jamais cessé de s’investir dans la résolution des problèmes congolais.

PERSPECTIVES

Les perspectives en matière d’inflation et du taux de change restent très sombres pour cette année qui se veut « une année test » pour les nouvelles autorités d’autant plus que le taux d’inflation annualisé s’établit déjà à 23,69% au 15 février 2007, un taux largement supérieur à celui projeté à fin décembre 2007, soit 9,2%. Ceci revient à dire que si cette tendance se consolide, le taux d’inflation à fin décembre 2007 serait de 23,69%. Or, les autorités monétaires se sont fixées comme objectif de ramener ce taux à 9,2% d’ici fin décembre 2007. Ceci revient à dire qu’il leur faudra pour l’autorité monétaire de mener une politique monétaire prudente comme celle qu’elle a eu à mener au cours du second semestre 2006.

Quant à l’autorité budgétaire, il lui faudra envisager une politique budgétaire restrictive ayant pour sousbassement l’observation stricte des institutions budgétaires établies, tout en privilégiant le respect de la procédure budgétaire. Rejeter d’une part, tout paiement de la dépense hors de la chaîne, et d’autre part, toutes les autres dépenses non urgentes ou superflues du gouvernement au cours de cette année nouvelle Car, avec la suppression des appuis budgétaires et à la balance des paiements, le pays ne pouvait que se débattre avec le peu qui lui restait.

CRISPIN MALINGUMU SYOSYO ASSISTANT UNIKIN ET ENAP

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