25/12/2005 Commerce mondial (La Conscience /La Libre Belgique, 15 /12 /2005)

Dès le départ, le commerce mondial apparaît dénué de tout sens moral. Le démarrage économique du Nouveau Monde s'effectue avec des esclaves africains. Les Européens les vendent aux colons ou les échangeent contre des produits locaux (café, coton,…) Ces produits sont ensuite revendus avec un gros bénéfice en Europe.

La deuxième vague de colonisation est tout aussi infect. La révolution industrielle en Europe et aux Etats-Unis incitent les pays riches à trouver de nouvelles sources d'approvisionnement en matière première, à trouver de nouveaux marchés pour vendre leurs produits, à trouver de nouvelles terres où pourra aller vivre une partie de la population. Il est aussi question de prestige et de pouvoir diplomatique.

Bref, tout cela fait que les pays riches du nord colonisent Afrique, Amérique et Asie. Motif souvent évoqué : civiliser les populations barbares. Dans les faits, il s'agit ni plus ni moins que d 'un pillage organisé. L'"homme Blanc" débarque. Il contraint le paysan à ne plus produire pour vivre mais à produire des biens que l'"homme Blanc" pourra revendre chez lui. Il demande aussi au paysan de construire des chemins de fer pour acheminer les produits vers les ports. Pour finir, il lui demande d'acheter ses produits européens. L'Europe procèdera ainsi en toute impunité pendant des siècles. L'Empire britannique est tout puissant. La Belgique devient l'un des pays les plus riches au monde grâce au Congo.

Le pillage direct cessera peu de temps après la seconde guerre mondiale qui a affaibli l'Europe. Dans les années 50-60, la plupart des pays du Sud obtiennent leur indépendance…  

La plupart des pays du Sud se sont libérés de la colonisation dans les années 50 et 60. Si la colonisation avait apporté à certains pays comme l'Inde, des infrastructures (chemins de fer,…) indispensables au développement, elle n'aura été pour tous ces pays qu'un gigantesque pillage sans la moindre contrepartie de développement. Lorsque les colonisateurs européens sont partis, de nombreux pays ont basculé dans la dictature. Aujourd'hui encore, rare sont les pays en voie de développement qui soient démocratiques. En ce qui concerne le développement économique, les pays du Sud se sont inspirés, avec plus ou moins de succès selon le pays, de trois modèles en fonction de leur affinité avec l'un ou l'autre blocs (communiste ou capitaliste), l'importance de la population ou encore l'air du temps.

1. L'industrialisation par substitution aux importations (ISI). Cette stratégie vise à limiter les importations de produits de consommation et à favoriser la production locale de ces mêmes produits. Pour cela, l'Etat joue un rôle important : il établit des protections douanières dans le secteur des biens de consommation mais instaure des droits de douane faibles sur les biens d'équipement afin d'encourager l'investissement, il mène éventuellement une politique de monnaie faible afin de limiter des importations et encourage les industries nouvelles par des subventions ou des prêts bonifiés. Cette stratégie fonctionne lorsque le pays compte une population suffisamment importante pour consommer les produits locaux. Il a toutefois été très vite jugé peu efficace et remplacé par d'autres stratégies dans les années 60. Raisons de l'échec : une production trop tournée vers l'intérieur qui ne rapporte pas assez. Conséquence : les entreprises se tournent vers l'Etat dont le déficit gonfle. Autre raison : le pouvoir d'achat trop bas de la population. La réussite au début de cette stratégie de production local a attiré de nombreux paysans vers les villes. La quantité de main d'œuvre disponible augmentant, les salaires ont baissé.

2. La stratégie de l' « industrie industrialisante » a été appliquée dans les pays staliniens ou sympathisants. Elle consiste à investir massivement au départ dans une industrie lourde (pétrole, chimie,…) et des infrastructures (voies de communication,…). Une fois tout cela mis en place, les dirigeants tablaient sur un entraînement de toute l'économie qui allait profiter des infrastructures et de cette industrie. Cette stratégie n'a pas non plus été la plus adéquate du fait du côté souvent surdimensionné des projets, du manque de formation de la main d'œuvre.

3. L'industrialisation par promotion des exportations (IPE). Cette stratégie a réussi dans le cas des pays de nombreux pays d'Asie comme la Corée, la Chine et aujourd'hui la plupart des autres pays d'Asi du Sud-Est sur la voie du développement (Thaïlande, Vietnam,…). La méthode fonctionne à l'inverse de la méthode précédente : il s'agit de développer des productions de biens de consommation simples (textiles, composants électroniques par exemple) qui demandent peu d'investissements et profitent d'une main d'œuvre bon marché. Cette main d'oeuvre a un avantage comparatif énorme par rapport à la main d'œuvre des pays occidentaux qui coûtent cher du fait notamment des protections sociales. Ensuite, au fur et à mesure du développement, on passe à des biens intermédiaires puis à des biens d'équipements. Tout ces produits sont avant tout destinés à l'exportation puis au marché intérieur. En parallèle à l'accomplissement de cette stratégie, les pays d'Asie du Sud-Est étaient soutenus par les pays occidentaux en raison de leur position géostratégique. Aujourd'hui, la Corée du Sud, par exemple, est devenue un pays riche et prospère (le pays a même le taux de connexion haut débit le plus élevé de la planète).

Le problème de la dette ou comment les ancienne colonies continuent à se faire piller…

Prenons un exemple, celui du Mexique. Ce pays a la chance d'avoir du pétrole dans son sol. Une chance qui s'est transformée en super-chance avec les crises pétrolières successives de 1973 et 1979. Les caisses de l'Etat se sont remplies de pétro-dollars. Faisant comme si les réserves étaient inépuisables et que les prix resteraient haut, le Mexique empruntait massivement auprès des banques privées étrangères. Survint alors le contre-choc pétrolier en 1984. Les prix chutèrent. Très vite, le Mexique se déclara incapable de rembourser sa dette. D'autres pays suivirent.

Les traitements chocs du FMI

Une aide fut demandée au FMI et à la Banque mondiale. Ces organismes conditionnèrent leurs aides à une série de mesures que devaient appliquer les pays étranglés. On parlera de « plans d'ajustement structurels ». Par ces plans, les pays riches vont imposer aux pays du Sud une stratégie très néo-libérale. Ces plans ont pour objectif de contraindre les pays à dégager des liquidités pour pouvoir rembourser leurs dettes. Toute la politique du pays doit aller dans ce sens, il n'est dès lors plus question de développement. Pour que ces pays obtiennent du cash, le FMI les contraint à vendre leurs entreprises publics (souvent racheter par des entreprises étrangères), à baisser les salaires des fonctionnaires, à supprimer les subventions aux produits de première nécessité,… Deuxième orientation pour gagner du cash : augmenter l'excédent commercial en concentrant l'économie sur l'exportation et en baissant les importations. Conséquence : de nombreux pays d'Afrique se spécialisent dans un ou deux produits (café, cacao, coton,…). Les quantités sur les marchés deviennent trop importantes ce qui fait baisser les prix… Bref, toutes ces mesures ne sont évidemment pas pour favoriser le développement d'une société, au contraire.

Une dette gigantesque

Tous ces plans se sont avérer inutiles et n'ont permis aucun développement. Malgré ces plans, les dettes n'ont pas été remboursées, au contraire, elles ont augmenté. La décolonisation n'a rien changé, le pillage révoltant se poursuit. En 2002, selon Eric Toussaint du CADTM (comité pour l'annulation de la dette du Tiers-Monde), les montants remboursés étaient impressionnants : selon la Banque mondiale, entre 1980 et 2001, les PED ont remboursé 4500 Mds $ tandis que leur dette externe totale était multipliée par quatre (600 Mds $ en 1980, 2500 Mds $ en 2001). En 2002, Comme le Plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe après la 2e guerre mondiale est estimé à 75 Mds $ de 2002, depuis 1980, ce sont 60 plans Marshall que les pays en voie de développement endettés ont remboursé à leurs créanciers ! En 2002 – Plus finement, il convient de calculer le transfert net sur la dette en calculant la différence entre les montants qu'ils ont remboursés et les nouveaux prêts qui leur ont été octroyés. Entre 1983 et 2001, les PED ont remboursé 368 Mds $ de plus que ce qu'ils ont reçu, ce qui représente un transfert net négatif au bénéfice des créanciers. L'ampleur de ces transferts s'est fortement accrue à partir de la crise mexicaine de 1994-1995.

Cette année 2005, toutefois, les pays riches ont annulé la dette de plusieurs pays pauvres.

Source – Rapport Pnud 2005

Agriculture

D'après une estimation, les consommateurs et les gouvernements des pays riches paient 350 milliards de dollars par an pour soutenir l'agriculture. C'est assez pour offrir aux 41 millions de vaches laitières de ces pays un voyage autour du monde en avion en première classe !

La croissance des exportations dans les pays en voie de développement devance désormais celle des pays industrialisés, ceci dans tous les domaines technologiques-mais de manière encore plus spectaculaire dans le secteur de la haute technologie. Seul le secteur de l'agriculture, un domaine dans lequel les pays en voie de développement sont nettement plus avantagés, n'a pas vu les pays industriels perdre de parts de marché-témoignant ainsi du pouvoir des politiques protectionnistes et des subventions agricoles.

Plus de deux tiers de la population survivant avec moins d'un dollar par jour, vit et travaille dans des régions rurales comme petits propriétaires fermiers ou ouvriers agricoles. Les pratiques commerciales abusives des pays industriels dégradent les conditions de vie de ces personnes de manière systématique.

Le problème principal que posent les négociations du cycle de Doha se résume en quelques mots : les subventions des pays riches. Suite à leur promesse de réduction des allocations agricoles au cours de la dernière partie des négociations consacrées au commerce mondial -le cycle d'Uruguay- les pays les plus riches ont augmenté le niveau d'ensemble des subventions attribuées aux producteurs ! Conduit par les toutes-puissances agricoles mondiales que sont, en termes de subventions, l'Union Européenne et les États-Unis, le soutien procuré par les pays développés aux producteurs agricoles s'élève à 350 milliards de dollars par an. Les pays riches dépensent un peu plus d'un milliard de dollars par an destinés au développement agricole des pays en voie de développement, et un peu moins d'un milliard de dollars par jour destinés au développement de leurs propres systèmes agricoles.

Les pays les plus pauvres (Afrique subsaharienne) mais aussi les pays émergents, et leur porte-parole le Brésil, réclament la fin ou tout au moins une forte diminution des subsides agricoles et des barrières tarifaires. Ils font de ce point une condition sine qua non à toutes autres négociations. L'Europe, tenue à la bride par la France, refusait à quelques heures de l'ouverture du sommet toutes nouvelles concessions sur les subsides. La France estime que des efforts importants ont déjà été accomplis lors de la réforme de la PAC adoptée en 2003.

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